Concerts… ajout bienvenu [@mail en bas], si musique > 80% après 1941, pays Francophone, même format de données, avec lien-concert, '*' si création et '0€' si gratuit, max. 180 caractères +++
2024-12-15 - Di (15.00) | Abesses_Théâtre | Multilatérale_ensemble | Posadas (Ianus), Sciarrino (Venere ), Combier (Cordelia des Nuées, Strands*) - …+++
2024-12-10 - Ma (20.00) | Paris_Philharmonie | Intercontemporain_ensemble_Next_ensemble | Varèse (Ionisation, Densité 21, Offrandes, Octandre, Intégrales, Arcana, Amériques) - …+++
2024-12-04 - Me (20.00) | Paris_ChampsElysées | Ensemble_LesSiècles_Chœur_Unikanti | Poulenc (Dialogues des Carmélites, opéra, reprise Pi) - …+++
2024-11-25 - Lu (20.00) | Paris_Philharmonie | Modern_ensemble | Goebbels (A House of Call) - …+++
2024-11-21 - Je (20.00) | Paris_Philharmonie | Intercontemporain_ensemble | Grisey (Nout), Saariaho (Oi Kuu, 7 Papillons), Salonen (Meeting), Murail (Lettre Vincent) - …+++
Abrahamsen | Adams | Adès | Amy | Andre | Aperghis | Babbitt | Barber | Barraqué | Bayle | Bedrossian | Benjamin | Berio | Bernstein | Bertrand | Birtwistle | Boesmans | Boucourechliev | Boulez | Britten | Cage | Campana | Carter | Cavanna | Cerha | Chostakovitch | Chowning | Connesson | Copland | Crumb | Dalbavie | Dallapiccola | Dao | Denisov | Dillon | Donatoni | Dufourt | Durieux | Dusapin | Dutilleux | Eloy | Eötvös | Escaich | Fedele | Feldman | Fénelon | Ferneyhough | Ferrari | Filidei | Ginastera | Glass | Goeyvaerts | Górecki | Greif | Grisey | Haas | Harvey | Henry | Henze | Holliger | Huber | Hurel | Ingólfsson | Jolas | Jolivet | Kagel | Khatchatourian | Kurtag | Lachenmann | Levinas | Ligeti | Lindberg | Lutoslawski | Machover | Maderna | Manoury | Mantovani | Maratka | Maresz | Martin | Messiaen | Monnet | Murail | Nancarrow | Nono | Nunes | Ohana | Pablo | Pärt | Parmégiani | Partch | Pécou | Penderecki | Pesson | Poppe | Posadas | Poulenc | Pousseur | Radulescu | Reich | Rihm | Riley | Risset | Robin | Romitelli | Saariaho | Saunders | Scelsi | Schaeffer | Schnittke | Schoeller | Sciarrino | Stockhausen | Stravinsky | Stroppa | Takemitsu | Tanguy | Tippett | Ullmann | Ustvolskaya | Varèse | Vivier | Wessel | Xenakis | Young | Zimmermann |
Les biographies suivantes permettent une première approche des compositeurs et de leurs styles, et, grâce à leur caractère synthétique et à leur présentation dans un tableau synoptique, elles peuvent surtout être comparées les unes aux autres, après les avoir classées ou non, par année de naissance, année de mort, âge actuel, ou par nationalité, par style, voire pour l'anecdote, par le prénom !
Les liens ci-dessus par nom permettent aussi un accès direct à un compositeur (il est également possible d'avoir une vue complète d'un seul compositeur dans les pages INDIVIDUELLES, comprenant en plus l'analyse des pièces sélectionnées).
Le tableau contient 6 colonnes et peut être trié selon leur titre (merci de lire les explications en page INTRO).
COMPOSITEUR | NAISS. | ÂGE/MORT | SYNTHÈSE BIOGRAPHIQUE | STYLE MUSICAL | PAYS |
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Abrahamsen | 1952 | 72 ans | Hans Abrahamsen [1952, Danemark (Lyngby, à une dizaine de km au Nord de Copenhague) - ] (prononcer «abraamssenn») est issu de l'éducation Scandinave typique ; il étudie la musique, puis la théorie musicale et la composition à la Royal Danish Academy of Music de Copenhague et à l'Académie du Jutland à Aarhus, avec son compatriote de la génération précédente, Per Nørgard ; en 1982, il est nommé professeur d'instrumentation et, en 1995, de composition à l'Académie Royale de Musique du Danemark (jusqu'à la retraite), et depuis 1988, il est directeur artistique de l'ensemble Esbjerg (sans imposer les programmes)... Première œuvre significative : "October" (1969, révisé 1976, pour la main gauche du piano, démembré, esquisse de "Left alone") ; le personnage est farouche, timide, ne se mettant pas en avant, mais vite extraverti et convivial. Instrument pratiqué : cor Français. | Progressiste-National (tendance polyrythmique) ; Hans Abrahamsen est un compositeur à la notoriété établie tardivement, en France, mais aujourd'hui incontournable ; il a acquis le succès public par un mélange d'accessibilité (compositions simples, mais pas simplistes, plutôt naïves en apparence), d'inventivité (surprenante, pupitres en apesanteur, effets d'ascenseurs rythmiques), de transparence (limpidité) et de progressisme tempéré (jeu de dissonances modéré), mais souvent atonale ; sa musique est énigmatique, transparente, délibérément économe et sans éclats, sans sur-dramatisme, sans exubérance, souvent mélodique ; il a suivi, peut-être naïvement, un temps l'esthétique de la «Nouvelle Simplicité» (plutôt un manifeste anti-complexité), initiée par Wolfgang Rihm et Manfred Trojahn, puis après un mutisme compositionnel de plusieurs années (quasi 10 ans, 1990-1998), il s'est rapproché de György Ligeti (notamment pour les arythmies complexes), même si au total il compose peu et lentement ; il y a une part indéniable de néo-romantisme mélodique (et chorégraphique) dans ses pièces les plus populaires, mais sans facilité, ni convenu et la nature non-descriptive (hiver, nuit, neige, forêt, comme dans l'imaginaire Germanique) joue un rôle important dans son inspiration ; il aime écrire des arrangements savants (transcription, orchestration) de pièces de compositeurs passés comme Debussy, Satie, ou Bach... Pièces emblématiques (sur un catalogue limité, exigeant, autour de 40 oeuvres, hors transcriptions d'autres et de lui-même) : "10 Préludes" (1973, quatuor n°1, en 10 mouvements, innovant), "Walden" (1978, quintette énigmatique), "Winternacht" (1978, révisé 1987, pour ensemble), "Nacht und Trompeten" (1981, pour orchestre), "Märchenbilder" (1984, pour ensemble, structurés), Concerto pour piano (2000, en clair-obscur), "Schnee" (2008, 10 Canons hivernaux, pour 9 instruments, Bachiques et magiques), Quatuor n°4 (2012, dansant), "Let me Tell You" pour soprano et orchestre (2013, amalgame Shakespearien divin), "Left alone [Laissé seul, abandonné]" (2016, pour piano main gauche et orchestre, vertigineux), "Snedronningen" [The Snow Queen] (2019, 1er opéra, envoûtant). | Danemark |
Adams | 1947 | 77 ans | John Adams [1947, USA (Worcester, Massachusetts) - ] (prononcer «adamms», nom civil complet : John Coolidge Adams) est issu de la formation musicale de Harvard, mais son initiation est due à son père, avec qui il étudie la clarinette et il joue dans des fanfares locales (leurs sonorités exubérantes et le rythme puissant et métronomique de la marche l'ont profondément influencé, comme Charles Ives) ; dès 1978, il part en Californie enseigner au Conservatoire de Musique de San Francisco (jusqu'en 1985) ; John Adams est le premier compositeur significatif à avoir écrit des livrets d'opéra ou des textes chantés en rapport avec l'actualité journalistique immédiate ("Nixon" : la première visite d'un Président Américain en Chine, avec entrevue avec Mao ; "Klinghoffer" : l'histoire des otages de l'Achille Lauro ; "On the Transmigration of Souls" : en hommage aux victimes du New York WTC, le 11 septembre 2001) ; pour l'anecdote, son nom est très commun aux USA (par exemple, c'est aussi le nom de 2 Présidents, historiquement le second Président (1735-1826), un des pères fondateurs de la jeune République, et le 6ème, son fils, John Quincy Adams, et c'est aussi le nom d'un autre compositeur Américain contemporain, John Luther Adams, qui a gagné le Prix Pulitzer de musique en 2014… peut-être une raison de l'utilisation fréquente du 2ème prénom Coolidge pour le compositeur minimaliste). Site Internet personnel (en Anglais) : www.earbox.com... Première œuvre significative : "China Gates" (piano, 1977). Instrument pratiqué : clarinette, orchestre (chef). | Progressiste-Minimaliste (tendance Pop). John Adams est un compositeur renommé de la fin du 20ème siècle ; dans sa première période, il écrit de la musique minimaliste comme Steve Reich, Philip Glass et Terry Riley, puis développe son propre langage avec un haut degré d'inventivité apportée à l'écriture, en restant dans la tonalité (séduction sonore, accès facile), et avec de longues progressions dramatiques en arche (bien au-delà du minimalisme) ; malheureusement, avec le temps (à partir de 1995) son inspiration-inventivité musicale s'est un peu tarie (assagie), tout en évoluant vers la facilité Pop (notamment dans ses "Songs" et ses pièces "Synthé") ; plus récemment, il s'est tourné vers une polyphonie continue (fusionnelle, presque contemplative) tout en conservant un minimalisme motoriste, mais atténué et décevant pour certains... Pièces emblématiques : "Phrygian Gates [Portes de Phrygie]" (1978, piano), "Shaker Loops" (1978, pour septuor de cordes, qui utilisent de brèves cellules répétitives), "Harmonium" (1980, pour chœur et orchestre), "Grand Pianola Music" (1982, pour orchestre à vent), "Harmonielehre" (1985, pour orchestre, jubilatoire), "A short Ride in a Fast Machine" (1986, pour orchestre, 5 minutes de musique hallucinée et hilarante), "Fearful Symmetries" (1988, pour ensemble, non écouté en concert), "Chamber Symphony" (1993, pour ensemble, un brillant exercice), Concerto pour Violon (1993, traditionnel), "Hoodoo Zephyr" (1993, pour synthétiseur), "Naive and Sentimental Music" (1999, pour orchestre, aux mélodies complexes, non écouté en concert), et les opéras "Nixon in China" (1987, pour un des premiers livrets politico-médiatiques, avec, extraites, "Chairman dances"), "The Death of Klinghoffer" (1991), puis "El Niño, a Nativity Oratorio" (2000, non écouté en concert), "Doctor Atomic" (2005, non écouté en concert), "A Flowering Tree" (2006, non écouté en concert)... toute sa musique est facile d'accès, séduisante et bien écrite, pas toujours essentielle ou inoubliable. | USA |
Adès | 1971 | 53 ans | Thomas Adès [1971, Angleterre (Londres) - ] (prononcer «adess») étudie le piano et la composition à la Guildhall School of Music de Londres et poursuit ensuite ses études musicales au King's College de Cambridge, où il est reçu lauréat en 1992 ; il s'est engagé dans une carrière de chef d'orchestre et comme directeur artistique du festival d'Aldeburgh (créé par Britten pour l'opéra), depuis 1999 ; l'homme est incontestablement passionné (intérieurement : son visage anguleux est incroyablement mobile, en jouant), inventif avec une dose de provocation (sa mère est une experte du surréalisme) et aussi d'humour. Site Internet : www.thomasades.com/ (en Anglais)... Premières œuvres significatives : "Five Eliot Landscapes" opus 1 pour soprano et piano (1990, un rêve coloré, avec un passage caquetant ludique) et "Chamber Symphony" opus 2 pour ensemble de 15 instrumentistes (1990, de style jazzy). Instrument pratiqué : piano (concertiste), timbales (et autres percussions). | Progressiste-Synthétique. Thomas Adès est un compositeur établi (original, touche-à-tout en terme de genres, et prolifique), de la nouvelle génération sans complexe (retour assumé à la tonalité, emprunts de styles passés, large accessibilité) : pour le positionner, le terme de musique de film contemporaine, sans connotation péjorative, est évoqué, mais c'est inexact : il faudrait plutôt parler de compositeur caméléon pour ses sources historiques, et homogène pour ses outils stylistiques ; sa musique (typiquement Anglaise : sans ossature ou logique apparente) est savante, sur-expressive, plutôt éclatée, mariant souvent des pupitres par blocs alternés, avec des procédés d'écriture actuels (avec batterie Rock et instruments «préparés», mais pas d'électronique) qui permettent un enrichissement de la palette instrumentale et sonore (par juxtaposition des sons très opposés, paradoxaux), elle emprunte au jazz, aux rythmes Pop, à Stravinsky et à ses compatriotes (de Dowland à Tippett), voire à Brahms, Weill ou Rachmaninov, elle associe des contraires comme la fantaisie et la nostalgie, la rêverie et la violence, l'éclat et le mystère ; son langage, après des débuts plutôt ambitieux et originaux, évolue vers le post-modernisme (néo-romantique), mais sans sacrifier sa singularité ; depuis les années 2010, il a pris un franc virage post-moderne (une recette associant la première mpitié du 20ème siècle à des rythmes actuels), confortant ainsi les oreilles des mélomanes du répertoire (d'où franc succès)… Pièces emblématiques : "Living Toys [Jouets vivants]" (1994, pour ensemble, exercice brillant), "Arcadiana" (1994, pour quatuor à cordes, incisif), "Powder Her Face [Poudrer son Visage]" (1995, opéra de chambre, une critique de l'aristocratie, controversée, surtout en raison d'une scène de fellation provocatrice), "Traced overhead [Tracé généraux]" (1996, pour piano solo, fluide et réverbérante), "Asyla" (1997, pour grand orchestre, en blocs intriqués), "Concerto conciso" (pour piano et 10 musiciens, 1997), "America... a Prophecy [Amérique, une Prophétie]" (1999, pour mezzo-soprano, chœurs et grand orchestre, d'une grande émotion retenue), "The Tempest [La Tempête]" (opéra d'après Shakespeare, 2004, non écouté), Quatuor à Cordes "The Four Quarters [Les 4 Trimestres]" (2011, alangui et allusif, assez post-moderne), "Polaris" (2011, pour orchestre, rêveur). | Angleterre |
Amy | 1936 | 88 ans | Gilbert Amy [1936, France (Paris) - ] est un élève brillant (premier prix au Concours général de Philosophie) avant de s'orienter vers la Musique au Conservatoire de Paris, et, un personnage modeste, réservé, fin, avec une grande gentillesse (teintée d'impatience) et de grandes capacités d'écoute, d'ouverture d'esprit, et de disponibilité (son père est Anglais, sa mère Française) ; à la fin des années 50, la rencontre et l'amitié avec Pierre Boulez qui lui commande "Mouvements" (1958) sont cruciales : en 1963, il commence une carrière de chef d'orchestre, en 1967, il lui succède à la direction du Domaine musical, et ce jusqu'à 1974, année de dissolution ; ensuite, il dirige de nombreux orchestres internationaux (fonde le «Philar» à Paris), enseigne à Yale et termine sa carrière comme directeur du Conservatoire de Lyon (1984-2000) ; amateur de peinture et collectionneur de tableaux. Site Internet : www.gilbertamy.com... Première œuvre significative : Sonate pour piano (1960). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Postsériel. Gilbert Amy est un compositeur sérieux, équilibré et clair ; le qualifier de Français classique est un compliment, en insistant sur son art limpide de l'orchestration, avec des moyens orchestraux limités, la recherche de nouvelles instrumentations orchestrales (expérience de chef) et un goût pour la forme (maîtrisée) ; son esthétique est plutôt intimiste (il est plus à l'aise dans la confidence), douce avec des contrastes réels, mais arrondis ; sa musique est librement sérielle, au style plutôt expressionniste, souvent lyrique et incantatoire, avec temporairement, une dose d'aléatoire, ou de spatialité ; plus récemment, ses pièces ont versé dans le plus accessible, avec parfois moins de bonheur ; son catalogue, limité et de qualité homogène, couvre toutes les formations instrumentales (à la différence de Boulez, il a abordé l'opéra et davantage le grand orchestre), mais tardivement le quatuor à cordes (avec bonheur)… Pièces emblématiques : "Antiphonies" (1963), "Strophe" (1965, pour soprano et orchestre), "Chant" (1967, pour grand orchestre), "Trajectoires" (1968, œuvre ouverte pour violon et orchestre, avec quarts de tons), "D'un Espace déployé" (1973, pour soprano, 2 pianos et 2 ensembles, spatialisé avant-arrière), "Une Saison en Enfer" (1981, pour soprano, piano, percussion et bande), "Missa cum Jubilo" (1983, pour quatuor vocal, chœur et orchestre, non écoutée en concert), "Obliques I, II, III" (1987-1990, pour piano), "Orchestrahl" (1989, pour orchestre, aux couleurs rutilantes), "Premier Cercle" (opéra, 1999, sur un texte de Soljenitsyne, d'un dramatisme poignant, cruellement manquant en vidéo), Concerto pour violoncelle (2000, lyrique et accessible), Quatuor à cordes n°3 (2010). | France |
Andre | 1964 | 60 ans | Mark Andre [1964, France (Paris) - ] (prononcer «andré») est un pur produit de la formation Française (Conservatoire de Paris, études avec Gérard Grisey), avec une parenthèse Allemande d'influence fondamentale (Stuttgart, Lachenmann, 3 ans), jusqu'en 1996 : conceptualisation de l'œuvre, silences, déstructuration ; parallèlement, il passe une thèse de musicologie au Centre d'Études Supérieures de la Renaissance à Tours, intitulée «le Compassible de l'Ars Subtilior», s'initie à la musique électronique avec André Richard à la Heinrich-Strobel-Stiftung des SWR, à Freiburg, et suit des master-classes de Brian Ferneyhough à la Fondation Royaumont ; de 1999 à 2001, il est affilié à la Villa Médicis (hors les murs), depuis 1997, il enseigne le contrepoint et l'orchestration au Conservatoire de Région de Strasbourg et à la Musikhochschule de Frankfort, puis à la Hochschule für Musik de Dresde, et depuis 2005, il est en résidence à Berlin (programme DAAD) et il y habite ; le personnage est d'un caractère instable, mais rationnel, d'une grande clarté intellectuelle, avec en même temps une sensibilité à fleur de peau, presque fragile ; une part de sa démarche est d'essence spirituelle (d'obédience Luthérienne). Note : le compositeur a modifié plusieurs fois l'orthographe de ses noms et prénoms, depuis Marc André (totalement Francisé), jusqu'à Mark Andre (totalement Germanisé), en passant par Mark André, pour marquer son attachement à son ascendance Alsacienne (un grand-père orthographié «Andres»)... Première œuvre significative : "Mise en Abîme I et II" (1991-1992, pour ensemble). Instrument pratiqué : (?), chef d'orchestre. | Moderniste-Indépendant (tendance dé-structuration). Mark Andre est un jeune compositeur prometteur et innovant ; sa musique est (et se veut) très différente, originale, cinglante, mouvante, sinueuse, méditative ou hachée, avec une place importante laissée aux silences, aux instruments bruités et à la décomposition du son (avec le parrainage fort de Lachenmann) ; son esthétique, plutôt poétique et éclatée-éparpillée, se situe à part, même si elle fait la synthèse de multiples influences (temps-texture, son-texture, granulations, passage de seuil, changement d'état) : (sur)expressive, mystérieuse, saturée, dense, extrême (fulgurance pianissimo-fortissimo) ; les titres de ses pièces sont associés à des points de suspension, à des mots en Allemand à la fois préposition-adverbes et seuils extraits de textes bibliques de l'Apocalypse de Jean (par exemple "Als", "Zu", "Auf", "Ab", "In")… Pièces emblématiques : "Ein Abgrund" (1992-2000), "Un-Fini, I, II, III" (1993-1996), "Le Trou Noir Univers" (1993, pour orchestre, solistes, et électronique), "Le Loin et le Profond" (1996, pour petit ensemble), "Modell" (2000, pour grand orchestre), "... 22, 13..." (2004, pour 7 voix de femme, électronique et 4 groupes instrumentaux), "Auf..." I, II, III (2007, pour orchestre, avec/sans chœur, avec/sans électronique). | France |
Aperghis | 1945 | 78 ans | Georges Aperghis [1945, Grèce (Athènes) - ] (prononcer «apairguiss») est issu de parents Grecs artistes plasticiens, mais il émigre dès 18 ans à Paris, où il réside depuis lors ; il n'étudie pas la musique et la composition dans un conservatoire (c'est un autodidacte) même si dès son arrivée à Paris en 1963, il fréquente les cercles de musique concrète de Pierre Schaeffer et de Pierre Henry, et il fréquente et s'inspire de son compatriote Iannis Xenakis, tout en forgeant tôt (1970) son langage personnel et en se focalisant sur le gest théâtral dans sa musique (même de chambre), à l'instar de Giacinto Scelsi ou (également avec un zest d'humour) de Mauricio Kagel ; en 1976, il crée à Bagnolet, en région Parisienne, avec son émouse, la comédienne et actrice Édith Scob (1937-2019), l'Atelier de théâtre et musique (ATEM), qui rassemble musiciens, chanteurs, comédiens et plasticiens, consacré au théâtre musical ; comme son alter ego autodidacte, il a un peu de mal à musicalement se renouveler (tout en gardant ses fans) ; il est régulièrement compositeur en résidence, par exemple au conservatoire de Strasbourg et au Festival Musica (1996-1997), mais il n'enseigne pas de façon continue ; le personnage est combattif (pour les joutes oratoires, mais sans obstruction), opportuniste, malin, secondaire (affectionne la subitilité), veut faire différent (parfois avec un pied de nez, mais sans provocation tendance) et il est solidement apprécié des instrumentistes (qu'il sait mettre dans sa poche)... Première œuvre significative : " Kryptogramma" (1972, pour 6 percussionnistes, envoûtant). Instrument pratiqué : chef d'orchestre. | Moderniste-Indépendant (tendance théâtrale). Georges Aperghis est un compositeur notoire qui a marqué la création musicale par ses pièces pour voix parlando théâtralisées ; d'ailleurs, même ses pièces sans voix ont une dimension théâtrale (spatialisation, mouvement de instrumentistes, gestuelle, etc.) et ses parents en sont eux-mêmes issus ; il compose et il vit en France (notamment en région Parisienne) depuis lors ; en 1976, il fonde l'Atelier Théâtre et Musique , avec lesquels il crée plusieurs pièces instrumentales d'ensemble et de théâtre musical ; après de courts débuts sériels, son esthétique devient progressiste (moderniste bon teint), avec tonalité libre et dissonances mais peu d'atonalité, librement issu de la génération précédente, globalement plutôt accessible ; dans sa musique il y a souvent une touche humoristique (distanciée, qui séduit la nomenclatura Parisienne), mais il y a aussi bien plus (ses partitions dénotent une réelle réflexion savante et un approfondissement artistique, loin de la superficialité de cette nomenclatura)… Pièces emblématiques : "Récitations" (1978, pour voix seule, dialectique, innovant), "Je vous Dis que je suis Mort (1979, opéra de chambre), "Les Sept Crimes de l'Amour (1979, pour soprano, clarinette et percussion, sexiste-humoristique), "A bout de Bras" (1989, pour clarinette et hautbois, narquois), "Triangle Carré" (1989, pour septuor, ludique et aphorique), "L'Origine des Espèces" (1993, pour sextuor, théâtre musical pour 5 voix variées de femmes et violoncelle solo, un peu mysogine), "Commentaires" (1996, théâtre musical pour 2 comédiens, 1 baryton, violoncelle, piano et alto), "Die Hamletmaschine" (2000, pour chœur, ensemble, soprano, barytons, alto et 1 percussionniste, oratorio, avec fatum Shakespearien), "Wölfli Kantata" (2006, pour chœur mixte et ensemble vocal de 6 solistes, fou et pulsionnel), "Contretemps" (2006, pour soprano et ensemble, ludique combat illusoire), "Happiness Daily" (2009, pour soprano, mezzo-soprano et ensemble, fusionnel et empathique). | Grèce |
Babbitt | 1916 | 2011 | Milton Byron Babbitt [1916, USA (Philadelphie, Pennsylvanie) - 2011, USA (Princeton, New Jersey), décédé à 94 ans] (prononcer «babite») est issu d'une famille musicienne ; il étudie la composition sous la direction de Roger Sessions (héritage de Schoenberg), puis est diplômé de New York et Princeton, et, plus tard, il enseigne lui-même à Princeton (1959-1984, jusqu'à sa retraite professionnelle) et aussi, à partir de 1973, à la Juilliard School à New York ; sa précoce initiation (dès l'âge de 10 ans avec les 3 pièces de piano de l'opus 11) et sa rencontre plus tard (1934?), même brève, avec Arnold Schoenberg aux USA, l'ont profondément fasciné-influencé, et ont bouleversé sa vie de créateur : ainsi, il a toute sa vie composé sur le mode dodécaphonique (le 2ème Schoenberg), et il a disserté à l'infini, dans d'importants ouvrages et lors de ses cours et de ses conférences, sur le système dodécaphonique, qu'il a poussé aux extrêmes de ses possibilités (ce qui a permis une certaine intégration de cette musique dans les styles éclectiques Américains) ; à la fin des années 1950, il est engagé par les studios RCA en tant que compositeur consultant pour travailler sur leur synthétiseur Mark II, et, en 1961, il produit pour la première fois "Composition for Synthesizer" ; le personnage est d'une intransigeance théorique rare (mais sans dogmatisme), en parallèle à une conviction (rationnelle), une opiniâtreté (courtoise) et une pédagogie (claire), toutes aussi rares, avec un sourire charmeur, un humour reconnu (ses bonnes blagues), un éclectisme paradoxal et surprenant (il aime le jazz et il a joué dès le collège dans des Big Bands du Mississipi de son enfance, à Jackson), et une dialectique brillante, qui ont séduit beaucoup de ses élèves ; sa dimension théoricienne est largement issue de son goût passionné pour les mathématiques (pendant la guerre, il a enseigné les maths à des opérateurs radars et sonars terrestres, et il suffit de lire une de ses partitions pour y noter partout les jeux de renversements mathématiques) ; à noter, pour l'anecdote, que certains analystes Américains (jusqu'au-boutisme national comparable à celui qui attribue les découvertes essentielles de la musique à Charles Ives?) le désigne comme l'inventeur du sérialisme intégral avec "Three Compositions for Piano" de 1947 ou "Composition for Four Instruments" de 1948 (au lieu de Boulez-Goeyvaerts-Stockhausen-Nono et les cénacles de Darmstadt, peut-être un peu plus tard, sous l'éperon de René Leibowitz et de son athématisme), alors qu'il s'agit d'extensions limitées aux durées interversées des 12 notes-sons-hauteurs de Schoenberg (de la même façon, pour certains analystes, Schoenberg n'est pas l'inventeur du dodécaphonisme, mais Joseph-Mathias Hauer ou Domenico Alaleona ou encore Nicolaï Roslavets, antérieurement) ; au-delà de ce catalogage qui l'a même gêné dans son pays, il reste l'un des leaders Américains du modernisme musical et de l'électronique et son influence a été grande sur tous les plus jeunes compositeurs, suivistes ou contradicteurs, aux USA... Première œuvre significative : "Three Compositions" (piano, 1947, dodécaphoniques). Instrument pratiqué : violon, puis clarinette et saxophone. | Moderniste-Théoricien (tendance dodécaphonie). Milton Babbitt est avant tout un compositeur théoricien, c'est-à-dire que ses œuvres s'inscrivent dans un schéma démonstratif de combinatoires (mathématiques) sur des propositions préalables théoriques, et ce tout au long de sa vie (il se décrit lui-même comme «maximaliste» ayant l'abstraction comme hantise obsessionnelle) ; son influence, en tant que pionnier des sons électrifiés (amplifiés), puis synthétisés (d'abord sur le RCA Mark II), est importante sur le plan historique et elle est solidement établie aux USA (en plus de son influence de pédagogue), bien davantage qu'en Europe ; ses œuvres, d'une remarquable constance dans la fidélité au dodécaphonisme post-Schoenberg, d'abord pour instruments acoustiques, puis électriques, enfin avec sons synthétiques, restent assez difficiles d'accès ; il est aussi connu aux USA pour sa passion du jazz ("All Set", pour ensemble de jazz, en est un exemple de valeur, intégré au dodécaphonisme) et pour sa maîtrise de la musique populaire Américaine, signes de goûts éclectiques (et de compromis bien naturels face à ses propres exigences) ; il est enfin connu pour avoir introduit parmi les premiers les phonèmes -des syllabes sans sens préalable- (peu avant "Aventures" de Ligeti, mais un peu après "Anagrama" de Kagel en 1958), au lieu de textes intelligibles, dans les pièces chantées : "Sounds and Words" (1960), puis, plus accomplie, "Phonemena" (1970) ; malgré son opportunisme au niveau des outils instrumentaux, cumulatif (non séquentiel), en 3 périodes (dodécaphonisme acoustique, d'abord, puis amplification à partir de 1961, et enfin synthèse sonore avec un usage intensif du «Mark II Synthesizer», à partir de 1981... en parallèle à l'intégration de styles nationaux, jazzy, voire Pop), malgré son aventurisme expérimental, sa musique est de construction remarquablement homogène (les tricordes, les tétracordes, les hexacordes, et leurs combinaisons rétrogrades et renversées pour aboutir à 12 notes... presque trop?), et en ce sens, se situe à part : chaque pièce lui est immédiatement attribuable, reconnaissable par sa couleur (peu diversifiée, mais pas uniforme ni grise), par sa difficulté (y compris d'interprétation, une raison pour laquelle il a délaissé les instruments acoustiques et leurs interprètes humains jugés insatisfaisants), par sa flexibilité-complexité sonore (ductilité rythmique), par l'absence de répétition, par sa construction en croissance, et par la similitude avec d'autres de son catalogue, même avec un modèle instrumental distinct (d'où des critiques exagérées de manque d'inspiration) ; pour aborder ce compositeur intéressant et difficile (pas toujours), il est préférable d'écouter les pièces pour piano ou instruments solistes amplifiés (moins ambitieuses et plus jazzy et populaires)… Pièces emblématiques : Quatuor n°2 (1954, typique de son style combinatoire, sur un total de 6 quatuors), "Philomel" (1964, pour soprano, bande avec soprano enregistrée et sons synthétisés, sa pièce la plus reconnue), "Ensembles" (1964, pour synthétiseur), "Phonemena" (1970-1975, pour soprano et piano, puis synthétiseur), Quatuor n°3 (1970, difficile d'accès), "A Solo Requiem" (1976, pour soprano et 2 pianos, poétique), "Transfigured Notes" (1986-1991, pour orchestre à cordes), "Counterparts" (1992, pour quintette de cuivres), "Quintette pour clarinette" (1996, avec quatuor à cordes, sa pièce la plus accessible). | USA |
Barber | 1910 | 1981 | Samuel -Sam- Osborne Barber [1910, USA (West Chester, Pennsylvanie) - 1981, USA (New York), décédé à 70 ans], né d'une mère pianiste dans un milieu aisé, est un enfant précoce stimulé par sa tante la contralto Louise Homer et par son oncle le compositeur Sidney Homer (un mini-opéra déjà à 10 ans) ; il étudie, dès 14 ans, le chant (avec Emilio de Gogorza), le piano (avec George Boyle, Isabelle Vengerova) et la composition (avec Rosario Scalero), au tout nouveau Curtis Institute de Philadelphie, fondé par Mary Curtis Bok le 1er Octobre de cette année-là (1924 - 1934), puis en Italie, à l'American Academy de Rome de 1935 à 1937 (avec des voyages dans toute l'Europe, dès 1928), et parallèlement la direction d'orchestre avec Fritz Reiner (et plus tard avec George Szell) ; après des débuts de baryton professionnel (y compris à la Radio), il enseigne l'orchestration au Curtis Institute (1939 - 1942), puis vit de ses commandes ; en 1928, il rencontre son cadet le compositeur Gian-Carlo Menotti (1911 - 2007), juste émigré aux USA avec qui il commence une longue relation tant personnelle que professionnelle (livrets des opéras "Vanessa", "A Hand of Bridge", et en partie "Anthony and Cleopatra") ; en 1943, la philanthrope Mary Bok aide financièrement les 2 compagnons à acquérir une villa au milieu des bois (appelée Capricorn) à Mount Kisco, près de New York, qui devient le lieu de rendez-vous de nombreux artistes et intellectuels (jusqu'en 1973, année de leur séparation définitive, mais pas totale... Menotti est présent dans sa chambre de cancéreux en phase terminale le jour de la mort du compositeur) ; après une renommée au firmament aux USA (mais peu en Europe) entre 1938 et les années 60, le compositeur subit un fiasco majeur avec la création de "Anthony and Cleopatra" en Septembre 1966, et les 15 dernières années de sa vie ne seront qu'une suite de désillusions alternant dépression paranoïde et alcoolisme (frappé d'ostracisme, en raison de l'inadéquation de son style, constant depuis ses débuts, avec les changements radicaux de la création musicale autour de lui, de Cage à Carter) ; d'après tous les témoignages, un personnage intimiste, fin, à la sensibilité à fleur de peau, mélancolique, sentimental et sensuel (jusqu'avec son dernier jeune assistant, Valentin Herranz), attaché viscéralement à son action créatrice, mais tourmenté, peu combatif, voire dépressif (dans une période sociétalement à l'opposé). Site Internet (en Français, par l'Association Capricorn): www.samuelbarber.fr... Première œuvre significative : "Dover Beach" (1931, pour voix et quatuor à cordes, charmante mélancolie illustrant les poèmes de Matthew Arnold). Instrument pratiqué : piano, voix (baryton), orchestre (chef). | Progressiste-National-Mélodiste (tendance romantique). Samuel Barber est un compositeur marquant par la beauté de ses lignes mélodiques naturelles (un véritable amoureux du chant), par son charme et sa spontanéité (tout en étant maîtrisée et construite), par sa référence (néo)romantique, à la fois lyrique, rythmiquement complexe et riche en harmonies ; il est le seul compositeur Américain important à ne pas avoir utilisé le Jazz ou le Folk (ses racines sont davantage trouvées dans le post-romantisme Brahmsien, les divagations de Scriabine, voire le milieu du 19ème siècle avec John Field, et de manière générale l'héritage Européen du 19ème siècle) et sa musique coulée, limpide, intimiste, généreuse, surprenante, est immédiatement reconnaissable ; il n'est pas le conservateur passéiste que ses prosélytes attendaient (depuis son "Adagio pour Cordes" ou son Concerto pour violon) ou que ses détracteurs -tardifs- villipendaient, car même si son esthétique a peu évolué depuis ses premières créations, son langage s'est cependant modernisé progressivement (rythmes Stravinskyens, dodécaphonisme Webernien, dissonances, couleurs instrumentales subtiles, sans aller jusqu'à l'atonalité)… Pièces emblématiques (sur un total de 50 numéros d'opus et 120 compositions diverses sans numéro d'opus, dont quelques 70 mélodies) : avant période contemporaine, "Symphony in One Movement [n°1]" (1936, pour orchestre, condensée, démonstrative, romantique et nostalgique, mais avec assez de dissonances pour paraître moderne à l'époque), "4 Songs" (1938, pour voix et piano, de belles mélodies dont "Sure on this Shining Night" ), "Adagio pour Cordes" (1938, célébrissime tube, à partir d'un mouvement de son quatuor à cordes n°1, créé par Arturo Toscanini et la NBC le 5 Novembre, radiodiffusé en direct dans toute l'Amérique, lui octroyant du jour au lendemain la gloire à 28 ans... et dont la popularité, y compris en musique de films, a occulté le reste de son œuvre), durant la période contemporaine, Concerto pour violon (1941, mélodieux et élégiaque, puis tumultueux), Concerto pour violoncelle (1945, enjoué, et dansant dans son 3ème mouvement), "Knoxville, Summer of 1915" (1947, pour soprano ou ténor et orchestre, bucolique, avec des confidences angoissées), Sonate pour piano (1949, en 4 mouvements disparates, hérités de Scriabine et Prokofiev, avec un équilibre harmonique instable et une Fugue virtuose), "Medea's Meditation of Dance and Vengeance [Méditation de Danse et Vengeance de Médée]" (1953, pour orchestre, non écouté en concert), "Vanessa" (1958, opéra, son chef d'œuvre, un repère du 20ème siècle), "Nocturne, Homage to John Field" (1959, pour piano, non écouté en concert), "Andromaque's Farewell" (1962, cantate scénique pour soprano et orchestre, aux teintes sereines et enchantées), Concerto pour piano (1962, néo-romantique pur, avec un brillant 3ème mouvement), "Anthony and Cleopatra" (1966, opéra, un échec dû davantage au livret caricatural et à la mise en scène boursouflée du réalisateur de cinéma Franco Zeffirelli, dont la refonte en 1975 a révélé la valeur), "The Lovers" (1971, pour baryton, chœur mixte et orchestre, sur des poèmes de Pablo Neruda, sa pièce la plus ambitieuse, inhabituellement sensuelle), "Third Essay" (1978, pour orchestre, vigoureux, à la rythmique Bartókienne). | USA |
Barraqué | 1928 | 1973 | Jean Barraqué [1928, France (Puteaux, près de Paris) - 1973, France (Paris), décédé par suicide à 45 ans] est élève du Conservatoire de Paris à la fin des années 40 (de Jean Langlais en harmonie et contrepoint, et surtout, d'Olivier Messiaen en analyse musicale de 1948 à 1951) ; de 1951 à 1954, il collabore avec le GRM (Groupe de Recherches Musicales) dans le studio de musique concrète de la RTF fondé par Pierre Schaeffer ; en privé, il a été sentimentalement très proche du philosophe Michel Foucault de 1952 à 1956 ; un personnage absolu, en marge de la Société et de ses conventions et formalismes, et à l'écart des influences, sauf peut-être du premier Boulez et pas longtemps ; un personnage irrationnel et refoulé qui a trouvé refuge dans l'anti-cléricalisme et dans l'athéisme à la fin des années 40, après avoir voulu être prêtre (en raison de son inclination mystique, de sa famille très croyante, et de son éducation catholique stricte et contrainte de pureté), et fasciné par la destruction, par l'inachèvement, par l'engagement existentiel (pessimisme noir) ; comme le catholique Zimmermann, vers la même époque, Barraqué s'est suicidé (en laissant des pièces inachevées et un catalogue en friche, révisé par Laurent Feneyrou à la fin des années 2000) ; comme lui, c'est un romantique attardé, en décalage avec son temps ; pour l'anecdote, sa vocation de compositeur a été suscitée par le déclic de l'écoute en concert de la "Symphonie inachevée" de Franz Schubert (parents commerçants, non mélomanes)... Première œuvre significative (après plusieurs pièces tonales) : "La Porte Ouverte" (1949, sur un poème de Paul Éluard, pour voix et piano, librement dodécaphonique). Instrument pratiqué : piano, chant (choriste). | Moderniste-Sériel. Jean Barraqué est un musicien de l'exigence sans compromission : s'il a adhéré à l'esthétique sérielle, ce n'est pas par arrivisme comme d'autres plus tard (Krzysztof Penderecki, Hans Werner Henze...), c'est par choix artistique (il est quasiment contemporain de Pierre Boulez, mais n'en est pas son émule) ; de par son extrême exigence, il n'a que très peu terminé de compositions : au total, 6 œuvres, notamment après 1959 (mais une trentaine de plus entre 1943 et 1949, inédites et la plupart mineures) ; un compositeur indépendant à l'écriture rigoureuse et concise (dense) qui a développé la technique des séries proliférantes comme, selon lui, un mécanisme onirique où les intervalles s'imbriquent et se désagrègent, engendrant une musique qui s'invente sur elle-même et se détruit à mesure ; sa musique d'une grande pureté est difficile d'écoute, non pas par son aridité, mais par le refus de la séduction immédiate, de l'abandon, par la sur-utilisation des contrastes et des aspérités ; son sérialisme est moins intégral et moins «pur» (diatonisme, séries proliférantes), et, notamment au niveau des hauteurs ; nul doute que la postérité conservera ces purs diamants … Pièces emblématiques (sur un catalogue, aujourd'hui, d'une trentaine terminées, alors que jusqu'à sa mort seules 7 pièces étaient répertoriées): Sonate pour violon (composée en 1949, créée seulement en 2009, vibrante), Sonate pour piano (composée en 1952, créée seulement en 1967, mais enregistrée sur disque dès 1957, énigmatique, sérielle et difficile d'accès), Concerto pour clarinette (1962-1968, pour ensemble, son chef d'œuvre le moins inaccessible), "Le Temps Restitué" (1968, pour mezzo-soprano, chœur et petit ensemble), "Chant après Chant" (1966, pour voix, piano et 6 percussions), et "Au delà du Hasard" (1959, pour 4 ensembles instrumentaux et un chœur), ces 3 dernières pièces étant inspirées par le roman de Hermann Broch, «La Mort de Virgile», selon un projet bien plus ambitieux de 12 pièces. | France |
Bayle | 1932 | 92 ans | François Bayle [1932, France Outre-Mer (Tamatave, Madagascar) - ] (prononcer «bèle») est d'abord un autodidacte, puis sa formation, d'abord scientifique à Bordeaux (instituteur de 1956 à 1960), est déviée vers la musique au Conservatoire de Paris (alors rue de Madrid) avec Olivier Messiaen, à Darmstadt avec Karlheinz Stockhausen (1959-1962) ; en 1960, il commence sa carrière musicale comme secrétaire de service à la RTF ; puis, en 1965, il choisit la Musique Concrète et le Groupe de Recherches Musicales, avec Pierre Schaeffer, en devient en 1966, le directeur, y compris lorsque le GRM est intégré en 1975 à l'Institut National de l'Audiovisuel (Ina-GRM), et cela jusqu'à sa retraite en 1997 (en raison de ses obligations professionnelles, il est surtout un compositeur de l'Eté, un peu comme Gustav Mahler) ; alors, il installe son propre atelier audio-numérique et multiphonique, le Studio Magison ; entrepreneur plein d'idées, il est à l'origine du terme acousmatique et de la conception de l'Acousmonium (1974), un ensemble orchestral de haut-parleurs associé à une électronique de spatialisation (sans aucun instrument de musique, mais mimant l'orchestre traditionnel), une utopie dédiée à l'écoute pure, comme un «espace de projection pénétrable, disposé en vue d'immersion sonore, d'une polyphonie spatialisée, articulée et dirigée» ; en dehors de la musique (mais cela l'a influencé), il aime les philosophes Gaston Bachelard et Maurice Merlot-Ponty, Jules Vernes, et l'ésotérisme ; le personnage est passionné, dynamique et pragmatique (avec perspicacité, il a repris récemment, avec l'informatique, certaines de ses pièces anciennes, datées (au moins technologiquement). Site Internet : www.magison.org... Premières œuvres significatives : "Trois Portraits d'un Oiseau qui n'Existe pas" (1962-1963, notamment le 3ème, "L'Oiseau chanteur", musique mixte), "L'Archipel" (1963, quatuor à cordes). Instrument pratiqué : piano. | Electroacoustique-Mixte. François Bayle est l'un des leaders de la Musique Acousmatique en France, après les pionniers, Pierre Schaeffer et Pierre Henry ; son style est unique, fait d'une imagination fertile et souvent éthérée (ruissellements), nourri par son admiration de Jules Vernes (utopie) et son goût pour la poésie (rêve) ; sa musique (marquée par les textures) est complémentaire de l'autre compositeur acousmatique Français important de la seconde génération, Bernard Parmégiani (davantage sur les rythmes) : non datée par la technologie ou la mode, elle résiste assez bien au temps ; elle se renouvelle sans cesse, marquée par des cycles appelées utopies, avec des suites, des parcours, des métaphores, des boucles ; curieusement à l'écoute elle crée une magie car son déroulé est le plus souvent surprenant (elle s'échappe), évitant tout convenu ou ce qui paraît évident ; sa musique est rarement électro-acoustique, mêlant instruments traditionnels et électronique, et dans ce cas le résultat, comme pour "Cristal" (1977) avec orchestre et bande, n'est pas vraiment convaincant, dans une tentative de fusionner à égalité les 2 outils qui restent indépendants (au contraire des compositeurs qui utilisent l'électronique sous toutes ses formes pour enrichir, fertliser, tramer leurs compositions instrumentales)… Pièces emblématiques (presque toutes complètement électroniques, sur un total de plus de 100, souvent par cycles): "Espaces inhabitables" (1967, pour électronique), "Jeïta" (1970, pour électronique), "L'Expérience acoustique" (1972, pour électronique), "Tremblement de Terre très doux" (1979, pour électronique, paradoxal dans le titre, chatoyant à l'oreille), "Erosphère" (1980, pour électronique), "Son-Vitesse-Lumière" (1983, pour électronique), "Aéroformes" (1986, pour électronique), "Fabulae" (1992, pour électronique), "La Main Vide" (1994, pour électronique), "La Forme de l'Esprit est un Papillon" (2004, pour électronique, toute en tissages), "L'Oreille étonnée" (2008, pour électronique). | France |
Bedrossian | 1971 | 53 ans | Franck Bedrossian [1971, France (Paris) - ] (prononcer «bédrossian», même si le nom ne prend pas d'accent), d'ascendance Juive, Espagnole et Arménienne, est un pur produit de la formation Française (après le Conservatoire de Région de Paris rue de Madrid, le Conservatoire de Paris à la Villette, pour des études avec Gérard Grisey, puis Marco Stroppa), tout en diversifiant ses intérêts avec Helmut Lachenmann (Centre Acanthes en 1999, Internationale Ensemble Modern Akademie en 2004) et en développant sa palette par l'électronique (comme instrument complémentaire, pas encore pour les transformations en temps réel, à l'Ircam, avec Philippe Leroux) ; il est pensionnaire à la Villa Médicis de Rome (2006 - 2008) ; à partir de Septembre 2008, il émigre aux USA, à l'Université de Berkeley, Californie, en tant que professeur de composition, comme son aîné Gérard Grisey, puis en 2020, il est nommé avec le même titre en Autriche, à Graz ; un personnage carré, volontaire, proactif, intuitif (raisonné), bouillonnant (mais se maîtrise), qui aime échanger (pas débattre), notamment avec ses instrumentistes (fertilisation croisée)... Première œuvre significative : "L'Usage de la Parole" (1999, pour clarinette, violoncelle et piano). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Surexpressionniste (tendance saturation). Franck Bedrossian est un encore jeune compositeur prometteur qui détonne par un style (et un positionnement de l'extrême) unique, avec un langage marqué par les saturations du son (en superposition de couches), de l'énergie, de l'information (voire du sens), jusqu'à la distorsion (sans provocation inutile... sauf pour les titres de ses pièces) ; nul doute que pour tracer sa voie originale, il a écouté longtemps les musiciens de jazz depuis John Coltrane jusqu'aux adeptes du Free (Cecil Taylor, Albert Ayler, voire Eric Dolphy) et du rock extrême (les saturations de la guitare électrique) ; radical, son langage n'est cependant pas hermétique ou abscons, mais clairement magnétique, voire séduisant ; il ajoute en outre comme influences, dans la recherche à l'intérieur du son original, celles de Debussy (harmoniques), de Xenakis (clusters), de Varèse (ionisations) et surtout de Grisey (spectralisme, notions de processus) et de Lachenmann (dé-structuration, travail sur le son-bruit) ; sa musique, avec la jeunesse, est énergique, radicale, voire transgressive, avec des moments (encore courts) de douceur, de bonheur onirique, elle est aussi marquée par les textures, puis devient plus assumée, tout en conservant une vraie identité ; il faut du temps pour pénétrer ce nouvel univers inouï et fascinant et pour être -littéralement- transporté… Pièces emblématiques (sur une trentaine) : "La Solitude du Coureur de Fond" (2000, pour saxophone alto solo), "Transmission" (2002, pour basson ou fagott et électronique live, manifeste-étendard de l'esthétique de la saturation, provocateur avec beuglements sur fond de bruits de disque vinyle), "Digital" (2003, pour contrebasse, percussion, électronique, un brillant jeu de piste), "It" (2005-2008, pour ensemble de chambre, frénétique), "Charleston" (2005-2007, pour ensemble, un faux pastiche plus accessible), "Manifesto" (2008, pour octuor à vents, pièce ambitieuse et aboutie), "Tracé d'ombres" (2005-2008, quatuor à cordes, avec un pépiement transcendant, trop court), "Swing" (2009, pour petit ensemble, non écouté en concert), "Edges" (2010, pour piano et percussion préparés, surtendu), "Itself" (2012, pour orchestre, foisonnant, à ne pas confondre avec "It"). | France |
Benjamin | 1960 | 64 ans | George Benjamin [1960, Angleterre (Londres) - ] (prononcer «béndjaminn») étudie le piano et la composition avec Peter Gellhorn dès 1974, puis le piano au Conservatoire National de Paris avec Yvonne Loriod et, surtout, la composition avec Olivier Messiaen (1976-1978), enfin au King's College à Cambridge avec Alexander Goehr ; à partir de 1985, il enseigne la composition au Royal College of Music de Londres, jusqu'en 2001, où il change pour le King's College, aussi à Londres ; en 1992, il co-fonde en tant que directeur artistique de «Wet Ink», nouveau festival de Musique Contemporaine avec l'Orchestre symphonique de San Francisco (USA) ; parallèlement à ses activités de compositeur, il s'engage dans la direction d'orchestre ; le personnage est polissé et doux (à la limite du suave) mais en-dessous se révèle une personnalité puissante et (en apparence) volontaire, marquée par les contraires assumés... Première œuvre significative : "Ringed by the Flat Horizon" (1980, pour orchestre, influencé par le style spectral et de Messiaen). Instrument pratiqué : piano, orchestre (chef). | Moderniste-National (tendance coloriste). George Benjamin est un compositeur typiquement Britannique par ses rythmes et ses timbres, souvent sur-contrastés ; il a un tropisme net pour les petites formations (intériorité) et ses œuvres sont marquées par l'équilibre, l'architecture et une harmonie décisive (comme un orfèvre du son) ; musicien subtil, son langage n'est pas révolutionnaire, mais il synthétise avec modernité à la fois le son British (harmonies, timbre, ambiance, paysage) et le Messiaenique (la couleur et la modalité) ; son esthétique est marquée par le flux souple (avancement dynamique serein) et par ses métamorphoses (fluidité complexe), tout en étant en surface contrastée (jusqu'au chaos) ; sa musique séduit et conforte le mélomane raisonné ouvert au contemporain par la juxtaposition de modernisme et de passéisme modernisé (sans collage ou réminiscence) ; il compose très peu (12 pièces entre 2000 et 2019) ; il n'a commencé que récemment à composer pour son instrument de prédilection, le piano, et depuis quelques années, après des succès marqués, il s'est focalisé sur la musique lyrique… Pièces emblématiques (sur un total limité d'une quarantaine, assez cohérence, sauf les plus nombreuses pièces de jeunesse) : "At First Light" (1982, pour ensemble, marqué par le symbolisme paysager), "Antara" (1987, pour ensemble et électronique, flûté à la manière des Andes), "Upon Silence" (1991, pour mezzo-soprano et 7 instrumentistes à cordes, liquide et souple), "Sudden Time" (1993, pour grand orchestre), "Palimpsest I et II" (1999, 2002, pour ensemble, chaotique et doux), "Dance Figures" (2004, pour orchestre, développées depuis certaines pièces d'une série pour piano solo intitulée "Piano Figures", la même année), "Into the Little Hill" (2006, cantate théâtralisée, pour soprano, contralto et ensemble de 15 musiciens), "Duet" (2008, pour piano et orchestre, baroquisant, avec piano et cuivres résonants), "Written on Skin" (2012, opéra de chambre au livret fascinant, avec un triangle amoureux adultérin médiéval). | Angleterre |
Berio | 1925 | 2003 | Luciano Berio [1925, Italie (Oneglia) - 2003, Italie (Rome), décédé à 77 ans] (prononcer «loutchiano bério») est issu d'une famille musicienne (son père organiste, pour premier professeur), s'est formé à la composition d'abord au Conservatoire de Milan avec Ghedini, puis aux USA avec Luigi Dallapiccola en 1951-1952, et à Darmstadt jusqu'en 1959 ; en 1955, Luciano Berio fonde avec son ami Bruno Maderna le studio de phonologie de la R.A.I. (Radio-Télévision Italienne) à Milan, pour ses premières créations électroniques ; il enseigne à New York de 1965 à 1971 ; de 1974 à 1980, Luciano Berio fait partie de l'équipe fondatrice de l'IRCAM (en tant que responsable de la musique électroacoustique), qu'il quitte pour fonder, en 1987, son équivalent à Florence ; de 1994 jusqu'à la fin de sa vie, il est compositeur en résidence à la Juilliard School de Harvard, aux USA ; il joue à cache-cache avec l'histoire musicale par des orchestrations de pièces de Mahler ou de Brahms, la reconstruction de la 10ème Symphonie de Schubert ("Rendering") ou l'Orfeo de Monterverdi ("Orpheo II") ; un personnage profondément humain (humaniste, attaché à l'interprète instrumentiste), chaleureux, solidement vivant (aux plaisirs simples), à la fois très superficiel (voire futile et anecdotique, menteur) et profond, artistique et protéiforme (collaboration avec Sanguineti, Ecco, Calvino)... Premières œuvres significatives : "Concertino" (1951, pour clarinette, violon et orchestre, énergique), "Chamber Music" (1953, pour voix et trio, sensuel et pointilliste), et "Nones" (1954, pour orchestre). Instrument pratiqué : piano (sa carrière de pianiste de concert a été brisée très jeune par une blessure à la main, un peu comme Robert Schumann, mais il est resté pianiste accompagnateur, notamment de son épouse), orchestre (occasionnellement, comme chef). | Moderniste-Sériel. Luciano Berio est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine ; son langage musical est à la fois unique (reconnaissable) et ancré dans son temps, avec une prédisposition particulière pour la voix humaine (marié à la soprano Américaine Cathy Berberian jusqu'en 1965) et un réel intérêt pour le Rock et le Folk (leur consacrant des essais et les mêlant dans le creuset de son imagination, pour une musique libre, sans frontières), pour le collage, pour l'électro-acoustique ; il a également «révolutionné» (dynamité) la nature du genre opéra contemporain par le non-livret, par la projection in-out ; sa musique semble couler de source, tant elle sonne naturelle et élégante, mais l'écriture et l'interprétation en révèlent la grande complexité, la solidité de facture, et elle est marquée par le sentiment émotionnel (la théâtralité, sans épanchement) et la fascination pour l'écriture savante ; ses 15 "Sequenza" (avec en plus "Les Mots sont allés", sur le nom de Paul Sacher, pour violoncelle, 1978) sont d'une telle portée qu'elles ont influencé les compositeurs de la génération suivante, qui beaucoup se sont mis à la composition de pièces pour instrument seul (autre que le piano) ; à noter que sa musique est plutôt difficile d'accès, sauf quelques pièces atypiques et distinctes, souvent des transcriptions et des arrangements ou des reconstructions, pas essentielles, voire anecdotiques, mais belles et utiles pour découvrir son univers ("Folk Songs", "Rendering" d'après Schubert, "Orfeo II" d'après Monteverdi, "Beatles Songs", etc.)… Pièces emblématiques : "Folk Songs" (très accessibles, d'après des chansons du folklore populaire, pour mezzo-soprano et 7 instrumentistes, 1964), "Tema, Omaggio a Joyce" (1958, pour électronique seule), la série unique des 15 "Sequenza" (1958-2002, œuvres phares pour divers instruments en solo, chacune durant de 6 à 25 minutes) : I (pour flûte, 1958, œuvre ouverte, avec notation proportionnelle), II (pour harpe, 1963), III (pour voix de femme, 1966), IV (pour piano, 1966), V (pour trombone, 1965), VI (pour alto, 1967), VII (pour hautbois, 1969), VIII (pour violon, 1976, en hommage à la Chaconne de la partita en ré mineur de Bach), IXa (pour clarinette, 1980), IXb (pour saxophone, 1981), X (pour trompette et piano résonant, 1984), XI (pour guitare, 1988), XII (pour basson, 1995, avec de longues notes tenues dérivantes, presque spectrale), XIII (pour accordéon, 1996), XIV (pour contrebasse, 2002), la série des 7 "Chemins" (1964-1996, pour ensembles, extensions libres de certaines Sequenzas, sommets de la musique pour ensemble), "Circles" (1960, pour soprano, harpe et percussions), "Sinfonia" (1968, pour voix, orchestre et collages, tube romantique), Concerto pour 2 pianos (1973), "Eindrücke" (1974), "Coro" (1976, pour voix et ensemble), "Corale" (1982, pour violon et 19 instruments, un dialogue tramé et insistant), "Voci" (1984, pour alto et orchestre, non écouté en concert), "Formazioni" (1987, pour un orchestre et des groupes d'instrumentistes éloignés, énergique et proliférant), et ses 3 «faux» opéras "La Vera Storia" (1982, opéra), "Un Re in Ascolto" (1984, opéra) et "Outis" (1996, opéra, non écouté en concert). | Italie |
Bernstein | 1918 | 1990 | Leonard Bernstein [1918, USA (Lawrence, Massachusetts) - 1990, USA (New York), décédé à 72 ans] (prononcer «leunarde beurnstailn» ou parfois «beurnstinn» à l'Américaine en sachant qu'en France, l'usage est plutôt bizarrement «bernchtailn», avec un incompréhensible tribut Allemand alors que ses aïeux sont Juifs Ukrainiens et que son prénom familier est Lenny (ou Lennie) étudie à Boston le piano et la direction d'orchestre avec Fritz Reiner et Walter Piston et l'orchestration à Philadelphie (au Curtis Institute, avec comme condisciples, Samuel Barber et Gian Carlo Menotti), avant son diplôme à Harvard (1937-1939) ; pour payer ses études, il fait des arrangements musicaux sous le pseudonyme Lennie Amber (amber est la traduction de son patronyme Allemand) ; il est également pianiste dans les caves à jazz ; en 1943, il est nommé chef assistant d'Arthur Rodzinki à l'Orchestre Philharmonique de New York, quand il doit remplacer Bruno Walter, le 14 Novembre, au pied levé à Carnegie Hall (début de carrière fracassant) ; il travaille avec Serge Koussevitsky dont il est l'assistant en 1940 à Tanglewood et à qui il succède en 1951 ; l'essentiel de sa vie a été consacré à la direction d'orchestre, notamment au Philharmonique de New York de 1958 à 1969, puis en tant que chef invité à Vienne, Amsterdam, Londres, Berlin et Paris (le «National»), pour se laisser du temps à la création (musique, poésie) ; le personnage est affublé d'un physique de star de cinéma, d'un caractère magnétique et excentrique, d'une suractivité et d'une énergie légendaires (travailleur acharné autant que fêtard) ; il se lie, dès sa jeunesse, d'une amitié plus que tendre (lettres passionnées) avec Aaron Copland dont il crée "Connotations" en 1962, lors du 1er concert télévisé de l'histoire, puis avec bien d'autres (Dimitri Mitropoulos) ; il est marié en 1951 avec une cantatrice Sud-Américaine (3 enfants) et, ce qui crée scandale à l'époque, il est bisexuel, notamment depuis 1971 avec Tom Cochrane, un auteur et chanteur Canadien (né en 1953) ; malgré les succès de compositeur et de chef, sa vieillesse, à partir de la fin des années 70, est assez erratique (alternance de phases d'exaltation suractive et de phases de dépression profonde, mysticisme de plus en plus affirmé, alcoolisme chronique). Site Internet : www.leonardbernstein.com (en Anglais, avec une Newsletter)... Premières œuvres significatives : Trio avec piano (1937, post-romantique, élégiaque, passéiste), Symphonie n°1 "Jeremiah" (pour mezzo-soprano et orchestre, 1943). Instrument pratiqué : piano, orchestre (chef professionnel). | Progressiste-National. Leonard Bernstein est davantage connu comme un chef d'orchestre exceptionnel (de Haydn à Mahler) ; la renommée de compositeur est venue tardivement en 1957 avec la géniale comédie musicale en 2 actes "West Side Story" pour Broadway (transposition moderne de Roméo et Juliette de Shakespeare), dont ont été tirés un film culte réalisé par Robert Wise en 1961 et des Danses Symphoniques (1957-1961, qu'il faut absolument écouter dans une interprétation moderne, non datée) pour une chorégraphie de Jerome Robbins ; voire dès 1955 avec "Candide" (en hommage à Voltaire, avec anti-maccarthisme crypté, une opérette moderne dans laquelle se mêlent ironie, dérision, pessimisme); son esthétique, à l'écoute souvent détimbrée, dérythmée (dans ses pièces plus ambitieuses, moins Grand Public) est marquée par le besoin de mélodies avec des écarts de dissonances, des stacchatos obsessionnels, des ruptures abruptes et un onirisme rêveur ou sombre ou jouissif ; sa musique, très accessible, influencée par Stravinsky, Copland, Mahler et Hindemith (pas au-delà, il a renié ses rares pièces avec un peu de dodécaphonisme), mêle, en patchwork, le Jazz, le blues, le choral religieux, le folklore populaire, les songs, l'opéra Italien, la Pop Music, et le bastringue, et traite sans vulgarité ni complaisance des thèmes universels tels que la condition humaine ou la foi… Pièces emblématiques : "On the Town" (1944, pour orchestre et ballet, comédie musicale, puis transposée au cinéma en 1949 par Stanley Donen, avec Gene Kelly et Frank Sinatra), "Prelude, Fugue and Riffs" (1949, pour clarinette solo et ensemble de jazz, jubilatoire et répétitive), "Candide" (1955, opérette-cabaret-opéra, d'après le roman initiatique de Voltaire, pétillant, ironique et humaniste, avec une musique «patchwork» inventive et grinçante), Symphonie n°2 "L'Âge de l'Anxiété" (1949, révisée en 1965, pour piano et orchestre, une réussite ambitieuse par son atmosphère unique), "Sérénade" (1954, pour violon et orchestre à cordes et percussions, virtuose et légère, néo-romantique avant l'heure, d'après le Banquet de Platon), Symphonie n°3 "Kaddish" (1963, pour grand orchestre, récitant et voix, gigantesque oratorio et acte de foi Judaïque d'après l'Ancien Testament), "Chichester Psalms" (1965, pour voix de garçon, chœur et orchestre), "Song Fest" (1977, pour 6 chanteurs et orchestre, non écouté), "Divertimento" (1980, pour orchestre, pétri de fantaisie juvénile, d'humour parodique et grinçant), "Halil" (1981, pour flûte et petit orchestre, non écoutée en concert), "A Quiet place" (1983, musique de scène et opéra dans l'opéra). | USA |
Bertrand | 1981 | 2010 | Christophe Bertrand [1981, France (Wissembourg, près de Strasbourg) - 2010, France (Strasbourg), décédé par suicide à 29 ans] étudie au conservatoire de Strasbourg, le piano et la musique de chambre, puis avec Ivan Fedele la composition (1996-2000) ; il complète sa formation par un stage d'un an à l'Ircam à Paris (2000-2001), notamment avec Philippe Hurel, et aussi Tristan Murail, Brian Ferneyhough et Jonathan Harvey ; il noue des liens aussi avec Frédéric Durieux et Pascal Dusapin (peut-être aussi Steve Reich, voire mais c'est improbable avec Gyorgy Ligeti qu'il admire beaucoup, comme le premier Igor Stravinsky) ; il co-fonde l'Ensemble In Extremis, à Strasbourg (en tant que directeur artistique), en 2001 ; il réside tantôt à Strasbourg, tantôt à Paris, jusqu'à son séjour à Rome à la Villa Medicis (2008-2009) ; le personnage est incontestablement sociable, construit, organisé (il co-gère l'ensemble In Extremis durant 10 ans), ambitieux, énergique («pêchu»), enjoué, mais il cache mal les désordres d'une grave maladie mentale à type de troubles bipolaires qui le conduit trop souvent en hôpital psychiatrique et plombe les (courts) moments de sérénité, voire de bonheur, par l'angoisse morbide, le carcan des obsessions et la souffrance latente, jusqu'à l'irréparable (maintes fois, au stade de la seule menace, selon des proches) ; un éditorial lui a été consacré lors de sa disparition, ici, avec la quasi totalité de son catalogue en liens YouTu.be. Site Internet personnel : www.christophebertrand.fr... Première œuvre significative : "Treis" (2000, prononcer «tréhiss», mouvante, composée à 19 ans, pour violon, violoncelle et piano) et "La Chute du Rouge" (2000, pour quatuor divers, avec jeu de symétries). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Synthétique (poly-rythmique). Christophe Bertrand est un compositeur original et marquant, beaucoup trop tôt disparu (un vrai météore, le recul manque pour discerner son apport à l'histoire de la musique) ; sa vocation de compositeur est due à la rencontre avec la musique de György Ligeti ("KammerKonzert" ou Concerto de Chambre), devenu un vrai mentor (qu'il n'a pas rencontré, semble-t-il), puis à l'influence posthume d'Edgard Varèse et de Iannis Xenakis ; il est fasciné par les rythmes (comme Conlon Nancarrow ou le dernier György Ligeti, mais sans être un épigone, car au contraire, il utilise beaucoup la micro-tonalité et la division des pupitres, et avec une clarté incomparable, et chez lui, le rythme est en outre générateur de timbre), et aussi par les rituels et les répétitions (jusqu'à l'abîme et à l'obsession) ; sa musique de tous temps est toujours reconnaissable et incomparable ; depuis "Hendeka" et "Vertigo", il a systématisé une technique innovante de composition qui cisèle un petit fragment de 4 triples croches en ajoutant un huitième de soupir, puis répète ces 4 triples croches en ajoutant 2 huitièmes de soupir et ainsi de suite (aussi dans des ordres inverses ou d'autres combinaisons, d'autres vitesses), pour des effets synchrones ou asynchrones de spirales ou de tourbillons jusqu'au vertige ; après un premier essai infructueux, selon lui, à l'Ircam ("Dikha", 2002, pour clarinette et dispositif électronique), il se dit réfractaire à l'électroacoustique ; sa musique de chambre, ludique mais un peu moins accessible, représente un défi d'interprétation redoutable (rythmique, mise en place) pour les instrumentistes ; malgré un mental noir-noir (maniaco-dépressif), ses compositions sont des pièces lumineuses, complexes (des calculs millimétriques tant la précision et la quantité de micro-intervalles sont notables, avec les difficultés d'exécution qui s'en suivent), dynamiques et resserrées (aucune pièce de plus de 30 minutes, pas de mouvement très lent ou extatique), et même typiquement virtuoses, mais qui sonnent bien et se mettent remarquablement en place, avec une grande vitalité ; signe de son importance, sa musique est reconnaissable immédiatement et son écoute est immédiate (jusqu'à la fascination, en concert)… Pièces emblématiques (sur un total d'une trentaine, en à peine plus d'une dizaine d'années, de haute qualité générale, avec seulement 2 petites compositions -de 6 minutes- pour piano solo, lui qui est pianiste virtuose) : "Yet" (2002, pour ensemble spatialisé, qui joue sur la mémoire auditive), "Iôa" (2003, pour chœur de femmes à 8 voix séparées, 3 minutes en transe), "Aus" (2004, pour quatuor divers, un puzzle énergétique), "Mana" (2005, pour orchestre, brillant et fascinant de virtuosité), Quatuor à cordes n°1 (2005-2006, vibrionnant), "Sahn" (2007, pour clarinette basse, violoncelle et piano, lancinant, exacerbé), "Hendeka" (2008, pour violon, alto, violoncelle et piano, mouvant et asynchrone), "Satka" (2008, pour sextuor, emblématique de son style), Concerto "Vertigo" (2008, pour 2 pianos et orchestre, vertigineux, un must), "Scales" pour grand ensemble (2010, architectural et violent), Quatuor à cordes n°2 (2010, nommé ici "des dissonances", en hommage à son grand aîné), "Okhtor" (2010, pour orchestre, son chant du cygne, avec une esthétique nouvelle, plus sombre). | France |
Birtwistle | 1934 | 2022 | Harrison Birtwistle [1934, Angleterre (Accrington, Lancashire, à environ 30km au nord de Manchester) - 2022, Angleterre (Mere, Wiltshire, à l'Est de la Cornouaille, décédé à 87 ans] (prononcer «arissonn beurtouissel»), fils unique avec une mère mélomane amateur, étudie la clarinette avec Frederick Thurston et la composition avec Richard Hall, au Royal Manchester College of Music à partir de 1952 (boursier) ; en 1953, avec ses amis étudiants, les compositeurs Peter Maxwell Davies et Alexander Goehr, ainsi que le pianiste John Ogdon et le trompettiste (puis chef d'orchestre) Elgar Howarth, il forme le groupe «New Music Manchester» (plus tard appelé École de Manchester), sans qu'il y ait unité ou cohérence de style entre ces musiciens, mais plutôt une forte émulation, un son typiquement expressionniste et une fertilisation croisée (et une plus forte influence sur le compositeur que ses professeurs) ; entre 1957 et 1958, après son service militaire à l'Orchestre Royal de l'Artillerie, il approfondit ses études à la Royal Academy of Music de Londres, puis est en résidence au Liverpool Philarmaonic Orchestra, et décide de se consacrer à la composition (et il fréquente régulièrement les cours d'Été de Darmstadt) ; en 1962, il est nommé directeur de la musique au collège de filles de Cranborne Chase ; pour l'exécution de ses œuvres, il co-fonde en 1965 avec Peter Maxwell Davies, l'ensemble de chambre The Pierrot Players (nommé en hommage au "Pierrot Lunaire" de Schoenberg), qu'il quitte en 1970 (l'ensemble est alors renommé Fires of London pour Davies seulement), puis l'ensemble Matrix, avec le clarinettiste Alan Hacker, sans, dans les 2 cas, s'impliquer fortement dans l'organisation et la logistique ; parallèlement, il part étudier aux USA (Princeton) avec une nouvelle bourse (1966 - 1968), il est professeur invité au Swarthmore College, Pennsylvanie (1973-1974), et à l'Université d'Etat de New York (1975-1976) ; à partir de 1975, il devient directeur musical du Royal National Theatre de Londres (jusqu'en 1983), notamment en produisant des opéras d'autres compositeurs ; à partir de 1994, il enseigne la composition au King's College de Londres (jusqu'à sa retraite, en 2001) ; l'homme a un caractère ombrageux, intimiste, isolé, indépendant (peu d'amis fidèles, peu de participation aux mondanités), instinctif : hasard ou conséquence, il est le compositeur étranger important le moins joué en France, un peu comme Morty Feldman, un de ses rares amis de longue date non Britannique (et à la musique si différente) ; lire aussi l'hommage suite à sa disparition, ici, en édito... Premières œuvres significatives : "Refrains and Choruses" (1959, pour quintette à vent, Webernien) et "Monody for Corpus Christi" (1960, pour soprano, flûte, cor et violon, Médiévaliste, influencé par Guillaume de Machaut). Instrument pratiqué : clarinette, orgue (enfance). | Moderniste-National. Harrison Birtwistle est un compositeur établi, au catalogue complet (mais peu de concertos et de pièces en solo), internationalement reconnu, innovateur sans pour autant avoir révolutionné le langage musical (ses influences principales sont Igor Stravinsky, Iannis Xenakis, Edgard Varèse et Olivier Messiaen) ; il a innové par les rythmes adjacents qui entourent la pulsation (des notes ajoutées au hasard ou pour créer un pattern numérique faussement hétéroclite), suite probablement à son intérêt-manie pour les nombres et les modules ; sa musique, ancrée dans son temps (avec dissonances!), est souvent caractérisée comme très rythmique, brutale et abrupte (erratique, imprévisible, intuitive, tout en étant calculée, jamais gratuite), par bloc de sons (coupants), mais elle laisse aussi la place aux méditations, élégies (sans abandon) ; en ce sens (abrupt, ciselé, absence de sentimentalisme), il se rapproche (non revendiqué !) de l'esthétique de Boulez, mais sa musique est pleine (pas granulaire), avec un geste vital et démonstratif (pas solaire) ; il est fasciné par la dimension théâtrale selon 3 concrétisations : (1) nombreux opéras (poignants dramatiquement, mais sans pathos), avec une structure dramatique non linéaire (par exemple, flash-backs, récits selon différents points de vue) et/ou actions simultanées (avec la scène segmentée comme dans "The Mask of Orpheus"), (2) nombreuses pièces instrumentales avec une écriture-construction théâtrale, et (3) sur-investissement dans la mise en scène instrumentale pour laquelle les interprètes se meuvent individuellement en cours d'exécution (à la suite de Luciano Berio, comme Mauricio Kagel, mais sans le côté provoc) ; la gestation-maturation de ses pièces (concept, écriture, bourgeonnement) peut durer plusieurs années, indépendamment de leur longueur ; il est plus à l'aise dans l'utilisation des vents, des bois et des percussions que des cordes… Pièces emblématiques (sur un catalogue de plus de 190 pièces, la plupart pas assez connues en France): "Tragoedia [Tragédie]" (1965, pour ensemble, stupéfiant d'invention, le matériel étant repris dans son 1er opéra), "Punch and Judy" (1967, opéra, coup d'essai, coup de maître, cruel), "Verses for Ensembles" (1969, une merveille du théâtre instrumental), "The Triumph of Time" [Le Triomphe du Temps] (1972, pour orchestre, avec une célèbre procession funéraire), "Silbury Air" (1977, pour ensemble, énigmatique et pulsé), "Carmen Arcadiae Mechanicae Perpetuum [Chanson Perpétuelle de l'Arcadie Mécanique]" (1978, pour petit ensemble, avec des ostinatos détraqués), "Agm" (1979, pour chœur et petit orchestre, un chaos fascinant), "Secret Theatre [Théâtre secret]" (1984, pour ensemble, erratique et linéaire), "The Mask of Orpheus [Le Masque d'Orphée]" (1986, opéra phare, protéiforme avec électronique), "Earth Dances [Danses de la Terre]" (1986, pour orchestre, marquées par l'exubérance pulsée), "Endless Parade" (1987, concerto pour trompette, cordes et vibraphone), "Antiphonies" (1992, piano et orchestre), "Gawain" (1994, opéra, non écouté en concert, avec une belle suite d'orchestre, truculente ou évovatrice, intitulée "Gawain's Journey"), "Panic" (1995, pour saxophone alto, percussions de jazz et orchestre, superbe jeu-dialogue), "Pulse Shadows [Ombres pulsées]" (1996, pour soprano et 9 musiciens, méditative), "Harrison's Clocks" (1998, pour piano, 5 courtes études de rythme sur le temps), "Exody" (1998, pour orchestre, labyrinthe pugnace et chaotique), "Theseus Game" [Le Jeu de Thésée] (2003, pour 2 ensembles et 2 chefs, brillant jeu de piste, avec déplacement sur scène des instrumentistes), "The Last Supper" (2000, opéra, une ré-exploration non religieuse de la Cène du Christ), "The Io Passion" (2004, opéra de chambre, non écouté en concert), "The Minotaur" (2008, opéra mythologique), Quatuor "Tree of Strings" (2008, mis en espace), Trio à cordes (2011, en précaire équilibre). | Angleterre |
Boesmans | 1936 | 2022 | Philippe Boesmans [1936, Belgique (Tongres) - 2022, Belgique (Bruxelles), décédé à 85 ans] (prononcer «bossmanns») est un compositeur autodidacte après des études de piano concertiste au Conservatoire de Liège (tardives, à partir de l'âge de 16 ans, jusqu'à 1957) ; des rencontres clés avec Pierre Froidebise, Célestin Deliège et les compositeurs Luciano Berio et Henri Pousseur, ainsi que des stages à Darmstadt dès 1962 déterminent sa carrière de compositeur (même s'il a été pianiste-instrumentiste pour le projet Musique Nouvelle de Bruxelles jusque vers 1962, et même s'il s'est détourné des études de composition, ou d'harmonie) ; Flamand par ses origines, mais Wallon francophile par son éducation, il est la figure de proue de la création Belge entre 1985 et 2010 ; il s'est inscrit et a milité au Parti Communiste Belge un temps et il a travaillé à la RTBF (pour la radio Belge), y compris comme animateur à l'antenne ; en 1971, il est attaché au Centre de Recherches Musicales de Wallonie, dirigé par Henri Pousseur, et au Studio électronique de Liège et depuis 1985 (jusqu'en 2007), compositeur en résidence au Théâtre Royal de la Monnaie, qui lui commande des opéras et les crée (sauf le récent, "Yvonne", créé à Paris Bastille en 2009, sous l'impulsion du Belge Gérard Mortier) ; sa collaboration et son amitié avec Luc Bondy sont une source d'inspiration musicale primordiale, mais qui va s'éroder avec la disparition de ce dernier ; sur le plan humain, c'est incontestablement un homme de théâtre-spectacle, de fidélité, d'indépendance (pas d'embrigadement dans une chapelle), terriblement sérieux (sans se prendre au sérieux, avec distance et un zest de contestation-provocation), farouche (secret)... Première œuvre significative : "Upon La Mi" (1970, pour voix, cor en fa et ensemble instrumental). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Synthétique (tendance patchwork). Philippe Boesmans est un compositeur important, quasi-autodidacte, avec à partir de 1980 (donc tardivement), un style propre (plutôt fluide, délié, luxuriant, chantant), minutieux (ornementé, festonné), contrôlé (bien que donnant le sentiment de naturel improvisé) et subtil ; son langage, personnel, n'est pas révolutionnaire (ni strictement sériel, ni aléatoire, ni spectral), mais inventif et expressif : plutôt accessible (moderne, à dominance tonale, de moins en moins dissonnant, mais instable, avec des collages), dans la lignée de Stravinsky et Bernstein (rythmes, patchwork de timbres, placages), mais très éclectique (du médiéval au Rock tendance, voire le folk et la chanson, en séquences, jusqu'au bastringue) ; ses premières œuvres datent du début des années 1960 et témoignent de la profonde influence d'un sérialisme diversifié (alors, à son zénith en Belgique), bientôt renié (après 1968) comme un «avant-gardisme militaire» et remplacé par des consonances tonales inouïes et de périodicités rythmiques originales pour ses pièces de maturité (seules importantes) ; il est un compositeur d'opéras reconnu (priorité au scénario-livret-tendance, notamment avec Luc Bondy (4 livrets), soutien des chanteurs et de la voix naturelle, orchestre traité comme un personnage en tant que tel) ; avec l'âge, ses partitions récentes hélas se répètent un peu, dérivent vers l'auto-dérision et l'accumulation de clins d'oeil… Pièces emblématiques (sur un catalogue total limité d'environ 65, hétérogène): "Fanfare I" (1972, pour 2 pianos en équerre et un seul instrumentiste), "Fanfare II" (1972, pour orgue, pièce ingénieuse, rare pour cet instrument), "Concerto pour Violon" (1979, tout en strates), "Conversations" (1980, pour orchestre, éthéré, rêveur, non écouté en concert), "Surfing" (1990, pour ensemble, pièce audacieuse, joueuse), "Trackl-Lieder" [Mélodies de Trackl] (pour soprano et petit orchestre, 1990, envoûtant), "Summerdreams" (Quatuor n°2, 1995, sensuel, suspendu), et récemment, par prédilection, des opéras qui ont fait sa réputation (aux livrets «tendance», provocants, mais théâtralement bien construits, souvent écrits par Luc Bondy), "La Passion de Gilles" (1983, opéra, sur les déviances pédophiles), "Reigen" [La Ronde] (1993, opéra, sur le libertinage, les amours monnayées, contraintes, dérobées, toujours faussées), "Wintermärchen" (2000, opéra Shakespearien, sur les passions aveugles), "Julie" (2005, opéra de chambre, davantage théâtre musical parlando, sur la séduction ancillaire et la culpabilité), "Yvonne de Bourgogne" (2009, opéra sur l'ostracisme, cinglant, mais moins inspiré musicalement, notamment la fin). | Belgique |
Boucourechliev | 1925 | 1997 | André Boucourechliev [1925, Bulgarie (Sofia) - 1997, France (Paris), décédé à 72 ans] est d'origine Bulgare (il a étudié la composition à Sofia), mais il a émigré jeune (1949) en France pour suivre les cours à l'école normale de musique de Paris (boulevard Malesherbes, près de Monceau, alors dirigée par Alfred Cortot, aujourd'hui Conservatoire de Région) ; à son tour, il a enseigné au Conservatoire de Paris et à l'Université d'Aix-en-Provence (ses amis, élèves ou autres, le surnomment par jeu «Boucou») ; une personnalité hors des courants, davantage intéressée par la liberté et le sens du jeu laissés à l'interprète que par le sérialisme, et, passionné par l'analyse des autres compositeurs (remarquables biographies synthétiques de Beethoven, de Stravinsky et de Schumann) et aussi de littérature. Site Internet : www.boucourechliev.com... Première œuvre significative : "Grodek" (1963, pour soprano, flûte et 3 percussions). Instrument pratiqué : piano (concertiste). | Moderniste-Aléatoire. André Boucourechliev est un musicien à part, peu prolifique, sa musique requiert une écoute attentive (librement sérielle ou non sérielle) ; son œuvre se caractérise souvent par une grande liberté laissée aux interprètes, notamment de disposer de séquences prédéfinies, les obligeant ainsi à une écoute réciproque intime (œuvre à la fois ouverte et modulaire, aussi dite mobile, donc faussement aléatoire, avec des points de ralliement d'ensemble pour les interprètes, un peu comme les improvisations des musiciens de Jazz) ; sa musique est subtile, allusive, souvent pour des pièces courtes ; son style est marqué par la force, l'urgence, parfois la sauvagerie, pour se tendre parfois jusqu'à l'extase, avec en outre une dimension d'intelligence ludique (à noter que ses partitions, parfois limitées à une page géante, affichent une esthétique graphique additionnelle), d'autres fois, le calme, la mélopée prennent le dessus, mais le désespoir n'est pas loin ; il a également beaucoup travaillé la voix et la flûte ; cependant ses intrusions dans l'électronique sont limitées à des modulations déformées lors de mixages sur bande magnétique au studio de Milan et au GRM à Paris (Thrène, 1974), mais sont vite abandonnées… Pièces emblématiques (sur un total limité à une trentaine) : "Musiques Nocturnes" (1966, pour clarinette, piano et harpe, nuit-mystère alanguie), la série des "Archipels I-IV" (1967-1970, pour pianos et/ou non percussions, sauf II, pour quatuor, un labyrinthe en carte marine), "Anarchipel" (1970, pour percussion, piano, clavecin, harpe, orgue, suite indissociable des Archipels), "Ombres" (1970, pour ensemble de 12 musiciens, en demi-teintes continues, délicat et subtil, où des extraits des quatuors de Beethoven forment le matériau, "Faces" (1972, pour 2 orchestres), Concerto pour piano (1975, non écouté en concert), "Le Nom d'Œdipe" (1978, opéra dramatique), "Trois Fragments de Michel-Ange" (1996, pour soprano, flûte et piano, non écoutés en concert), ainsi que ses quatuors (notamment le n°3, 1994, et "Miroir II", 1989), essentiels, superbes, mais difficiles d'accès. | France |
Boulez | 1925 | 2016 | Pierre Boulez [1925, France (Montbrison, Loire) - 2016, Allemagne (Baden-Baden, Bade-Wurtemberg, Forêt Noire, décédé à 90 ans] (prononcer «boulèze») ne suit que tardivement le cursus du Conservatoire de Paris (après les classes préparatoires aux Grandes Écoles scientifiques), avec notamment Olivier Messiaen comme professeur-guide. Il est à la fois compositeur, chef d'orchestre, essayiste, fondateur de formations instrumentales (le Domaine Musical, l'Ensemble Intercontemporain), entrepreneur (Ircam, Concerts-lecture Étudiants) ; une dimension incontournable de l'homme est son intelligence, très au dessus de ses pairs (et des critiques), son sens de la communication et son esprit tranchant, indépendant et débatteur (en ce sens, ses livres sont essentiels pour comprendre la Musique Contemporaine) ; en réaction, ses (nombreux) ennemis ont d'abord obtenu son exil (en Allemagne, puis en Grande-Bretagne et aux USA), et, lors de son retour pour la création de l'Ircam, ont voulu l'estampiller comme sectaire, théoricien, rigide (ce qui est totalement faux) tout en magnifiant son activité de chef d'orchestre (certes remarquable, notamment ses interprétations de Bartók, Wagner, Stravinsky, Webern, Mahler ou Debussy, mais si temporelle que son activité créatrice en a souffert) ; le jeune adulte est un surdoué en rebellion contre l'ordre établi ; l'homme mûr est un entrepreneur pragmatique, un défricheur de nouveaux horizons (le sérialisme au début des années 50 avec le théorique "Polyphonie X" ou les arides 1ères "Structures", l'œuvre ouverte à l'interprète au milieu des années 50 avec la 3ème Sonate pour piano, l'ordinateur comme instrument de réorganisation du son et comme miroir pour l'interprète dans les années 80), un concepteur de projets innovants (l'IRCAM, la Cité de la Musique à la Villette, et la Salle de Concert modulaire et polyvalente) ; son influence a été considérable sur toute la Musique Contemporaine, en France comme à l'étranger, et sur les compositeurs de sa génération et des générations suivantes (par entraînement ou, dans le cas des spectraux, par opposition) ; le personnage est d'un abord rugueux, sec, exigeant, rationnel, puis devient sensible, ouvert, altruiste, authentiquement généreux, tout en restant secret (sphinx), pragmatique et (intellectuellement) secondaire ; ses dernières années ont été terribles car après un glaucome grave en 2010, il a perdu peu à peu l'essentiel de la vue ; un hommage lui a été consacré lors de sa disparition, ICI... Première œuvre significative : "12 Notations" (1945, pour piano solo), "3 Psalmodies" (1945, pour piano solo, retirées du catalogue, mais très signifiantes de son style futur et belles). Instrument pratiqué : piano, ondes Martenot (dans sa jeunesse). | Moderniste-Sériel-Innovateur. Pierre Boulez est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine ; son langage musical est unique, cohérent et fondé sur la recherche de phrases qui s'entremêlent, se répondent, à l'identique ou le plus souvent retravaillées (retournement, déplacement, dérive), avec plusieurs points de vues (dialogues, spirales, miroirs, transferts) et de sonorités uniques (juxtaposées, décalées) par des combinaisons inouïes et un langage toujours renouvelé (avec une part de jeu, plus ludique avec l'âge) ; son esthétique se rapproche davantage de Debussy-Varèse que de la seconde École de Vienne ou de Stravinsky (il clame le triple héritage) ; à l'instar de ses contemporains du premier Darmstadt, il a innové dans tous les champs de la musique (avec une dose de provocation envers la «tradition»), puis s'est assagi en composant des œuvres plus accessibles et toujours innovantes ; son style ne contient pas d'emphase sentimentale, mais plutôt un environnement poétique pour de la musique pure et subtile (ce qui n'exclut pas l'émotion, à l'instar de Schumann, Stravinsky, Mahler ou Bach) ; alors sa musique apparaît hédoniste et sensuelle (même ses premiers opus, une fois revisités par des interprètes sans a priori), tout à tour souple et ductile, puis carrée, acérée (comme un jeune chat) ; une dimension unique de sa démarche créatrice est le remodelage itératif de ses œuvres, comme autant de versions nouvelles sans être fondamentalement différentes («work in progress») et la ré-utilisation-extension de matériaux précédents (par exemple, pour les "Notations") dans un souci obsessionnel de ne pas vouloir s'enfermer ou piéger, et d'explorer le vraiment neuf... Pièces emblématiques (dans un catalogue restreint, sans déchet) : la plus accessible de Boulez est sans conteste "Rituel" de 1975 (et les "Notations" pour orchestre, depuis 1978-1980, ou "Cummings" de 1970), son chef d'œuvre plutôt accessible est "Répons" (1981), et ses chefs d'œuvre moins accessibles sont nombreux, les plus connus étant "Le Marteau sans Maître" (1954) et "Pli selon Pli" (1962), puis "Éclat-Multiples" (1965), "Sur Incises" (1996, pour 9 instrumentistes) et "Dialogue de l'Ombre Double" (1985, pour clarinette en double), Anthèmes (1992, pour violon et électronique), sachant que la révolutionnaire et géniale 2ème Sonate (1948, pour piano) ne s'apprécie qu'avec la diversité des interprètes ; autres pièces importantes : "Explosante-fixe" (1973, pour 8 musiciens et électronique), "Messagesquisse" (1976, violoncelle solo et 6 violoncelles), "Dérive 1 et 2" (1990-2006, pour 6 et 11 musiciens, 2 sommets très distincts, le premier par le timbre, le deuxième, par ses variations vertigineuses à la «Bach»), "Memoriale" ; les pièces d'avant 1960, notamment vocales ("Soleil des Eaux", "Le Visage Nuptial") ou, surtout, la 3ème Sonate, les 2 livres de "Structures", l'exceptionnel (livre pour) Quatuor, sont très belles mais plus difficiles d'accès. | France |
Britten | 1913 | 1976 | Benjamin Britten [1913, Angleterre (Lowestoft, Suffolk) - 1976, Angleterre (Aldeburgh, né le jour de la fête de Sainte Cécile), décédé à 63 ans] (prononcer «benndjaminn briteunn») étudie le piano (sa mère est obsessionnellement aimée), puis la composition avec Frank Bridge (il est son unique élève), et John Ireland au Royal College of Music de Londres ; compositeur engagé socialement et passionné de chant (notamment pour ténor -Peter Pears qui est son compagnon de vie- et pour voix de garçons), il est l'exemple de l'artiste sensible (et fragile, marqué par de nombreuses dépressions), témoin pacifiste (comme Michael Tippett) et protestataire dans les temps modernes (objecteur de conscience, il s'exile aux USA de 1939 à 1942 avec Pears), défenseur des libertés et des minorités (notamment des enfants, lui-même a été agressé) ; un personnage idéaliste et meurtri, sur-attaché à ses racines géographiques (co-fondation du Festival lyrique d'Aldeburgh en 1948) et familiales, mais avec de terribles zones d'ombre (un goût sexuel pour les jeunes garçons qu'il ne faut pas masquer) ; sa santé physique a toujours été préoccupante : dès 1968, premiers troubles cardiaques (endocardite et pathologie de la valve aortique, probablement congénitale), puis attaque cérébrale, et en 1973, opération de chirurgie cardiaque, limitation au fauteuil roulant, paralysie du côté droit (écriture avec la seule main gauche). Site Internet (en Anglais) : www.brittenpears.org... Premières œuvres significatives (ses compositions d'avant guerre sont très nombreuses, plus de 10 par an depuis 1930, mais inégales sauf celles révisées ensuite): "Simple Symphony" (1934, fraîche et néo-classique), "Variations sur un Thème de Frank Bridge" (1937, pour orchestre à cordes, brillant, mais pas superficiel, exercice de style). Instrument pratiqué : piano (accompagnateur de chant, concertiste de chambre, même si curieusement il a peu composé pour cet instrument solo), orchestre (chef occasionnel). | Progressiste-National. Benjamin Britten est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine (d'abord de style néoclassique, puis moderne, tout en restant en grande part dans la tonalité, avec un langage mixte original) et il est le promoteur de la mélodie Anglaise d'après guerre, avec un style unique (resserré, synthétique, parcellaire et allusif) et un phrasé et une orchestration limpides ; sa musique est étonnamment unique, à la fois très personnelle (immédiatement reconnaissable, intime et discontinue, polytonale et polyrythmique) et influencée par les compositeurs précédents (Bridge, Bartók, Berg, Mahler, Chostakovitch, et aussi Purcell et consort) ; contrairement à la plupart des compositeurs Anglais, sa renommée tient avant tout à l'opéra (une quinzaine, depuis "Paul Bunyan" en 1941 jusqu'à "Death in Venice" en 1973), grâce aux choix de thèmes modernes et universels de la condition humaine (les défavorisés, les exclus), à l'action ramassée et dramatique, et à une orchestration brillante et immédiatement reconnaissable, souvent avec des moyens instrumentaux limités (de facto, ou par alternance de pupitres)... Pièces emblématiques (sur un catalogue total d'environ 250): pendant la guerre (influences encore patentes), "Les Illuminations" (1940, sérénade pour petit orchestre à cordes et voix, élégiaque ou exaltée, sur des textes d'Arthur Rimbaud), Concerto pour Violon (1940, une réussite avec rage, fougue et inquiétude), "Symphonia Da Requiem" (1941, pour orchestre, une grande réussite marquée par le premier Stravinsky et Prokofiev), "A Ceremony of Carols" (1942, pour harpe et chœur de garçons, avec le tube "This little Babe"), "Sérénade" (1943, pour ténor, cor et cordes, plutôt nocturne et voluptueuse) ; après guerre, "Peter Grimes" (1945, opéra théâtre, une œuvre phare inquiétante, avec séparés "Four Sea Interludes [Quatre Interludes Marins]", pour orchestre), "The Rape of Lucretia [Le Viol de Lucrèce]" (1946, opéra de chambre), Quatuor à cordes n°2 (1946), "The Young Person's Guide to the Orchestra" (1946, pour orchestre, un tube néoclassique sur des thèmes de Purcell, pour l'éducation musicale enfantine), "Albert Herring" (1947, opéra de chambre), "Spring Symphony [Symphonie du Printemps]" (1949, pour soprano, contralto et ténor solo, chœur de garçons et orchestre, célébration du réveil du Printemps et hommage à Mahler et son "Chant de la Terre"), "Lachrymae" (1950, pour alto et piano), "Billy Budd" (1951, opéra théâtre), "The Turn of the Screw [Le Tour d'Écrou]" (1954, opéra de chambre), "A Midsummer Night's Dream [Le Songe d'une Nuit d'Été]" (1960, opéra théâtre), "War Requiem" [Requiem de Guerre] (1962, oratorio pacifiste, enflammé), "Curlew River [La Rivière aux Courlis]" (1964, opéra de chambre, en parabole), "Owen Wingrave" (1971, opéra pour la télévision, au langage dodécaphonique), "Death in Venice [Mort à Venise]" (1973, opéra théâtre, sur un livret passionnant inspiré de Thomas Mann, tout en trompe l'œil), "Cello Symphony" (1964, concerto pour violoncelle), "3 Suites pour Violoncelle seul" (1965, 1967, 1971), Quatuor à cordes n°3 (1976, énigmatique, résigné et grinçant) et le populaire "War Requiem [Requiem de Guerre]" (1962, pour chœur et orchestre, une cantate longuement mûrie, non liturgique, pacifiste et grandiose). | Angleterre |
Cage | 1912 | 1992 | John Cage [1912, USA (Los Angeles) - 1992, USA (New York), décédé à 79 ans] (prononcer «keydge») est venu tard à la composition, après avoir travaillé comme jardinier en Californie, et avoir voyagé en Europe (1930-1931) : en 1934, il se met à étudier la composition d'abord avec Henry Cowell à New York puis avec Arnold Schoenberg en Californie (aussi l'analyse, la composition, l'harmonie et le contrepoint) ; en 1949-1950, à Paris, il travaille sur la musique de Satie et rencontre notamment Olivier Messiaen, Pierre Schaeffer et surtout Pierre Boulez, avec qui il entretient ensuite une longue relation épistolaire (jusqu'en 1954, publiée) ; de retour à New York, il se lie d'amitié avec ses cadets qui formeront l'école dite «de New York», Morton Feldman et Christian Wolff (né en 1934), rejoints en 1952 par Earle Brown (1926-2002) ; sa venue pour la première fois aux Ferienkurse de Darmstadt en 1958, avec initiation à la «Composition as Process» et à ses pièces indéterminées, comme "Variations I", vont susciter de vastes débats, vite stériles, au sein de l'avant-garde Européenne ; enfin, son activité plastique (extra-musicale) débute avec l'exposition de ses partitions en 1958 dans la Stable Gallery, puis s'intensifie avec les «gravats», une forme de contre-culture, réalisés à Crown Point Press (au total, production de quelques 900 gravats, aquarelles et dessins) ; délibérément à part : poète, écrivain, philosophe, plasticien, mycologue amateur (passionné de champignons), provocateur (son œuvre la plus idiomatique est probablement "4mn33" de 1952, une pièce silencieuse pendant laquelle le pianiste ne joue pas, mais qui est souvent «interprétée» en posant simplement les mains sur le clavier pour entendre les bruits venant du public, laissant ainsi les spectateurs face à la «vraie» liberté musicale), inventeur iconoclaste et bricoleur (le water gong, une percussion plongée dans l'eau, ou bien, le piano préparé, dans "Bacchanale" en 1940, en insérant entre les cordes de son piano des objets divers comme des boulons ou des gommes, lesquels changent le son émis, à l'occasion d'une œuvre avec chorégraphie à thèmes Africains, faute, pour des raisons techniques, de pouvoir utiliser des percussions), inspirateur, entre autres, du mouvement Fluxus, co-fondé par La Monte Young, «farceur éternel» ; le personnage est clairement excentrique (porté par une vision artistique transcendante, voire provocatrice), et aussi libertaire, mais fidèle : il a vécu et collaboré jusqu'à sa mort avec son compagnon, le danseur et chorégraphe Merce Cunningham, ce qui explique son tropisme pour les ballets et pour la représentation diagrammatique ou pour la mise en scène impromptue (avec éventuellement la voix du compositeur-récitant-dialoguiste), ou encore les effets de happening, inventé en 1951 avec "Music of Changes". Site Internet non officiel (en Anglais, réalisé par un fan Hollandais, Andre Chaudron) : www.johncage.info et officiel à l'occasion de son centenaire pour 2012, www.johncage.org... Premières œuvres significatives : "Bacchanale" (1940, 1ère historique du piano préparé, influencée par les rythmes de Gamelans Indonésiens), "Imaginary Landscape n°1" (1939, pour 2 tourne-disques à vitesse variable, piano étouffé et cymbale). Instrument pratiqué : piano. | Inclassable-Innovateur. John Cage est un compositeur-innovateur important, un provocateur-iconoclaste (humoristiquement subversif) et l'initiateur de l'aléatoire en musique qui produit des partitions «ouvertes» exemplaires chez Pierre Boulez ("3ème Sonate") et KarlheinzStockhausen ("Klavierstück XI") : en effet, son enthousiasme pour les philosophies asiatiques le conduit à la fin des années 1940, à une étude très approfondie du Zen et ensuite à nier l'intentionnalité dans l'acte créateur : il recourt au I Ching (livre Chinois des oracles), donc au hasard, pour décider des hauteurs, des durées et de la dynamique dans sa "Music of Changes" pour piano (1951) ; l'étrangeté de ses compositions laissent transparaître l'influence du compositeur Érik Satie, auteur de bizarreries musicales (à l'époque), comme les ésotériques "Gnossiennes" ou encore les très épurées "Gymnopédies", avec une tentation permanente pour le détournement (par exemple, un lied avec accompagnement de piano fermé) ou la provocation (les titres de sa dernière période limités à des nombres correspondant à l'effectif, ou les jeux de mots comme "Roaratorio"...) ; il a aussi la particularité de n'indiquer dans ses compositions aucune ponctuation musicale, laissant à l'interprète comme seules indications des descriptions d'atmosphère, au lieu des traditionnels piano ou forte ; il a également «inventé» le piano préparé par ajout à l'instrument (un bricolage, par nécessité, à l'origine) de petits objets entre les cordes ; ses nouvelles idées, sans fin, ont participé à de nombreux concepts originaux de composition dans la Musique Contemporaine (aléatoire, happening, électroacoustique, théâtre musical, etc.), mais leurs réalisations musicales n'ont pas toujours le même degré d'inspiration ; son style par nécessité hétérogène, voire hétéroclite, est marqué par l'exubérance et par le métallique (aussi parfois, par la litanie, le monodique) ; son langage, plutôt tonal, est toujours rythmique (il est un des pionniers des percussions seules) et peu harmonique… Pièces emblématiques (sur un catalogue très vaste et inégal, avec beaucoup de déchet, avec des titres en séries, comme la série des "One" de 1 à 13, chacun pour instrument solo différent) : "Imaginary Landscape n°2" (1942, pour 5 percussions, magnétique et innovant), "Amores" (1943, pour piano préparé et percussion), "Three Dances" (1945, pour 2 pianos préparés amplifiés), "Sonates et Interludes" (1946-1949, pour piano préparé, célèbres rêves à la Balinaise), Quatuor "en quatre Parties" (1950, de facture classique), Concerto pour piano préparé (1951, pour piano et orchestre), "Imaginary Landscape n°4 (1951, pour 12 postes de radio, avec des sons inaudibles-brouillés, une foucade de fritures, une mise en abîme de la radio), "Music of Changes" (1951, pour piano, la pierre angulaire du hasard en musique), "4 minutes 33" (une œuvre vide de sons, pratique radicale de l'aléatoire, de 1952 : le pianiste ne joue pas, mais ouvre et ferme le clavier entre chaque «mouvement» ; Extrait-Vidéo), Concerto pour piano et orchestre (1958), "Double Concerto" (1961), "Hymns and Variations" (1979, pour 12 solistes vocaux amplifiés, hypnotique et statique), "Roaratorio, an Irish Circus on «Finnegans Wake»" (1981, pour bande, récitant, chant, percussions, bricolo-anecdotique, mêlant traditionnels et bruits), "Ryoanji" (1984, voix solo et percussion ou orchestre, non écouté), "Thirty Pieces for 5 Orchestras" (1986, pour orchestre, non écouté en concert), "Two" (1987, avec initiation des «time brackets»), Concerto pour Violoncelle (1991, violoncelle et orchestre), "Five" (1991, pour 3 percussions et 2 saxophones), "Thirteen" (1992, pour ensemble de 13 instrumentistes), "Seventy Four" (1992, pour orchestre, une monodie obsédante). | USA |
Campana | 1949 | 75 ans | José Luis Campana [1949, Argentine (Buenos Aires) - ] étudie la psychologie en même temps que la composition sous la direction de Jacobo Ficher (de 1968 à 1975), à Buenos Aires, avant d'émigrer en France pour continuer avec Betsy Jolas, Ivo Malec, et pour la musique électronique avec Guy Reibel (de 1979 à 1985) ; en 1986, il enseigne l'analyse et l'interprétation de la Musique Contemporaine au Conservatoire de Paris, à la Villette (jusqu'en 1992), puis à Musikene, le Centre supérieur de musique du Pays Basque Espagnol, à San Sebastian ; en 1993, il co-fonde, à l'Université d'Orsay, Arcema (Atelier de Recherche, Création et Enseignement de la Musique Actuelle), et il en est le directeur artistique jusqu'en 2008. Site Internet : www.jlcampana.fr... Première œuvre significative : "Background" (1982). Instrument pratiqué : guitare. | Moderniste-National. José Luis Campana est un compositeur important par le mixité de son ascendance Argentine et de son ascèse personnelle marquée par le post-sérialisme ; sa musique, exigeante par la tension extrême qu'elle impose au jeu instrumental (et aux interprètes), mêle depuis quelques années les échos d'influences de divers pays lointains, aux sonorités modernes ; pour des raisons inconnues il a disparu des radars et ne semble plus composer (pas de création récente)… Pièces emblématiques : "Timing" (pour soprano et ensemble, 1984), "D'un Geste Apprivoisé" (pour basson et électronique, 1995-2002), "Feelings-Once" (1997, pour flûte, saxophone, piano et percussions), "Asi" (2000, pour guitare et électronique), "Babel" (2007, pour voix, 2 clarinettes, percussions et piano). | Argentine |
Carter | 1908 | 2012 | Elliott Carter [1908, USA (New York) - 2012, USA (New York)] (prononcer «illiott carteur») n'est pas issu d'une famille mélomane ou d'un cursus musical précoce ou normé (sa vocation relève de rencontres, d'abord, en 1924, de Charles Ives qui devient un ami, un guide et un modèle, puis de la modenité musicale Américaine, Carl Ruggles et les Européens ou Russes immigrés) ; il étudie la littérature Anglaise et la musique à Harvard, puis de 1932 à 1935, il travaille avec Nadia Boulanger à l'École Normale de Musique à Paris (à l'époque d'obédience néo-classique), notamment la composition et le contrepoint ; entre 1936 et 1940, il est critique musical (grâce à Aaron Copland), et directeur musical des ballets Caravan, puis il enseigne à St John's College dans le Maryland, avant de décider de se consacrer à la carrière de compositeur, sur les conseils de son ami Charles Ives ; son style (tardif, élaboré à plus de 40 ans, après plusieurs mois de retraite-isolement dans le désert de l'Arizona avec femme et enfant, en 1950, pour la composition de son Quatuor n°1) n'a pas de lien avec les écoles Américaines contemporaines (nationales avec Copland, minimalistes avec Steve Reich, ou expérimentales avec John Cage), mais plutôt avec la période antérieure (Charles Ives), le Jazz contemporain (Duke Ellington), et surtout l'Europe (Bela Bartók, Edgard Varèse, la synthèse du Schoenberg expressionniste et du Stravinsky rythmicien, et plus tard Pierre Boulez avec lequel il a noué une longue amitié) ; en raison de ses occupations pédagogiques (dispersées), il est peu prolifique jusqu'aux années 80 (alors un revirement se produit avec plusieurs créations par an, y compris dans les années 2000, avec une tendance vers l'épure, le multiphonique, et la transparence) ; pour l'anecdote, il faut signaler que Carter, pourtant non sériel, a été surnommé le Boulez Américain (à tort, car leurs 2 musiques ont des esthétiques très éloignées, partageant seulement un tropisme pour l'abstraction, la pureté et la poésie) et qu'il est le compositeur à la plus grande longévité de toute l'histoire de la Musique (son centenaire a été fêté le 11 Décembre 2008, en sa présence parfaitement lucide et avec des créations dont le caractère savant ne s'est pas atténué ; il a composé près de 30 pièces nouvelles après sa centième année, certaines majeures ; il est le compositeur à la plus grande longévité compositionnelle de toute l'histoire de la musique, car d'autres ont vécu aussi vieux comme Paul Le Flem, 103 ans, voire plus, Leo Ornstein, 108 ans, mais ils avaient arrêté de composer depuis longtemps). Site Internet du centenaire (en Anglais) : www.elliottcarter.com... Premières œuvres significatives : Symphonie n°1 (1944, jazzy et apparemment improvisée, non écoutée en concert), Sonate pour piano (1946, non écoutée), Sonate pour violoncelle et piano (1948, pulsée et décalée). Instrument pratiqué : piano, hautbois. | Moderniste-Polyrythmique. Elliott Carter est un compositeur majeur pour ses recherches sur la modulation dite «métrique» (il s'agit de chevauchements de tempi et de textures différents par les différents pupitres, à deux, voire multiples), qui a été initiée par Alban Berg ou Igor Stravinsky (dans "Noces"), à la suite des polyphonistes du 14ème siècle en passant par le dernier Beethoven, et qu'il a généralisée en visant une impression d'improvisation pour l'auditeur (impression amplifiée par des changements imprévus dans le discours musical) ; après quelques compositions néo-classiques ou nationales jusqu'à 1948 influencées par Nadia Boulanger ou Aaron Copland (mineures), il s'oriente progressivement vers un travail d'extension du langage portant sur les hauteurs, la texture (serrée, tendue) et le rythme (poly-rythmie) ; chacune de ses compositions, toujours savantes (au sens où l'on perçoit à l'écoute une intelligence d'écriture), témoigne d'une recherche formelle approfondie qui lui confère son caractère particulièrement expressif (caractérisé, ciselé), presque physique, éloigné de tout sentimentalisme ou d'affect, souvent ludique, et une dimension universelle (plutôt difficile d'accès) ; son langage musical (superpositions indépendantes ou hyper-contrapuntisme, constants changements dans l'imprévisibilité, le tout assumé et maîtrisé) est, d'une grande cohérence ; son esthétique est particulièrement en phase avec sa personnalité poétique, intellectuelle (précise), et d'humeur changeante ; sa musique est caractérisée par son mouvement d'avancement, par sa pulsation verticale en superposition (sans sur-usage de l'ostinato), par des flashes de couleurs brillantes, par des gestes dramatiques audacieux ou impératifs, par l'individualisation instrumentale (sur-division), et par des textures versatiles ; après Bartók, c'est le compositeur moderne qui a le mieux réussi dans l'exploration nouvelle du quatuor à cordes (5, au total) et il a largement exploré le domaine du concerto et de miniatures… Pièces emblématiques (sur un total de près de 150, toujours bien construites, pas toujours au plus haut de l'inspiration, certaines asséchées par le formalisme) : Quatuor n°1 (1951-1953, brillante relève des pièces de Bartók), "Variations pour Orchestre" (1955, polyphoniques), Quatuor n°2 (1960, première pièce avec modulation métrique, avec une humeur différente pour chacun des 4 solistes), "Double Concerto" (1961, pour piano, clavecin et 2 orchestres de chambre), Concerto pour piano (1965), Concerto pour Orchestre (1969, non écouté en concert), Quatuor n°3 (1971, le summum de la modulation métrique, les instruments groupés deux par deux, pour un éclatement extrême de la musique), "A Mirror on which to Dwell" (1975, pour soprano et ensemble, Boulézien), "Symphonie pour Trois Orchestres" (1976, une expérience brillante et unique, à la limite du collage, avec 3 ensembles indépendants par les effectifs, les matériaux, les rythmes et les tempos), "In Sleep, in Thunder" (1981, ténor et ensemble, non écouté), "Penthodes" (1985, pour 5 quatuors mixtes), Concerto pour hautbois (1986), Concerto pour violon (1990), "Inner Song" (1992, pour hautbois solo), Concerto pour clarinette (1996, avec ensemble, brillant), "What Next?" (1999, court opéra de chambre d'après le film «Trafic» de Jacques Tati sur la non-communication, une comédie -rare- non écoutée en concert), Concerto pour violoncelle (2000, virtuose mais rêche et formel), "Asko Concerto" (2000, pour ensemble, chambriste et intimiste), "Three Illusions" (2005, pour orchestre), Concerto pour cor (2008, pour cor et orchestre, une ballade dans les cimes), "Two Controversies and a Conversation [Deux Controverses et une Discussion]" (2011, pour piano, percussion et orchestre, ludique et vertigineux). | USA |
Cavanna | 1951 | 73 ans | Bernard Cavanna [1951, France (Nogent-sur-Marne, près de Paris) - ] se passionne très tôt pour la composition qu'il aborde en autodidacte, stimulé par des échanges avec Henri Dutilleux, Aurel StroëStroë, Paul Méfano et Georges Aperghis, puis qu'il maîtrise après un séjour à Rome à la Villa Médicis (1985-1986) ; depuis 1987, il travaille en tant que directeur de l'École Nationale de Musique de Gennevilliers (jusqu'à la retraite en 2018), parallèlement à ses activités créatrices (minoritaires) ; ses activités artistiques dépassent le strict propos de la musique : théâtre, ballet, pédagogie enfantine, cinéma, documentaire (il a été longtemps musicien de scène, au Théâtre de Chaillot) ; sur le plan personnel, il est enthousiaste et empathique, d'un abord simple et direct, mais aussi imprévisible (avec humour à froid ou dérision éventuelle), cherchant la séduction et l'originalité, des traits qui se retrouvent dans sa musique, et aussi idéaliste, altruiste et socialement engagé (même si le réalisme du vécu et l'âge l'ont quelque peu tempéré, dérivant vers une forte revendication humaniste, à la fois vieux sage et gentil cabotineur), des traits qui se retrouvent dans une impérieuse nécessité pédagogique populaire, dans l'immédiateté métissée de certaines pièces et dans les titres de ses pièces pour le moins contrastés ; à savoir : il aime toute la musique et les compositeurs de tout acabi, avec une prédilection pour Franz Schubert (et plusieurs transcriptions modernisées), son alter égo lointain en romantisme rêveur, et certains interprètes, notamment la violoniste Noémi Schindler. Site Internet : www.bernardcavanna.com... Première œuvre significative : "Io" (1980, pour contralto, chœur et ensemble, festive et énigmatique, pas vacharde, influencée par la muisique de Paul Mefano). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Indépendant. Bernard Cavanna est un compositeur rare, à part, à la fois dans et en-dehors des sentiers battus (son langage, original et audacieux, d'autodidacte tardif, n'est pas vraiment fixé, ou plutôt il est instable par avide curiosité, mais il est sans pareil) ; son style est aventureux, marqué par l'emploi fréquent d'instruments inattendus (bandonéon, accordéon, synthétiseur, Zarb, saxophone soprano, cornemuse...) ou, sinon, accordés parfois de façon inhabituelle (préparés, avec scordatura, ou microtonalité) et par leur association pour obtenir des sons surprenants, voire bizarres, et surtout, par un sens unique de la superposition polyphonique (verticalité) de pupitres et de thèmes (par strates) ; son style, unique, mélange à la fois le populaire et le savant, le souffle et le dynamisme orchestral (avec une touche de flon-flon musette dépaysante, mais qui a ses détracteurs), l'émotion romantique et le faussement bricolo, la profondeur et le dérisoire, le tragique et l'anecdotique, l'hyper-sérieux et le déjanté ; à noter qu'il reprend très souvent ses œuvres pour des retouches, pour changer l'instrumentation ou l'effectif, voire pour des extensions (mais ce n'est pas du «Work in Progress» Boulézien, plutôt une insatisfaction permanente) et qu'il emprunte, en les transformant, des séquences précédentes dans ses pièces (non par panne d'inspiration, mais plutôt pour donner une touche de réminiscence)… Pièces emblématiques (sur un total de moins de 50, en 2022): "Messe un Jour ordinaire" (1994, pour solistes, chœur et ensemble, une «fausse» messe et un brûlot anti-dogmatisme-religieux, révisée en 2022), "La Confession impudique" (1992-2000, opéra de chambre), "Trio avec accordéon n°1" (1996, pour violon, violoncelle, accordéon, poétique et théâtralisé), Concerto pour violon et orchestre (1999, version pour orchestre de chambre en 2002, pseudo-lyrique), "3 Chants cruels" (2000, pour soprano et orchestre ou ensemble, tirés de son unique opéra), "Pas à pas sans se soucier" (2004, pour soprano et 7 violoncelles, ou un seul violoncelle avec re-recording, sur un poème de Marina Tsvetaeva, introspectif), "Gennevilliers Symphony" (2007, pour grand orchestre, mâle fagoté), "A l'Agité du Bocal" (2013, pour 3 ténors et ensemble, enfiévré manifeste politique faussement bricolo, d'après Céline), "Scordatura" pour violon(s) et orchestre (2019, version pour ensemble en 2022, 2ème concerto dérisoirement sérieux et acrobatique). | France |
Cerha | 1926 | 2023 | Friedrich Cerha [1926, Autriche (Vienne) - 2023, Autriche (Vienne)] (prononcer «tsèrrhhâ», en roulant le 'r' et en soufflant le 'h' et se rappeler son petit prénom 'Fritz') étudie la composition avec Alfred Uhl, le violon avec Vasa Prihoda, et la philosophie et la philologie Germanique à Vienne ; de 1956 à 1959, il participe au cours d'été de Darmstadt ; c'est un personnage important de la vie musicale (si active par rapport à la France) en Autriche et il devient un pédagogue respecté à la Hochschule für Musik (le Conservatoire de Vienne) de 1969 jusqu'à sa retraite en 1988 ; il est fondateur de l'ensemble de musique contemporaine «Die Reihe» [La Série], à Vienne ; il termine en 1979 l'orchestration de l'opéra inachevé "Lulu" d'Alban Berg (acte III), créé ensuite par Pierre Boulez, comme chef d'orchestre ; c'est un ami personnel fidèle de György Ligeti (il a intégré le statisme musical, mais leurs influences sont réciproques) ; c'est un artiste pluriel (aussi peintre) ; le personnage est avenant, à l'écoute vraie, un peu distrait. Site Internet : www.friedrich-cerha.com... Première œuvre significative : "Relazioni fragili [Fragiles Correspondances]" (1960, bruitiste, avant la mode). Instrument pratiqué : violon, orchestre (chef). | Moderniste-Postsériel (tendance modérée). Friedrich Cerha est un compositeur et chef d'orchestre Autrichien respecté, idole dans son pays, un des plus mélomane de la planète (insuffisamment joué en France) ; de la même génération que Pierre Boulez, il utilise la technique sérielle, mais ne s'est que modérement associé à l'avant-garde de Darmstadt (il est davantage un héritier de Berg) ; compositeur visionnaire, il a mêlé le post-sérialisme aux longues phrases et à la couleur (Klang) ; sa musique, raisonablement atonale, sonne toujours personnelle, est immédiatement reconnaissable par son statisme qui avance et par ses couleurs propres (fragiles ou instables, avec un usage marqué de toutes sortes de percussions), souvent en agrégats (voire clusters), alliant séduction et modernité (un cas rare pour sa génération), et beaucoup de métier ; sa musique est distinguée, subtile, savante, allant de soi (le meilleur comparateur dans l'approche, pas dans l'écoute, pourrait être l'Américain Eliott Carter), avec un côté caméléon dû à sa prolificité, parfois manquant de singularité dans le paysage encombré des créateurs d'aujourd'hui… Pièces emblématiques (sur un total d'au moins 180, globalement de haute tenue, y compris 2 opéras, avec nombre de pièces chambristes et plus récemment de concertos): "Spiegel I-VII" (1963, pour grand orchestre et bande, incontournable), "Impulse" (1996, pour orchestre, dynamique), "Fünf Stücke [5 Pièces]" (2000, pour trio, clarinette, violoncelle et piano, brillant chambrisme), "Neun Bagatellen" [Neuf Bagatelles] (2008, pour trio à cordes, hédonistes et mélistes), "Nacht [Nuit]" (2013, pour orchestre, mystérieux et intimiste), Quintette (2010, pour hautbois et cordes, ), Concerto pour percussion et orchestre (2008, polymorphe). | Autriche |
Chostakovitch | 1906 | 1975 | Dimitri Chostakovitch [1906, Russie (Saint-Pétersbourg) - 1975, Russie (URSS, Moscou), décédé à 68 ans] commence l'apprentissage du piano en 1915 avec sa mère, pianiste professionnelle, puis entre au Conservatoire de Petrograd (Saint-Pétersbourg) ; en 1927, l'État Soviétique lui commande une Symphonie n°2 pour commémorer l'anniversaire de la Révolution d'Octobre : ainsi devenu compositeur «officiel», il sera ballotté toute sa vie entre honneurs académiques et condamnations pour formalisme (c'est-à-dire en réalité, trop de modernisme) ; en 1943, il s'installe à Moscou et enseigne au Conservatoire tout en composant intensément une musique accessible, consonante et mélodique ; entre 1929 et 1971, il compose plus de 20 musiques de films Russes (B.O.F.), avec sérieux (presque toutes ont été transcrites en suites orchestrales ou musiques de ballets) ; le personnage est tout sauf simple (une biographie factuelle et objective est cruellement manquante, tant le vrai et le faux se superposent, y compris dans ses déclarations), en tout cas hésitant, dépressif et inconstant (il se marie 3 fois, sans parler de maîtresses), ambigu, faible et accommodant (par exemple, il est critique à mots couverts vis-à-vis de la politique de l'URSS, mais il adhère au Parti Communiste) ; sans surprise, en tant que fumeur invétéré, il meurt d'un cancer des poumons. Sites Internet, Associatif (en Français) : www.chostakovitch.org et officiel (en Anglais, non sécurisé) : http://en.shostakovich.ru/, et consacré aux 15 quatuors (en Anglais, non sécurisé) : www.quartets.de. Note : en Anglais, les prénoms et noms s'écrivent Dmitri Shostakovich... Première œuvre significative : Trio nº1 (1923, pour violon, violoncelle et piano, opus 8). Instrument pratiqué : piano. | Progressiste-National. Dimitri Chostakovitch est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine, par sa géniale invention mélodique (avec des «Tubes Grand Public» comme la Suite de Jazz n°2 contenant la fameuse Valse, ou l'adagio du Trio à Cordes, ou des suites de B.O. de films ("The Gadfly", etc.), bien plus que par ses innovations formelles (au contraire, sa musique fait écho au passé, notamment au 19ème siècle) ; Russe jusqu'au bout des ongles (mais de racines Polonaises), Chostakovitch n'évite pas, comme Tchaïkovski et beaucoup d'autres compatriotes, la facilité, le pathos évident, le banalement attendu, notamment dans ses œuvres plus marquées par l'obéissance à la censure Soviétique, en particulier avant la mort de Staline en 1953 (Symphonie n°5 de 1937 et n°7 "Léningrad" de 1942, accessibles, plutôt triviales, pourtant célèbres) ; pour «vendre» ce compositeur contemporain, les médias en font un martyr de cette censure, ce qui est plutôt cohérent avec sa personnalité fondamentalement triste et angoissée, mais se révèle très réducteur et déformant (et même, selon les premiers historiens, ambigu, voire incorrect) ; comme Tchaïkovski, ses pièces à grands effectifs sont faciles d'accès, souvent brillantes, et sa musique de chambre est plus intime, plus authentique, et sur le plan compositionnel, plus ambitieuse ; sa musique est sombre, voire parfois franchement noire, et résolument pessimiste, parfois sarcastique, grinçante, ou au contraire d'une limpidité et d'un classicisme tout distancé et ironique… Pièces emblématiques (sur 147 numéros inégaux) : avant la fin de la guerre, Symphonie n°1 (1926, d'emblée populaire et novatrice), Concerto n°1 pour piano, orchestre à cordes et trompette (1933, plutôt néo-classique, avec le martial dernier mouvement), Symphonie n°4 (1936, gigantesque et complexe, révisée en 1950, seulement créée en 1961), Quintette avec piano (1940, en 5 mouvements alternativement amer et enjoué), Sonate pour violoncelle et piano (1940) et surtout les 2 opéras au langage très hardi pour l'époque, "Le Nez" (1928) et "Lady Macbeth de Mzensk" (1934), une originalité que Chostakovitch ne retrouvera plus, sauf peut-être dans ses derniers Quatuors ; après la guerre, Trio n°2 en mi mineur (1944, dansant, sardonique), Quatuor n°3 (1946), "Le Chant des Forêts" (1949), Vingt-quatre Préludes et Fugues (1951, piano solo, un exercice instrumental virtuose, patchwork d'humeurs), Symphonie n°10 (1953, avec un allegro particulièrement oppressant), Concerto pour violoncelle n°1 (1959, laconique et vigoureuse, avec un célèbre 1er mouvement), Symphonie n°15 (1971, limpide, humaniste, avec un solo de violon prégnant), et les Quatuors n°8 (1960, avec le fameux leitmotiv DDSCH), n°13 (1970), 14 (1973), 15 (1974, très sombre, avec 6 adagios), Sonate opus 147 (1975, pour alto et piano, poignant chant du cygne). | Russie |
Chowning | 1934 | 90 ans | John Chowning [1934, USA (Salem, New Jersey) - ] (prononcer «tchaouninngue») étudie la composition pendant 3 ans à Paris avec Nadia Boulanger, puis la percussion, l'écriture et la composition avec Leland Smith, à l'Université de Stanford jusqu'en 1966 ; en 1967, il découvre le principe de la synthèse par modulation de fréquence (qui est entrée dans la vie quotidienne par ses applications en radiodiffusion, télédiffusion, liaison informatique) ; en 1973, il commence une collaboration avec la firme Japonaise Yamaha afin de concevoir des synthétiseurs Grand Public exploitant son procédé de synthèse, jusqu'au fameux DX7 ; en parallèle à un séjour en 1974 à Berlin, puis à plusieurs reprises à Paris, il enseigne jusqu'à sa retraite, la synthèse du son par ordinateur et la composition par ordinateur, et dirige le CCRMA (Center for Computer Research in Music and Acoustics), qu'il a co-fondé, à l'Université de Stanford (Californie)... Premières œuvres significatives : "Sabelithe" (1966-1971, pour bande magnétique, non écoutée). Instrument pratiqué : ordinateur (!) et, dans sa jeunesse, violon et percussions. | Electroacoustique-Technologique. John Chowning est, avec Jean-Claude Risset, un des pionniers de la synthèse des sons par ordinateur : avec l'aide de Max Mathews de la Bell Telephone Laboratories et de David Poole de Stanford, il conçoit en 1964 le premier programme d'informatique musicale en se servant de l'ordinateur du laboratoire d'Intelligence Artificielle de Stanford, et après une longue carrière technique, il travaille et compose à l'Ircam en 1978-1979 (quand Risset y dirige un département), 1981 et 1985 ; son langage est original : à l'intérieur du son (d'où le rapprochement avec le Spectralisme), il joue à perdre l'auditeur dans la construction d'un spectre inharmonique (rapports porteuse-modulante irrationnels) pour une immersion dans le virtuel avec une sensation d'étrange, tout en maintenant une perception très cohérente ; comme Risset, il est adepte des illusions auditives (pour lui, celles du mouvement)… Pièces emblématiques (la totalité de son catalogue, extrêmement restreint) : "Turenas" (1972, pour bande magnétique, percussive), "Stria" (1977, pour bande magnétique, à l'oreille spectrale), "Phoné" (1981, pour bande magnétique composée sur ordinateur, avec synthèse de la voix chantée par modulation de fréquence), "Voices" (2005, pour soprano et électronique en temps réel, tout en dialogues et inharmoniques, suivie de 2 autres versions, en 2007 et 2011). | USA |
Connesson | 1970 | 54 ans | Guillaume Connesson [1970, France (Boulogne-Billancourt, près de Paris) - ] étudie la composition et la direction de chœur au Conservatoire de Boulogne-Billancourt, l'orchestration et la direction d'orchestre au Conservatoire de Paris (à la Villette), puis prend conseil pour la composition auprès de Marcel Landowski de 1989 à 1994 ; actuellement, il est professeur de composition au Conservatoire de région d'Aubervilliers (Île-de-France) ; depuis 2007, il dirige le chœur de l'OCUP (Orchestre et Chœur des Universités de Paris) ; le personnage apparaît sérieux, mesuré, sincère, direct et presque sage et conforme (qui contrôle un tempérament enthousiaste) ; il est en résidence à l'Orchestre de Pau (2009-2011), puis au festival de Besançon (2014-2015). Site Internet : www.guillaumeconnesson.net... Première œuvre significative : "Night-Club" (1996, pour orchestre). Instrument pratiqué : piano. | Progressiste-Néotonal-Lumineux. Guillaume Connesson est un musicien accompli qui s'inscrit dans le fil de la tradition ; il appartient au style néo-tonal, plus que post-moderne, car sa musique est protéiforme et l'écoute d'une pièce typique fait échos successivement à des styles très divers, depuis la musique ancienne, jusqu'à Wagner, Debussy, Ravel, Stravinsky ou Roussel, mais rarement au-delà, et aussi au Rock (funk) avec James Brown et au Jazz (le «bœuf», Coltrane) ou la B.O.F. (Bernard Hermann ou John Williams), voire le minimalisme Américain (son "Sextuor"), si bien que l'auditeur est «confortable» mais ne ressent pas de langage propre, ni original ; ses talents d'orchestrateur (raffiné, brillant) doivent être soulignés, à la fois impressionniste et expressionniste, son inspiration est réelle (plume facile, sans remplissage), avec un goût affirmé de la mélodie ; son style est polyphonique, contrapuntique, souvent par dialogues entre pupitres, avec une prévalence de la lumière, avec des formes en compartiments, avec un tropisme marqué pour le continu (les phrases qui s'enchaînent) et un incessant fourmillement-renouvellement de (courtes) idées rythmiques et mélodiques ; on peut néanmoins regretter un manque d'ambition originale (un quelque chose qui rendrait ses pièces mémorables, même tonales, au-delà de l'attractivité immédiate), eu égard à ses autres talents et à son inspiration mélodique, mais il reste constant dans sa démarche depuis des décennies (le compositeur reste pour le mélomane une excellente introduction, à la fois facile, belle et séduisante, à la Musique de son temps)… Pièces emblématiques (sur un total d'une quarantaine): "Supernova" (1997, pour orchestre), "Jurassic Trip" (1998, pour ensemble de chambre, non écouté), "Enluminures" (2000, pour orchestre, festives et énivrantes), "Techno-Parade" (2002, pour flûte, clarinette, piano, un pastiche époustouflant à la fois rock et jazzy), Concerto pour violoncelle (2008, virtuosement traditionnel, multistylistique, avec un final dansé énivrant), "Flammenschrift" (2012, pour orchestre, pyrotechnique). | France |
Copland | 1900 | 1990 | Aaron Copland [1900, USA (Brooklyn) - 1990, USA (North Tarrytown, New York), décédé à 90 ans] (prononcer «coplande») est né dans une famille d'émigrés Russes, étudie, en 1921-1924, le piano avec Ricardo Viñes au Conservatoire Américain de Fontainebleau et la composition avec Nadia Boulanger ; ses compositions renommées sont une synthèse du Jazz, du ragtime et des musiques folkloriques vernaculaires (cow-boy) ; sur le tard, il se convertit au dodécaphonisme (post-Schoenberg, comme un sérialisme restreint) sans résultat marquant (sauf "Connotations"). Site Internet : www.aaroncopland.com... Premières œuvres significatives : Symphonie pour orgue et orchestre (n°1, 1925, monumentale, révisée sans orgue an tant que n°1, en 1928). Instrument pratiqué : piano. | Progressiste-National. Aaron Copland est un compositeur national au sens plein du terme (comme Bela Bartók pour la Hongrie ou Aram Khatchatourian pour le Géorgie ou Alberto Ginastera pour l'Argentine), car sa musique est d'essence folklorique (première introduction de chants de cow-boys et de cantiques de quakers) et respire les grands horizons de l'Ouest Américain (force, rudesse, emportement, mais aussi poésie, nature) ; ses compositions sont en nombre limité, conséquence de ses multiples activités : chef d'orchestre, pianiste-concertiste et pédagogue ; son style, hérité de Charles Ives, du premier Stravinsky et de Milhaud, est descriptif (lyrique, post-romantique, rythmé) et tonal (mais sans conservatisme, pour l'époque), avec une dose limitée de dodécaphonisme et la volonté de séduire le plus grand nombre… Pièces emblématiques (sur un total d'environ 40) : avant période contemporaine, Trio "Vitebsk" (1929, pour piano, violon, violoncelle, d'après un chant Juif, très dramatique et harmonique), Piano Variations (1930, pour piano), Short Symphony [Symphonie Brève] (n°2, 1933, pour grand orchestre, dansante, élégiaque), "Billy the Kid" (1938, pour orchestre, ballet, naturiste, puis enjoué), "El Salon Mexico" (1938, pour orchestre, folklorisant), puis pour la période Contemporaine (sans discontinuité), "Rodeo" (1942, pour orchestre, ballet, préfigurant Leonard Bernstein, à la fin endiablée), "Appalachian Springs" (1944, pour orchestre, un tube paysagiste), "Variations on a shaker Melody" (1944, pour orchestre, extraites des "Appalachian", lyriques), Symphonie n°3 (1946, pour orchestre, réutilisant le thème de sa "Fanfare for the Common Man", un autre tube national, mais avec une harmonie différente), Concerto pour clarinette et orchestre à cordes (1950, avec harpe et piano solos, jazzy), "Twelve Poems of Emily Dickson" (1950, pour voix, habituellement de femme, et piano), et, (dodécaphoniques), "Connotations" (1962, pour orchestre, dans le sillon des derniers Bartok et Schoenberg et des B.O.F. de l'époque) et "Inscape" (1967, pour orchestre, hybride, avec un retour partiel au tonal lyrique). | USA |
Crumb | 1929 | 2022 | George Crumb [1929, USA (Charleston, Virginie Occidentale) - 2022, USA (Media, Pennsylvanie), décédé à 92 ans] (prononcer «creumbe»), de parents musiciens (clarinettiste et violoncelliste), étudie à Champaign (Université de l'Illinois, 1950 - 1952), puis Tanglewood-Lenox au Berkshire Music Center (Massachussetts), Berlin (Ouest) avec Boris Blacher (1955 et 1956), et Ann Arbor (Université du Michigan) avec Ross Lee Finney (1954-1959) ; très tôt, il commence une carrière d'enseignement à l'Université du Colorado, de 1959 à 1964, puis à l'Université de Pennsylvanie à partir de 1965, jusqu'à sa retraite en 1997 ; pour l'anecdote, il est né le 24 Octobre 1929, jour même du krach boursier aux USA ; une personnalité réservée plus que timide, analytique, intimiste et curieuse (portant souvent un béret). Site Internet personnel : www.georgecrumb.net... Premières œuvres significatives : Sonate pour violoncelle solo (1957, passionnée, rageuse, toute en ostinato). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Transcendental. George Crumb est un compositeur important et un cas à part dans la musique Américaine (un magicien des alliages, des alchimies sonores) : sa musique est exigeante, poétique (la révélation de Federico Garcia Lorca), onirique et concise (de courtes phrases, parallèlement à Webern, mais souvent répétées de façon lancinante), marquée aussi par l'influence de Claude Debussy (harmoniques), de Béla Bartók (rythme percussif et grappes sonores), d'Olivier Messiaen (temps et boucles), et par des traditions orientales (notamment Balinaises) ; son style est délibérément expressif et concentré (quasi-expressionniste, sur un fond plus planant, assez mystique) et son originalité tient à ses subtils effets de timbres et de rythmes (rituels), en utilisant des instruments populaires (électriques) et traditionnels (mais «déviés» souvent de leur utilisation normale par l'instrumentiste lui-même ou par l'amplification) ; le piano (souvent étendu, c'est-à-dire avec jeu sur les cordes, différent du piano préparé, à la suite de Henry Cowell en 1923) et la voix (sauf l'opéra) occupent une place importante dans son catalogue, lequel reste limité -moins d'une pièce par an après 1980 et quasiment plus aucune après 2004- et peu joué en France… Pièces emblématiques (sur un catalogue d'environ 60, de haute tenue) : "Echoes of Time and the River" (1968, pour orchestre, non écoutés en concert), "Night of the four Moons" (1969, pour alto, flûtes, banjo, violoncelle électrique et percussion), "Madrigals" (1969, pour soprano et ensembles variés, non écoutés), "Ancient Voices of Children" (1970, pour mezzo-soprano, soprano garçon, hautbois, mandoline, harpe, piano électrique et percussion, d'un mystérieux onirisme), "Black Angels" (1970, pour quatuor à cordes électrique, engagement dramatique contre la guerre du Viêt-Nam), "Vox Balaenae [Voix de Baleine]" (1971, pour flûte, violoncelle, cymbales antiques et piano, parfois amplifiés, toute en souffle et mystère), "Makrokosmos" I, II et III, puis IV (1972-1974, 1979, pour pianos amplifiés et étendus, avec percussion pour III, élégiaque-stratosphérique, sur les signes du Zodiac, avec un siffleur additionnel et des collages-dédicaces), "Star-Child" (1977, pour voix et orchestre), "Apparition" (1981, pour soprano et piano amplifié, sur un poème de Walt Whitman, vertigineux), "Gnomic-Variations" (1982, pour piano étendu, avec jeu sur la table de cordes), "A Haunted Landscape" (1984, pour orchestre, avec une section hypertrophiée de 45 percussions, fantômatique), "Mundus Canis" (1997, pour guitare et percussions), "Unto the Hills" (2002, pour soprano, quatuor de percussions et piano). | USA |
Dalbavie | 1961 | 63 ans | Marc-André Dalbavie [1961, France (Neuilly-sur-Seine, près de Paris) - ] suit, avec une mère chanteuse, le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire de Paris, de 1980 à 1986), avec comme professeurs Michel Philippot pour la composition, Betsy Jolas et Claude Ballif pour l'analyse, Guy Reibel pour l'électroacoustique et surtout Marius Constant pour l'orchestration ; il a également pris des cours avec John Cage à Londres (1980), avec Franco Donatoni à Sienne pour la composition (1984), avec Tristan Murail pour l'informatique musicale (1985) et avec Pierre Boulez pour la direction d'orchestre (1987), et il a fréquenté l'Ircam de 1985 à 1990 (influence de Jean-Marie Adrien, pour la spatialisation) ; il est compositeur en résidence au Deutscher Akademischer Austauschdienst (DAAD) à Berlin, en 1992-1993, pensionnaire à la villa Médicis de Rome en 1995-1996, puis en résidence à l'Orchestre de Cleveland (USA) en 1998-1999, à l'Orchestre de Minneapolis (USA) en 2000, et à l'Orchestre de Paris de 2001 à 2005 ; il s'est tourné très tôt vers l'enseignement (Conservatoire de Paris, à la Villette, depuis 1996 : orchestration) ; il habite actuellement à Bordeaux et il est propriétaire et exploitant d'un vignoble en Périgord noir, avec son épouse ; c'est un personnage effacé (pudique) et courtois, à la fois précis et indécis, éclectique... Première œuvre significative : "Les Paradis Mécaniques" (1983, pour ensemble). Instrument pratiqué : piano (également l'orchestre, comme chef, notamment de ses opéras). | Progressiste-National (tendance opportuniste). Marc-André Dalbavie est un compositeur à la fois réputé (succès officiels) et curieux de tous les styles (pour les moyens et les ouvertures qu'ils offrent) ; sa promotion, un temps, a été assurée par sa dite filiation avec Boulez (pourtant leurs 2 musiques sont très éloignées), puis par son ascendance spectrale (brève) ; hélas, malgré une science consommée de la composition et de l'orchestration avec des traits d'écriture assez personnels (timbres, réverbération, amalgame électronique), son inspiration n'est pas toujours déterminante et son style est davantage opportuniste au sens positif du terme (touche à tout, intégrateur) qu'indépendant : après avoir été initialement tenté par les micro-intervalles (musique spectrale, dès 1982) et par l'électronique (dès 1985), il a évolué à partir de 1992 vers la spatialisation et la résonance ; des pièces récentes comme les 3 œuvres spatialisées, "Antiphonie" (1999), "The Dream of the Unified Space [Le Rêve d'un Espace sonore]" (1999), "Concertate il suono" (2000), sont ainsi plus spectaculaires que mémorables (mais avec un métier sûr), ou son Concerto pour piano (2005) semble davantage se conformer à la mode du retour à cet instrument (soliste à la Rachmaninov) ; depuis 2013 et pendant plus de 5 ans il s'est focalisé sur la composition de son 3ème opéra, "Le Soulier de Satin", créé en 2021 (durée plus de 6 heures) ; au premier abord, sa musique paraît plate, sans relief et sans couleur, comme uniformément grise (sans connotation péjorative), mais une fois la pâte mélangée (davantage au disque qu'au concert), elle prend une consistance et une force inattendues (en tout cas, aérée, d'une grande clarté et dans le style Français) et elle raconte une histoire ; en plus, elle frappe par la chatoyance de son orchestration, par son lyrisme nostalgique, et par sa transparence diaphane ; au total, apparaissent une prédilection pour le timbre, les jeux d'arpèges, les processus de développement (entrelacements), avec diffraction sonore par bloc symphonique, en glissant de l'un à l'autre selon la technique moderne du morphing… Pièces emblématiques (sur un total d'une soixantaine en 2021, toujours de qualité mais rarement essentielles) : "Les Miroirs transparents" (1985, pour grand orchestre), "Diadèmes" (1986, pour alto solo transformé, électronique et ensemble), "Seuils" (1992, pour soprano, grand ensemble par 2, et traitement informatique, l'électronique étant disposée autour du public, brillant exercice en 7 mouvements), "Non-lieu" (1997, pour 4 chœurs de femmes et ensemble instrumental spatialisé), Trio pour violon, cor et piano (2004, fluide et répétitif, un rien conventionnel), Concerto pour flûte et orchestre (2006, aux entrelacements réussis). | France |
Dallapiccola | 1904 | 1975 | Luigi Dallapiccola [1904, Italie (Pisino d'Istria en Italien, ou Mitterburg en Autrichien, alors en Autriche-Hongrie, aujourd'hui Pazin, en Croatie) - 1975, Italie (Florence), décédé à 71 ans], après l'exil politique à Graz de sa famille contestataire (pro-nationalisme Italien) en 1917-1918 par les Habsbourg (pour lui, une humiliation), étudie le piano et la composition au Conservatoire de Florence avec Roberto Casiraghi, Corrado Barbieri, puis Vito Frazzi ; la révélation du "Pierrot Lunaire" de Schoenberg stimule sa vocation pour la composition, en 1924 ; après un soutien initial à Mussolini (années 1920), la guerre d'Espagne, la campagne militaire Italienne d'Abyssinie (1935) et la radicalisation anti-sémite de la doctrine Fasciste (1938) le poussent à une opposition déclarée au régime politique (à son racisme, aux aliénations des libertés) et à un second exil pendant la 2ème Guerre Mondiale (local, celui-là, caché à 2 reprises plusieurs mois, dans un petit village près de Florence) ; à la fin de la guerre, en 1945, il a une activité de journaliste, en parallèle à ses compositions ; il a longuement enseigné (1931-1967) au Conservatoire de Firenze [Florence] et durant les années 1950 et 1960, il a fréquemment donné des conférences aux USA et en Europe ; son engagement militant (humanisme de gauche) pour la liberté et contre l'exclusion est constant tout au long de sa vie, d'autant que son épouse est d'ascendance Juive ; en raison d'une santé précaire, ses compositions terminées s'arrêtent en 1972... Premières œuvres significatives (premières pièces d'influences Mahlerienne et Debussyste, avec néo-classicisme madrigaliste, reniées) : "Musica per 3 Pianoforti" (1935, pour pianos). Instrument pratiqué : piano (concertiste). | Moderniste-Expressionniste. Luigi Dallapiccola est un compositeur à part dans la Musique Contemporaine, fruit d'un étrange héritage, hybride de la modernité et de l'Italianité post-classique (cantabile, chromatisme), non seulement en raison de ses racines stylistiques (au contraire, il est surtout influencé d'abord par le dodécaphonisme de Schoenberg et Berg, puis par Busoni, et il accompagne la vague sérielle de Darmstadt, selon Webern), mais surtout en raison de son appartenance à la génération antérieure ; ainsi, il utilise des intervalles dissonants, caractéristiques de la musique sérielle (secondes, septièmes, neuvièmes), mais aussi des intervalles consonants (musique modale), avec en résultante un univers original et personnel plutôt séduisant (tonal et atonal), mais d'accès difficile (expressif, centré sur la voix dans la tradition Italienne du bel canto, clair... mais objectif, rationnel, presque distancé, tout en communiquant une forte émotion) ; son langage est un mélange de dodécaphonisme (12 sons sur-employés) et de consonance selon les théories sur l'ultra-tonalité de Ferruccio Busoni... Pièces emblématiques : "Volo di Notte [Vol de Nuit]" (1940, opéra de chambre, en 1 acte, d'après Antoine de Saint-Exupéry, marqué par Berg), "Canti di Prigionia [Chants d'Emprisonnement]" (1941, pour chœur et 5 musiciens, antifasciste, lamentation éthérée contre l'univers carcéral), "Liriche Greche I, II, III" (1944-1947, pour voix et instruments, dodécaphonique, non écouté en concert), "Il Prigioniero [Le Prisonnier]" (1949, opéra de chambre, court et poignant), "Quaderno musicale di Annalibera" (1952, pour piano, élégiaque, plutôt dodécaphonique), "Cinque Canti" (1956, pour baryton et 8 instruments, sérielle et chromatique), "Tartiniana Seconda" (1956, pour violon et piano, revisitation chromatique de l'antique), "Three Questions with two Answers" (1962, pour orchestre), "Ulisse" (1959-1968, opéra, avec un personnage principal en quête d'idéal et qui devient catholique mystique), "Sicut Umbra" (1970, pour mezzo-soprano et ensemble), "Tempus Destruendi - Tempus Aedificandi" (1971, diptyque pour chœur). | Italie |
Dao | 1940 | 2015 | Nguyen-Thien Dao [1940, Vietnam (Hanoï) - 2015, France (Paris), décédé à 74 ans] est Français d'origine Viêtnamienne (enfance dans les campagnes, marquée par la musique traditionnelle folklorique, immigré à 13 ans suite à la décolonisation) ; il étudie l'harmonie au Conservatoire de Paris (rue de Madrid) en 1963, puis en 1967 la composition dans la classe d'Olivier Messiaen, dont il est resté un admirateur fidèle ; après une période d'immersion (années 1970 et 1980) dans la création officielle d'avant-garde (festivals de La Rochelle, Royan), il s'en éloigne pour composer en isolé ; enfin, vers la fin de sa vie, il revient à Hanoi (l'Etat lui a confié une maison au bord d'un lac en 1994), puis il va visiter souvent le Vietnam, dont il devient le compositeur national de musique savante moderne (à partir de 1995, commandes officielles, créations à Hanoï, à Hué, avec instruments traditionnels), tout en continuant partiellement ses activités en France ; sur le plan personnel, il est, outre sa (vraiment) petite taille, caractérisé par des contrastes contenus (enflammé et méditatif, nerveux et onirique, sérieux et humour distancé, et toujours passionné et posé) ; site Web : nguyenthiendao.wordpress.com... Première œuvre significative : "Than Dong To Quoc" (1968, pour récitant, soprano, choeur parlé, ondes Martenot, 4 pianos, 6 percussions, influencé par Messiaen). Instrument pratiqué : piano, orchestre (chef). | Moderniste-National (tendance coloriste). Nguyen-Thien Dao est d'abord influencé par les couleurs de Messiaen, puis il développe son propre univers sonore avec des racines dans la Musique de son pays natal (comme Takemitsu avec le Japon, ou Isang Yun avec la Corée, y compris par l'utilisation d'instruments locaux, dans l'esprit d'une rencontre fusionnelle Orient-Occident) et des techniques d'écriture marquées par le temps (incertain), le timbre, les micro-intervalles (tiers, quarts et sixièmes de tons), l'enchevêtrement des phrases et l'apport des technologies nouvelles ; il innove sur le traitement de la voix dans "Gio-Dong" en y cumulant toutes les sonorités expressives d'une langue à tons (cris, rires, interjections) ; son style est marqué par les contrastes dynamiques exacerbés (coexistence de pianissimi imperceptibles et de fortissimi telluriques, cris et chuchotements), par la puissance émotionnelle et par la recherche de couleurs subtiles, complexes (presque surchargées), le tout avec lyrisme ; c'est un compositeur important et original, aujourd'hui sous-estimé, car isolé, mais il a continué à composer régulièrement jusqu'à sa mort, et son temps reviendra peut-être lorsque la mode renouera avec les couleurs exotiques ou asiatiques (en tout cas, elle est toujours prisée en Asie et notamment au Japon)… Pièces emblématiques (sur un catalogue d'environ 70) : "Tuyên Lua" (1969, pour 7 instrumentistes, texturé), "Gio-Dong" (1970, pour voix solo, homme ou femme, à la violence exacerbée), "Koskom" (1972, pour orchestre, aux couleurs subtiles), "Ba Me Vietnam" (1973, pour contrebasse et ensemble), "Bao Giao" (1979, pour 2 pianos et 2 percussions), "Écouter/Mourir" (opéra, 1980, non écouté), "Voie-Concert" (1992, pour ensemble), Quatuor à cordes n°1 (1992, le seul à ce jour), "Les Enfants d'Izieu" (1994, opéra-oratorio sur la Shoa, violent et poignant), "Giao Hoa Sinfonia" (1998), "Arco Vivo" (2000, pour violoncelle, lyrique et confident), "Quatre Lyriques de Ciel et de Terre" (2004, opéra de chambre, non écouté), "Suoi Tranh" (2011, pour 6 cithares Vietnamiennes, brillant), "Concerto vivo" (2013, pour piano et orchestre, rafraîchissant). | Vietnam |
Denisov | 1929 | 1996 | Edison Vassilievitch Denisov [1929, Russie (Tomsk, Sibérie) - 1996, France (Paris), décédé à 67 ans], orphelin à 14 ans, étudie d'abord au conservatoire local de Tomsk (1946 - 1951), puis entre très tardivement au Conservatoire de Moscou entre 1951 et 1956 avec Shebalin et Zuckermann, après une suggestion et des cours avec Dimitri Chostakovitch (1950), tout en poursuivant en parallèle une première orientation vers les mathématiques à l'université (il est issu d'une famille scientifique qui le prénomme d'après le célèbre inventeur Américain Thomas Edison de la lampe à incandescence) ; dès 1960, il enseigne à son tour à Moscou l'analyse des formes musicales et l'orchestration, puis en 1962, la composition, tout en participant au mouvement moderniste d'avant garde en Union Soviétique (avec Alfred Schnitke, Sofia Goubaïdoulina, Silvestrov, suite à la venue à Moscou de Luigi Nono) ; il est un acteur majeur de la vie artistique Moscovite jusqu'en 1990, avec en parallèle un engagement de plus en plus marqué avec l'Occident (qui a conduit à son éclipse locale partielle et à son boycott officiel, en 1978, année où il est dénoncé par Khrennikov au 6ème Congrès de l'Union des Compositeurs Communistes) ; en Juillet 1993, il est victime d'un très grave accident de voiture près de Moscou, et il est transféré et hospitalisé en France en 1994 dans un service Parisien de réanimation et de soins intensifs pendant de nombreux mois (malgré la longue ré-éducation, il ne s'en remet jamais, même s'il peut à nouveau se déplacer seul à la fin de 1995 et qu'il continue à composer un peu, jusqu'à sa mort) ; le personnage est à la croisée de la logique (mathématiques, avec à titre anecdotique l'usage fréquent de la mini-série de notes «E-D-Es» sur son nom) et de la plasticité et de la couleur (peinture, notamment abstraite) et, curieusement, il a toujours manifesté un profond attachement pour la musique de Franz Schubert (nombreuses citations-réminiscences dans ses partitions, jusqu'à même terminer en 1995 la composition de la cantate opératique "Lazarus" restée inachevé en 1828) ; par ailleurs, il a écrit de nombreuses musiques de films et de scènes, il a terminé l'opéra inachevé de Debussy "Rodrigue et Chimène" (1993) et il a contribué à la renaissance du clavecin ; à savoir, pour l'anecdote, son prénom, Edison, choisi par son père, physicien et grand admirateur de l'inventeur Américain Thomas Edison (le phonographe), est aussi l'anagramme de son nom de famille, quand l'on omet le «v» final... Première œuvre significative : "Ivan Soldat" (1960, opéra d'inspiration nationale). Instrument pratiqué : piano, clavecin. | Opportuniste-National. Edison Denisov est un compositeur profondément Russe qui a traversé 3 périodes créatrices distinctes : jusqu'aux années 1960, moderniste (post-sériel), puis dans les années 1970, médiatisé avec des pièces pour effectifs importants (la plupart de ses concertos) avec une récupération de la modalité et du chromatisme, et enfin à partir des années 1980, plutôt synthétique post-moderne, avec des intonations caractéristiques, notamment des motifs sur des secondes et des tierces, lyriques, consonants et d'inspiration surtout vocale (hétérophonie des chants populaires Russes et forte dramaturgie, avec des rythmes très diversifiés), parfois jazzy ; en 1990-1991, il est invité par l'Ircam et compose alors "Sur la Nappe d'un Étang glacé", à nouveau de dimension moderniste (pour bande et 9 musiciens, scintillant, d'inspiration Boulezienne) ; sa musique est originale, différente de ses compatriotes (plus novatrice), souvent rituelle, avec une couleur propre (lumineuse), dont le dénominateur commun semble la fluidité (hésitante), le maintien le plus souvent de contours mélodiques (même dans l'atonalité, même dans le sérialisme qui est plutôt consonant), et la construction en développement logique (du début à la fin d'une pièce)… Pièces emblématiques (sur un catalogue d'environ 150 œuvres, notamment de musique de chambre) : "Le Soleil des Incas" (1964, cantate post-sérielle pour soprano, bande et 11 musiciens, donnée à Darmstadt et au Domaine Musical, à Paris), "Peinture" (1970, pour orchestre, expressionniste et post-sériel, jusqu'à un climax final somptueux), "Sonate pour saxophone alto et piano" (1970, d'une belle originalité), Concerto pour flûte et orchestre (1975, non écouté), Concerto pour violon (1978, avec une citation insistante de la "Belle Meunière"), "Requiem" (1980, pour voix solistes, chœur et orchestre, d'une belle poésie apaisée), "Variations sur un Thème de Haydn" (1982, pour violoncelle et orchestre), "Symphonie de Chambre n°1" (1983, pour petit ensemble), "Confession" (1984, ballet, pour orchestre), "L'Écume des Jours" (1981-1986, opéra surréaliste, d'après Boris Vian), "Quatre Jeunes Filles" (1986, opéra de chambre, non écouté en concert), "Au Plus Haut des Cieux" (1987, pour soprano et ensemble, sur des textes de Georges Bataille, pseudo-mystique), Symphonie (1988, unique de ce type pour grand orchestre, d'une noirceur désespérée), Concerto pour flûte, vibraphone, clavecin et cordes (1993, avec un traitement unique du clavecin). | Russie |
Dillon | 1950 | 74 ans | James Dillon [1950, Écosse (Glasgow) - ] (prononcer «dilonn») est un compositeur en grande partie autodidacte (débuts dans des ensembles traditionnels de cornemuses Écossais et dans des groupes de rock, puis étude de la musicologie, de l'acoustique et de la linguistique à Londres) ; parallèlement à la composition, il s'est engagé dans l'enseignement, d'abord épisodiquement, à Darmstadt (entre 1982 et 1992, pour les Ferien Kurse), à Royaumont en 1996, puis plus régulièrement à Londres (1989 -1992), à Birmingham (1993 -1996), et depuis 2007, à l'Université du Minnesota (USA)... Première œuvre significative : "Come Live with me" (1981, pour mezzo-soprano et 4 instruments). Instrument pratiqué : cornemuse, cithare Indienne, piano. | Moderniste-Complexe. James Dillon est un compositeur à part, car il ne se situe dans aucun courant déterminé (mais on le rapproche le plus souvent de la Nouvelle Complexité de Brian Ferneyhough, en première approximation) ; dans un style instinctif, très expressif et violent, presque fauve, sa musique piège des influences ésotériques dans le rock, le médiéval, le spectral, à partir des premières influences (émancipées) d'Edgard Varèse et Iannis Xenakis ; son répertoire initial est marqué par un mélange de post-sérialisme, de micro-tonal, de rythmes asynchrones superposés, de modes de jeux extrêmes, de raffinement radical de l'écriture dynamique (jusqu'à une nuance par note), puis son langage évolue vers moins de discontinuité, et davantage de blocs (sans aller jusqu'aux conceptions de Harrison Birtwistle), puis récemment vers davantage d'immédiateté mélodique ; il est également passionné par la musique-théâtre (proche du théâtre musical, à l'instar de Marc Monnet), comme dans "Philomela" (2004)… Pièces emblématiques : le cycle électro-acoustique "Nine Rivers" qui englobe 9 compositions explorant les relations entre flux et turbulence (1982-1996, une grande réussite, peu jouée en France), pour ensembles variés et électronique : "East 11th St NY 10003" (1982, 6 percussions), "L'Écran Parfum" (1988), "Viriditas" (1993-1994), "La Femme invisible" (1989), "La Coupure" (1989-2000), "L'Œuvre au Noir" (1990), "Eileadh sguaibe" (1990), "Introïtus" (1989-1990) et "Oceanos" (1986-1996), et parallèlement les Quatuors à cordes (n°1, 1983, n°2, 1991, n°3, 1998, n°4, 2005, n°5, 2009, et, surtout, n°6, 2010), "Rivage" (1984, pour quintette à vents, spectral), "Helle Nacht" (1987, pour orchestre, un poème symhonique explorant le clair obscur), "Ignis Noster" (1992, pour orchestre, un flamboiement de frémissements démesurés), "The Book of Elements I-V" (1997-2002, pour piano), "La Navette" (2001, pour orchestre), "Philomela" (2004, théâtre musical, captivant), Concerto pour piano "Andromeda" (2006), "New York Triptych" (2012, pour ensemble, vibrionnant), "Mnémosyne" (2023, pour ensemble sur plateau tournant, processionnel). | Ecosse |
Donatoni | 1927 | 2000 | Franco Donatoni [1927, Italie (Vérone) - 2000, Milan (Italie, décédé à 73 ans] étudie le violon, dès 7 ans, et la musique et la composition au Conservatoire de Milan, puis de Bologne, avant de partir pour Rome à l'Accademia nazionale di Santa Cecilia (et rapidement à son tour, il va enseigner dans ces mêmes institutions et aussi aux Conservatoires de Turin et de Sienne, pendant quelques 40 ans) ; la rencontre avec le pédagogue phare Italien Goffredo Petrassi est déterminante dans sa carrière de compositeur ; après une période de silence et de dépression, la mort de Bruno Maderna en 1973 lui redonne le désir de composer ; sa démarche protéiforme, exprimée dans la grande diversité d'une œuvre dont la dernière partie est la plus passionnante, témoigne d'un incessant questionnement, avec ses ambiguïtés dans les nombreuses orientations -portant parfois en elles la négation du passé immédiat- et qui semble toute entière contenue dans le sous-titre donné par Donatoni à son recueil Antecedente X : sulle difficoltà del comporre (« de la difficulté de composer ») ; le risque est la dérision vide (y compris l'autodérision) ; de santé fragile (depuis sa jeunesse il souffre de dépression nerveuse qui l'oblige à interrompre fréquemment son travail pour suivre des thérapies), il souffre aussi de diabète, depuis les années 1980 ; en 1998, il subit une attaque cérébrale, ce qui le handicape dès lors (avant une nouvelle attaque, fatale) ; le personnage est imprévisible, sérieux-facétieux, à la fois partie prenante et distancé (sardonique), un bon vivant légendaire (malgré le diabète) sous tutelle médicale, adepte de la psychanalyse (mais clairvoyant!)... Première œuvre significative : "For Grilly" (1960, improvisation pour 7 musiciens, avec des grappes de sons, inspirée de Stockhausen), les pièces précédentes étant trop impersonnelles. Instrument pratiqué : violon. | PostSériel-Opportuniste. Franco Donatoni est un compositeur Italien post-sériel ludique et imaginatif ; musicalement, c'est la rencontre déterminante (tardive) avec Bruno Maderna, chef d'orchestre et compositeur issu de la mouvance de Darmstadt qui va le pousser vers l'esthétique post-sérielle, qui intègre l'aléatoire Cagien, et ce jusqu'à sa mort -sa dernière composition, "Esa (In Cauda V)" (2001, posthume, pour orchestre), en témoigne-, cependant son catalogue reste inégal (manque d'exigence personnelle?) ; il appartient à la 1ère génération de compositeurs de la Musique Contemporaine, mais en raison d'une maturation tardive (trajectoire constamment ascendante) et d'un relatif désintérêt envers le langage en soi, il n'a réellement tracé un sillon personnel que dans la liberté synchrétique du post-sériel (formellement les musicologues distinguent 4 phases compositionnelles, (1) imitative de Bartók et Webern (1952-1956), d'intérêt limité, (2) imitative du premier Darmstadt du sérialisme pointilliste au sérialisme en grappes (1957-1962), (3) négativiste par l'indéterminisme (suite à l'aléatoire désavoué de John Cage) (1962-1967), (4) la liberté post-sérielle par la reconquête du matériau et de l'invention, via la transformation et l'enchaînement de séquences plus ou moins longues), sachant que son style propre et identifiable n'éclôt que tardivement (quasiment à la cinquantaine) ; sa musique, à l'écriture savante et élaborée, est souvent ludique (avant l'heure des jeunes compositeurs d'aujourd'hui), mais souffre de manquer de personnalité différenciable (elle accompagne bien les musiques plus personnelles de ses contemporains immédiats, de Berio à Boulez ou Cage, mais semble pâlir de la comparaison) ; cependant, elle gagne en notoriété (en succès public) au fur et à mesure du temps, signe d'expressivité mélodique et d'une incontestable séduction (comme on dit aujourd'hui, surtout depuis sa disparition et surtout pour ses pièces plus tonales des années 1980 et 1990, on le redécouvre comme une évidence, surtout dans le cadre du trend ludique, même s'il est trop peu joué aujourd'hui) ; son l'inventivité paraît sans fin qui part d'une idée musicale pour l'habiller d'une grammaire musicale davantage en relation avec le moment qu'avec un style personnel son style tardif est pourtant univoque qui allie discontinuité, automatisme (bref une musique savante et construite qui serait exprimée par un instinctif non sentimental) ; apparemment ses pièces avec forte composante jazzistique ou autre style populaire typée vieillissent moins bien (comme "Refrain"?, "Hot")… Pièces emblématiques (sur un catalogue pléthorique et inégal d'environ 200 pièces, concentré entre 1975 et 1998, avec des titres en séries comme "Cauda", "Refrains": "Spiri" (1978, pour 10 musiciens) "Le Ruisseau sur l'Escalier" (1981, pour violoncelle et ensemble), "Feria I [Féria]" (1982, pour 5 flûtes, 5 trompettes et orgue, au mix inattendu), "Atem" (1985, anti-opéra déconstructiviste), "Still" (1985, pour soprano et 6 instruments), "Refrain" (1986, octuor en ostinatos), "Hot [Brûlant]" (1989, pour saxophone et 6 musiciens, improvisé, pulsé et alterné au sens du Jazz), "Blow" (1990, pour quintette à vent, magistral), "Alfred, Alfred" (1998, opéra-bouffe de chambre autobiographique, à l'ironie mordante et iconoclaste, sur un livret jouissif du compositeur), "Esa (In cauda V)" (2001, pour orchestre, savant et nombriliste). | Italie |
Dufourt | 1943 | 81 ans | Hugues Dufourt [1943, France (Lyon) - ] est d'ascendance Italienne (Vénitienne) par sa mère ; il étudie la musique (piano) et la composition à Genève (curieusement, pas à Lyon) et il est par ailleurs agrégé de philosophie (1967), avec François Dagognet et Gilles Deleuze, en France ; après avoir enseigné la philosophie à l'Université de Lyon, il entre au CNRS où il accède au titre de directeur de recherche (1973-2009) ; parallèlement, en 1989, il fonde et dirige la formation doctorale «Musique et Musicologie du 20ème Siècle» à l'E.H.E.S.S (École des Hautes Études en Sciences Sociales), et il crée, avec Alain Bancquart et Tristan Murail, le Collectif de Recherche Instrumentale et de Synthèse Sonore (Criss) ; il est aussi écrivain-essayiste (publication en 1991 de «Musique, Pouvoir, Écriture» ; nombreux importants articles pour un public spécialisé) et théoricien ; ses relations avec l'Ircam sont libres mais soutenues, y compris dernièrement (mais curieusement il n'y a qu'un seule pièce avec électronique dans son large catalogue) ; une personnalité intelligente (corticalement très structurée), calme, organisée et polissée, ce qui n'empêche pas une culture de polémiste occasionnelle... Première œuvre significative : "Erewhon" pour 6 percussions (1977, pour 6 percussionnistes, long et puissant). Instrument pratiqué : piano, orchestre (chef). | Moderniste-Synthétique (tendance coloriste). Hugues Dufourt est un compositeur à la notoriété établie comme créateur et aussi dans les institutions (mais à l'écart des honneurs) ; il est typiquement de la génération des compositeurs des années 1970s à la tonalité ré-incarnée, il a inventé le terme de musique «spectrale» pour l'esthétique sonore de Gérard Grisey (qui, lui, préférait le terme de «liminale»), Tristan Murail et Michaël Levinas et il a participé à leur diatribe contre les post-sériels, mais sa musique n'est pas spectrale et cela a créé un malentendu qui perdure chez les commentateurs (même s'il s'en est toujours dédouané personnellement, l'image lui colle à la peau) ; sa musique qui souvent reçoit un vrai succès public surtout au niveau discographique (ce qui est rare car elle ne vise pas la séduction immédiate) peut souffrir de sa démarche compositionnelle ultra-méthodique, voire contrainte ou systématique ; elle est délibérement tonale mais pas rétro-tonale (ou néotonale), portée par les recherches harmoniques, elle est faite d'humeurs, de couleurs souvent métalliques avec un fort tropisme pour les effets de masses ou de fusion (polyphonie, multiphonie), avec un usage marqué des percussions (douces) ; il est passionné de peinture et a écrit plusieurs pièces (certaines remarquables) d'après des tableaux célèbres (il ne s'agit pas de musique descriptive, mais plutôt d'un ressenti paysagiste ou émotionnel, et, qui fait rare, est transmis et partagé avec l'auditoire) ; sa trajectoire stylistique est remarquablement cohérente (au risque de se répéter) ce qui n'a pas empêché une traversée du désert… Pièces emblématiques : "Antiphysis" (1978, pour flûte principale et orchestre de chambre), "Saturne" (1979, pour ensemble électrifié), "Surgir" (1985, pour orchestre, fusionnel), "Dédale" (1995, opéra de chambre, y compris, extrait instrumental pur, "Prologue et Tempête", de la même année), "L'Origine du Monde" (2004, pour piano et 14 musiciens, tout en harmoniques), "Le Cyprès blanc" (2004, pour alto soliste et grand orchestre), "L'Afrique d'après Tiepolo" (2005, pour piano et ensemble, calme et dramaturgique), "L'Asie d'après Tiepolo" (2009, pour ensemble, asiatisant). | France |
Durieux | 1959 | 65 ans | Frédéric Durieux [1959, France (Paris) - ], après l'adolescence à Grenoble (Conservatoire de Région, 1981), suit le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire national de Paris), avec comme professeurs Betsy Jolas et Ivo Malec pour la composition (1984) ; il y approfondit sa formation avec Alain Poirier en analyse et André Boucourechliev en composition (1986), puis participe à des masterclass avec Brian Ferneyhough, Franco Donatoni, Gérard Grisey, Hugues Dufourt, György Ligeti et Tristan Murail ; très tôt, il participe activement aux travaux de l'Ircam (1985-1987), puis il est 2 ans pensionnaire de la villa Médicis à Rome (1987-1988), avant d'évoluer vers l'enseignement (Ircam en résidence et Conservatoire de Paris, dès 1991) ; le personnage est un intuitif-instinctif (mais construit), avenant, pro-actif et indépendant, avec un certain franc-parler critique objectivé (qui lui a valu quelques déconvenues). Site Internet personnel : www.fredericdurieux.com... Première œuvre significative : "Exil II" (1985, pour soprano, contralto et ensemble, symbiotique texte-musique avec lead de la seconde), "Parcours Pluriel" (1987, pour ensemble et électronique live, réalisée à l'IRCAM). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Synthétique (tendance colorisme). Frédéric Durieux est un compositeur établi (aux promesses avérées), résolument moderne et actuel, sans esprit avant-gardiste radical, avec un catalogue cohérent (mais limité et contraint, hélas, par ses activités pédagogiques), marqué par les techniques modernes de l'électroacoustique (en ayant parfaitement intégré l'héritage post-sériel et spectral, en marquant ses préférences initiales pour Pierre Boulez, Luciano Berio, Ivo Malec ou le Tristan Murail de la 2ème période) ; sa musique est toute de magie de couleurs sonores (chatoyantes), souvent dans le registre sombre mais irisé (avec un timbre et une patte spécifiques), savante et intelligente dans sa construction (très structurée, souvent par blocs), dans ses références (notamment poétiques, par exemple Yves Bonnefoy), exigeante (d'un haut niveau de qualité d'ensemble) ; son style est marqué par un grand raffinement dans l'harmonie, une clarté typiquement Française, un dynamisme emporté (jusqu'au motorisme parfois), une connivence ludique dans son dialogue avec l'auditeur (pour le plaisir sonore), et une souplesse typique (lenteur, frémissements) dans l'invention et l'articulation (tout au plus pourrait-on souhaiter qu'il prenne davantage de risques pour que sa musique soit plus immédiatement identifiable et unique) ; comme avec Pierre Boulez, la notion de matériau en développement par extension d'effectifs ou d'éclairages est importante chez lui (avec étapes et révisions à la clé, mais sans aller jusqu'au «work in progress») ; sa trajectoire reste cohérente au cours du temps, même s'il accorde plus de place aujourd'hui à la mélodie, comme beaucoup de compositeurs… Pièces emblématiques (sur un total limité d'une cinquantaine, souvent avec électronique intégrée, globalement de haute qualité d'écriture) : "Seuil déployé" (1989, pour ensemble, avec intro pianistique Boulézienne), "Là, Au-delà" (1991, pour ensemble, furieux et arpégé, mobile et engagé, jouant sur la mémoire incidente par la répétition pseudo-involontaire), "Devenir" (1993, pour clarinette et électronique, puissant et déroutant) et ses prolongements-extensions "Werden" (ou "Devenir II", 1993-2001) et "Initial" (ou "Devenir III", 1993-2002), "So Schnell, Zu Früh" (1993, pour soprano, ensemble et électronique live, un tombeau-hommage rutilant), "Départ (In memoriam Dominique Troncin)" (1995, pour clarinette, non écouté en concert), "Traverse I, II, III" (1995-2003, pour grand orchestre, un triptyque majeur), "Here not There" (2007-2009, pour quatuor à cordes et électronique, un brillant jeu d'alternance, puis de mélange glissandi-staccati), "Übersicht I, II [Aperçu]" (2008-2010, pour saxophone solo, baryton ou ténor, magnétique), "Echappée, Hommage à Claude Debussy" (2012, pour piano seul ), "Études en Alternance" (2003-2018, pour 6 musiciens, en cours, déjà n°1 à 7, rythmiques et souvent suaves), "Longue Distance" (2016, pour clarinette et erhu, un instrument de musique traditionnel Chinois à 2 cordes, exotique et évanescent), "Übersicht III" (2022, pour saxophone, percussions et piano, hédoniste). | France |
Dusapin | 1955 | 69 ans | Pascal Dusapin [1955, France (Nancy) - , né le même jour que son aîné et mentor, Iannis Xenakis] (prononcer «dussapain») est un acteur à part de la création musicale : il est plutôt autodidacte (il n'a pas suivi le cursus scolaire d'un Conservatoire), même s'il a suivi des masterclasses de Iannis Xenakis (entre 1974 et 1978) et d'autres (Franco Donatoni, André Boucourechliev) ou s'il reconnaît des chocs d'influence (Edgard Varèse : "Arcana") et qu'un temps il a envisagé de se consacrer au Jazz ; ce retard par rapport à la normalité d'apprentissage tient aux hésitations quant à son destin (écrivain, architecte...) et à une grave maladie (pendant 9 ans) ; une personnalité imaginative et viscéralement artistique (diplômé de la Sorbonne en arts plastiques, sciences de l'art et esthétique, passionné de poésie et de philosophie, et aussi de photographie) et un tempérament particulièrement complexe et contrasté par les extrêmes (à la fois timide et audacieux voire culotté, à la fois extraverti - ego surdéveloppé, voire narcissisme- et introverti -intense vie intérieure, clairement indépendant et véritablement à l'écoute, avec carrière et image soignées) ; en 2007, il est élu Professeur au Collège de France (le second compositeur après Pierre Boulez)... Première œuvre significative : "Timée" (pour orchestre, 1978, en hommage à Xenakis). Instrument pratiqué : orgue, piano. | Moderniste-Synthétique. Pascal Dusapin est déjà un compositeur établi (peut-être un des futurs grands compositeurs de la Musique Contemporaine, si son ambition musicale n'est pas écornée par les honneurs) et reconnu comme un créateur original dans tous les domaines de la Musique (et notamment la voix, chorale ou dramatique, avec plus de 10 opéras) ; son approche se situe à part, comme son langage inattendu (dans l'héritage de Xenakis, à ses débuts), non conformiste, et personnel et expressif, voire virilement sensuel, tonal et atonal ; un compositeur prolifique de pièces courtes et concises (rarement plus de 20 minutes, sauf les opéras, y compris auteur du livret), d'où une impression de fulgurance et d'urgence, avec un côté jouissif et protéiforme (mélancolique, doux, ou furieux, nerveux, en tout cas toujours plein, tout en gardant une dimension de retenue ou de théâtralité) et souvent une forte dimension littéraire (poésie, philosophie, morale), dans un style qui s'impose à l'oreille (à l'instar de Beethoven), souvent insistant ou incantatoire ; son univers sonore a été qualifié par certains de «maître de la note grise», ce qui est réducteur mais en partie vrai (elle apporte une clarté nouvelle, elle a souvent des pivots dans l'aigu, elle est singilière par des intervalles plus courts) ; comme son langage est héritier de Xenakis (patte sonore, musique massique, en clusters, contrapuntique) et de Varèse (pulsations, revirements), avec ajout des rythmes modernes (Pop, Rock) et de la microtonalité (modérément) ; de ses pièces les plus récentes, ressort davantage de métier que d'inspiration originale et davantage de souplesse et moins de chocs-contrastes qu'à ses débuts; en 2009, il s'est essayé à la musique de film (BOF : «Entre ses Mains», d'Anne Fontaine)… Pièces emblématiques (sur un catalogue total de plus de 120 en 2019, de haut niveau général, dans tous les effectifs mais très peu avec électronique) : "Time Zones" (1989, pour quatuor, une divagation sur le temps), "La Melancholia" (1991, opéra de chambre), "Medea Material" (1990, opéra de chambre, re-nommé Medea à partir de 2005, concis et dramatique), "To be Sung" (1994, opéra de chambre, polyphonique), "Khôra" (1994-1997, pour orchestre à cordes de 60 puis 3O musiciens, maléfique), "Watt" (1995, concerto pour trombone), "Celo" (1997, concerto pour violoncelle), "Granum sinapis" (1997, pour chœur, coloré et intime), "Quad" (1997, pour violon et ensemble, sauvage et irradiant), "Dona Eis" (1998, pour chœur et 7 instruments à vent, superlatif), "Perelà, Uomo di Fumo" (2003, opéra, humaniste-christique, avec un traitement des voix original), "A Quia" (2002, pour piano et orchestre, mystérieux), "7 Solos" (1992 - 2009, pour orchestre, avec une progression dans l'art de l'orchestration, musique magmateuse, statique et puissante, par vagues-plis, notamment "Extenso" en 1994, "Apex" en 1995, "Exeo" en 2003, "Reverso" en 2007, "Uncut" en 2009), "Faustus, the last Night" (2006, opéra de chambre philosophique), Concerto pour orchestre "Morning in Long Island" (2011, Stravinskien et jazzy), Concerto pour violon, violoncelle et orchestre "At Swim-Two-Birds" (2017, fantasmagorique), "Piano Works" (2017-2021, pour piano solo, 5 pièces à ce jour, tout en résonance), "Waves" (2021, duos pour orgue et orchestre, volubile). | France |
Dutilleux | 1916 | 2013 | Henri Dutilleux [1916, France (Angers) - 2013, France (Paris)] est issue d'une famille artistique (le grand-père maternel est directeur du Conservatoire de Roubaix) ; il suit le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire de Paris), dès 1933, avec comme professeurs Noël Gallon (contrepoint et fugue), Philippe Gaubert (direction d'orchestre) et Henri Büsser (composition), avant d'obtenir le Grand Prix de Rome en 1938 pour un séjour à la villa Medicis (sans suite, à cause de la guerre) ; au lieu de centrer sa vie sur la composition, il s'oriente, au sortir de la 2ème Guerre Mondiale, vers les médias en intégrant la Radio Nationale (devenue RTF) comme Directeur du Service des illustrations musicales (jusqu'en 1963) ; le succès public de ses premières créations aidant, il se consacre à la composition, parallèlement à son enseignement, notamment au Conservatoire national de Paris (de 1970 à sa retraite en 1984), mais aussi ponctuellement à l'étranger (Tanglewood aux USA, Japon) ; un hommage lui a été consacré lors de sa disparition, ICI ; site Web d'hommage : http://www.maison-dutilleux.com... Première œuvre significative : Symphonie n°1 (1951, une œuvre attractive, mais encore peu personnelle, datée). Instrument pratiqué : piano (son épouse depuis 1946, Geneviève Joy -décédée en Novembre 2009-, est pianiste concertiste). | Progressiste-Coloriste. Henri Dutilleux est un compositeur important, et surtout un symphoniste reconnu, qui jouit d'un grand succès public (y compris à l'étranger), car sa musique est accessible et d'une couleur unique (avec une touche de modernité bon teint) ; il accapare tous les styles de tonalité pour leur donner une vérité propre et comme voilée (il utilise souvent la note polaire pour accentuer son chromatisme par focalisation, puis échappement) et son langage plutôt tonal, avec dérive atonale, et romantique est profondément teinté par la nuit et par l'énigme, le mystère, qui se résout progressivement (les clés ne sont pas bien cachées, pour procurer à l'auditeur un plaisir rapide) ; sa musique est authentiquement séduisante (et voulue comme telle), comme le personnage (policé), avec à la fois des dissonances brusques à doses filées (pas de rupture avec la tradition), des séquences colorées soulignées (par un instrument étincelant, par exemple, un triangle, un violon suraigu), des rythmes modernes (sans être provocateurs, post-Stravinskiens et post-Bartókiens) ; objectivement ses créations récentes, après le Concerto pour violon "Arbre des Songes" (1985), semblent moins convaincantes (sans renouvellement), même si le public acclame ; curieusement ses pièces pour piano sont rares et moins avancées par rapport à leurs temps, malgré la proximité de son épouse, pianiste-concertiste… Pièces emblématiques (sur un catalogue total très limité, assez cohérent, d'environ 20) : Symphonie n°2 "Le Double" (1959, plutôt un double concerto grosso avec 2 groupes instrumentaux distincts), "Métaboles" (1965, pour orchestre), Concerto pour violoncelle "Tout un Monde lointain" (1970), "Trois Strophes sur le nom de Sacher" (1976, pour violoncelle), Quatuor "Ainsi la Nuit" (1977), "Timbres, Espace, Mouvement ou La Nuit étoilée" (1978, pour orchestre). | France |
Eloy | 1938 | 86 ans | Jean-Claude Éloy [1938, France (Mont Saint-Aignan, près de Rouen) - ] suit le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire de Paris), avec comme professeur Darius Milhaud pour la composition, puis étudie à Darmstadt et à Bâle auprès de Henri Pousseur, Hermann Scherchen, Olivier Messiaen, Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen (une rencontre déterminante, pour son évolution vers l'électroacoustique) ; certaines pièces de jeunesse comme "Équivalences", "Fluctuante-Immuable" sont encore marquées par les techniques sérielles, mais aussi par les musiques en cluster inspirées de Iannis Xenakis ; il enseigne aux USA, à l'Université de Berkeley (1967-1968, de laquelle il démissionne), en Allemagne, en Hollande et il voyage beaucoup (avec une approche ethno-musicologique) ; il est co-producteur à l'ORTF pour France-Musique ou France-Culture (1971-1987) ; à partir de 1978, il travaille au Centre d'Études de Mathématiques et Automatique Musicales (CEMaMu) fondé par Iannis Xenakis, puis il est co-fondateur du CIAMI (Centre d'Informatique Appliquée à la Musique et à l'Image) et son directeur (1983-1988) ; depuis, il dérive de l'Institutionnel après sa rencontre déterminante avec le Japon (où il séjourne longuement et travaille avec la télévision NHK et le Théâtre National) et se tourne vers les instruments du Gagaku et les chorales Bouddhistes ; il est également l'auteur de musiques de films (passionné de cinéma) et il vit actuellement en France, mais à l'écart du formalisme musical et des institutions (même s'il réside à Puteaux, en banlieue Parisienne). Site Internet : www.eloyjeanclaude.com... Première œuvre significative : "Équivalences" (18 musiciens, 1963). Instrument pratiqué : piano, ondes, synthétiseur. | Moderniste-Zen. Jean-Claude Éloy est un compositeur solitaire, et sa musique, après des débuts sériels souples, s'est fortement imprégnée de l'Asie et de l'Orient (Japon, Inde, Tibet), notamment des sons monodiques des moines Bouddhistes, en les mariant intelligemment à l'électronique et l'électroacoustique ; cependant, au fur et à mesure du temps, ses rares œuvres jouées, de plus en plus longues, témoignent d'une marginalisation, de moins d'inspiration et d'une dérive vers le méditatif planant discutable («cosmogonique» et étiré, mais non répétitif)… Pièces emblématiques : "Faisceaux-Diffractions" (1970, pour 28 instrumentistes), "Kâmakalâ" (1971, pour 3 orchestres, 5 chœurs, une pièce marquante par sa maîtrise et sa dynamique), "Shânti" (1973, pour bande, numérisée en 2001, apaisée, longue de 150 minutes), "Fluctuante-Immuable" (1977, pour grand orchestre, hybridation du continu et de l'étiré), "Yo-In" (1980, pour un personnage percussionniste et électroacoustique, rituel en 4 actes de 60 minutes chacun, une hypnose conscientisée), "Anâhata" (1986, pour 2 voix de moines bouddhistes, 3 musiciens du Gagaku et percussion, 220 minutes, partiellement écouté en concert), "Butsumyôe" (1989, pour voix, ensemble de chambre et bande, Orientalisant, partiellement écouté en concert), "Gaia" (1992, pour soprano, récitante et électroacoustique, sans orientalisme), "Galaxies" (1994-1996, acousmatique visuelle, en plusieurs versions, dont une pour voix solo et électroacoustique de 75 minutes). | France |
Eötvös | 1944 | 2024 | Peter Eötvös [1944, Roumanie (Székelyudvarhely, Transylvanie, à l'époque Hongrie) - 2024, Hongrie (Budapest)] (prononcer «éoeutvoeuche») étudie au Conservatoire de Budapest, notamment la composition avec Pal Kardos (1958-1965), puis à celui de Cologne (1966-1968) ; entre 1958 et 1970, il compose un très grand nombre de partitions utilitaires (alimentaires) pour accompagner des projections de films en improvisant au piano ou à l'orgue Hammond, puis on lui demande des partitions pour le théâtre et le cinéma (importance du temps limité, pré-défini, avec la contrainte d'intervenir après coup, du montage-ordonnancement, de la mise en scène théâtralisée de l'accompagnement musical, et, du mélange des genres -jazz, pop, opérettes, chansons-, utiles pour ses futurs opéras ou même sa musique instrumentale) ; à la fin des années 1960, à Cologne, il est le copiste de Karlheinz Stockhausen, puis en 1970, son séjour de 6 mois au Japon avec lui, à l'occasion de l'exposition universelle d'Osaka, est pour lui un choc, la découverte d'une culture qui le fascine encore ; il trouve sa voie par la compréhension d'autres (notamment, Stockhausen pour la musique électronique, Pierre Boulez pour la direction et l'orchestration) : ainsi, il est au Studio électronique de la Radio de Cologne entre 1971 et 1979, et, il dirige le concert inaugural de l'Ircam à Paris (1978) et l'Ensemble Intercontemporain jusqu'en 1991, ainsi que l'orchestre de la BBC et de Budapest (1998-2001) ; puis, il devient le chef d'orchestre invité (remarquable) de nombreuses phalanges internationales ; enfin, il est professeur à Cologne, à Karlsruhe (jusqu'à sa retraite en 2008) ; pour l'anecdote, il rencontre Ligeti (qui est alors inspecteur des écoles en Hongrie) à 10 ans, par hasard, et il garde son contact et son amitié jusqu'à sa mort en Allemagne ; le personnage est secret, ouvert, éclectique, attentif et curieux, pressé (affairiste, au bon sens du terme), avec une bonne dose d'humour (ironique, burlesque, théâtral) dans un petit sourire amusé, aimant un zest de provocation. Site Internet (en Anglais): www.eotvospeter.com... Première œuvre significative : "Harakiri" (1973). Instrument pratiqué : piano (mère, pianiste). | Moderniste-Synthétique. Peter Eötvös un compositeur occasionnel, rare, mais déterminant : il a mené jusqu'à récemment une double vie de chef d'orchestre et de compositeur, graduellement la seconde prenant le dessus (temps, notoriété) sur la première ; son univers est personnel, farouchement indépendant, revendiquant un langage musical individualisé pour chaque partition, quoique utilisant la grammaire des autres (notamment Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen), dans une synthèse apaisée ; sa musique est marquée par la clarté (limpidité des structures), par la primauté du chant (humain et instrumental), et par l'intégration des bruits de la nature (vent, chute de pierre, criquets...) ; il est à la fois éclectique (féru de Jazz, surtout des années 1960, et d'improvisation) et insatisfait par essence : lié à la singularité de chaque partition, il modifie souvent son catalogue, n'hésitant pas à ôter (ou «garager») une ancienne pièce si une nouvelle emploie tel ou tel langage musical à meilleur escient ; de façon assez atypique, son langage, moderniste bon teint, se plie au concept fondateur de chaque pièce, et c'est plutôt le geste et l'invention du créateur qui sont mis en avant (par exemple, par la spatialisation, par la spécificité de l'effectif, par la théâtralisation, par le goût du spectacle, etc.), selon une démarche assez proche de Harrison Birtwistle (mais pour une écoute musicale très différente) ; d'où le point relatif faible de cette musique éparpillée, moderniste bon teint, certes remarquablement écrite et souvent originale, est son manque d'identification immédiate (à son auteur)… Pièces emblématiques : "Windsequenzen" (1975, révisé en 1989 et 2002, pour ensemble, allégorie du vent), "Radames" (1975, révisé en 1997, opéra), "Douze Microludes" (1977, pour quatuor à cordes, non écouté en concert), "Chinese Opera" (1986, pour 2 orchestres et au centre des instruments amplifiés), "Steine [Pierres]" (1990, pour ensemble, en hommage à Boulez, comme 2ème pierre par le prénom, les instrumentistes cognant en plus des pierres), "Psalm 151" (1993, pour percussions), "Shadows (1996, pour flûte, clarinette et ensemble), "Trois Sœurs" (1998, opéra, une remarquable réussite), "Replica" (1999, pour alto et orchestre, mélancolique et Bartokien), "Seven" (2007, pour violon et orchestre, en hommage à la mort de 7 astronautes, d'un lyrisme émouvant), "ZeroPoints" (2000, pour orchestre, éblouissant chaos organisé), "Lady Sarashina" (2008, opéra, non vu, mais écouté). | Hongrie |
Escaich | 1965 | 59 ans | Thierry Escaich [1965, France (Paris) - ] (prononcer «esckeyche») est un pur produit de la formation Française (étudiant de 1983 à 1990, avec 8 Premiers Prix, dont ceux d'orgue et d'improvisation à l'orgue, puis très tôt, depuis 1992, professeur au Conservatoire de Paris) ; l'improvisation tient très tôt une place privilégiée (dès l'âge de 7 ans), d'abord à l'oreille, instinctive, puis construite, élaborée (aujourd'hui, un concert hebdomadaire comme titulaire du grand-orgue de l'Église Saint-Étienne-du-Mont à Paris, voire même épisodiquement des concert-impros libres) ; il est à la fois délibérément pragmatique (éloigné des clans, opposé à tout style fabriqué, à toute théorisation de la démarche créative, à tout besoin d'innover) et fondamentalement croyant (comme Olivier Messiaen, sa référence morale, mais pas stylistique) ; au début des années 2000, il a co-fondé le collectif esthétique (néotonal) appelé Phoenix (aujourd'hui abandonné), réunissant aussi Nicolas Bacri, Guillaume Connesson, Jean-Louis Florentz, Anthony Girard, Philippe Hersant, Marc Minkowski, Laurent Petitgirard, Jean-François Zygel, et Pascal Zavaro ; il est compositeur en résidence successivement à l'Orchestre national de Lille, à l'Orchestre de Bretagne et à l'Orchestre national de Lyon (2007-2010) et à Dresde en Allemagne (2020-2021), tout en habitant à Paris le plus souvent ; à partir de Septembre 2011, il est compositeur associé de l'Ensemble Orchestral de Paris ; il est cinéphile et aime la randonnée cycliste ; il se (com)plait dans une posture de Français simple, un brin facétieux. Site Internet : www.escaich.org... Premières œuvres significatives : "Antiennes oubliées" (pour petit ensemble, 1989, mariant le chant Grégorien à un peu de sériel), "Les Litanies de l'Ombre" (1990, pour piano solo, polyrythmique). Instruments pratiqués : orgue (concertiste), accordéon, violon et piano. | Progressiste-Néotonal (tendance modale). Thierry Escaich n'a pas de langage bien différencié, mais ces œuvres ont un style personnel cohérent et identifiable, sont d'une facture et d'une harmonie très abouties, et séduisent toujours un public large, par leur émotion puissante (voire grandiose), sans provocante modernité, ni passéisme ; le sens tonal reste toujours présent, mais sans essai de retour à une tonalité non fonctionnelle ou bien aux formes qui y sont associées, comme les post-modernes, et ce sens tonal est enrichi par des insertions non tonales ou microtonales et des pointes jazz-pop-rock ; sa musique est, comme le personnage, d'une grande vitalité (énergie, dynamisme, contrastes), d'une droiture évidente (facile d'accès et savant), et d'un tropisme religieux marqué (partitions avec orgue, musique vocale, inspiration de Paul Claudel) ; son style est à la fois fusionnel (polyrythmique, polychromatique, polymodal, incluant le patrimoine passé en particulier le Chant Grégorien, mais aussi les rythmes asymétriques de Bartók ou encore le beau son, façon Brahms, Ravel, voire Jolivet), jouant souvent sur les antagonismes (y compris leur résolution) et sur les superpositions (de registres, de groupes d'instruments), jusqu'à l'explosion ou la violence, tout en restant souvent consonant… Pièces emblématiques (sur un total d'une centaine, déjà) : "La Ronde" (2000, pour quatuor à cordes et piano, néo-romantique entrelacé et obsessionnel, d'après Schnitzler et le film de Max Ophüls), "Scènes de bal" (2002, pour quatuor à cordes, mêlant valse, tango, disco, slow, ragtime), "Résurgences" (2002, pour trompette et orchestre), "Miroir d'Ombres" (2006, pour violon, violoncelle et orchestre, virtuose), Concerto pour violon (2009, sur un même matériau thématique, un défi de 22 minutes). | France |
Fedele | 1953 | 71 ans | Ivan Fedele [1953, Italie (Lecce) - ] (prononcer «fédélé», prénom officiel Rocco) étudie le piano avec Bruno Canino, l'harmonie et le contrepoint avec Renato Dionisi, et la composition avec Azio Corghi au Conservatoire de Milan, jusqu'en 1981 (et aussi, la philosophie à l'université, les mathématiques par filiation paternelle), avant de suivre les cours de Franco Donatoni à l'Accademia di Santa Cecilia à Rome (1982) ; il s'est à son tour tourné vers l'enseignement (Milan depuis 2007, Strasbourg, comme professeur de composition) ; depuis 2009, il est directeur artistique de l'Orchestre I Pomeriggi Musicali de Milan ; il s'est signalé par son action de soutien actif aux jeunes créateurs (dans une Italie désertique en fonds publics depuis les années 2000) ; il a été proche ami de Christophe Bertrand, comme de leurs côtés Pascal Dusapin et Philippe Hurel, mais au point d'écrire en plus une pièce en hommage au jeune compositeur juste disparu ("Quinze Bagatelles" pour trio avec piano, en 2011, avec son style spiralé, entrecoupées de déplorations) ; le personnage est avenant, timide (un peu gauche), à la fois solitaire et tribal, et farouchement convaincu. Site Internet spécialisé (en Italien) : www.ivanfedele.eu... Première œuvre significative : "Chiari" (1981, pour orchestre, éclaté selon le peintre cubiste George Braque). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Synthétique. Ivan Fedele est un compositeur respecté, sa musique est séduisante, lumineuse, vocale (même sans voix), narrative (avec un déroulé), intelligente (au sens de particulièrement savante), temporelle (bien dans le temps de sa composition) et parie souvent sur des oppositions (frémissements-lents déroulés), ou des contradictions (assumées : cérébral-sensuel) et sur de brèves cellules en relation complexe ; la question en suspens (pas essentielle) est celle de la longévité potentielle de cette musique dont le langage n'est pas singulier (mainstream synthétique, ancré temporellement), mais le métier est solide, l'ambition sincère et la musicalité évidente ; sa pièce "Capt-Actions" (2005), innove sur le plan technologique (dans le cadre de l'électronique en temps réel) par l'utilisation d'un nouveau système de «capteurs», capables de transmettre les données d'un geste instrumental (au sens littéral) à l'ordinateur et d'«interpréter» ce geste en temps réel selon les types de transformation du son conçus au préalable (idem pour "La Pierre et l'Étang", 2011).… Pièces emblématiques (sur un total élevé d'environ 180 en 2021, notamment concertantes, et y compris plusieurs opéras) : "Magic" (1985, pour quatuor de saxophones, en quasi-apesanteur), "Chord" (1989, pour 10 musiciens en opposition), "Epos" (1989, pour orchestre), Concerto pour piano et orchestre (1993, tout en résonance multipliée, réfractée, diffractée), "Richiamo" (1994, pour cuivres, percussions et électronique, spatialisés, une errance harmonique par appels-rappels), "Message" (2000, pour voix et petit ensemble), "Ali di Cantor" (2004, orchestre en 4 groupes spatialisés, pulsé), "Capt-actions" (pour quatuor à cordes, accordéon et électronique en temps réel, 2005), "Antigone" (2007, opéra d'après Sophocle, non écouté), "La Pierre et l'Étang" (2011, pour percussions, quatuor à cordes, ensemble de cordes et électronique live, foisonnant, ambitieux et original). | Italie |
Feldman | 1926 | 1987 | Morton (Morty) Feldman [1926, USA (New York) - 1987, USA (Buffalo, la ville des chutes du Niagara, New York), décédé à 61 ans, prématurément d'un cancer] (prononcer «feldmann») est une voix originale, loin de tout système, dans le paysage Américain marqué par le Minimalisme et la Pop : il étudie le piano avec Vera Maurina-Press, amie de Scriabine et disciple de Busoni, puis le dodécaphonisme avec Wallingford Riegger en 1941 (avec une forte influence de Webern, dans sa dimension du silence, de l'effacement, du ténu, du continu resserré) et la composition avec Stefan Wolpe en 1944 (il est aussi marqué par la figure d'Edgard Varèse qu'il rencontre quasi chaque semaine dans sa jeunesse) ; esprit non conformiste, instinctif, profondément original, il est un témoin des arts de son temps au sens large (y compris théâtre, peinture, philosophie) : il n'a ainsi revendiqué sa filiation Juive qu'en 1971 ; proche artistiquement de John Cage (avec Christian Wolff et Earl Brown, pour la dénommée «École de New York»), il rencontre par son intermédiaire plusieurs figures importantes de la scène artistique de la «pomme», parmi lesquelles Jackson Pollock, Philip Guston, Frank O'Hara et le Franco-Irlandais Samuel Beckett et il commence à composer par des études d'œuvres ouvertes (1950, Projections N°1, avec délégation des hauteurs au violoncelliste, ce qui historiquement en ferait leur créateur, et pas John Cage) ; il se distingue d'abord, en 1951, par l'emploi de partitions graphiques («graph notation») qu'il avait inventée et expérimentée, où les hauteurs ne sont plus fixes, laissant une grande liberté d'interprétation, mais dont il s'émancipe peu à peu entre 1953 et 1958 et qu'il abandonne définitivement en 1967, conservant seulement sa dimension indéterminée ; à partir de 1973, il poursuit parallèlement des fonctions d'enseignement (New York/Buffalo, Darmstadt/Berlin) ; à noter, de façon surprenante compte tenu de la complexité réelle de ses compositions, que le compositeur n'écrit pas les partitions au crayon, mais à la plume comme un jet d'inspiration (immédiatement interrompu et repris plus tard, en cas de raturage) ; très myope (avec de sempiternelles lunettes à écailles), bon vivant (en surpoids notoire) avec un humour caustique, (se) jouant des paradoxes, fumeur invétéré, instinctif, sensuel, le personnage reste secret, hors système, maniant l'ellipse voire l'énigme dans les échanges ; il s'est marié à la cantatrice Barbara Monk. Site Internet spécialisé (en Anglais) : www.cnvill.net/mfhome.htm... Première œuvre significative : "Intersection I" et "Marginal Intersection" (1951, œuvres ouvertes pour grand orchestre). Instruments pratiqués : piano, alto. | Moderniste-Indépendant. Morton Feldman est un compositeur à part, indépendant des courants (assez ésotérique, ré-itérative), auteur de musiques essentiellement intuitives (dont la construction savante n'apparaît pas immédiatement et dont l'apparente simplicité d'écriture paradoxalement ne se retrouve pas à l'écoute, plutôt complexe), physiquement sensuelles (presque fauves, viscérales) et toujours dépaysantes ; sa musique est comme suspendue, énigmatique, elliptique (avec un rapport sensitif entre les sons -qui apparaissent et disparaissent sans évènement-, avec la recherche constante de sonorités nouvelles par mariage d'instruments inattendus, et moins de contrastes de valeur forte-piano) ; il compose des œuvres denses, indéterminées entre 1951 et 1958, et à partir de 1973, (très) longues, lentes, arachnéennes (pas lourdes), oniriques et méditatives (jusqu'à l'obsession), itératives par exemple son 2ème Quatuor à cordes qui dure de 3 à 6 heures (1983) ; son utilisation de la répétition n'a rien à voir avec le mouvement Minimaliste (ou la recherche de la mémorisation), tout en pulsion dynamique prévisible, mais se rapprocherait un peu de Messiaen par la grande variété subtile d'accompagnement, par les rythmes asynchrones (mais l'insistance du Français est très différente), par l'envoûtement créé et par l'imprévisible cheminement (les changements toujours inattendus) ; son style tardif, mésestimé en France, requiert une immersion totale, contemplative, et une écoute hypnotique et exigeante (mais pas l'abandon) ; incontestablement, c'est le compositeur dont le travail sur le temps est le plus abouti… Pièces emblématiques : "Durations I - V" (1960-1961, pour divers ensembles de chambre), "The Viola in my Life I, II, III, IV" (1970, pour alto et 5 instruments, 6 instruments, piano, ou orchestre, respectivement, un monument), "The Rothko Chapel" (1971, pour soprano, voix d'alto, chœur et 3 instruments), "Cello and Orchestra" (1973, concerto pour violoncelle), "Neither" (1977, lied pour orchestre sur un texte original de Beckett), "Why Patterns?" (1978, pour flûte, piano et glockenspiel, prolongé en 1984, par "Crippled Simmetry" pour flûte, piano et célesta), Quatuor n°1 (1979, de 100 minutes), "Triadic Memories" (piano, 1981, la plus longue partition pour cet instrument seul, 90 mn, avec un effet de balancier hypnotique), "Three Voices" (1982, pour soprano et bande, ou 3 sopranos, non écouté), "For John Cage" (1982, pour violon et piano, 75 mn, non écouté en concert), Quatuor n°2 (1983, le plus long quatuor à cordes de l'histoire de la musique, génial), "For Philip Guston" (1984, pour flûte, piano et percussions, non écouté, plus de 4 heures), "For Bunita Marcus" (1985, pour piano, 75 mn), "Palais de Maris" (1986, pour piano, seulement 20 minutes), "Coptic Light" (1986, pour grand orchestre avec 2 pianos obligés, crypté et diffracté qui a inspiré Mica Levi pour la B.O.F. de «Under the Skin» en 2013), "For Samuel Beckett" (1987, pour grand ensemble). | USA |
Fénelon | 1952 | 71 ans | Philippe Fénelon [1952, France (Suèvres, Loir-et-Cher) - ] suit en partie le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire national de Paris), avec Olivier Messiaen comme professeur de composition (également, l'analyse, mais pas la classe d'écriture), ainsi qu'une formation aux langues orientales vivantes (Bulgare) ; pensionnaire de la Casa Velázquez à Madrid de 1981 à 1983, puis en résidence à Berlin, il fuit le microcosme Parisien et s'est établi à Barcelone (Espagne) avec de fréquentes incursions dans le Sud de la France (Languedoc) ; le personnage est indépendant tout en étant rassembleur, curieux et éclectique (de tous les styles, de tous les arts) tout en étant distancé, subtil, méticuleux, avec un rien de posture ; c'est un grand amoureux du genre opéra : il a fréquenté avec assiduité Bayreuth et son festival dès l'âge de 17 ans, il a écrit un livre d'analyse sur les principaux ouvrages du répertoire (Histoires d'opéra, 2007, chez Actes Sud), il compose toujours avec un geste dramaturgique et lyrique ; il aime aussi le cinéma et réalise professionnellement des films sur l'art. Site Internet : www.philippefenelon.net... Première œuvre significative : "Diagonal" (1983). Instrument pratiqué : piano (accompagnateur de chanteurs). | Moderniste-Synthétique (tendance polyphonique). Philippe Fénelon est un compositeur reconnu, davantage par ses opéras que par son langage original ou novateur ; son univers ne relève pas de l'émotion soulignée, du drame extraverti, mais plutôt de la poésie indicible, aux nuances subtiles ; son langage est plutôt difficile d'accès, non par son agressivité ou ses dissonances, mais par sa discrétion irréelle et sa distance impalpable ; sa musique est d'une grande pureté, cristalline comme le dernier Debussy, discontinue, tout en intégrant la modernité et (rarement) les techniques électroacoustiques réalisées à l'Ircam ; son style est unique et personnel, de même essence pour la musique de chambre ou l'opéra : il raconte une histoire (déroulé dramatique), il privilégie l'intime (mais pas l'introversion) et surtout il est à la fois polyphonique au sens de la musique médiévale (voix entrelacées, avec une grande complexité) et moderne (les voix ont des scripts très différents) … Pièces emblématiques (sur plus de 80) : "Le Chevalier imaginaire" (1987, opéra), "Saturne" (1988, pour violon et orchestre), "Orion" (1991, pour quatuor divers), "Dix-Huit Madrigaux" (1996, pour chœur, non écoutés au concert, typiques de son style), "Salammbô" (1998, opéra d'après Flaubert, avec technique Ircam), "Yala" (2005, pour trio à cordes), "Faust" (2007, opéra, d'après Lenau, et non de Goethe, naturaliste), "La Cerisaie" (2010, et 2012, à la scène, opéra, d'après Anton Tchekhov, en pièce de théâtre). | France |
Ferneyhough | 1943 | 81 ans | Brian Ferneyhough [1943, Angleterre (Coventry) - ] (prononcer «feurni-haou») joue dans les fanfares ou «brass bands» avant de s'orienter assez tard vers les études de musique à Birmingham (1961-1963), puis de composition et de direction d'orchestre à la Royal Academy of Music de Londres (1966-1967) ; il part ensuite travailler à Bâle avec Klaus Huber (1969-1971), dont il devient l'assistant comme professeur de composition à Fribourg-en-Brisgau (1973-1986), et enfin il se consacre à l'enseignement -pour lequel il est très reconnu et d'une intelligence aiguë- dans de nombreux pays (USA, Hollande, France, Italie...), en même temps qu'à la création (rare) ; il s'est opposé aux tenants de la «Nouvelle Simplicité» en musique (Rihm et consorts), par une «Nouvelle Complexité» pour sa propre musique et celle de ses élèves ; le personnage est d'une distraction-étourderie inhabituelle, et son expression orale, elle aussi, d'une réelle complexité (pour ne pas dire abstraction absconde) avant que son interlocuteur ait compris-saisi sa pensée (alors la dimension pédagogique est stupéfiante)... Première œuvre significative : "Prometheus" (1967, sextuor à vent), "Sonatas" (1968, quatuor à cordes, une longue -42 minutes- errance discursive avec fausses répétitions, en un jeu savant de déconstruction de dizaines de vignettes sonores). Instrument pratiqué : trompette (et d'autres instruments à vent). | Moderniste-Complexe (tendance abstrait). Brian Ferneyhough est un compositeur fondamental, encore peu compris, car sa musique, savante et héritière émancipée de Schoenberg, très précise et d'écriture serrée, paroxystique et antagoniste, est énigmatique et extrêmement complexe, précédée de minutieux calculs ; à la fois dans et hors de la ligne sérielle des années 1950 (en extrapolations), elle est la concrétisation de raisonnements intellectuels (son prénom, brocardé-déformé en «Brain» qui signifie cerveau!), pour construire un matériau à haute densité et forte abstraction et des œuvres souvent courtes, d'une expressivité radicale (et difficiles d'accès), chaotiques en apparence et sublimées par la liberté d'interprétation dans les intensités et les nuances ; sa musique crée la fascination auditive et le plaisir-émotion cérébral (sans envoûtement, sans séduction, sans sentimentalité) ; par son originalité, sa dimension pédagogique, sa notation particulière (graphique, vectorielle), cette musique (et sa théorisation) devrait produire des nouvelles vagues de style dans le futur… Pièces emblématiques (sur un catalogue limité, d'environ 80 en 2021, pas plus de 1 à 3 courtes pièces par an) : "Funérailles I et II" (1969, pour harpe et septuor à cordes), "Cassandra's Dream Song" (1970, pour flûte solo, longtemps réputée injouable), "Transit" (1975, pour 6 voix, flûte, clarinette solistes et orchestre, virtuose et structurée, difficile d'accès), "Unity Capsule" (1976, pour flûte, avec effet masque de la voix), "Time and Motion Study I, II, III" (1971-1977, clarinette solo, violoncelle et électronique, chœur, percussion et électronique), "Lemma-Icon-Epigram" (1981, pour piano, superbe et d'une phénoménale complexité), "Carceri d'Invenzione" (1982-1988, un cycle de 8 pièces pour diverses flûtes, solo ou avec ensemble, non écouté en concert), "Adagissimo" (1984, pour quatuor à cordes, une miniature, 2 minutes, facile d'accès et mélodique, divisée en 2 groupes instrumentaux), "Etudes transcendentales" (1985, pour soprano et 4 instruments, non écoutées en concert), "La Chute d'Icare" (1988, pour clarinette et ensemble), Quatuor n°4 (1990, avec soprano, en prolongement du n°2 de Schoenberg, une célébration complexe, apparemment incohérente), "Terrain" (1992, pour violon et 8 bois-vents, sinueux, en prolongement d' "Octandre" de Varèse), "On Stellar Magnitudes" (1994, pour mezzo-soprano et 5 instruments, en prolongement du "Pierrot Lunaire"), Trio à cordes (1995, en prolongement de l'opus 45 de Schoenberg, d'une jubilatoire intelligence), Quatuor n°5 (2006, ascèse inventive, où les premières cellules rythmiques, brèves, deviennent prééminentes en s'allongeant), "Inconjunctions" (2014, pour petit ensemble, entrelacées). | Angleterre |
Ferrari | 1929 | 2005 | Luc Ferrari [1929, France (Paris) - 2005, Italie (Arezzo), décédé à 76 ans] est un musicien à part, car un personnage non conformiste (par exemple, ses nombreuses fausses biographies), provocateur (à l'instar d'Erik Satie), faussaire (au sens positif de l'accaparement), aventurier (et aventureux) et d'origine Corse (farouchement indépendant, même rebelle à toute norme) ; après des études musicales avec Alfred Cortot et Arthur Honegger (1948-1950), à l'Ecole normale supérieure de Paris, puis Olivier Messiaen (1953-1954) au Conservatoire de Paris, alors rue de Madrid, (et une rencontre capitale à New York avec Edgard Varèse), il fréquente à partir de 1952 les sessions annuelles de Darmstadt et découvre la musique électronique avec Karlheinz Stockhausen à Cologne et la musique concrète (bruits enregistrés) avec Pierre Schaeffer en France, puis collabore à la création du Groupe de Recherches Musicales (GRM) en 1958, jusqu'en 1966 (rupture fracassante) ; alors, il s'implique dans la Radio Française, et, de 1964 à 1982, travaille successivement en Suède (Stockholm, 1966), en Allemagne (Cologne, Berlin, 1967) et en France (Amiens, entre 1968 et 1969, et Pantin, entre 1978 et 1980) ; comme Pierre Henry (autre indépendant en rupture avec le GRM), il monte son propre studio en 3 étapes (1972, le studio Billig, modeste atelier; 1982, co-fondation de l'Association La Muse en Circuit; 1996, home-studio Atelier post-Billig) ; à partir de 1998, il découvre l'univers des DJ (Disc Jokeys) expérimentaux et leur potentiel en matière de compositions et touche à l'improvisation collective. Site Internet : www.lucferrari.org... Première œuvre significative : "Und so weiter" [Etcetera] (1966, pour piano et bande). Instrument pratiqué : piano. | Electroacoustique-Mixte. Luc Ferrari est un compositeur libre et différent, moins en raison de ses excentricités iconoclastes (également dans les titres de ses pièces) que par son univers très intuitif, à la fois séducteur et provocateur, hors Institutions ; il a exploré de multiples nouveaux horizons pour la musique acousmatique (concrète et électronique), ayant très tôt compris le potentiel de la bande magnétique pour capter/mémoriser toutes sortes de bruits, de voix, de rumeurs réalistes, au point de mettre en péril le concept même de musique, sans exclure les incursions dans la musique mixte (c'est-à-dire, instrumentale incluse) ; il a toujours été attiré par la représentation (sens du réel et de l'éphémère), notamment avec le théâtre musical et la musique mise en scène (souvent virtuelle comme dans ses pièces radiophoniques ou «Hörspiel», reportages musicalisés, mi-radio mi-musique, ou ses bandes mélangeant bruits quotidiens et scènettes) ; parmi les compositeurs de musique savante, il est l'inventeur du field recording (enregistrement sur le terrain qu'il nomme «musique anecdotique», avec un magnétophone à bande «emprunté»), dans sa démarche globale d'insatiable sculpteur de sons (bruits compris) ; son style, teinté d'humour, est insaisissable, toujours inattendu, pluridisciplinaire et assimilateur, l'entraînant à explorer tout (et parfois n'importe quoi), à manipuler les sons (y compris instrumentaux), avec singularité, poésie, sensualité, intuition (calculée), variété sans fin, y compris auto-contradiction ; ses pièces ont toutes la particularité rare de raconter une histoire, elles ne négligent pas la consonance et elles mélangent allègrement rupture, liberté et (bon) plaisir… Pièces emblématiques (dans un catalogue abondant de plus de 170 pièces, encore incomplètement fixé et sans conteste avec pas mal de déchet): "Tautologos I, II" (1961, musique électronique, puis concrète, répétitive), "Hétérozygote" (1964, acousmatique), "Presque Rien I" (1969, sons mémorisés, avec des bruits de la nature), "36 Enfilades" (1985, pour piano et magnétophone), "Histoire du Plaisir et de la Désolation" (1982, pour orchestre, provocant collange tonal), "Labyrinthe Hôtel" (1990, opéra de chambre), "Symphonie déchirée" (1998, pour ensemble et bande). | France |
Filidei | 1973 | 51 ans | Francesco Filidei [1973, Italie (Pise, Toscane) - ] est un compositeur typique d'aujourd'hui, à la fois solidement éduqué et libre de toute école, de toute tendance ; il est un élève brillant pour l'orgue et la composition au Conservatoire Luigi Cherubini à Florence, puis à partir de 1999 au Conservatoire de Paris (La Villette) avec Frédéric Durieux, Marco Stroppa et Michael Levinas et enfin du Cursus de l'Ircam (2001-2002) ; il suit les cours de perfectionnement de Giacomo Manzoni, Sylvano Bussotti, Jean Guillou (orgue), et de Salvatore Sciarrino, mais sa musique est peu influencée par lui ; tout lui sourit : il participe aux sessions de Royaumont, il est en résidence à l' Académie Schloss Solitude à Stuttgart (2006), à la Casa de Velázquez (2007) et à la Villa Médicis (2012) ; il vit entre Paris et l'Italie, et aussi voyage beaucoup, comme tout compositeur de sa génération ; comme beaucoup il aime la littérature contemporaine (Eduardo Sanguineti) et il se veut un témoin des abus politiques et sociaux ; le personnage est plutôt calme, posé, placide (faussement taciturne), il ne s'impose pas et pèse ses mots, sans rechercher le contact, il est pragmatique, typiquement «cool», peut-être, un temps, trop, mais la création de "L'Inondation" en co-travail pendant 2 ans avec le librettiste Joël Pommerat a montré qu'il peut se dépasser. Site Internet : www.francescofilidei.com... Première œuvre significative : "Toccata" (1995, pour piano). Instrument pratiqué : orgue (concert). | Moderniste-Synthétique (tendance ludique). Francesco Filidei est un compositeur encore jeune dont la fortune publique a explosé à la suite de 2 opéras donnés en France particulièrement réussis ; son style est moderniste et ludique qui joue sur les rythmes et la tonalité et pseudo-tonalité ; son esthétique est typiquement «mainstream» (donc peu identifiable directement, très professionnelle) et il pourrait ambitionner davantage, semble-t-il, car incroyablement doué ; il est organiste au concert et l'instrument a ses faveurs dans plusieurs de ses pièces ; sa musique est architecturée, gestuelle (mise en place souvent théâtrale), assez ludique (instruments jouets, bruits musicaux incongrus), visant le plaisir sonore, mais sans fioritures, sans décorations inutiles, principalement tonale ; préoccupé par le silence, le son et sa genèse, il exploite les bruits des mécaniques instrumentales, sculpte et segmente le temps ; il utilise souvent un instrumentarium ludique (appeaux, casseroles) et propose un univers sonore poétique et coloré, plutôt pour effectif réduit (budget oblige) ; le rythme, la pulsation et les césures abruptes deviennent la structure principale de sa musique ; les titres de ses pièces souvent brèves sont énigmatiques, sauf la série des "Ballata", musique de chambre intime et personnelle pour petit ensemble avec ou non soliste varié… Pièces emblématiques (dans un catalogue étonnamment limité): "Gagliarda" (2006, pour violoncelle solo), "Forse" (2008, conte lapidaire pour grands enfants, ludique"), Corde vuoto" (2010, pour violon, violoncelle et piano), "Ballata n°2" (2012, pour petit ensemble, ludique), "Ballata n°3" (2013, pour piano ou viole et petit ensemble, sombre, heurté puis élégiaque), (Texture, 1995), "Giordano Bruno" (2015, opéra, musique sensuelle et livret sur l'inquisition), "L'Inondation" (2019, opéra, musique bruitiste et livret sur l'inadaptation). | Italie |
Ginastera | 1916 | 1983 | Alberto Evaristo Ginastera [1916, Argentine (Buenos Aires) - 1983, Genève (Suisse), décédé à 67 ans], issu d'une famille Italienne (prononcer «djinastéra») et Espagnole (Catalane), étudie d'abord au conservatoire Williams de Buenos Aires (1928-1935), puis au Conservatoire National (1936-1938), avec López Buchardo, Athos Palma, José André et José Gil ; dès 21 ans, il suscite la sensation et accède à la célébrité locale avec son ballet Panambí (1937, créé en 1940), puis enseigne la composition au Conservatoire national de Buenos Aires et au Liceo Militar General San Martín (1941-1945) ; grâce à une bourse Guggenheim, il part à New York compléter sa formation (1945-1947), notamment avec Aaron Copland (à Tanglewood) ; il est nommé directeur du conservatoire de La Plata (1948-1952, puis 1956-1958) et Professeur au Conservatoire national de Buenos Aires, à partir de 1953 ; il fonde et dirige, en 1962, le Centro Latino-Americano de Altos Estudios Musicales (CLAEM), un institut pour les jeunes compositeurs sud-américains, avec invitations à enseigner des compositeurs modernes comme Messiaen, Maderna, Nono ; en 1968 (après désaccords politiques successifs avec les autorités Argentines), il émigre aux USA, enseigne au Dartmouth College (New Hampshire, USA), puis s'installe en Suisse, à Genève, à partir de 1971, pour composer plus librement (pédagogie limitée) ; relativement peu connu en Europe, il est considéré aux USA comme une figure importante de la musique, à l'instar de Copland (ses derniers opéras, en Suisse, reflète ses préoccupations modernistes Européennes, moins folklorisantes) ; ses dernières pièces marquent un retour aux sources, notamment son 4ème opéra, "Barrabas" ou sa dernière pièce d'orchestre "Popol Vuh", presque complètes mais inachevées en raison de sa mort d'un cancer hématologique foudroyant ; un homme jovial (mais inquiet), perfectionniste, méticuleux... Première œuvre significative : "Danzas Argentinas" (1937, pour piano). Instrument pratiqué : piano, violoncelle (indirectement : Aurora Natola, 2ème épouse depuis 1971, instrumentiste professionnelle). | Progressiste-National (tendance romantique). Alberto Ginastera est un grand mélodiste et sans doute le plus inspiré, si comparé à ses aînés Latino-Américains, Heitor Villa-Lobos (1887-1959), Silvestre Revueltas (1889-1940), ou Carlos Chávez (1899-1978) ; ses influences sont clairement à chercher du côté de Bartók, de Prokofiev, du premier Stravinsky, de Copland et de Katchatourian ; sa musique est essentiellement dansante (rythmée, balancée, souvent rhapsodique, même ses pièces non chorégraphiques) et tonale (avec des dissonances à doses filées), avec un sens de la couleur forte, musquée, avec toujours le choix de l'équilibre, et le risque -pas toujours évité- de la carte postale pittoresque ou édifiante ; il a caractérisé et nommé lui-même 3 périodes dans son catalogue (surtout au niveau de l'écriture et du langage, évoluant vers moins de spontanéité, mais aussi plus d'ambition et de complexité), même si au global son style est plutôt cohérent et stable, schématisé par des Allegros con fuoco rythmés, puissants ou obsessifs ou par des Adagios mélancoliques avec larges envolées romantiques : (1) «Nationalisme objectif» ou folklore Argentin réaliste, avec des pièces entièrement tonales, héritières du passé (1934-1948), (2) «Nationalisme subjectif» ou folklore subjectif, pour laquelle les thèmes ne sont plus empruntés directement au folklore, mais la couleur générale reste clairement nationale (1948-1958), (3) «Néo-expressionisme» sans plus aucune réminiscence folklorique, alliant toujours une certaine essence Argentine au modernisme Occidental par l'intégration du dodécaphonisme, des clusters, des micro-intervalles et même de l'aléatoire, avec éclectisme (1958-1983) ; ses opéras, tous de la maturité, "Don Rodrigo", "Bomarzo", "Beatrix Cenci", "Barrabas", sont également essentiels à l'appréciation de son œuvre ; curieusement, ses (courtes) pièces pour piano, depuis l'opus 2 jusqu'à la 3ème sonate (1982), affectionnent davantage poésie et intimisme que les pièces orchestrales, tout en gardant fraîcheur, naturel, et profusions de rythmes ; peu connu (et peu joué) en Europe, il est considéré aux USA comme une figure importante, et il a exercé une forte influence sur de nombreux compositeurs populaires des années 1960, y compris par ses musiques de films (11, au total)… Pièces emblématiques (dans un catalogue limité, de haute tenue et homogène, avec 54 numéros d'opus publiés jusqu'en 1982): "Panambi" (1940, pour orchestre et ballet, avec une belle introduction mystérieuse et des percussions primitivistes), "Estancia" (1943, pour orchestre et ballet), "Pampeana" n°2 (1950, pour violoncelle & piano), Sonate pour piano n°1 (1952, avec des accélérations à la Nancarrow), Quatuor à cordes n°2 (1958, rhapsodique et enjoué), "Cantata para America Magica" (1961, pour solistes et 52 percussions, modérément dodécaphonique, avec des textes pré-Colombiens), Concerto n°1 pour piano (1961, post-Brahmsien pour le piano, avec un final martelé en Malambo), Quintette pour piano (1963, avec des cordes tendues dans la partie centrale et un piano maniaque dominant aux extrêmes), Concerto pour violon (1963, non écouté en concert), Concerto pour harpe (1965, enjoué et lyrique, avec une cadence somptueuse et un final virtuose), Concerto "per Corde [pour cordes]" (1966, lyrique, depuis une intro vertigineuse, aux micro-intervalles, jusqu'au finale furieux, en course frénétique), "Bomarzo" (1967, opéra flamboyant et au livret -sexuellement- osé pour l'époque), Concerto n°2 pour piano (1973, virtuose, un peu plus ambitieux qu'à l'habitude par des dissonances), Sonate pour guitare (1976, énigmatique et accrocheuse, avec effets de résonance), Concerto n°2 pour violoncelle (1980, richement coloré), Sonate pour piano n°2 (1981, très aboutie, mais moins originale), "Barabbas" (1977, opéra inachevé et complété, non écouté en concert), "Popol Vuh" [La Création du Monde Maya] (1983, pour orchestre, inachevé et complété, créé en 1989, non écouté en concert). | Argentine |
Glass | 1937 | 87 ans | Philip Glass [1937, USA (Baltimore) - ] est passé par la Juilliard de New York (1956), a suivi 2 ans d'études intensives à Paris sous la direction de Nadia Boulanger avant de découvrir les techniques de la musique Indienne (Ravi Shankar) ; après des recherches en Afrique du Nord, en Inde et dans l'Himalaya, il commence à appliquer les techniques orientales à sa propre musique et de retour aux USA, il est attiré par le théâtre (co-fondateur de la compagnie théâtrale «Mabou Mines» en 1970) et dirige son propre ensemble à géométrie variable («Philip Glass Ensemble») ; il est également passionné par le romancier dramaturge Franco-Irlandais, Samuel Beckett, et écrit au moins 8 compositions qui accompagnent ses pièces de théâtre ou de micro-théâtre, sans oublier des musiques autour de Jean Genet, Jean Cocteau, Georg Büchner, ou Shakespeare, Euripide ; le personnage est un touche-à-tout curieux (pas toujours cohérent, velléitaire), engagé (il se définit lui-même comme un «Juif-Taoïste-Hindou-Toltèque-Bouddhiste») et pragmatique (ancré dans l'American way of life, marié 4 fois, en nouveau concubinage depuis 2005, ne dédaignant pas les commandes alimentaires). Site Internet (en Anglais) : www.philipglass.com... Première œuvre significative : "Play" (1965, pour 2 saxophones sopranos, première pièce répétitive à son catalogue). Instruments pratiqués : flûte, violon, piano. | Progressiste-Minimaliste. Philip Glass est un musicien éclectique (trop vite classé dans l'école répétitive Américaine, aujourd'hui plutôt néotonal, notamment néoromantique) et un mélodiste exceptionnel (jusqu'à hélas l'auto-complaisance) ; il n'a pas adhéré longtemps au dodécaphonisme, mais s'est retrouvé dans le minimalisme (de Terry Riley), la musique Américaine (Aaron Copland, Harry Partch) et la Pop (David Bowie), les musiques de films (Martin Scorsese, Stephen Daldry, Richard Eyre, 3 fois nommés aux Oscars de la meilleure B.O.F., et aussi Woody Allen, Paul Schrader, Andrey Zvyagintsev), et les documentaires... et dans l'accompagnement de la danse, du théâtre ; dans sa musique très typée (et facile d'accès), mélodique, hypnotique et populaire (voulue comme telle), il utilise un processus additif de développement fondé sur la progression arithmétique d'une figure répétée d'une part et, d'autre part, il introduit des périodes d'improvisation ("Music with changing Parts", 1970) qui étire l'œuvre jusqu'à plusieurs heures (le procédé peut lasser, seulement renouvelé par des variations thématiques et instrumentales, ou en tout cas est critiqué comme superficiel, mécanique, ou prévisible, mais il est envoûtant) ; il reste malgré tout un grand créateur de mélodies attachantes, magnétisantes et chantantes, comme Frans Schubert qu'il admire tant (ils sont nés exactement le même jour, mais pas la même année et la comparaison s'arrête là!)… Pièces emblématiques (sur un total de plus de 200, dont 12 symphonies, la dernière en 2019) : "Music with Changing Parts" (1970, pour ensemble, une oeuvre dite ouverte, hypnotique), "Music in 12 Parts" (1974, pour 6 claviers, 3 instruments à vent et 3 voix, illusionniste, 3 à 4 heures, durée maximale 6 heures), "Einstein on the Beach" (1976, pseudo-opéra, sans intrigue, le plus souvent sous forme de chœurs ou de textes parlés -des chiffres, des notes de solfège, des poèmes secondaires- sur fond de musique très répétitive d'au moins 250 minutes, avec orgue électrique prépondérante ; un spectacle total qui vaut beaucoup par l'imagerie et la spectaculaire mise en scène par Bob Wilson), "Satyagraha" (1980, opéra, non écouté en concert), "Glassworks" (1981, pour ensemble, non écouté), "Akhnaten" (1983, opéra, non écouté en concert), Concerto pour violon n°1 (1987, brillant exercice soliste, arpégé, au-dessus d'un matelas d'orchestre en masse), "The Canyon" (1988, pour orchestre, crescendo et decrescendo de forme traditionnelle «ABA»), "Itaipu" (1989, œuvre de grande envergure pour chœur et orchestre, poème symphonique hymne à la nature), Concerto pour quatuor de saxophones (1995, inattendu), Symphonie n°4 "Heroes" (1996, pour orchestre, d'après un album de David Bowie), Concerto pour violon n°2 "The American Four Seasons" (2009, baroquisant et lyrique), et un corpus fascinant de (à ce jour) 9 Quatuors à Cordes (1966-2022, notamment le 5ème, le 2ème et le 3ème, dont 4 sont titrés, "Company" n°2, en 1983, lyrique et intime, Schubertien, également pour orchestre à cordes, "Mishima" n°3, poignant, en 1985, "Buczak" n°4, en 1989, et "Dracula" sans numéro, en 1991). | USA |
Goeyvaerts | 1923 | 1993 | Karel Goeyvaerts [1923, Belgique (Anvers), 1993, Belgique (Anvers), décédé à 69 ans] étudie d'abord à Anvers (1943-1947), puis à Paris où il travaille avec Olivier Messiaen, Darius Milhaud et Maurice Martenot (les ondes) ; c'est un compositeur Flamand, ignoré, qui au plan musical est bien plus intéressant que son maître à penser Henri Pousseur, et qui au plan historique est reconnu pour sa participation très tôt au mouvement de Darmstadt (étant proche de son cadet Karlheinz Stockhausen), souvent qualifié de «pointillisme» ; entre 1957 et 1970, il se retire temporairement du monde musical en travaillant comme officier pour la compagnie d'aviation Belge, Sabena, mais continue de composer ; en 1970, il est nommé producteur au sein de l'Institut de Psychoacoustique et de Musique Électronique (IPEM) de Gand par la RadioTélévision Belge Néerlandophone (BRT) ; c'est une personnalité du monde des arts (en 1985, Président de Rostrum, association internationale des compositeurs dans le giron de l'Unesco) : il est chef-producteur à la Radio 3 Belge pour la Musique Contemporaine (1985), puis (1992) professeur de musicologie à Louvain ; cependant, à côté de ces fonctions institutionnelles, sa notoriété de compositeur est en partie minimisée à la fois par son peu de prétention et sa naïveté, et par son manque de persévérance alliée à une attitude brouillonne de touche-à-tout... Première œuvre significative (il a renié sa production antérieure à 1950): Concerto pour Violon n°2 (1951). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Opportuniste. Karel Goeyvaerts a adhéré à tous les styles de la Musique Contemporaine, en les accompagnant ou en les suivant, en idéaliste-utopiste pionnier, et fait à souligner, en cherchant inlassablement à innover (tout en conservant une cohérence par le goût de l'abstraction) : il écrit d'abord une musique dodécaphonique synthèse de Messiaen et de Webern (le 2ème mouvement de sa Sonate pour deux pianos de 1951, une œuvre de transition Webernienne, avec des réminiscences dodécaphoniques), participe à la découverte du sérialisme intégral aux côtés de Boulez avec son "Concerto pour 13 instruments" (1951), et influence même le jeune Stockhausen (notamment pour son "Kreuzspiel"), puis (1953, notamment avec ses études "Compositie" 4, 5 et 7) se tourne l'un des tout premiers vers la musique électronique (alors influencé réciproquement par Stockhausen !) à Cologne, puis vers la musique aléatoire, puis vers une variante personnelle de la musique minimaliste (comme un rituel accentué par des formules mélodico-rythmiques répétées et déviées de leur axe d'origine, puis une fois la cellule complète, désintégrées graduellement), enfin dans une synthèse personnelle à dominante méditative et néo-tonale (et même plutôt post-romantique après 1980)… Pièces emblématiques (sur un catalogue de 100 environ, d'une extrême diversité stylistique, compositionnelle et technique, tout en conservant toujours une empreinte sérielle, même limitée) : Sonate pour 2 pianos (1951, hybride, inventive), "Compositie 5, met zuivere Tonen" (1953, électronique, d'une belle pureté, avec 4 couches sonores répétées ad libitum), "Stuk Voor Piano" [Pièce pour piano et bande] (1964, complexe, un peu systématique), "Actief-Reactief" (1968, avec partition graphique, non écoutée en concert), "Lanschap" (pour clavecin, 1973, une pièce mobile), "Litanies I-V" (1979-1982, minimalistes et austères), Quatuor à cordes "De Zeven Zegels" [Les sept Sceaux] (1986, circulaire, sériel et tonal), et son oratorio "Aquarius", considéré comme l'œuvre synthèse de sa vie (1993, à la fois néo-tonal tendance néo-romantique, minimaliste et sériel, non écouté). | Belgique |
Górecki | 1933 | 2010 | Henryk Górecki [1933, Pologne (Czernica) - 2010, Pologne (Katowice), décédé à 76 ans] (prononcer «goretski») commence tardivement (1952) l'étude formelle de la musique à l'École Intermédiaire de Musique à Rybnik (Pologne) à la faculté de formation pédagogique, puis la composition avec Boleslaw Szabelski à Katowice (1955-1960) ; dès 1965, il y travaille, devient chargé de cours, puis professeur et enfin recteur (1975-1979), avant de se consacrer à la composition... Premières œuvres significatives : "Chants sur la Joie et le Rythme" (1956, pour 2 pianos et ensemble), "Concert" (1957, pour 5 instruments et quatuor à cordes). Instrument pratiqué : piano, violon. | Opportuniste-National. Henryk Górecki est un compositeur qui a viré de l'avant-garde nationale Polonaise (1955-1975) au néo-tonal (accaparant une grande variété de styles passés), et à la musique harmoniquement très simple (pointant vers les minimalistes Américains, comme l'a fait aussi Arvo NPärt), influencée par le folklore Polonais, notamment les danses du massif des Tatras et les airs de sa Silésie natale, avec toujours une forte dimension émotionnelle et souvent un contenu religieux ; il y a un avant et un après la Symphonie n°3 laquelle l'a propulsé au succès public de façon inattendue (mais a vampyrisé le reste de ses compositions) ; sa musique de l'époque sérielle, influencée par Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen (qu'il a rencontré à ses débuts) reste méconnue… Pièces emblématiques : "Scontri" (1960, pour orchestre, pièce sérielle qui a suscité le scandale), "Refren" (1965, pour orchestre, marqué par les clusters, non écouté en concert), "Ad Matrem" (1971, pour soprano solo, chœur mixte et orchestre), Symphonie n°2 "Kopernikovska" (1972, pour grand orchestre, monumentale, non écoutée en concert), Symphonie n°3 "Sorrowful Songs" (1977, pour grand orchestre, supplique poignante et sur-émotionnelle), "Beatus Vir" (1979, psaume pour baryton solo, chœur mixte et grand orchestre, non écouté en concert), Concerto pour clavecin (1980, avec ensemble de cordes, répétitif et rocky), "Miserere" (1981-1987, pour chœur, une vaste arche mystique), "Already It is Dusk" (quatuor à cordes n°1, 1988), "Quasi una Fantasia" (1991, quatuor n°2), "Petit Requiem pour une certaine Polka" (1993, pour piano et petit ensemble), "Songs are sung" (1995-2005, quatuor n°3). | Pologne |
Greif | 1950 | 2000 | Olivier Greif [1950, France (Paris) - 2000, France (Paris), décédé à 50 ans] (prononcer «grèfe») est issu de parents Juifs nés en Pologne (son père, un survivant d'un an à Auschwitz enfermé dans le silence émigre en France et devient neuro-psychiatre, et cette déportation, connue à l'adolescence, a engendré une blessure indélébile chez le jeune Olivier et ses frères) ; il suit le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire national de Paris), avec Tony Aubin pour la composition (jusqu'en 1967), avec Marius Constant pour l'orchestration (1972-1973), mais de façon très précoce (diplômé à 17 ans) ; mais son apprentissage initiatique est marqué par 4 singularités : il revendique sa filiation génétique Polonaise (un peu à la manière de Frédéric Chopin, même s'il n'a pas vécu là-bas), il étudie aussi la composition avec Luciano Berio à la Juilliard School de New York et devient son assistant à l'Opéra de Santa Fe (1968-1970), il se tourne subitement vers l'Hindouisme (1978-1998), séduit par Sri Chinmoy, et se détourne de la composition pendant plus de 10 ans (1981-1993), l'échec de son opéra de chambre "Nô" ayant servi de déclencheur, au profit d'une quête spirituelle pendant laquelle il change même de prénom (pour Haridas, serviteur de Dieu en sanscrit), et enfin il trouve sa vraie personnalité rassérénée (au détriment de son ambition carriériste précédente, impliquant d'être d'abord un concertiste international) ; malgré sa mort prématurée (d'un hypothétique arrêt cardiaque invasif, dans le cadre de polypathologies) et sa courte période créatrice reconnue, le personnage, de petit taille, laisse un souvenir prégnant (sympathique, gourmand, aux yeux perçants, et par certains côtés enfantin, idéaliste, hésitant, sentimental, caustique), de battant (grand travailleur surmené), d'observateur disponible de tout ce qui l'entoure, voire engagé dans les combats d'idées, le tout associé à de multiples conflits-tensions intérieurs sans solution (y compris religieux, initiatiques ou sociétaux, ou encore à la fois fascination pour la mort et goût de la vie) ; pour l'anecdote (emblématique), son nom est à double signification comme sa musique, en Français, comme un greffon, en Allemand (de l'impératif du verbe greiffen) comme une injonction à attraper, à saisir, à emprunter (des séquences musicales d'autres compositeurs) ; à savoir : finalement il a été excommunié par le grand maître de la secte, après se résurgence créatrice des 8 dernières années. Site Internet : www.oliviergreif.com... Première œuvre significative : "Die Ilse - Paradisiac Memories" (1972, pour voix de femme, flûte, clarinette, piano et percussion). Instrument pratiqué : piano (concertiste). | Progressiste-Synthétique (tendance expressionniste). Olivier Greif est un compositeur à découvrir, disparu trop tôt : il ne se distingue nullement par son côté novateur dans le langage, mais sa musique intense, pessimiste et mystique, est puissante et immédiate, émotionnelle et poignante : elle est marquée par un expressionnisme fulgurant, en droite ligne de Dimitri Chostakovitch, Scriabine, Mahler, Witold Lutoslawski et Alfred Schnittke (tout en restant personnelle), par la construction et la clarté bien Française (de l'époque Baroque ou Médiévale, pas du 20ème siècle), par l'usage fréquent des ostinatos (insistances répétées, supplications invoquant la souffrance), par l'expressivité sans épanchement (héritage Polonais, non Slave), mais avec risque de sur-dramatisation par ses interprétes, et par la réappropriation hétéroclite soit par les nombreuses citations variées (Benjamin Britten, Pop-Music, musiques ethniques), soit par les emprunts mélodiques (vieilles chansons, comptines, Jan Pieterszoon Sweelinck, William Purcell), soit par les références-réminiscences détournées (citations réadaptées, transformées, comme Luciano Berio) ; sa notoriété commence à s'affirmer (notamment pour les compositions de ses 8 dernières années, superbes, écrites dans une urgence créative, car les compositions d'avant 1992, donc avant sa retraite religieuse méditative, sont bien moins souvent jouées, moins personnelles, moins caractérisées, souvent plus extérieures) ; sa production est dominée par le piano solo -22 Sonates- et la musique de chambre, avec seulement une symphonie, un concerto ; son œuvre la plus moderniste est la dernière jouée de son vivant (le sextuor avec piano "Ich ruf zu dir", 2000), mais toutes les autres, vraiment accessibles, ont un caractère mélodique affirmé (à majorité tonale avec dissonances, mais sans passéisme), une personnalité marquée (très expressive, à travers le filtre des multiples influences, et plutôt combattante) et une réelle séduction (qui emporte, bouleverse)… Pièces emblématiques (dans un catalogue encore non finalisé et partiellement publié d'environ 80 pièces terminées, ou bien de 361 si l'on compte tous les manuscrits) : Sonate n°20 "Le Rêve du Monde" (1993, pour piano solo, à la fois songe et cauchemar), "Les Chants de l'Âme" (1996, pour piano et soprano, tourné verts l'au-delà), Quintette "A Tale of the World" (1996, pour piano et quatuor à cordes, méandreux, protéiforme), Sonate pour 2 violoncelles "The Battle of Agincourt" [La Bataille d'Azincourt] (1997, fiévreuse, modale, sur un thème médiéval), Trio pour piano, violon et violoncelle (1998, puissant hommage à Chostakovitch, émotionnel et obsessionnel), Quatuor n°3 avec voix "Todesfuge" (1998, noir malgré la clarté du baryton et envoûtant, avec une fugue démoniaque), Quadruple Concerto "La Danse des morts" (1998, pour 4 solistes instrumentaux et orchestre, ballade jouant avec la mort), Sonate pour piano n°22 "Les Plaisirs de Chérence" (1998, la dernière, à la fois complexe et immédiate, tellurique), Concerto pour violoncelle "Durch Adams Fall" (1999, errante élégie, avec une infinie béatitude finale), Quatuor n°4 "Ulysses" (2000), "Ich ruf zu dir" (2000, sextuor avec piano). | France |
Grisey | 1946 | 1998 | Gérard Grisey [1946, France (Belfort) - 1998, France (Paris), décédé à 52 ans] étudie au Conservatoire de Trossingen en Allemagne (1963-1965), puis au Conservatoire de Paris (1965-1972, passion pour la fugue et l'harmonie), avec Olivier Messiaen pour la composition (4 ans) et aussi avec Henri Dutilleux à l'École Normale de Musique (1968, seulement 3 mois) ; il assiste également aux séminaires de Karlheinz Stockhausen, György Ligeti et Iannis Xenakis à Darmstadt (1972), s'initie à l'électroacoustique avec Jean-Étienne Marie (1969) et à l'acoustique avec Emile Leip (1974), après une parenthèse à la Villa Médicis à Rome de 1972 à 1974 (où il rencontre Giacinto Scelsi et découvre sa musique microtonale planante) ; co-fondateur avec Tristan Murail et Michaël Levinas, au sein de l'Ensemble L'Itinéraire, de la Musique Spectrale (une nouvelle façon d'écrire de la musique fondée sur la microtonalité et la structuration du son en dérive harmonique) ; il enseigne la théorie de la composition à l'Université de Berkeley, en Californie (1982-1986), puis la composition au Conservatoire de Paris à partir de 1987 (jusqu'en 1990, à la rue de Madrid, puis après le déménagement à la Villette) ; il passe ses derniers mois (douloureux) en Suisse, mais il est mort (trop tôt) dans un hôpital Parisien des suites d'un accident cérébral brutal (rupture d'anévrisme) ; d'un côté profondément humaine, chaleureuse (parfois enflammée) et ouverte, mais inquiète et imprévisible, sa personnalité est aussi synthétique, dynamique, pragmatique, assez indépendante (rejet de l'étiquette de spectraliste, car cette esthétique est considérée davantage comme une attitude vis-à-vis du son vivant, que comme une méthode scholastique), et habitée par une curiosité insatiable (y compris envers les phénomènes scientifiques)... Premières œuvres significatives : "Echanges" (1968, pour piano préparé, percussioniste et contrebasse, déjà avec théâtralité et connexion auditeur-instrumentiste, déjà des timbres-résonances qui s'étalent, déjà, à 22 ans, une pièce aboutie), "Mégalithes" (1969, pour 15 instruments, à vents, méandreux et timbral), "D'Eau et de Pierre" (1972, pour 2 groupes de chambre antinomiques, composée à Darmstadt et avant spectralisme, plus dans la lignée de Ligeti-Stockhauzen, et surtout de la philosophie Indienne, l'un statique, distant, l'autre focalisé, contrastant, avec des timbres uniques). Instrument pratiqué : piano (accompagnement), accordéon. | Moderniste-Spectral. Gérard Grisey est un compositeur majeur, peut-être l'un des 10 plus importants de la Musique Contemporaine, lorsque son œuvre, d'une grande originalité et d'une constante innovation, aura soutenu l'épreuve du temps ; influencé initialement par Scelsi et Ligeti (clusters alanguis) et par Stockhausen (sons artificiels joués par des instrumentistes), il s'émancipe vite et devient l'artisan majeur de l'école spectrale Française (y compris dans sa dimension technologique par les sonogrames), sans en être un apôtre permanent (tout en s'opposant au sérialisme, surtout analytique) ; sa musique est unique, délibérément engagée (voire fulgurante), entre délire et forme maîtrisée, plutôt difficile d'accès, et virtuose (une gageure pour les interprètes et le chef) ; son style est caractérisé par un allant sinueux, un perpétuel mouvement, jouant sur les ralentissements et les accélérations, un geste théâtral (début-fin), et par la juxtaposition-superposition de thèmes très différents (par l'harmonie, par le rythme), et enfin par une répétition raisonnée ; ses compositions peuvent être séparées en 2 périodes de maturité, la première liée aux spectres lents et continus, la seconde, à partir de "Talea", davantage hérissée et discontinue (et polyrythmique)… Pièces emblématiques sur un total de 33, sans déchet): "Dérives" (1974, pour ensemble de chambre), "Partiels" (1976, pour ensemble, manifeste-emblème de la Musique Spectrale, et sa pièce la plus accessible), "Prologue" pour alto (1976), "Modulations" (1978, pour grand ensemble), "Transitoires" (1981, pour grand orchestre), "Épilogue" (1985, pour grand orchestre avec 4 cors solos) [le cycle en 6 pièces, 1974-1985, un des monuments de la musique, porte le titre "Espaces acoustiques", l'idée étant de commencer par un instrument solo, puis d'augmenter le nombre des instrumentistes, jusqu'à un orchestre de plus en plus étoffé, chacune s'enchaînant l'une à l'autre par le rappel d'une phrase], "Manifestations" (1976, double petit ensemble pédagogique avec humour), "Solo pour Deux" (1982, pour clarinette et trombone), "Chants de l'Amour" (1984, ensemble vocal de 12 voix mixtes et bande qui contient une voix synthétique), "Talea" (1987, pour quintette), "Accords perdus" (1988, pour 2 cors), "Anubis et Nout" (1983-1990, pour saxophone), "Le Noir de l'Étoile" (1991, 6 percussionnistes et bande magnétique), "L'Icône paradoxale" (1994, 2 voix de femmes et grand orchestre, divisé en 2 groupes), "Vortex Temporum" (1996, pour sextuor), "Quatre Chants pour Franchir le Seuil" (1998, pour soprano et 15 musiciens, poignant testament, créé après sa mort en 1999). | France |
Haas | 1953 | 71 ans | Georg Friedrich Haas [1953, Autriche (Graz) - ] (prononcer «guéorg fridriche hass», avec un «h» soufflé) étudie d'abord le piano avec Doris Wolf, la composition avec Ivan Eröd, l'électroacoustique avec Gösta Neuwirth, et la pédagogie, à la Musikhochschule (Université de Musique et d'Art Dramatique) de Graz (1972-1979), puis auprès du compositeur Friedrich Cerha au Conservatoire de Vienne en Autriche (1981-1983), et enfin aux Cours d'Été de Darmstadt (Allemagne) en 1980, 1988 et 1990, et à l'Ircam à Paris (France) en 1991 ; très tôt, il se tourne lui-même vers l'enseignement à la Musikhochshule de Graz (1978-1997) et y obtient en 1989 un poste de professeur de contrepoint, d'analyse et de composition contemporaine ; en 1997, il a abandonné son métier d'enseignant pour se consacrer, en Irlande, à son métier de compositeur indépendant (tout en restant très présent sur la scène musicale Autrichienne), et depuis en 2013, il réside aux USA (et il enseigne la composition à la Columbia University à New York) ; après 3 divorces, il est marié, depuis 2015, à une artiste Afro-Américaine féministe et provocatrice, de 15 ans sa cadette, Mollena Lee Williams-Haas, qui collabore alors aux textes de ses pièces ; le personnage est à la fois doux, réservé (mais imprévisible), anxieux et audacieux, passionné de littérature (il a envisagé d'être écrivain à 17 ans)... Première œuvre significative : "Adolf Wölfli" (1981, pseudo-opéra de chambre, pour baryton solo et ensemble). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Microtonal. Georg Friedrich Haas est un compositeur à part et original qui a su s'établir dans une voie unique (et immédiatement reconnaissable à l'écoute), le microtonal polyphonique en continuum, héritier de la dernière manière de Giacinto Scelsi et de la micro-polyphonie de György Ligeti, en ajoutant (notamment depuis 1997) des jeux complexes sur les harmoniques et sur les intervalles ; le compositeur souligne aussi l'influence des compositeurs Américains Harry Partch, James Tenney, La Monte Young, dans l'utilisation de la corde harmonique (par stratification de micro-notes du seizième jusqu'au quart de ton) ; sa musique est faite d'onirisme (plutôt ténébreux), de fièvre angoissée sidérale, d'ambiguïté diffuse, de mélanges saturés de timbres inouïs, et de sensation (plus que de forme ou de développement) ; ses tentatives d'accompagner le rêve et l'évasion par des mises en scène (par exemple, spectateurs dans l'obscurité) se sont cependant révélées moins convaincantes ; son langage est dérivé du spectre harmonique (post-spectral), du continu par fusion de voix individuelles (en dialogue) et par l'empilement des accords, et utilise souvent les rythmes opposés superposés ; son esthétique est faite de liaisons, de liens (s'estompant de manière éludée), de couleurs changeantes (lentement et progressivement)… Pièces emblématiques (sur un total, déjà, d'environ 120, remarquablement homogène que ses détracteurs critiquent, à tort, comme sans renouvellement, et qui sont toutes listées, et avec souvent un extrait écoutable, chez son éditeur Universal) : "Quasi Una Tânpûrâ" (1991, pour orchestre de chambre), "Monodie" (1999, pour ensemble, planante), "In Vain" (2000, pour ensemble, un voyage en spirale hypnotique et répétitive), "Poème" (2006, pour grand orchestre, pénétrant et accessible, aux textures somptueuses, peut-être sa pièce maîtresse), "Melancholia" (2008, opéra de chambre, rutilant et statique, mais sans action véritable), "Limited Approximations I, II, III" [Approximitations limitées] (2010, pour 6 pianos accordés en micro-tons et orchestre), "Aus-Weg" (2010, un octuor complexe et ambigu). | Autriche |
Harvey | 1939 | 2012 | Jonathan Harvey [1939, Angleterre (Sutton Colfield, Warwickshire) - 2012, Angleterre (Lewes, près de Brighton, East Sussex), décédé à 73 ans] (prononcer «djoneuçeun harvi», avec un «h» aspiré) est d'abord choriste au Saint Michael College de Tenbury, de 1948 à 1952, puis à Repton de 1952 à 1957 (selon la tradition Anglaise, notamment dans les collèges), avant d'entrer à l'Université Saint John de Cambridge (Ph.D. en 1964) ; il s'inscrit à un Post-Doc à l'Université de Glasgow, tout en jouant comme violoncelliste au BBC Scottish Symphony Orchestra ; dès la fin de ses études à plein temps, il commence une carrière d'enseignant à l'Université de Southampton (1964 - 1977) ; de 1969 à 1970, il est chargé de cours à l'Université de Princeton, aux USA (où il rencontre brièvement Milton Babbitt), puis, à partir de 1980, il travaille activement à l'Ircam, et parallèlement, il est professeur de Musique à l'Université de Sussex, Angleterre, pendant 18 ans (1977-1993), jusqu'à son départ en retraite ; tout en continuant ses activités ponctuellement à l'Ircam, il est compositeur associé à l'Université de Stanford en Californie (1995 - 2000), puis au BBC Scottish Symphony Orchestra (2005 - 2008) ; le personnage est doux et vif, posé et avenant, polissé et un brin idéaliste, et aussi dans les conversations d'un sérieux et d'une simplicité déconcertants et d'une curiosité insatiable, y compris pour les considérations technologiques ; sa quête mystique et spirituelle (sereine et panthéiste) est un des fondements de sa vie (son fils Dominic a été inscrit dans le chœur de la cathédrale de Winchester, ce qui a été un stimulus supplémentaire) ; ses dernières années ont été un véritable calvaire physique pour lui avec la progression de sa sclérose latérale amyotrophique, une maladie du système nerveux central, mais il a continué à composer sans relache ; un hommage lui a été consacré lors de sa disparition, ICI. Site Internet (en Anglais) : jonathanharveycomposer.com... Premières œuvres significatives : "Four Images After Yeats" (1969, pour piano solo), "Persephone Dream" (1972, pour orchestre). Instrument pratiqué : piano, violoncelle, voix (choriste). | Moderniste-Mixte (tendance post-spectrale). Jonathan Harvey est un compositeur important dont le style synthétise en les intégrant progressivement les esthétiques de son époque; dodécaphonisme, puis post-sérialisme, post-spectralisme (selon Scelsi-Murail), et enfin électroacoustique, suite à 6 rencontres essentielles, avec Erwin Stein et Hans Keller (1957-1958, disciples de Schoenberg, recommandés par Benjamin Britten), avec Milton Babbitt (1969, dodécaphonisme, informatique musicale), avec Karlheinz Stockhausen (1966, à Darmstadt, électroacoustique), avec Tristan Murail (spectralisme), et avec l'Ircam (bande magnétique, électronique live, spatialisation) ; l'influence des écrits religieux et mystiques (notamment Hindou, pour Bouddha), de la spiritualisation de la pensée, féconde aussi son inspiration : les textes Bouddhistes, la Bible, Rudolf Steiner ; sa musique est très personnelle, avec une transparence de la texture sonore et une grande flexibilité (ductilité) formelle, avec des polyphonies lisses, claires, souvent linéaires et doucement incandescentes, dans lesquelles l'Orient (et notamment l'Inde), la spiritualité, le vocal et l'électroacoustique tiennent une place privilégiée, et avec un sens du rythme unique (souvent comme une parenthèse ou bien perçu comme de l'intérieur) … Pièces emblématiques (sur un catalogue de plus de 150 pièces, de bonne tenue générale, mais avec peu de pièces incontournables) : "Inner Light I, II, III [Lumière Intime]" (1973-1977, pour ensemble ou orchestre, et/ou voix, et bande), "Hymn" (1979, pour chœur et ensemble, non écouté en concert), "Mortuos Plango, Vivos Voco [Je pleure les morts, j'appelle les vivants]" (1980, pour électronique sur 8 pistes, avec hybridation entre 2 matériaux, les cloches et la voix d'enfant), "Bhakti" (1982, pour ensemble et bande, une méditation spirituelle), "Madonna of Winter and Spring [La Madone de l'Hiver et du Printemps]" (1986, pour orchestre, synthésizeurs et électronique, une voix célecte dans un halo lumineux), "Valley of Aosta" (1989, pour ensemble, d'après une peinture de Turner, inhabituellement violente et tourmentée), Concerto pour violoncelle (1990, élégiaque et spirituel, à partir de matériaux du 2ème opéra "Inquest of Love", concommitant), "Scena" (1992, non écouté en concert), "Mothers shall not Cry" (2000, cantate syncrétique, non écoutée en concert), Quatuor n°4 (2003, avec électronique live, un des quatuors électroacoustiques les plus étonnants), "Sprechgesang [Parlé-chanté]" (2004, pour hautbois ou cor Anglais et petit ensemble instrumental, en vocalises sinueuses et magnétiques), "Wagner Dream [Rêve de Wagner]" (opéra, 2007, originalement mettant en parallèle scénique Wagner et les débuts de Bouddha), "Speakings [Bavardages]" (2008, pour grand orchestre et électronique live, un babillage orchestral en forme de fable). | Angleterre |
Henry | 1927 | 2017 | Pierre Henry [1927, France (Paris) - 2017, France (Paris)] est élève (1937-1947) au Conservatoire de Paris dans les classes de Félix Passeronne (piano et percussions), de Nadia Boulanger (composition, sans influence notable) et d'Olivier Messiaen (harmonie) ; en 1949, il rejoint Pierre Schaeffer à la Radiodiffusion Française dans les locaux du Studio d'Essai de la rue de l'Université (plusieurs œuvres en collaboration), puis s'écarte du GRM (avec fracas, en 1958, et un procès à la clé) en créant son propre studio («Apsome», autofinancé grâce à des spectacles-concerts populaires rassemblant plusieurs milliers de spectateurs), pour verser dans des œuvres de plus en plus longues, éloignées de la musique contemporaine d'alors, davantage des produits hybrides de la pop, du rock, des bruits et des collages tous azymuths, en toute liberté et indépendance (après une parenthèse consacrée aux musiques de films et de publicités) ; il est aussi le fondateur et directeur artistique de l'association Son-Ré (Son et Recherche Electro-acoustique), à Paris, depuis 1982 ; depuis les années 1990, il organise chez lui des auto-concerts (à 50 personnes) dans sa petite maison Parisienne du 12ème arrondissement, avec mixage par lui-même, en temps réel ; un personnage étonnant (un rien mégalo et cabotin, puis farouche, indépendant, voire engagé, en tout cas un solitaire ombrageux et romantique), mais un musicien à part entière et un curieux infatigable (avec emprunts multiples)... Première œuvre significative : "Symphonie pour un Homme Seul", avec Pierre Schaeffer (1950, piano préparé avec des voix, un peu de souffle, des bruits de bouche et des pas), mais il considère comme sa première pièce "Haut-Voltage" (1956, les pièces antérieures ayant été des «études pour faire plaisir à Pierre Schaeffer», son mentor théoricien), qui est en fait une des premières pièces à la fois concrète (microphone) et électronique (oscilloscope), comme "Le Chant des Adolescents" de Karlheinz Stockhausen, de la même année. Instrument pratiqué : piano, percussions... et le microphone! | Electroacoustique-Concret (tendance démiurge). Pierre Henry est un des initiateurs de la Musique Concrète (aux côtés de Pierre Schaeffer, davantage concepteur que compositeur) ; ses compositions sont marquées par un étirement de la durée (les phrases «cosmiques» et les pièces de plus en plus longues, qui peuvent atteindre 4 heures, dans le cadre de spectacles dédiés, tendance multimédia), par une esthétisation du son et par la présence répétée du thème de la mort ; sa musique est réalisée initialement à partir de sons enregistrés par le micro (au contraire des compositions électroniques Allemandes, à partir de sons synthétisés ou d'enregistrements sur bandes magnétiques découpées) avec nombre de collages et elle a souvent été associée à des chorégraphies (au total plus de 15, notamment de Maurice Béjart) ; au cours du temps, avec sa médiatisation, l'effet technologique a semblé prendre le pas sur l'inspiration/innovation et son langage s'est fixé (depuis 1985), tout en conservant une imagination fertile… Pièces emblématiques (toutes concrètes ou synthétisées, pas de pièces acoustiques ou électroacoustiques, sur un total d'une soixantaine) : "Le Microphone bien Tempéré" (1951-1952, inventif, volubile), "Le Voile d'Orphée" (1953), "Le Voyage" (1962), "Variations pour une Porte et un Soupir" (1963, 25 mouvements de 2 à 3 minutes, provocateur), "Messe pour le Temps Présent" (1967, accessible au grand-public, d'où vente initiale de 300 000 disques, plusieurs fois remixée, avec le célèbre "Psyché Rock"), "Apocalypse de Jean" (1968, oratorio cosmique, presque terrifiant, long de 100 minutes), "Messe de Liverpool" (1968, sa pièce la plus innovante et ambitieuse), 2ème Symphonie (pour 16 groupes de haut-parleurs, 1972), "Dieu" (1977, d'après Victor Hugo, un hyper-cérémonial), "La Dixième Symphonie de Beethoven" (1979, un patchwork de collages des 9 authentiques), "Les Noces chymiques" (rituel féerique en 12 journées, 1980), "Le Livre des Morts Égyptiens" (1990, non écouté), "Le Fil de Vie" (2012, emphatique). | France |
Henze | 1926 | 2012 | Hans Werner Henze [1926, Allemagne (Gütersloh, Westphalie) - 2012, Allemagne (Dresde), décédé à 86 ans] (prononcer «henntseu») étudie l'harmonie et le contrepoint à Braunschweig à partir de 1942, puis travaille comme pianiste accompagnateur du Stadttheater de Bielefeld en 1945, avant de reprendre son apprentissage avec Wolfgang Fortner à Heidelberg, une fois la guerre terminée, de 1946 à 1948 ; à Darmstadt dès 1946, il y fait la rencontre déterminante, 2 ans plus tard, de René Leibowitz, avec lequel il travaille en épigone (premières œuvres dodécaphoniques) ; parallèlement, il s'intéresse au théâtre (collaborateur à Constance en 1948 et directeur artistique et chef d'orchestre à Wiesbaden) ; après des séjours à Berlin et Munich, il émigre en Italie dès 1953 (en passant par Venise, Rome, Forio, Naples), avant de s'installer définitivement à Marino, au Sud-Est de Rome, et en 1964, il y rencontre son compagnon de toujours et muse de certains de ses opéras (jusqu'à sa mort en 2007), Fausto Moroni ; il y milite avec un engagement Marxiste fort, en tant que membre du Parti Communiste Italien, en réaction à l'homophobie, et aussi en raison d'un rejet total du fascisme de son père) et y fonde les Cantiere Internazionali d'Arte à Montepulciano en 1976 (arts multiples) ; il continue à visiter l'Allemagne fréquemment (master-classes de composition au Mozarteum de Salzbourg de 1962 à 1967) ; il s'engage en faveur du mouvement étudiant de 1968 en Allemagne et passe un an (1969-1970) à Cuba où il enseigne et s'inspire des poètes locaux (un oratorio révolutionnaire dédié au Che Guevara, en 1968) ; enfin, il se consacre à l'enseignement (cours de composition à l'école de musique de Cologne entre 1980 et 1991, à Londres en 1987), ou collabore avec diverses Institutions (compositeur au Tanglewood Music Center, USA, en 1983 et 1988, à la Philharmonie de Berlin en 1991...) et fonde, d'abord en 1981 les «Mürztal Workshops» et en 1984 le festival de la «Deutschlandsberg Youth Music», en Autriche, puis en 1988 le festival de la «Biennale de Munich» ; le personnage est clairement engagé politiquement et socialement, et ce de façon constante tout au long de sa vie (au contraire de son esthétique musicale plus fluctuante et évoluant vers le retour à la tonalité et aux valeurs néo-romantiques), avec un caractère combattif et bâtisseur, analytique et profondément artistique... Première œuvre significative : Concerto pour violon n°1 (1947, Bergien), Symphonie n°1 (1947, dodécaphonique, révisée en 1963). Instrument pratiqué : piano. | Opportuniste. Hans Werner Henze est typique de la génération de compositeurs qui a suivi les modes et styles de la Musique Contemporaine, tout en manifestant une inspiration (et une exigence personnelle) continue, depuis le sérialisme radical et l'aléatoire jusqu'au néo-romantisme des dernières symphonies ; il a abordé tous les registres de la Musique, mais reste plus connu pour ses opéras (une bonne trentaine, qu'il a commencés à composer alors que le genre était décrié comme passéiste) et ses Symphonies (10) où se révèlent ses talents d'orchestrateur et son inventivité rythmique et chromatique ; il a également composé des musiques de films (B.O.F.) qui ont marqué comme «Les Désarrois de l'Élève Törless», «L'Honneur perdu de Katharina Blum» et «Un Amour de Swann» de Volker Schlöndorff, ou «Muriel» et «L'Amour à Mort» d'Alain Resnais ; son style n'est pas vraiment caractérisé, mais la maîtrise compositionnelle apparaît immédiatement, ainsi que l'exigence qualitative et l'inspiration mélodique, mêlant modernisme (de moins en moins), néo-romantisme Germanique et néo-classicisme, Jazz, Rock-Pop ; sa musique est marquée par une poésie contrastée (délicate et abrupte), des harmonies plutôt froides et une expression sans épanchement sentimental (rarement jusqu'à l'abstraction)… Pièces emblématiques (sur un catalogue énorme d'environ 300 pièces) : "Boulevard Solitude" (1952, opéra sériel avec incorporation de Jazz, réaliste, non écouté en concert), "Fünf Neapolitanische Lieder" (1956, pour baryton et orchestre de chambre, non écouté en concert), "Kammermusik" (1958, pour ténor et octuor à vent et cordes), "Elegy for Young Lovers" (1961, opéra, non écouté en concert, révisé en 1987), "Being Beauteous" (1964, pour voix, harpe, 4 violoncelles, d'après Rimbaud, élégiaque et énivrant), "Der Junge Lord" (1965, opéra, non écouté), "Les Bassarides" (1966, opéra, une réussite), "Das Floß der Medusa [Le Radeau de la Méduse]" (1971, oratorio, non écouté en concert), "Voices" (1973, pour 2 voix ensemble), "Tristan" (1975, pour orchestre, non écouté en concert), Symphonie n°7 (1984, pour orchestre, inventive, avec un prodigieux final), Concertos "Requiem" (1993, cycle de 9 concertos sacrés pour trompette, piano et orchestre à bois par 2), et parmi ses œuvres récentes, non créées en France, "L'Upupa und der Triumph der Sohnesliebe" (2003, opéra), "Phaedra" (2007, opéra), "Sebastian im Traum [Sébastien en Rêve]" (2005, pour orchestre) et "Elogium Musicum" (2008, pour chœur et orchestre). | Allemagne |
Holliger | 1939 | 85 ans | Heinz Holliger [1939, Suisse (Langenthal) - ] (prononcer «haïnts holigueur») étudie aux Conservatoires de Berne et de Bâle (avec le Hongrois Sandor Veress pour la composition) de 1955 à 1959, puis au Conservatoire national de Paris (alors rue de Madrid) il étudie le hautbois avec Émile Cassagnaud et Pierre Pierlot, le piano avec Yvonne Lefébure (1962-1963), et enfin, il suit les cours de composition de Pierre Boulez à Bâle ; en tant qu'interprète-soliste à succès international, il suscite (et finance) de nombreuses œuvres nouvelles pour le hautbois (Berio, Carter, Ligeti, Ferneyhough, Lutoslawski, etc.) ; le compositeur est longtemps resté dans l'ombre du musicien, avant de connaître peu à peu la reconnaissance du public, à partir des années 1980 ; le personnage est introverti, sincère, réservé, voire secret (pour se protéger), et volontaire ; il aime (avec le succès public et l'âge) faire entendre sa petite voix intérieure (respectabilité raisonable, indépendance des idées et vis-à-vis de l'argent et du système) ; son épouse est harpiste concertiste. Site Internet (en Anglais) : schott-music.com/shop/autoren/heinz-holliger... Premières œuvres significatives (toutes brèves) : Sonate pour Hautbois (1959, pour hautbois solo), "Drei Liebeslieder" (1960, pour alto et orchestre), "Dörfliche Motive" (1961, pour soprano et piano), "Elis" (1961, pour piano). Instruments pratiqués : hautbois (concertiste), piano, orchestre (en tant que chef), aussi flûte, violoncelle, cor anglais. | Moderniste-Complexe (radical). Heinz Holliger est un musicien, compositeur, chef d'orchestre et hauboïste-concertiste, de l'extrême, avec une écriture dépouillée, mais radicale (déchirure, souffrance, agonie dans des contrastes lyriques), et qui vise à magnifier les instrument(iste)s, pas à les déstabiliser ; sa musique est plutôt difficile d'accès par son ascétisme, sa rigueur d'écriture, sa tension, et son éloignement de toute forme de mélodie séduisante (sonorités inouïes) ; elle est cependant captivante par sa recherche perpétuelle d'expressivité (ornementation, verticalité), par une aptitude unique à la respiration, si fondamentalement liée à la pratique instrumentale du compositeur, et elle prend ses racines dans le Romantisme et l'Expressionnisme, tout en revendiquant un modernisme fort (pas de retour au passé, pas ou peu de néo-tonal, usage permanent des technologies, tendance vers la tension extrême), avec une poétique de la résistance intérieure, subtile, souvent fulgurante (voire visionnaire, au sens premier du terme) ; son style est caractérisé par des éléments contraires très gestuels qui ne fusionnent pas dans le tout, mais coexistent, créant des tensions expressives sans résolution qui se prolongent au-delà de l'œuvre elle-même (un peu à l'instar de Klaus Huber ou Brian Ferneyhough) ; les instruments sont toujours utilisés dans leurs possibilités les plus étendues, au-delà même des limites habituelles (sans aller jusqu'aux limites des saturateurs) ; à l'écoute, sa musique frappe portant par son intense beauté sonore (tendue, projetée), par sa générosité (extériorisée, mais introvertie), par son adresse personnelle à l'auditeur (dialogue intime, mais sans épanchement), par ses multiples passages secrets (qui magnifient les écoutes successives)… Pièces emblématiques : "Pneuma" (1970, pour vents, percussions, orgue et radios, aux actions simultanées de jeu instrumental, de chant, de fredonnement, de chuchotement), "Cardiophonie" (1971, pour hautbois et 3 magnétophones), "Psalm" (1971, pour chœur), Quatuor à cordes (1973, brillant et difficile), "Atembogen" (1975, pour orchestre), "Scardanelli-Zyklus" (1975-1985, 1991-1993, pour flûte solo, petit orchestre, chœur et bande, un monument), "Gesänge der Frühe [Chants de l'Aube]" (1988, pour chœur, orchestre et bande), "Beseit" (1990, 12 lieder d'après Robert Walser), "(S)irato" (1993, pour grand orchestre, monodique), Concerto pour violon "Hommage à Louis Soutter" (1995 -et 2002 pour le 4ème mouvement ajouté-, original avec un 2ème mouvement obsessionnel et envoûtant), "Schneewittchen" (1998, opéra sur Blanche-Neige, non écouté), Concerto pour alto "Recicanto" (2002, avec orchestre de chambre, non écouté en concert). | Suisse |
Huber | 1924 | 2017 | Klaus Huber [1924, Suisse (Berne) - 2017, Italie (Pérouse)] (prononcer «klaouss houbeur»), après des débuts comme instituteur, étudie tardivement la musique (à partir de 1947, notamment avec Stefi Geyer), puis la théorie et la composition avec Willy Burkhard (son parrain, religieusement parlant!) au Conservatoire de Zurich (jusqu'en 1955), enfin à Berlin avec Boris Blacher (1956-1957) ; à son tour, à partir de 1960, il enseigne la musicologie et la composition, à Lucerne, puis à Bâle et (jusqu'à sa retraite en 1990) à Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne (et son influence est fondamentale, notamment pour Brian Ferneyhough, Wolfgang Rihm, Michael Jarrell, et aussi, mais de façon moins directe, pour Helmut Lachenmann), et enfin dans de nombreuses capitales en tant qu'invité et pédagogue respecté (exclusivement depuis 1991, et souvent en résidence ou pour des masterclasses) ; il réside pour ses dernières années en alternance à Bremen (Brême, nord de l'Allemagne) et à Panicale (près de Perouse, en Italie centrale); il est marié à Younghi Pagh-Paan, une compositrice (sud) Coréenne (née en 1945) qui a été d'abord son élève en composition; le personnage est patient et mesuré, à la fois doux et indigné, de toute façon d'une conviction intériorisée ; comme Bernd-Alois Zimmermann, Luigi Nono, Hans Werner Henze, ou Helmut Lachenmann, il est fortement engagé politiquement (à gauche et anti-capitaliste... il a admiré le Cubain Fidel Castro et il a rencontré le Nicaraguayen Ernesto Cardenal) et pacifiste (il a pris part à tous les mouvements anti-guerre) mais sa foi Chrétienne constante n'est partagée qu'avec Zimmermann duquel il se sépare par son équilibre, sa confiance en soi, son humanisme apaisé, sans empêcher des bouffées de révoltes indignées) ; comme il le souligne lui-même, ses convictions religieuses le poussent vers l'idéal utopique d'associer musique et engagement social pour une vie qualifiée de juste et d'y associer les auditeurs (avec le risque de se dater). Site Internet : www.klaushuber.com... Première œuvre significative (non sérielle) : "Sechs kleine Vokalisen" [Six petites Vocalises] (1955, pour contralto, violon et violoncelle) et "Partita" (1956, pour violoncelle et clavecin, douce et dansante). Instrument pratiqué : violon. | Moderniste-Complexe (expressionniste). Klaus Huber est un compositeur important, marqué par un engagement intransigeant, à la fois sociétal (choix des textes d'accompagnement), politique et surtout spirituel et religieux (objectif : convertir, témoigner) ; la dimension du collage (citation), notamment d'extraits de la musique de Jean-Sébastien Bach, est essentielle dans sa musique (comme un héritage incontournable), même si l'identification est rarement aisée (déformation, masquage), sauf (rare) intention ; ses débuts tardifs en composition, après l'époque sérielle avant-gardiste, en font un ermite mystique de la modernité finissante ; il utilise alors le vocabulaire post-sériel, puis s'inscrit dans la philosophie de l'œuvre ouverte ; à partir de 1993, dans le cadre d'une nouvelle démarche créatrice fascinée par l'Orient, il introduit dans ses œuvres les micro-intervalles, notamment les tiers de ton (fréquents dans la Musique traditionnelle Arabe) ; cependant, ces approches ne peuvent être considérées comme manières distinctes : en fait, le style du compositeur est à la fois cohérent et très variable tout au long de sa vie, explorant des chemins quelques années puis changeant de grammaire, puis revenant à un point antérieur, avec pour seuls dénominateurs communs l'expressivité (intimiste, introvertie), le contemplatif (avec, tout au long de ce continuum, des arrêtes douces) et la complexité (sans structure apparente), et pour seul tropisme le goût des contraires-contrastes atténués (douceur) et des durées courtes (80% des pièces ne dépasse pas le quart d'heure) ; sa musique est exigeante, sans emphase (les conflits restent minimisés ou brefs, fulgurants), sans séduction non plus (parfois rêche, rugueuse, souvent languissante), difficile d'accès (plutôt expressionniste et figurative, sans excès, ni cérébrale, ni abstraite), ou, en réduisant-caricaturant au maximum, à la fois tendue-tenue-intérieurement ; enfin, dans son catalogue, les voix tiennent une place importante (les cordes aussi), les titres sont souvent longs et en Latin (si pas en Allemand, sa langue maternelle), les textes font souvent références au médiéval (ou au manifeste politique, pacifiste) ; ses partitions sont savantes (mais à l'audition cela reste caché), sans appartenance à une chapelle, sans facilité racoleuse (avec la faiblesse d'être peu mémorisables) et ont souvent fait l'objet de transpositions (par lui-même) pour d'autres instrumentistes… Pièces emblématiques (sur un total de près de 140) : "Des Engels Anredung an die Seele" [L'Adresse de l'Ange à l'Âme] (1959, cantate pour ténor et flûte, clarinette, cor et harpe, mystique et contemplative), "Tenebrae" (1968, pour orchestre, décrivant le Christ en croix), "Protuberanzen" [Protubérances] (1986, œuvre ouverte), "L'âge de notre Ombre" (1998, trio pour flûte, viole et harpe, en tiers de ton), "Miserere hominibus..." (2006, pour 7 voix solistes et 7 instruments, spirituel et aérien), "Quod es Pax? Vers la Raison du Cœur" (2007, pour petit orchestre, 5 voix et percussion soliste). | Suisse |
Hurel | 1955 | 69 ans | Philippe Hurel [1955, France (Domfront, Normandie)] étudie la musicologie à l'Université de Toulouse, avant d'intégrer le Conservatoire de Paris (alors rue de Madrid), il est à partir de 1985 régulièrement impliqué dans la recherche musicale à l'Ircam ; il est lauréat de la Villa Médicis à Rome (1986 - 1988) ; depuis 1991, il est le co-fondateur et directeur artistique de l'Ensemble Court-Circuit ; entre 2013 et 2018, il est professeur de composition au Conservatoire de Lyon ; un personnage fondamentalement gentil, direct et conciliant-souple, qui sait ce qu'il veut (notamment dans les syndicats professionnels) et à laquelle la musique ajoute une inattendue complexité, et aussi ouvert-empathique (perméable aux nouveautés multiples de la création sans a priori, y compris le Jazz et les polars avec une relation privilégiée récente avec Tanguy Viel) ; il a été l'ami et confident de Christophe Bertrand. Site Internet : www.philippe-hurel.fr/... Première œuvre significative : "Fragments de Lune" (1988, pour ensemble et dispositif électronique). Instrument pratiqué : violon. | Moderniste-Synthétique (tendance actuelle polyrythmique). Philippe Hurel est un compositeur Français qui a su imprimer sa marque et sa personnalité au fil du temps, pour être considéré aujourd'hui (hélas, tardivement) comme incontournable, à la notoriété établie récemment dans le public mélomane (avec des commandes pour grand effectif à la clé) ; à l'origine, dans la mouvance post-spectrale, puis incluant les acquis post-sériels, ses compositions d'après 2000 privilégient en plus le timbre, les rythmes complexes (surtout), le tout dans une atonalité modérée (peu coloriste), mais toujours ambitieuse ; son style est clairement à l'écoute de l'air du temps (avec curiosité et gourmandise amusée), plus que personnel et individuel ; sa musique n'est pas d'un accès difficile à l'écoute, mais elle est dense et requiert beaucoup de préparation pour être exécutée pleinement par les instrumentistes (ce qui n'est pas toujours le cas, à notre époque productiviste et court-termiste)… Pièces emblématiques (sur un total limité, de près de 80) : "Six Miniatures en Trompe-l'œil (1991, pour ensemble), "Pour Luigi" (1995, pour quintette divers, obsessionnel), "Tombeau in memoriam Gérard Grisey" (1999, pour piano et percussion, impérieux), "Loops II" (2001, pour vibraphone, polyphonique), "Loops III" (2003, pour pour 2 flûtes, entrelacées), "Localized Corrosion" (2009, pour saxophone, guitare électrique, percussion et piano, amalgame éclaté), "Interstices" (2009, pour piano et 3 percussions, polyrythmique), "Trait d'Union" (2013, pour violon-violoncelle, en glissandi déviants), "Les Pigeons d'Argile" (2014, opéra-polar pour 6 voix, chœur et orchestre, original), "Tour à Tour III" (2015, pour grand orchestre, vertigineux), Quatuor à cordes n°1 (2017, éperdu), "So nah, so fern" (2022, pour septuor divers, acharné). | France |
Ingólfsson | 1962 | 62 ans | Atli Ingólfsson [1962, Islande (Keflavík) - ] (prononcer «inngolfssonn») étudie la théorie musicale et la composition au Reykjavík College of Music, puis avec Gérard Grisey (1988-1989) à Paris, à Bologne en Italie, et à nouveau à Paris (Ircam, 1992) ; il compose aussi des B.O.F. pour le cinéma et il est poète à ses heures. Site Internet (en Anglais) : www.atli-ingolfsson.com... Première œuvre significative : "Les Pas, Les Pentes" (1991, pour ensemble). Instrument pratiqué : guitare, piano. | Moderniste-Synthétique. Atli Ingólfsson est un compositeur à découvrir par son langage original qui intègre toutes les avancées de la Musique Contemporaine (sérielle, spectrale, électroacoustique, répétitive) en conservant une dose de tonalité et en évitant la froideur typique Nordique ; son intérêt se focalise sur la prosodie, le rythme et les mètres, avec une couleur plutôt sombre, mais pas triste ni sévère ; même s'il compose régulièrement, mais peu (courtes pièces, plutôt petits effectifs), il a hélas disparu des radars de l'inteliggentsia Française ; sa musique est résolument moderniste, avec un fort héritage rock et spectral… Pièces emblématiques (sur un total d'une trentaine) : "Envoi" (1995, pour piano Midi et ensemble), "La Métrique du Cri" (1996, pour ensemble, polyrythmique), Quatuor à cordes n°1 "HZH" (1999, bruissant, halluciné), "The Elve's Accent" (2000, pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano, non écouté en concert), "Object of Terror" (2000, pour ensemble, métamorphique), "Pregnant" (2014, pour petit ensemble avec saxophones obligés, agité) | Islande |
Jolas | 1926 | 98 ans | Betsy Jolas [1926, France (Paris) - ] (prononcer «jolasse») étudie aux USA (où sa famille d'origine Américaine et Lorraine a émigré en 1940) avec Paul Boepple (harmonie et contrepoint), Carl Weinrich (orgue) et Hélène Schnabel (piano) avant d'obtenir le diplôme de Bennington College ; elle retourne en France en 1946 pour terminer ses études avec Darius Milhaud, Simone Plé-Caussade et Olivier Messiaen, au Conservatoire de Paris ; elle travaille à l'ORTF (la Radio nationale) jusqu'en 1971 (comme Henri Dutilleux) ; puis elle enseigne à son tour au Conservatoire de Paris (alors, à la rue de Madrid) l'analyse et la composition pendant 17 ans jusqu'à la retraite (et aussi dans les universités Américaines de Yale, Harvard, Berkeley, USC, San Diego, ainsi qu'à Mills College) ; le personnage est clair, raisonné, volontaire, affichant sans ambages ses convictions (et ses certitudes, teintées, avec l'âge, d'humour un brin espiègle et de respectabilité) ; une personnalité un peu inquiète, proactive, maîtrisée, polissée et qui se dit très curieuse (certes pas de façon débridée, plutôt papillonnante) ; pour l'anecdote (humoristique), ses parents ont été locataires de la propriété appelée La Boisserie, à Colombey-les-Deux-Eglises, avant son achat par le Général de Gaulle en Juin 1934. Site Internet : www.betsyjolas.pro... Première œuvre significative : Quatuor n°1 (1956), "Mots" (1963, pour 5 voix et 5 musiciens). Instrument pratiqué : piano, orgue. | Moderniste-Indépendante. Betsy Jolas est sans doute la femme compositeur Française à l'inspiration la plus originale de sa génération ; même si elle a participé au Domaine Musical et à l'avant-garde, son langage (pas vraiment sériel) et son attitude (farouche) sont restés indépendants des écoles ; elle a une prédilection pour la voix (elle a participé à un chœur), qu'elle soit parlée, poétique, déclamée, chantée ou instrumentale, et sa musique est toujours lyrique (même atonale), subtile, claire (pas de surcharge), et d'une forte tension expressive ; ce qui apparaît après plusieurs concerts est son inhabituelle limpidité (clarté), sa netteté, sa ductibilité (inflexions), ses économies de moyens, même dans le cas de polyphonies complexes ou de sons agrégés (prédilection pour le son «énorme» inattendu) ou de contrepoints élaborés et des répétitions mais sans insistance (pas d'ostinato), sans développement automatique, sans recherche de couleur profonde (ou diffuse), sans facilité (sa musique n'attire pas les auditeurs, elle les tient), et même, l'âge avançant, avec un certain humour distancé ; les titres de ces pièces sont bien sentis, vocaux (opéra, lieder, stances, même sans voix), imagés (pour les grands anciens, comme Purcell, Haydn, Schütz, pour les lieux comme St Germain, Boulogne, Mont Ventoux), … Pièces emblématiques : Quatuor n°2 (1966, pour trio à cordes et voix sans texte, une mélopée phonèménale), "Sonate à 12" (1972, pour solistes choristes), "Stances" (1978, pour piano et orchestre), "Onze Lieder" (1977, pour trompette et ensemble), Trio "Les Heures" (1991, pour trio à cordes), Quatuor n°6 (pour trio à cordes et clarinette, 1997), "Iliade l'Amour (2016, opéra de chambre, à la fois sur-réaliste et dadaiste, version compressée et modernisée de son grand opéra "Schliemann de 1995). | France |
Jolivet | 1905 | 1974 | André Jolivet [1905, France (Paris) - 1974, France (Paris), décédé à 69 ans] ne s'oriente pas d'emblée vers la carrière musicale, même s'il est issu de parents artistes amateurs (mère pianiste, père peintre) ; ainsi, en 1921, il entre à l'École Normale et devient instituteur des écoles à Paris jusqu'en 1942 ; à 22 ans, il suit des cours de composition avec Paul Le Flem (1927-1932) qui lui fait découvrir Arnold Schönberg, Alban Berg et Bela Bartók et qui provoque la rencontre décisive avec Edgard Varèse (il étudie avec lui, jusqu'à son émigration aux USA en 1933, il est même son seul élève reconnu) ; entre 1945 et 1959, il est directeur de la musique à la Comédie Française, entre 1959 et 1962, il est conseiller technique auprès du Ministre des Affaires culturelles, André Malraux, et, entre 1966 et 1970, il est professeur de composition au Conservatoire de Paris, alors rue de Madrid (son élève le plus notoire est Jean-Claude Risset qui est comme lui fasciné par les cultures Amérindiennes) ; en dehors de ces périodes (et même pendant), il est accaparé par la composition (catalogue énorme, y compris musique de films et même musique publicitaire), infatigable jusqu'à la surcharge de travail (il meurt brusquement au milieu de la composition d'un opéra resté inachevé) ; après un 1er mariage malheureux, il épouse en 1933, Sarah Hilda Ghuighui qui est Juive (ils subissent les persécutions anti-Sémites du régime de Vichy pendant la Deuxième Guerre Mondiale). Site Internet : www.jolivet.asso.fr... Premières œuvres significatives : "Andante" (1934, pour ensemble de cordes). Instrument pratiqué : piano, clarinette, orgue, violoncelle (surtout) et orchestre (comme chef, un peu). | Progressiste-Polyrythmique. André Jolivet est un compositeur important, au langage original, à la fois ancré dans son temps et hors avant-garde, seul élève reconnu d'Edgard Varèse, mais il est victime d'un oubli injustifié depuis sa mort ; toute sa vie de compositeur a été consacrée à des recherches sur un langage musical propre, pas si éloigné du sérialisme (rythmes, durées) que l'apparence le voudrait, plutôt modal, comme Olivier Messiaen, avec qui il avait fondé le groupe «Jeune France», avant guerre ; il est à la fois traditionnel par son attachement à la (poly)tonalité, au lyrisme, et, moderniste par ses recherches sur le langage (modalité, harmoniques, variation du timbre à l'intérieur d'une note, dénommé plus tard bisbigliando, principe de la double basse, en superposant 2 sons de basse fondamentaux), sur les rythmes (irrationnels, asynchrones) et ses inspirations «primitivistes» (Afrique, Amérique Latine) sur fond incantatoire, et aussi par 3 signatures, la technique des accords complémentaires et fonctionnalisés, la technique des notes réservées, la modulation d'une série de notes par une série de durées ; sur ses quelques 200 œuvres, peu d'entre elles ont été jouées régulièrement depuis 45 ans (et les enregistrements disponibles sont la plupart anciens et leur interprétation est datée)… Pièces emblématiques : avant période contemporaine, "Mana" (1935, piano solo, première pièce librement dodécaphonique Française et utilisant des rythmes originaux, un chef d'œuvre en 6 mouvements et 15 minutes), "Cinq Incantations" (1936, flûte, avec spontanéité et poésie errante, composée en même temps que "Densité 21.5" d'Edgard Varèse), "Poèmes pour l'Enfant" (1937, pour voix et onze instruments), puis pour la période Contemporaine, "Cinq Danses rituelles" (1942, pour piano solo, 1944, pour orchestre, chorégraphies primitivistes), "Suite Delphique" (1943-1948, pour vents, harpe, Ondes et percussion, méliste, langoureuse et nostalgique), "Trois Complaintes du Soldat" (1941-1943, pour baryton et piano, puis orchestre), "Chants de Linos" (1944-1945, d'abord pour flûte et piano, puis pour trio à cordes, flûte et harpe, solaires et scandés, d'après un rituel funèbre), "Cinq Danses Rituelles" (1944, pour orchestre, initialement pour piano), Sonate n°1 pour piano (1947, entêtée et entêtante), Concerto pour Ondes et petit orchestre (1948, un sommet pour cet instrument), Concertino (n°1) pour trompette, orchestre à cordes et piano (1950, aussi en duo trompette-piano), Concerto pour flûte et orchestre à cordes (1949, brillant et mélodique), Concerto pour piano (1951, méditatif et véhément à la fois), Concerto pour harpe et orchestre de chambre (1952, non écouté en concert), "Epithalame" (1952-1956, pour chœur à 12 voix indépendantes, au premier degré amoureux et subjugant), Concerto pour trompette n°2 (1956, un bijou jazzy et facile d'accès), Concerto pour violoncelle n°1 (1962, aux forces primitives), Symphonie n°3 (1964, la dernière avec un beau climat nocturne), "Suite en Concert" (1966, pour violoncelle seul, brillante étude introspective), "Suite en Concert" 2 (1966, pour flûte et percussions, fébrile), "Ascèses" (1967, pour flûte en Sol, élégiaque et liée), Concerto pour violoncelle n° 2 (1967, tout en soliloques), "Songe à nouveau Rêvé" (1971, pour soprano et orchestre, solaire), "Heptade" (1972, duo pour trompette et percussion, altière et diffuse, une belle étude de timbres et de rythmes). | France |
Kagel | 1931 | 2008 | Mauricio Kagel [1931, Argentine (Buenos Aires, une veille de Noël) - 2008, Allemagne (Cologne), décédé à 76 ans] (prononcer «caguèl»), d'ascendance juive Germano-Russe, suit des études de musique, d'histoire de la littérature (avec notamment Borgès) et de philosophie à l'Université de Buenos Aires (échec à l'entrée du Conservatoire) et devient le conseiller artistique de l'Agrupacion Nueva Musica en 1949 ; ses intérêts divergent vite vers le théâtre, le cinéma (critique professionnel et co-fondateur de la cinémathèque en 1950) et la direction d'orchestre au Teatro Colon ; il fuit le régime post-Peróniste, à partir de 1957, en émigrant grâce à une bourse d'études Allemande ; il s'installe définitivement à Cologne où il crée et dirige, 2 ans plus tard, le Kölner Ensemble für Neue Musik, puis où il y enseigne la musicologie (dès 1969) et le théâtre musical (dès 1974) à la Hochschule für Musik (hormis une parenthèse comme professeur à Buffalo, aux USA, en 1965) ; sa personnalité, plutôt humaniste et remplie de contradictions, est caractérisée par une grande indépendance (avec une pointe de provocation assumée, réfléchie, et non gratuite), un goût pour l'inconnu (forte inventivité), pour l'excessif raisonné (au-delà du non conformisme) et pour l'humour (voire la dérision, tendance burlesque, avec de la gravité sous-jacente) ; il reste avant tout l'inventeur du «Théâtre Instrumental» dans lequel les musiciens interprètes jouent un rôle, en plus de jouer de leur instrument, pour interroger-interpeler le statut de l'instrumentiste et ses conventions, ou le statut de compositeur dans l'histoire, ou le statut de l'œuvre-création ; le personnage est fondamentalement, derrière les facéties, très sérieux et même triste, mu par la conviction construite sur l'analyse contradictoire et par l'expérience relationnelle ; un hommage lui a été consacré lors de sa disparition, ICI. Site Internet : www.mauricio-kagel.com... Première œuvre significative : "Sexteto de Cuerdas" (1958, œuvre ouverte, sextuor avec bande magnétique). Instruments pratiqués : piano, orgue, violoncelle, clarinette (sans compter des instruments bricolés ou ethniques, et...la voix par le chant). | Inclassable (provocateur et parodique). Mauricio Kagel est davantage qu'un compositeur autodidacte et expérimentateur (il est aussi dramaturge et cinéaste), après une courte et très limitée influence initiale de Stockhausen (bruits, aléatoire) ; sa démarche musicale novatrice est limitée dans le temps (environ 15 ans), suivie d'une longue période éclectique tendance Néo-Romantique ; en fait son apport à la Musique Contemporaine tient davantage à la fusion qu'il a initié-inventé entre la musique elle-même et sa théâtralisation ; ses créations sont ainsi inséparables de la représentation visuelle, notamment du théâtre et du cinéma (au moins 11 pièces radiophoniques ou «Hörspiel», et 17 films) : avec "Sur Scène" (1959), il est le pionnier du théâtre instrumental (avec une dimension parodique caractéristique, voire de pastiche, et un détournement de la tradition des concerts) ; "Ludwig van" (1970) et "Match" (de ping-pong, 1966) ont été filmés et leurs valeurs cinématographiques sont incommensurables (la musique l'est moins) ; enfin, le style de Kagel est unique par son appropriation-dénaturation d'autres compositeurs (Beethoven, Schumann, Bach, Haendel, Brahms, le meilleur exemple étant "Sankt-Bach-Passion", en 1985, une «Bio» officieuse du Cantor) ou bien de modes d'expression établis (l'opéra, comme "Staatstheater", 1970) ou encore de la fonction des instruments de musique ("Acustica", pour objets domestiques, "Exotica", pour instruments ethniques, "Mare Nostrum", pour instruments Méditerranéens) ou enfin par le sabotage des conformismes (il est athée, d'origine Juive), avec humour grinçant et ravageur ou truculence, à la clé ; à partir des années 1980, il s'emploie à briser de plus en plus les conventions et les habitudes auditives comme dans "Rrrrrrr...", un ensemble de 41 pièces (1980-1982) et, satirique, il ironise sur l'absurdité de la société moderne et pousse à la réflexion ; sur le plan strictement musical (une fois le «geste» théâtral détaché), le résultat, certes inventif, inattendu, mordant et dialectique, n'est pas toujours à la hauteur des intentions et ne résiste pas toujours à l'épreuve du temps (de nombreuses pièces, comme le 3ème Quatuor à cordes, "Klangwölfe" ou le premier Trio et bien d'autres, anecdotiques, sont quasiment post-modernes, avec une «louche» d'ironie détachée) ; mais ses pièces les plus inspirées et intemporelles combinent originalité (néo-)romantique et richesse sonore, à côté de saillies trublionnes… Pièces emblématiques (sur un catalogue pléthorique de plus de 250 pièces, très inégales, mais jamais conformistes ni banales) : "Transicion I" (1958, pour bande), "Transicion II" (1959, pour piano, percussion et 2 bandes magnétiques), "Sonant" (1960, pour 4 musiciens qui jouent le plus pianissimo possible, à la limite de l'audible), "Heterophonie" (1962, œuvre ouverte pour 42 musiciens, utilisant le rituel de l'accord comme matériau sonore), "Match" (1964, pour 2 violoncelles antagonistes et une percussion arbitre : une pièce pour rire dont Kagel a tiré un film à voir), "Mirum" (1965, pour tuba solo), Quatuor à Cordes n°1 (1967, instruments «préparés» avec aiguilles à tricoter, gommes), "Phantasie" (1967, pour orgue), "Halleluiah" (1968, pour chœur de 16 chanteurs solistes), "Acustica" (1970, pour quintette et haut-parleurs, avec violon à pointes de fer), "Ludwig van" (1969, pour ensemble de chambre, un gigantesque collage-pastiche aléatoire de «bouts» de Beethoven), "Atem" (1970, pour saxophone et clarinette, en séquence, avec théâtralisation de l'instrumentiste, qui teste ses instruments, chante, rugit : un retraité vieillissant, jusqu'à rester couché), "Exotica" (1972, pour 6 musiciens et 60 instruments non Européens), "Die Erschöpfung der Welt" (1976, essai sur l'opéra, non écouté), "Klangwölfe" (1979, pour violon et piano, rétro néo-romantique), "Trio n°1 en 3 mouvements" (1985, pour piano, violon, violoncelle, inspiré et rétro), "Die Stücke der Windrose" (1989-1994, 8 pièces pour petit orchestre, dit «de salon»), Quatuor à Cordes n°4 (1993), et plus récemment "Kidnapping au concert" (2000, cantate dramatique, pour soli, chœur et orchestre, avec une mise en abyme théâtrale). | Argentine |
Khatchatourian | 1903 | 1978 | Aram Khatchatourian [1903, Tiflis, aujourd'hui Tbilissi (Géorgie, alors Empire Russe, puis URSS) - 1978, Moscou (Russie, alors URSS)] (prononcer «katchatouriann», écrire en Anglais Khatchaturian ou Khachaturian), d'origine Arménienne par son père (l'Arménie est voisine de la Géorgie), étudie le piano en amateur dans son enfance, puis, après s'être rallié à la cause Soviétique en Arménie en 1920, il étudie tardivement la musique à Moscou à l'Institut privé Gnessine, avant de rejoindre le Conservatoire de Moscou (1929-1934), avec Nikolai Myaskovsky (composition) et Sergei Vasilenko (orchestration) comme professeurs ; à partir de 1951, il enseigne lui-même à Gnessine et au Conservatoire ; il a été un personnage officiel du régime Soviétique (membre du bureau de la Société des Compositeurs dès 1937, membre du Parti Communiste en 1943, liste longue de médailles, composition de l'hymne national Arménien joué jusqu'en 1991), mais sans vrai engagement politique ; depuis l'indépendance de l'Arménie après sa mort, il est devenu là-bas une icône nationale et son style a été repris par les jeunes compositeurs locaux de la génération suivante ; il a écrit également de nombreuses B.O.F. (par goût pour l'aisance matérielle et la musique populaire) ; le personnage est généreux (même au sens financier, par exemple à l'égard de Dimitri Chostakovitch) ; son épouse, Nina Makarova (1907-1976) et son neveu prénommé Karen (1920 - 2011) sont également compositeurs... Premières œuvres significatives : "Toccata" (1932, pour piano, un tube pour apprentis pianistes), Symphonie n°1 (1935, pour grand orchestre, avec de nombreuses trouvailles syncopées et quelques maladresses), Concerto pour piano (1937, plus personnel, avec des élans populaires et la fameuse scie musicale du mouvement lent). Instrument pratiqué : piano, violoncelle, orchestre (comme chef, avec plusieurs enregistrements du répertoire). | Progressiste-National (tendance hyper-romantique). Aram Ilich Khatchatourian est un grand mélodiste connu par quelques tubes incontournables ; sa musique est romantique, lyrique, entraînante, colorée, épique même (on dirait, aujourd'hui, Hollywoodienne), avec une écriture traditionnelle, même s'il a bien connu des compositeurs plus progressistes, comme son contemporain, et voisin par le domicile à la Société des Compositeurs à Moscou, Dimitri Chostakovitch ; son harmonie est cependant originale (ce qui fait la valeur de ses partitions) par l'héritage Arménien (notamment les intervalles à la seconde mineure et à la septième mineure) et il a un sens efficace de l'orchestration (couleur, rythme), immédiatement reconnaissable ; sa musique est de culture profondément Arménienne (folkloriste au sens noble du terme) et reste consonante et toujours très facile d'accès (post-Brahmsienne), mais non conservatrice à tout crin, ni banale ; sa B.O.F. du film Pepo (1936), par le réalisateur Arménien Hamo Beknazarian, comporte une chanson qui a fait le tour du monde… Pièces emblématiques : Concerto pour violon (1940, mélodique, avec un final exubérant), Symphonie n°2 "Le Tocsin" (1943, épique et colorée, à la ferveur communicative), "Masquerade" (1944, un suite symphonique, issue des 5 pièces pour piano, avec la célèbre "Valse en la mineur" de 1941), et surtout les 2 ballets, "Gayaneh" (1942, avec le célébrissime tube de "La Danse du Sabre") et "Spartacus" (1954, avec le célèbre "Adagio de Spartacus et Phrygie"), transcrits, chacun, en plusieurs Suites. | Géorgie |
Kurtag | 1926 | 98 ans | György Kurtag [1926, Roumanie (Lugoj, une ville d'origine Hongroise historiquement jusqu'en 1918 et ethniquement) - ] (prononcer «courtag») quitte à 20 ans la Roumanie pour étudier au Conservatoire de Budapest (la composition avec Sandor Veress, le piano et la musique de chambre), où il se lie d'amitié avec son condisciple György Ligeti ; il séjourne à Paris en 1957-1958 grâce à une bourse d'études (cours d'Olivier Messiaen, Max Deutsch et Darius Milhaud), où il rencontre à cette occasion la psychologue Marianne Stein (qui libère sa capacité créatrice en l'encourageant à se concentrer sur des formes courtes), puis visite Cologne (studio électronique) et les cours d'Été de Darmstadt, pour des rencontres-concerts déterminants sur ses choix esthétiques ; il revient à Budapest en 1959 comme répétiteur, puis professeur de piano (belle série de pièces pédagogiques "Jatékok" pour les enfants, à partir de 1973, comme les "Mikrokosmos" de Bartók), et enfin professeur de musique de chambre à l'Académie de Budapest de 1967 jusqu'à sa retraite, en 1986 ; depuis la fin des années 1940, il est marié à Marta, pianiste concertiste (et ses enfants György Junior et Judit sont musiciens) ; il réside actuellement en France (à Bordeaux) et son hobby reconnu est le cinéma... Première œuvre significative : "Mouvement" pour alto et orchestre (1955, ample et influencé par Bartók). Instruments pratiqués : piano, cymbalum (instrument traditionnel de Hongrie). | Moderniste-Miniaturiste. György Kurtag est un compositeur à part (ni vraiment sériel, ni progressiste), figure solitaire, rare, exigeante et inquiète, certes volontairement moderne dès le départ (tardif... premier opus publié à 33 ans), mais avec un ancrage national (Bartók) ; même s'il est de la même génération que les compositeurs de Darmstadt ou que son compatriote Ligeti (ami des années d'études), il n'a pas le besoin de l'innovation formelle : son langage est original, ses phrases sont courtes (fragmentation, concision, densité) et fortement intriquées (en héritier de Bartók) et sa musique, immédiatement reconnaissable, est très expressive (retenue, éclatée, ciselée, dramatique) ; il est surtout fasciné par la poésie chantée, à l'instar de Schubert (textes de Pilinszky, Kafka, Hölderlin, Beckett) : l'essentiel de ses rares œuvres (une soixantaine, non compris les transcriptions et variations par lui-même), souvent brèves (sauf son unique opéra, pourtant concis), est dévolu à la petite formation, et en particulier à la voix, en laquelle il voit un instrument aux possibilités nouvelles qui dépassent son rôle narratif ou opératique, habituel, ou bien à la musique de chambre ; sa musique refuse l'éclat, le développement, et préfère les ténèbres, les tessitures graves, la lenteur (mais pas l'immobilisme), l'énigmatique, l'allusif, la suspension… Pièces emblématiques : Quatuor à cordes n°1 "Opus 1" (1959, un manifeste écrit après avoir écouté "Artikulation" de Ligeti et "Gruppen" de Stockhausen), "Huit Duos" pour violon et cymbalum (1961), "Les Dits de Peter Bornemisza" (1968, pour piano et soprano), Quatuor à cordes n°2 "Douze Microludes" (1978, un bijou contrasté de 9 mn), "Messages de Feu Demoiselle R.V. Troussova" (1981, pour soprano et ensemble, héritage assumé-rebelle du post-sériel), Kafka-Fragmente (1987, pour soprano et violon, profondément émouvant), "Quasi una Fantasia [Presqu'une Fantaisie]" (1988, pour piano et ensemble spatialisé, énigmatique), "Grabstein für Stephan" (1989, pour guitare et groupes instrumentaux dispersés dans l'espace, funèbre et ténébreux), "Double concerto" (1991, pour piano, violoncelle et petit orchestre, dégingandé), "Songs, Songs of Despair and Sorrow" (1994, pour chœur et ensemble, non écoutée en concert), "Stele" (1994, pour grand orchestre, une pièce bréve, funéraire, émotionnelle), "Concertante" (2003, pour violon, alto et orchestre), "Petite musique solennelle, en Hommage à Pierre Boulez" (2015, pour orchestre, soyeuse), "Fin de Partie" (2018, opéra de chambre, d'après Beckett, profond, noir, désespéré et facétieux, un péché de vieillesse fabuleux)... sans oublier le monument que constituent les "Játékok" (1973-2010, voire encore plus à venir, pour piano solo, piano à 4 mains, et 2 pianos, tout un monde de miniatures). | Hongrie |
Lachenmann | 1935 | 88 ans | Helmut Friedrich Lachenmann [1935, Allemagne (Stuttgart, Rhénanie) - ] (prononcer «lareunnmane») étudie la musicologie au Conservatoire de Stuttgart (piano et contrepoint, notamment), puis il part en Itale pour étudier la composition avec Luigi Nono (1958-1960) à Venise (dans un appartement juste en dessous de Nono), et par intermittences la musique électronique avec Karlheinz Stockhausen (1963-1964) à Cologne, après cette double rencontre aux cours d'Été de Darmstadt en 1957 (sa 1ère participation), et surtout à l'Institut IPEM de Ghent (Hollande) en 1965 ; avant "Notturno" (1968), il est passablement sériel, et à partir des années 70, il perce véritablement avec une esthétique novatrice et révolutionnaire (à l'époque), pour devenir une sorte de «gourou» en Allemagne et un prophète pour les compositeurs de la génération née après 1970 ; très tôt, il enseigne la composition à la Musikhochschule de Stuttgart (1966-1970), puis à Ludwigsburg (1970-1976), à Bâle (1972-1973), à Hanovre (1976-1981), et à nouveau à Stuttgart (1981-1999) ; avant sa retraite professionnelle et après, il a conduit des séminaires dans toutes les parties du monde (par exemple, en 2009, à Harvard) ; le personnage est certes un musicien à part, mais aussi un penseur-contestataire (complètement engagé contre la société de consommation et le contexte bourgeois, comme Luigi Nono, et ainsi contre sa famille de pasteurs), et aussi un provocateur (beaucoup de ses pièces se sont soldées par un scandale à leur création) ; durant des décennies, il reste le proche ami de Luigi Nono (avec de fréquents échanges épistolaires à contenu politique et musical, et avec de longues éclipses suite à des ruptures fracassantes) ; il est affilié longtemps aux terroristes radicaux d'extrème-gauche de la «Fraction Armée Rouge» (ou RAF ou «Bande à Baader»), notamment à son égérie Gudrun Ensslin, également fille de pasteur ; curieusement et inhabituellement dans ce contexte, le compositeur n'est pas isolationniste et compte des émules directs (le plus brillant est Mark Andre), voire lointains (comme les saturateurs tels que Franck Bedrossian et Raphaël Cendo) ou des admirateurs revendiqués (beaucoup de compositeurs nés après 1975) ; le personnage est volontaire, insidieux, imprévisible, militant enflammé (froidement), accrocheur ; son épouse Japonaise, Yukiko Sugawara-Lachenmann, est pianiste (elle l'a aussi considérablement influencé dans sa dernière tendance politique, nihiliste selon la culture Japonaise, moins liée à l'extrême-gauche protestataire)... Première œuvre significative : "Souvenir" (1959, pour 41 musiciens, influencé par Luigi Nono), "Intérieur" (1966, pour percussions seules, considéré par le compositeur comme son véritable opus 1). Instrument pratiqué : piano. | Inclassable-Original (tendance dé-structuration). Helmut Lachenmann est peut-être l'un des 10 plus importants compositeurs de la Musique Contemporaine, en tout cas un pionnier original majeur et un musicien radical, engagé dont la place objective comme créateur est difficile à évaluer aujourd'hui ; son esthétique est dite «concrète instrumentale» («Klangrealismus», acoustique plutôt que musique, sonorité-bruitiste plutôt que musicalité-mélodique, grammaire plutôt que plaisir auditif, matériau plutôt que structure ou agencement, provocation (plutôt que progressisme) par dé-structuration ou dé-naturation des instruments de musique, c'est-à-dire le détournement de leur utilisation habituelle ou normale et le refus de la beauté sonore) pour laquelle les bruits, et non les notes, générés par les instruments de musique, ont une grande place ; il a ainsi développé une palette d'une inépuisable richesse quant aux gradations entre le son et le bruit, sans pour autant travailler à leur fusion et à leur lissage : le résultat (rien moins qu'étrange) est jugé subjectivement par l'auditeur soit comme transcendant (et génial), soit comme inutilement provocateur (bruiteux, voire anecdotique, ou bricoleux)... et l'objectivité n'est éventuellement possible que dans ses chefs d'œuvre, même si toutes ses pièces sont très précisément composées-pensées (aucun bricolage), ce qui a considérablemnt séduit-influencé les compositeurs nés après 1980 (intégration du bruit musical des instruments) ; une autre dimension (également subversive) de son style consiste en la dé-naturation de genres musicaux établis ("Gran Torso" pour le quatuor à cordes, ou bien son unique opéra, sans action, où chanteurs et musiciens entourent le public) et en la contestation de toutes les habitudes et conventions (carcans) d'écoute, en tant que nouvelle approche conceptuelle (fascinante... mais sans proposition alternative), parallèlement -plus radicalement, mais sans l'humour- à Mauricio Kagel ; sa musique paraît hachée, éclatée, irisée, avec une rythmique motrice (selon les dires du compositeur, avec provocation : seulement des valses ou des marches), insolite, toute en grincements, crissements et craquements, avec des modes de jeu non traditionnels et souvent dans le registre de l'infime et de l'impalpable (d'où, alors, amplification obligatoire) ; au total, pour le mélomane du répertoire traditionnel, un compositeur d'emblée difficile, non pas en raison d'atonalités ou de dissonances (peu), mais par sa négation de la fonction naturelle des instruments de musique (beau son mélodieux) et par leur utilisation bruitiste (mais le résultat est authentiquement musical)… Pièces emblématiques (sur un catalogue rare de près de 60, d'une haute valeur générale, avec seulement 4 pièces de 2005 à 2017) : "Notturno" (1968, violoncelle et petit orchestre), "Air" (concerto pour percussions et orchestre, 1968, innovant et fragile), "Pression" (1970, pour violoncelle solo, emblème de l'esthétique concrète instrumentale, décliné sur de nombreux autres instruments), "Gran Torso" (1972, quatuor à cordes n°1, décapant, un must difficile et une étape majeure pour le genre quatuor), "Accanto" (1976, avec un collage-citation de Mozart), "Tanzsuite mit Deutschlandlied" (1980, pour orchestre et quatuor à cordes, non concertant, une brillante mise en abîme de la danse), "Mouvement - vor der Erstarrung" (1984, pour ensemble, illustrative et fiévreuse-frénétique), "Reigen seliger Geister" (1989, quatuor à cordes n°2, quasi-lyrique), "... Zwei Gefühle..., Musik mit Leonardo" (1992, pour récitant et ensemble, non écouté en concert, ré-incorporé dans son opéra), "Das Mädchen mit den Schwefelhölzern" (opéra, 1997, une grande réussite, à la fois conte d'Andersen et argumentaire philosophique et politique), "Grido" (2001, quatuor à cordes n°3, fascinant d'inventivité, étendu à l'orchestre à cordes en 2004), "Concertini" (2005, pour grand ensemble. | Allemagne |
Levinas | 1949 | 75 ans | Michaël Levinas [1949, France (Paris) - ] (prononcer «lévinasse», même si le nom, souvent mal orthographié, ne prend pas d'accent) suit le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire national de Paris), avec Olivier Messiaen pour la composition et Vlado Perlumuter, Yvonne Lefébure et Yvonne Loriod pour la technique pianistique, puis des stages de musique électronique (au GRM) et les cours de Karlheinz Stockhausen à Darmstadt ; il est co-fondateur, avec Tristan Murail, Gérard Grisey et Hugues Dufourt, de l'Ensemble L'Itinéraire (organe-totem de la Musique Spectrale, en 1974), puis pensionnaire de la Villa Médicis, à Rome (1975-1977) ; parallèlement à une carrière de pianiste du grand répertoire (Beethoven, Schumann), il devient à son tour, dès 1987, professeur de composition, puis d'analyse au Conservatoire national de Paris ; en 2009, il est élu membre de l'Académie des Beaux-Arts ; le personnage est d'une intelligence aiguë (il est le fils du philosophe Emmanuel Levinas), plus conceptuel que communiquant, plus analytique que synthétique, indépendant et passionné, profondément tolérant (cf. textes et livrets choisis), et attaché à convaincre ; après la période spectrale, l'ombre tutélaire et médiatique d'Emmanuel Levinas l'a sensiblement contraint et a gêné ses élans créateurs jusqu'à la mort paternelle à la fin de 1995 (voire même un peu après : 1 ou 2 pièces par an entre 1987 et 1995, premier opéra en 1996, premier quatuor en 1999) ; il est enfin réputé par ses hésitations qui alliées à un perfectionisme quasi-maniéré le poussent à modifier-corriger ses créations jusqu'au dernier moment (y compris à la générale). Site Internet : www.michaellevinas.com... Première œuvre significative : "Clov et Hamm" (1973, pour 2 tubas, percussions et 2 bandes magnétiques). Instrument pratiqué : piano (concertiste). | Moderniste-Synthétique (tendance explorateur). Michaël Levinas est un compositeur important (à la fois hors écoles et dans les courants) et un artiste profondément original, un véritable explorateur infatigable des nouvelles tendances, des chemins nouveaux de la musique : il a d'abord été connu (et catalogué) comme le co-créateur de la Musique Spectrale, avec Gérard Grisey, Tristan Murail, et (en retrait et pour la dénomination) Hugues Dufourt, mais il s'est vite essayé à d'autres styles par hybridation des timbres instrumentaux ou par la recherche de sons (amalgames avec micro-tonalité) ou, à partir de 2000, de rythmes nouveaux (phénomènes paradoxaux, inspirés du compositeur informaticien Jean-Claude Risset, ou superpositions de vitesses d'échelles différentes, inspirées des dernières pages pour piano solo de György Ligeti) ; sa musique est singulière avec une focalisation sur le rythme et les transitions, cependant, sa faconde et ses revirements/ruptures d'inspiration peuvent le faire apparaître irrégulier, et l'hétérogénéité de son écriture peut (à tort) dérouter l'auditeur le mieux disposé, même si ni sa sincérité ni ses prises de risque ne peuvent être mis en doute ; son style est marqué par le timbre, l'acoustique et la polyphonie (sur-superposition), par les alliages inattendus, étranges (y compris dans les titres des pièces), par un attrait pour le rêve, le mystère, l'impalpable et le théâtral (même dans ses pièces purement instrumentales), et plus accessoirement l'incongru (les rires inattendus, la rupture surprise), d'où la formule juste mais lapidaire de son ironico-poétique ; la voix, l'électronique (d'abord sur bande, puis par l'informatique live), et le piano sont les piliers de ses partitions, marquées par un fondu inimitable… Pièces emblématiques (sur plus de 60, plutôt brèves, sauf ses opéras) : "Appels" (1974, pour ensemble de 11 musiciens, au spectral saturé, soufflés et mystérieux), "Froissements d'Ailes" (1975, pour flûte, rythmique, métaphore du souffle), "Ouverture pour une Fête Étrange" (1979, pour 2 orchestres et dispositif électroacoustique), "Concerto pour un piano Espace n° 2" (1980, pour piano, 5 instruments et électroacoustique), "Les Rires du Gilles" (1981, pour 5 musiciens et bande magnétique), "La Conférence des Oiseaux" (1985, opéra de chambre, révisé en 2006), "Réminiscence d'un Jardin féerique" (1987), "Par-delà" (1994, pour orchestre), "Gogol" (1999, opéra, non écouté), "Lettres Entrelacées II" (2000, pour alto solo), "Les Nègres" (2004, opéra, écouté en disque, avec une ouverture superbe), Quatuor n°2 (2005), "Evanoui" (2009, pour orchestre et électronique, l'évanescence par les pizzicati), "La Métamorphose" (2011, opéra de chambre avec électronique live, d'après Kafka, tourbillonnant et statique). | France |
Ligeti | 1923 | 2006 | György Sándor Ligeti [1923, Hongrie (Dicsöszenmarton -aujourd'hui Tirnaveni-, Transylvanie, naturalisé Américain, puis Autrichien) - 2006, Autriche (Wien), décédé à 83 ans] (prononcer «liguéti») est un double déraciné, Juif pendant la Guerre, puis, non conforme à la doctrine musicale Soviétique pendant la Guerre Froide (accusé de "formalisme") : son véritable départ de compositeur correspond à sa fuite de son pays en 1956 pour rejoindre Darmstadt et Köln en Allemagne, pour s'essayer à la musique électronique, alors qu'auparavant, depuis 1938, son œuvre était marquée par le folklore, le médiéval, ou était destinée à la jeunesse ; à noter que le compositeur a, jusqu'à peu avant sa mort, renié toute sa production d'avant 1956 (qu'il a qualifiée de musique d'exil, par provocation... mais dont il a ré-utilisé certains matériaux dans sa production Occidentale), sauf les quelques pièces ci-après ; le personnage est incontestablement d'une grande sensibilité, d'une maturité incertaine (goût pour l'humour et les bandes dessinés, candide sincérité, attirance pour Topor, Oldenburg, Bosch), d'une indépendance affirmée (en fait plutôt influençable) ; ses influences sont marquées par Machaut, Ockeghem, les rythmes d'Afrique Centrale, les Hongrois (y compris Bartók), etc., et aussi par d'autres compositeurs qu'il salue avec admiration comme Scelsi, Nancarrow, ou par les premiers Minimalistes (dans "Autoportrait avec Reich"), voire avec dérision par John Cage ou l'Avant-Garde sérielle ; son état de santé très déficient sur le plan moteur (jusqu'à être grabataire) a entraîné une considérable réduction de sa production durant la dernière décennie de sa vie ; son fils Lukas, né en 1965, établi aujourd'hui à New York, est aussi compositeur... Premières œuvres significatives (avant émigration) : "Concert Românesc" (1951, pour petit orchestre, rhapsodie tzigane folklorique, très Bartókienne), Sonate (1953, violoncelle), "Musica Ricercata" (1953, pour piano solo, 11 pièces construites sur un nombre de notes croissantes, la 1ère sue 2 notes et la 11ème sur 12, et dont la 2ème a été reprise par Stanley Kubrick dans son dernier film, «Eyes Wide Shut», en 1999), "Six Bagatelles" (1953, quintette à vent, 6 miniatures avec au moins 2 tubes), Quatuor n°1 "Métamorphoses Nocturnes" (1954, pour quatuor à cordes, séduisant et ludique, justement qualifié de 7ème de Bartók). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Indépendant. György Ligeti est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine, mais il se positionne complètement à part dans la création musicale : à l'écart des écoles ou des tendances, touche à tout (y compris à la musique concrète, peu de temps) comme Stravinsky, indépendant (aventurier) et profondément original ; après une belle (mais pas toujours essentielle) première période de langage Bartókien (jusqu'à 1956), sa musique est marquée par un fondu sonore planant (micro-polyphonie ou polyphonie saturée, en trames sonores), par le contrepoint (avec éparpillement des pupitres), et par une recherche sur le son qui a paru absolument révolutionnaire à ses auditeurs des années 1960, mais l'est en fait moins - ce qui n'enlève rien à sa beauté et à son inspiration- depuis qu'a été découvert Scelsi ; une autre dimension de sa musique est son ironie, sa dérision qui s'exprime le plus dans "Le Grand Macabre" et "Hungarian Rock" ; enfin, à la fin de sa vie, s'amorce un tournant de style (comme chez beaucoup d'autres compositeurs) par un retour partiel à la tonalité et à la mélodie (Trio avec cor, de référence Brahmsienne par ironie envers les post-modernes, Concerto pour Violon, Études de Piano, des œuvres vraiment accessibles), et aussi par des recherches accentuées sur la polyrythmie (Concerto pour piano, Études), avec un retour aux premières approches anciennes plus simples de type Bartókiennes ou à des mouvements d'horloge (métronomes, balancements asynchrones), avec une influence (inattendue) de Conlon Nancarrow... Pièces emblématiques (sur un total d'une cinquantaine, après 1956) : "Glissandi" (pour bande, 1958), "Atmosphères" (1961, pour grand orchestre), "Poème Symphonique" (1962, pour 100 métronomes, une curiosité provocatrice de tendance «Fluxus»), "Aventures et Nouvelles Aventures" (1963-1966, pour voix et ensemble), "Requiem" (1963, pour voix et orchestre), "Lux Aeterna" (1963, pour chœur), Concerto pour violoncelle (1966), "Lontano" (1967, pour grand orchestre), le Quatuor à cordes n°2 (1968, avec un 3ème mouvement innovant), "Continuum" (pour clavecin, 1969, fusionnel, célèbre par son traitement «Rock» de l'instrument), "Kammerkonzert" (1970, pour ensemble, fusion de textures, de rythmes mécaniques détraqués), "Le Grand Macabre" (opéra, 1977), "Hungarian Rock" (1978), "Trio pour Cor" (1982, post-moderne, expressif mais non essentiel), Concerto pour piano et orchestre (1986-1988), Études (piano, 1985-2001), Concerto pour violon et orchestre (1990-1992, en ritournelles désaxées), Sonate pour alto (1994), "Sippal, dobbal, nadihegedüvel" (2000, pour mezzo-soprano et petit ensemble à vents et percussion, dernière pièce, non essentielle, mêlant modernisme et retour aux premières sources Hongroises). | Hongrie |
Lindberg | 1958 | 66 ans | Magnus Lindberg [1958, Finlande (Helsinki) - ] (prononcer «linndbergue») étudie, dès 15 ans, à l'académie Sibelius d'Helsinki, l'écriture musicale, la composition et la musique électroacoustique avec Risto Väisänen, Einojuhani Rautavaara, Osmo Lindeman, et surtout Paavo Heininen, puis encore la composition à Paris, en 1981, avec Vinko Globokar et Gérard Grisey ; trois rencontres essentielles sont à mettre en avant, à Sienne avec Franco Donatoni, et à Darmstadt avec Helmut Lachenmann et Brian Ferneyhough, ce qui ajoute à son éclectisme d'influences ; il a été aussi influencé par la Pop-Rock et notamment sa tendance Londonienne Punk Rock à partir de 1974 (avec les groupes Sex Pistols et The Clash) et surtout sa traduction Allemande ou Finlandaise à partir de 1977 (plus hardcore) ; en 1977, il est, avec Kaija Saariaho et Esa-Pekka Salonen, l'un des membres fondateurs de l'association «Korvat auki !» (Ouvrez vos oreilles !), qui se donne pour mission de promouvoir la musique contemporaine ; en 1982, il co-fonde, avec Esa-Pekka Salonen, l'ensemble expérimental «Toimii !» (Ça marche !), qui vise à devenir par l'improvisation un laboratoire où compositeurs et instrumentistes pourraient travailler ensemble à de nouveaux moyens d'expression musicale ; depuis le milieu des années 80, il est fréquemment invité à l'Ircam pour des recherches-compositions électroacoustiques (après le studio ElektronMusikStudion de Stockholm, le studio expérimental de la Radio Finlandaise) et comme chef d'orchestre partout en Europe ; il ne retourne en Finlande qu'en 1993 et se retrouve alors de plus en plus dans la filiation de Jean Sibelius, jusqu'à être nommé professeur de composition au Conservatoire royal de Suède en 1996 ; en 2009-2010, il est compositeur en résidence au New York Philharmonic (USA)... Première œuvre significative : "Action-situation-signification" (1982). Instrument pratiqué : piano. | Opportuniste-Synthétique (tendance Rock-Pop, puis post-moderne). Magnus Lindberg est un compositeur ouvert à tous les styles au fur et à mesure de leur intégration (le sérialisme du musicologue Américain Allen Forte et de Milton Babbitt, la musique aléatoire et la musique concrète, la spontanéité du free jazz combinée à l'énergie rythmique de la musique rock ou post-punk, le spectralisme, l'informatique mucicale, déniée ensuite, et l'exotisme des musiques traditionnelles d'Asie), sans jamais privilégier une influence à une autre ; ses premières partitions, audacieuses, voire provocatrices, sont marquées d'un goût pour l'énergie, l'extrême, le spontané, voire le bizarre, avec la grammaire post-sérielle et l'expérimentation électroacoustique ; après une panne créatrice de 2 ans (1987-1988), il opère un revirement stylistique vers une musique moins frénétique, moins extérieurement violente, d'une plus grande transparence harmonique, tout en restant volubile ; en réalité, avec tout de même une certaine unité stylistique, la maturité s'exprime en 2 périodes, une assumée, approfondie, qui appelle les compositeurs comme des hommages ("Aura" est alors un tribut aux "Notations" de Boulez, "Souvenir", en hommage tardif à Gérard Grisey, par exemple), l'autre, récente, plus normée, dans le moule du répertoire (post-modernisme), voire franchement lyrique (quasiment tonale et consonante, sans aller jusqu'au néotonal), plus aboutie, mais moins originale et parfois moins inspirée ; cependant, hors assimilations, il reste des constantes personnelles dans son écriture, notamment le principe de la chaconne (une chaîne d'accords continuellement recyclée au cours d'une pièce), dérivé de l'écriture spectrale, et un art consommé de l'orchestration (sensibilité raffinée pour le son, choc des timbres associés, sens dramatique, forte pensée harmonique, libre mais réelle construction architecturée) ; à l'écoute, sa musique possède quelques constantes qui l'identifient vite, comme la densité polyphonique (barbare aux débuts, opulente, récemment), les textures foisonnantes (par accumulation qui souligne la polyphonie), les formules rythmiques répétées (Stockhausen, bien compris), la couleur orchestrale par des associations instrumentales inusitées (Grisey et d'autres, bien compris) avec spécifiquement de soudains jets de couleurs inattendus, et enfin un goût certain pour la parenthèse illustrative sur un détail, subitement exploré, comme un arrêt sur image, comme une divagation, au cours d'une progression qui semblait organisée… Pièces emblématiques (sur un total de 120 environ en 2021, l'orchestre ou le grand ensemble étant privilégié) : "Kraft" (1985, pour ensemble instrumental et orchestre, innovant et énergique), "Ur" (1986, pour quintette et électronique live, quasi-brutal et polyrythmique), "Kinetics" (1989, pour orchestre, dynamique, en double plan), "Joy" (1990, pour petit orchestre et électronique), "Marea [Marée]" (1990, pour petit orchestre, avec ses grandes vagues, minutieusement détaillées), "Aura, in Memoriam Witold Lutoslawski" (1994, pour orchestre, vaste poème opulent), "Coyote Blues" (1993, pour ensemble), "Related Rocks" (1997, pour 2 pianos, 2 percussions et dispositif électronique, post-Bartokien rocky), "Cantigas" (1999, pour orchestre), Concerto pour violoncelle (2000-2002, non écouté en concert, virevoltant), Concerto pour clarinette (2002, post-Stravinskyen, avec une cadence époustouflante), "Sculpture" (2005, pour grand orchestre sans violon, architecturale et tellurique), "Al Largo" (2010, pour orchestre, paysagiste dramatique), "Souvenir" (2010, pour grand ensemble, en hommage à Gérard Grisey, polarisé et errant), "Tempus Fugit" (2017, pour orchestre, cérémonial post-moderne). | Finlande |
Lutoslawski | 1913 | 1994 | Witold Roman Lutoslawski [1913, Pologne (Varsovie) - 1994, Pologne (Varsovie), décédé à 81 ans] (prononcer «loutosouavski», le 2ème 'l' étant barré en Polonais) étudie d'abord au Conservatoire de Varsovie avec Witold Maliszewski, un ancien élève de Nikolaï Rimski-Korsakov et un conservateur notoire (1932-1936) ; les révélations vécues par le "Sacre" de Stravinsky et la 3ème Symphonie de Szymanowski déterminent ses premières orientations, mais sa première partition, la Symphonie n°1, créée avec retard après la guerre (1948), est accusée de «formalisme» et elle est interdite sous Staline ; en 1939, au moment où il s'apprête à partir étudier auprès de Nadia Boulanger en France, la guerre éclate, il est fait prisonnier, mais il s'évade ; les années 45-55 correspondent à un repli pour raison financière après son mariage à une musicienne (pièces alimentaires) ; il faut attendre le début de la détente des relations internationales entre l'Est et l'Ouest (après les révoltes d'Octobre 1956) pour que son style trouve sa vraie dimension personnelle et que ses compositions, qu'il dirige lui-même, s'exportent et connaissent la notoriété et les honneurs ("Musique Funèbre", 1958) ; même s'il a bénéficié progressivement d'un statut favorable, de nombreuses pièces -mineures- d'avant 1967 sont marquées par l'allégeance au régime politique en place (d'abord selon les canons folkloristes, comme "Little Suite" en 1951, puis à partir de 1963, de la musique légère pour cabarets, sous le pseudonyme de Derwid) ; curieusement, c'est l'audition à la Radio Polonaise du "Concerto de Piano" de John Cage qui l'a poussé vers l'aléatoire à la fin des années 50 (mais sans provocation et sans jeu de hasard, et à dose raisonnée) ; sa personnalité est modeste, délicate (intimiste), affable (souple) et généreuse, perfectionniste (longue gestation des grandes pièces), hors aventurisme (mais ouverte et mobile, tentée par l'expérience moderniste contrôlée), et aussi plutôt pessimiste ; sur le plan affectif, il a été choqué à l'âge de 4 ans par l'emprisonnement puis l'exécution par les Soviets (1917) de son père et de son oncle, activistes politiques réfugiés à Moscou pendant la 1ère Guerre Mondiale... Premières œuvres significatives (la plupart des pièces d'avant guerre ont été détruites lors d'un incendie à Varsovie à l'occasion de la libération de 1944): "Variations sur un Thème de Paganini" (1941, sur le 24ème Caprice, influencées par Szymanowski), Symphonie n°1 (1941-1948, néoclassique, avec folklorisme). Instruments pratiqués : piano, violon, orchestre (en tant que chef). | Progressiste-National. Witold Lutoslawski est un compositeur au langage personnel et cohérent, un musicien essentiel et le plus important contemporain de Pologne ; son langage, à l'opposé de tout système, dans la continuité de la tradition, ne dédaigne pas une dimension raisonnée de modernité (clusters, quarts de ton, dodécaphonisme), voire des expériences avec l'œuvre ouverte (mais, à l'instar de Boulez, il croit seulement en l'aléatoire contrôlé) ; pour lui, le début d'une œuvre est une préparation à une expérience fondamentale (en un seul bloc) placée à la fin, avec entre les deux, une série d'épisodes, enchaînés ou non (après le milieu des années 60, sa construction stylistique est bipartite, c'est-à-dire en 2 parties contrastées, type thèse-antithèse, et, à la fin de sa vie, elle mute en chaînes avec 2 fils-thèmes et des nœuds de liaison) ; son style est marqué par la couleur (plutôt sombre), par les constants changements (caprices), par les rythmes (souvent ritualisés), selon une mélodie «expansive», à forte dominante tonale (total chromatisme), voire folklorique, avec recours limité au dodécaphonisme (et encore plus rarement sériel) ; outre ses instruments de prédilection (le piano, le violon et les bois), il a aussi beaucoup composé pour la voix (avec des poèmes Polonais ou Français dans une approche fusionnelle avec les instruments) ; le succès public aidant, ses œuvres de la dernière période après 1968, bien que touchant la plénitude de l'expérience (et un réel plaisir auditif), sont plus attendues… Pièces emblématiques (sur un catalogue de plus de 100, cohérent et régulier) : Concerto "pour Orchestre" (1950-1954, Bartókien, un tube folklorisant), "Musique Funèbre" (1958, librement sérielle, surtout chromatique, pour ensemble de cordes), "Jeux Vénitiens" (1961, pour orchestre de chambre, œuvre ouverte pour les tempi seulement), "Trois Postludes" (1963-1965, pour grand orchestre, non écoutés en concert), "Trois Poèmes d'Henri Michaux" (1963, pour chœur mixte de voix solistes et grand ensemble sans cordes, une pièce noire et violente, avec un tube au 3ème mouvement), Quatuor à cordes (1964, aléatoire, avec de furieux effets de timbres), "Paroles Tissées" (1965, pour ténor et orchestre, surexpressive, tramée, en arche), Symphonie n°2 (1967, une pièce puissante et généreuse, en 2 mouvements opposés), "Livre pour orchestre" (1968, avec un final superlatif), Concerto pour violoncelle (1970, lyrique avec nombreux quart-de-tons), "Préludes et Fugue" (1972, pour 17 cordes, contrapuntiques, une pièce ouverte avec 7 préludes et une longue fugue à 6 sections), "Les Espaces du Sommeil" (1975, pour baryton et orchestre), "Mi-parti" (1976, pour orchestre, aléatoire, non écouté en concert), Symphonie n°3 (1983, en 2 mouvements question-réponse, rythmiquement la plus ambitieuse des 4), "Chaînes 1, 2, 3" (1983, pour petit ensemble, 1986, pour violon et orchestre, 1986, pour orchestre, tous 3 dialogues brillants), Concerto pour piano (1988, romantique, non écouté en concert), "Interlude" (1990, pour grand ensemble, scintillant et doux), "Partita" (1990, pour violon et orchestre de chambre, éthérée), "Chantefleurs et Chantefables" (1991, pour soprano et orchestre, non écoutés en concert), Symphonie n°4 (1993, pacifiée et mystérieuse, moins essentielle). | Pologne |
Machover | 1953 | 70 ans | Tod Machover [1953, USA (New York) - ] (prononcer «makowveur) étudie à la Juilliard School avec Elliott Carter et Roger Sessions, travaille à l'Ircam de 1978 à 1985 comme responsable du département de recherche musicale, puis au MIT à Cambridge, où il est professeur associé de «Music and Media» et directeur du «Experimental Media Facility» (avec une seule parenthèse comme professeur de composition à Londres, en 2006) ; il est l'inventeur du progiciel Hyperscore (pour les jeunes, dans le cadre de son projet "Toy Symphony") et co-fondateur de la société Harmony Line de Boston, dédiée au développement d'outils musicaux nouveaux, par le biais de l'informatique... Première œuvre significative : "Light" (ensemble et électronique, 1979). Instrument pratiqué : violoncelle, orchestre (comme chef). | Moderniste-Technologique. Tod Machover est un compositeur passionné par les techniques nouvelles (informatique, électroacoustique), en utilisant des instruments amplifiés (appelés hyperinstruments, créés en 1986), voire appareillés pour l'électronique live (la presse US le positionne comme «America's Most Wired Composer», c'est-à-dire le plus branché) ; aux USA, il est réputé pour ses opéras multimédias, notamment sur des thèmes technologiques ou de science fiction (quasiment jamais mis en scène en France)… Pièces emblématiques : "Fusione Fugace" (1982, première œuvre pour électronique live solo), "Desires" (1989, orchestre), "Valis" (opéra, avec ordinateur 4X, d'après Philip K. Dick), "Hyperstring Trilogy" [comprenant "Begin again again" (1991, pour hypervioloncelle), "Song of Penance (1992, pour hyperalto), "For Ever and Ever" (1993, pour hyperviolon)] (1991-1996, pour hyperinstruments, électronique et orchestre de chambre), "Brain Opera" (opéra interactif, 1996, avec des robots comme personnages, non écouté en concert), "Resurrection" (opéra, d'après Tolstoi, 1999, non écouté en concert), "Toy Symphony" (2003, pour hyperviolon, chœur d'enfants, instruments jouets et orchestre, non écouté), "Jeux Deux" (2005, pour hyperpiano et orchestre), "Death and the Powers" (2008, opéra, non écouté), "Skellig" (2008, opéra, non écouté en concert), "Restructures" (2015, pour 2 pianos et électronique, hommage à Pierre Boulez, non écouté). | USA |
Maderna | 1920 | 1973 | Bruno Maderna [1920, Italie (Venise) - 1973, Allemagne (Darmstadt), décédé à 53 ans, lors de répétitions du "Pelleas" de Debussy] étudie la composition avec Bustini au Conservatoire de Rome, puis avec Gian-Francesco Malipiero à Venise, et la direction d'orchestre avec Guarnieri à Sienne ; mais la rencontre déterminante a lieu en 1948 avec le chef d'orchestre Hermann Scherchen qui l'initie au dodécaphonisme et le pousse vers Darmstadt, dont il est un des premiers moteurs en tant que chef, créateur, inspirateur, dès le début des années 1950 ; il poursuit inlassablement tous ces rôles aussi à Milan et Tanglewood aux USA ; en 1955, il co-fonde, avec Luciano Berio, le Studio de phonologie de la RAI de Milan (musique électronique) ; sa vie est marquée par la suractivité et l'engagement (y compris politique), avec pour conséquence une usure physique (obésité) et psychique (angoisse) qu'il paie par une disparition précoce (selon Luigi Nono, également communiste), en parallèle à un cancer bronchique diagnostiqué au moment des répétitions de "Satyricon", quelques mois avant sa mort... Première œuvre significative : "Fantasia" (1948, pour 2 pianos). Instrument pratiqué : violon (soliste, jeune), chef d'orchestre (international). | Moderniste-Sériel. Bruno Maderna est un compositeur aujourd'hui sous-estimé (assimilé à tort au sérialisme strict) ; en fait, sa musique est pétrie d'une grande liberté (librement post-Sérielle), d'une émotion sincère, et d'une généreuse expressivité, et son style suit l'avant-garde de l'époque, sans théorisation (sériel libéré, électronique, puis aléatoire), avec un sens affirmé du consensus ; son style est largement sériel ou post-sériel, mais sa musique s'en différencie par un côté sensuel affirmé… Pièces emblématiques (sur un total de plus de 120, inégal) : "Quartetto per Archi in due Tempi" (1955, pour quatuor à cordes, une pièce majeure du sérialisme), Concerto pour flûte (1954, une pièce sérielle, difficile d'accès), Concerto pour piano (1960, l'une des premières œuvres avec électronique intégrée), Concertos pour hautbois (n°1, 1962, nocturne; n°2, 1967, acrobatique, innovant pour l'instrument ; n°3, 1973, son dernier opus, nocturne, les plus célèbres de ses nombreux concerti, notamment le second, ambitieux, un vrai labyrinthe), "Hyperion" (1964, opéra de chambre), "Widmung" (1967, pour violon seul, rêveur), Concerto pour violon (1969, avec une longue intro sans soliste), "Quadrivium" (1969, 4 percussionnistes et 4 ensembles, en puzzle), "Biogramma" (1972, pour grand orchestre), "Aura" (1972, pour grand orchestre, onirique), "Satyricon" (1973, opéra-montage-collage aléatoire, en un acte, en partie inachevé, avec bande magnétique, serein, d'après Pétrone, mais sans similitude avec Fellini). | Italie |
Manoury | 1952 | 72 ans | Philippe Manoury [1952, France (Tulle, Corrèze) - ] suit le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire de Paris, et aussi E.N.M.), avec Gérard Condé, Max Deutsch, Michel Philippot et Ivo Malec, pour l'harmonie et la composition, puis un stage avec Pierre Barbaud de musique assistée par ordinateur ; après un séjour de 3 ans au Brésil, il entre à l'Ircam en 1981, comme chercheur invité, et s'y maintient peu ou prou (avec en parallèle, l'enseignement au Conservatoire de Lyon entre 1987 et 1997) jusqu'en 2004, année d'émigration aux USA (en tant que professeur de composition à San Diego, Californie) ; en 2012, il se rapatrie en France avec sa nomination comme professeur au Conservatoire de Strasbourg ; le personnage a un tempérament affirmé, un rien cabochard, et une liberté de parole revendiquée (ce qui lui a joué des tours), il paraît rationnel (mais il est en fait davantage instinctif et intuitif) avec un fort côté extraverti (peu organisé) et une intention visionnaire (sur les fondements des choses, des hommes), ce qui l'amène à s'engager sur beaucoup de sujets (y compris dans un blog à une époque). Site Internet : www.philippemanoury.com... Premières œuvres significatives : "Cryptophonos" (1974, pour piano). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Synthétique (tendance électroacoustique). Philippe Manoury est un compositeur établi, au catalogue marqué par la recherche de la reconnaissance, prolifique (plusieurs opéras créés institutionnellement) ; il est l'un des premiers compositeurs, après Pierre Boulez (quasi en même temps), à utiliser l'informatique musicale (alors, à l'Ircam, avec la machine 4X) et s'est pleinement investi, avec succès, notamment pour le cycle "Sonus ex machina" dans l'électronique live (en temps réel) ; son style est dense, moderne (synthétique du post-sériel et du son polarisé) sans excès, mais sans esprit de retour forcé à la consonance, architecturé sans épanchement émotionnel (contenu, presque contraint) et sans facilité, marqué par un continuum sonore (fluidité) : il semble parfois y manquer une dimension d'originalité, d'exigence (critiques de remplissage, au début des années 2000) et de tempérament (au contraire du personnage), indispensable aux grands artistes créateurs, mais jamais manquer d'inspiration, ni d'intelligence, ni de geste théâtral (même en dehors de ses opéras) ; depuis son émigration aux USA en 2004, sa faconde et inspiration compositionnelle ont pris un nouvel essor prometteur qui s'est maintenu quand il est revenu dans son pays… Pièces emblématiques (sur un total d'une d'environ 90 en 2021, hétérogène, souvent remaniées): "Zeitlauf" (1982, pour chœur mixte, ensemble instrumental, synthétiseurs et bande magnétique), "Aleph" (1987, pour 4 voix et orchestre), "Jupiter" (1988, pour flûte et électronique en direct, modifiée en 1992), "La Partition du Ciel et de l'Enfer" (1989), "En Écho" (1993, pour soprano et ordinateur, évoquant le corps nu féminin), "Passacaille pour Tokyo" (1994, pour piano et 17 instruments), "60ème Parallèle" (1997, opéra huis-clos, sur un livret intriguant et énigmatique, concentré sur l'attente obsédante et le temps indéfini), "Sound and Fury" (1999, pour orchestre, véhément, d'allure Boulézienne), "K" (2001, opéra multimédia, sur l'oppression), "Partita I" (2006, pour alto et électronique en temps réel, une longue ascèse), "Abgrund" (2007, pour orchestre, d'une écriture foisonnante), "Tensio" (2010, pour quatuor à cordes et électronique live, un jeu de rebonds et de traces, avec effets de toupie), "Synapse", concerto pour violon et orchestre (2010, enchevêtré et serré), "B-Partita" (2016, pour violon, ensemble de 12 musiciens et électronique-live, tissée). | France |
Mantovani | 1974 | 50 ans | Bruno Mantovani [1974, France (Châtillon, près de Paris) - ] (prononcer «montovani», la 1er syllabe à mi-chemin du 'a' et du 'o'), d'ascendance Italienne et Espagnole, débute adolescent par le Jazz au conservatoire de Perpignan, puis suit, à partir de 1993, le cursus classique du compositeur en France (Conservatoire national de Paris), avec Rémi Stricker et Guy Reibel, pour la composition ; il obtient 5 premiers prix (analyse, esthétique, orchestration, composition, histoire de la musique), puis participe à la session de composition de l'abbaye de Royaumont en 1995 (auprès de Brian Ferneyhough et de Michael Jarrell), à l'université de Rouen (maîtrise de musicologie en 1996), et à l'Ircam (informatique musicale en 1998-1999) ; il est en résidence à Bologne (Italie, Villa Médicis) en 2004-2005, au festival de Besançon lors de ses éditions de 2006 et 2007, compositeur en résidence à l'Orchestre National de Lille en 2008-2011, et auprès de l'orchestre du Capitole de Toulouse à partir de 2011 ; en Août 2010, il est nommé comme directeur du Conservatoire national de Paris (CNSMDP), à la Villette, puis après une courte traversée du désert due à des dérapages verbaux (hashtag-me-too), il devient mi-2021 directeur musical du Festival "Printemps des Arts" de Monaco ; le personnage fait preuve d'un caractère haut en couleur (franc-parler, belle fourchette, amateur de vins), sait se jouer des réseaux (empathie-générosité, sens de la communication, vraie ambition), tout en restant d'une farouche sensibilité (parfois colérique). Site Internet : www.brunomantovani.com... Première œuvre significative : "L'Incandescence de la Bruine" (1997, pour saxophone soprano et piano). Instruments pratiqués : piano, percussions, orchestre (en tant que chef, depuis 2007). | Moderniste-Synthétique (tendance post-moderniste). Bruno Mantovani est un compositeur prolifique, dont la musique est éclectique et proliférante avec un tropisme particulier pour le Jazz moderne (Steve Coleman), l'improvisation (plus apparente que réelle), en sus des langages musicaux passés (Stravinsky, Bartok, y compris Schönberg-Boulez ou plus récemment, avec admiration, Peter Eötvös) ; son style est revendiqué comme post-moderne tout en clamant paradoxalement une influence-admiration Boulézienne (il s'agit davantage de provocation, car il s'apparente aux synthétiques qui manient à la fois le vocabulaire post-sériel et l'héritage du début du 20ème siècle) : il est marqué par la fluidité de l'écoute (fausse discontinuité), la fantaisie (fausse spontanéité), l'accessibilité (sans facilité) et le mélange des genres (spiritualité-matérialisme, modernisme-passéisme, structuration-éclatement, microtonalité-résonance, clés compositionnelles en creux) comme autant de clins d'oeil ; sa musique a un fort côté persuasif (par insistance), énergique (mais curieusement pas énergisante), rythmique (Debussyste et surtout Stravinskyen), complexe (par verticalité, par blocs, par contrastes, tout en restant lisible, clair), construit (élaboré, au sens rationnel Français), avec un métier compositionnel avéré (et le risque d'en rester là) ; vu son encore jeune âge (probablement), elle est impatiente, nerveuse-tendue, mais son originalité n'a pas encore complètement quitté le moule académique (ou démonstratif) ; au plan humain, c'est un bon vivant, ce qui se traduit par une musique qui a du charnu et ne masque pas son plaisir (ni son désir de plaire, tout en restant savante et sans grande concession, au moins à ses débuts, car aujourd'hui la patine pro et trop de commandes ont émoussé l'inspiration, la personnalité et l'ambition musicale) ; il est capable (et l'a montré) de composer facilement à peu près n'importe quoi, "à la manière de", avec goût et sans vulgarité et certains regrettent que ces dons ne soient pas mieux employés… Pièces emblématiques (sur un catalogue de déjà plus de 70, inégal) : "Turbulences" (1998, pour 12 musiciens), "La Morte Meditata" (2000, pour mezzo-soprano et ensemble), "D'un Rêve Parti" (2000, pour sextuor, non écouté en concert), "Le Sette Chiese" [Les sept Églises] (2002, pour grand ensemble, nerveuse tout en ostinatos obsessionnels), "Mit Ausdruck" (2003, pour clarinette et orchestre), "L'Autre Côté" (2006, opéra théâtre, non visionné, moins convaincant), "Streets" (2006, pour ensemble, avec frénésie et défilement accéléré, au climat urbain), Cantate n°1 (2006, sur des poèmes de Rilke, pour ensemble de chambre et 6 voix, brillamment fascinante), Concerto pour 2 altos et orchestre (2009, brillamment vertigineux et professionnel), Quintette à Cordes (2013, ardent et vibrant), "Abstract" (2018, pour violoncelle et orchestre, un poème chorégraphique contrasté-cut). | France |
Maratka | 1972 | 52 ans | Krystof Maratka [1972, Tchéquie (Prague) - ] est un compositeur Tchèque encore jeune (vivant à la fois à Prague et à Paris), expressionniste, héritier de Schoenberg et de l'école Nationale ; il étudie la musique (piano) et la composition au Conservatoire de Prague, avec Bohuslav Rehor et Petr Eben, puis à Paris avec le pianiste Jean-Claude Pennetier (1994) ; son passage à l'Ircam pour le cursus d'informatique musicale, en 1999, a avorté (il ne semble pas intéressé par l'informatique musicale) ; il est davantage attiré par le monde de l'imaginaire et de l'étrange (et par sa théâtralisation) et il est un féru de littérature (plutôt expressionniste ou absurde avec un fort tropisme avec son compatriote Franz Kafka) ; le personnage, qui parle couramment Français, est farouchement indépendant (sa musique hors des sentiers battus du «mainstream» y contribue), réservé et intériorisé, qui ose et sûr d'avoir raison. Site Internet : krystofmaratka.com/fr/... Première œuvre significative : "L'Incandescence de la Bruine" (1997, pour saxophone soprano et piano). Instruments pratiqués : piano, orchestre (en tant que chef). | Moderniste-Synthétique. Krystof Maratka est un compositeur peu prolifique qui est surtout reconnu pour une trilogie inspirée par la préhistoire ; l'héritage et les origines (culturels) sont des questions qui l'attirent ; sa musique a un côté obsessionel avec davantage de rêves, de contemplation et de souvenirs ; elle intègre sur un fond tonal, dissonant, mais aussi microtonal, traditon folklorisante et elle utlise en quantité les instruments de l'Europe de l'Est et de l'Orient … Pièces emblématiques (sur un catalogue limité de plus de 30 en 2022, d'une belle cohérence personnelle) : "Luminarium" (2002, pour clarinette et orchestre, endiablé), "Astrophonia" (2002, concerto pour alto, méditatif), "Otisk [Empreinte]" (2004, pour orchestre), "Zverorha [Jeux de Bêtes]" (2008, pour soprano et orchestre), "Vabeni" (2011, pour chœur mixte et orchestre, avec cris, onomatopées, borborygmes, claquements de mains), Concerto pour piano et septuor instrumental (2014, le plus accompli à ce jour), "Sanctuaries - In the Depths of Cave Paintings [Sanctuaires, dans les Profondeurs des Peintures des Cavernes]" (2024, pour violon et orchestre, mystérieux, élégiaque). | Tchèquie |
Maresz | 1966 | 58 ans | Yan Maresz [1966, France (Monaco) - ] (prononcer «marèche») étudie d'abord le piano et la percussion à l'Académie de Monte-Carlo, et la guitare en autodidacte ; aux USA, en 1983, il devient étudiant du guitariste de Jazz, John Mc Laughlin, et son arrangeur, puis étudie le Jazz au Berklee College of Music de Boston et la composition à la Juilliard School de New York (en 1986) avant de devenir professeur assistant à Juilliard (1990 à 1992) ; en 1993, il revient en France pour s'engager dans l'informatique musicale à l'Ircam (avec Tristan Murail) ; de 1995 à 1997, il est pensionnaire à la Villa Medicis de Rome, et en 2004, il est lauréat de la résidence de l'Europaïsches Kolleg der Künste de Berlin ; il donne également des master classes en Europe et à l'Ircam où il poursuit un travail de recherche sur l'orchestration et travaille régulièrement comme professeur invité et conférencier ; il est compositeur en résidence au conservatoire de Strasbourg (2003 - 2004) et professeur invité à l'université McGill à Montréal (2004 - 2005) ; depuis 2006, il enseigne la composition à l'Ircam ainsi que l'électro-acoustique et l'orchestration au Conservatoire de Paris (à la Villette) ; en 2011, il travaille à l'Ircam à un projet collaboratif de conception d'un nouveau logiciel de composition assistée par ordinateur ; en 2023, il est en résidence à la Haute Ecole de Musique de Lausanne (Suisse) ; il a affirmé à plusieurs reprises ne pas ressentir de tropisme pour le genre opéra ; le personnage est pressé, volontaire, exigeant et d'une belle acuité intellectuelle, sous des dehors affables, distingués. Site Internet : http://www.yanmaresz.com... Première œuvre significative : "Mosaïques" (1992-1994, pour petit orchestre, une belle arborescence enchevêtrée). Instrument pratiqué : piano, percussions, guitare. | Moderniste-Polyrythmique. Yan Maresz est un compositeur prometteur, à la fois moderniste et synthétique d'influences très diverses (le Jazz surtout, mais aussi le rock, le flamenco, le blues et la musique Indienne), tardivement venu à la Musique Contemporaine ; son style est personnel (assez hédoniste, plutôt énergique), polyrythmique, et facilement identifiable par à la fois les consonances métalliques et le dynamisme interne (avancement presque motorique, force du mouvement, contrôle du temps) ; il est l'un des rares compositeurs de sa génération à avoir trouvé une esthétique qui lui est propre sans délaisser la modernité (au niveau du langage) et aussi à avoir trouvé des combinaisons instrumentales au rythme et à la sonorité incomparables (en ce sens, son expérience de la guitare a été un atout essentiel d'abord pour les instruments à cordes pincées, ensuite pour les percussions douces comme le cymbalum, et de même pour le jazz et les instruments métalliques) ; plus récemment, il a innové dans le domaine de l'électronique en direct (capteurs d'augmentation)… Pièces emblématiques (sur un catalogue très limité) : "Metallics" (1995, pour trompette solo et électronique live, envoûtant), "Entrelacs" (1999, pour 6 musiciens, un savant puzzle), "Festin" (1999, pour 12 percussions, allègre), "Metal Extensions" (2001, pour trompette spatialisée et ensemble, exploration escarpée), "Sul Segno" (2004, pour ensemble de chambre, un must d'originalité), "Silhouette" (2006, pour ensemble à cordes de 23 musiciens, léger et subtil), "Répliques" (2016, pour harpe amplfoée avec électronique live et grand orchestre, un rêve cristallin en apesanteur). | France |
Martin | 1959 | 65 ans | Laurent Martin [1974, France (Châtillon, près de Paris) - ] étudie au Conservatoire de Paris à la fin des années 1980, avec Alain Bancquart, Betsy Jolas, Michel Philippot et Gérard Grisey ; il multiplie ensuite les résidences d'artiste à l'étranger, et il est lauréat de la Villa Médicis à Rome (1992-1993), de la Casa de Velazquez à Madrid (1997-1998) et de la Villa Kujoyama (2002) à Kyoto, au Japon ; malheureusement sur Internet, il est desservi par de nombreux exacts homonymes dont un pianiste concertiste ; le personnage est complexe, entier et farouche, sérieux, patient, à la communication claire et construite si préparée, est, semble-t-il, un vrai timide (raisonné), discret, et privilégie sa vie de famille à la visibilité Parisianiste ; il est par ailleurs directeur du Conservatoire de Saint-Cloud (en région Parisienne), depuis 2006 ; il est dommage qu'il ne reçoive pas davantage de commandes publiques depuis les dernières années. Site Internet : www.laurent-martin.fr... Première œuvre significative : "Trapèzes" (1991, pour 12 instruments, en désequilibres). Instruments pratiqués : piano, percussions, orchestre (en tant que chef, depuis 2007). | Moderniste-Synthétique (tendance microtonale). Laurent Martin est un compositeur Français, aujourd'hui à part, coloriste par la micro-tonalité ; il s'est fait connaître au cours des années 1990 par une série de pièces maîtresses post-spectrales (avec force utilisation de quarts et de tiers de tons), comme "Stentor", "Sextuor" et "Tranquillo Barbaro" ; il manie avec art l'étagement des pupitres dans les petites formations et il affectionne les sons exotiques ; une des clés de sa musique est le traitement des instruments avec vocalité ce qui crée un vrai lyrisme (même si dissonances) et une inhabituelle et subtile osmose quand les instruments sont associés à la voix, visant l'aphorisme et l'épure… Pièces emblématiques (sur un catalogue trop limité par suite d'obligations professionelles, semble-t-il arrêté après 2010) : "Tranquillo Barbaro" (1993, pour 10 instruments), "Stentor" (1998, pour cor en Fa non concertant et 12 instruments, moiré), "Trois poèmes de Alberto Caeiro" (1999, pour baryton et ensemble), "Légendes" (2006, concerto pour violon, 8 voix solistes, ensemble et électronique, entrelacé), Trio (2008, pour violon, clarinette et piano), "Iris" (2010, soprano et 10 musiciens, subtil). | France |
Messiaen | 1908 | 1992 | Olivier Messiaen [1908, France (Avignon) - 1992, France (Clichy, près Paris), décédé à 83 ans] (prononcer «méssian») suit le cursus classique du Conservatoire de Paris (contrepoint et fugue, accompagnement au piano, orgue et improvisation, histoire de la musique, composition instrument) ; en 1936, découvrant l'originalité de la musique d'André Jolivet, il fonde avec lui, Yves Baudrier et Jean-Yves Daniel-Lesur, le groupe «Jeune France», pour promouvoir la musique nouvelle (interrompu par la Guerre : il est prisonnier de guerre à Görlitz de 1940 à 1942) ; dès 1947, il devient professeur au Conservatoire de Paris d'une classe d'analyse et d'esthétique musicale, créée spécialement, fréquentée par toute l'avant-garde Européenne (Pierre Boulez, Iannis Xenakis, Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen, Jean Barraqué, pour leurs débuts, souvent en tant qu'auditeurs libres...) dont il est un porte drapeau (la création des "Trois petites Liturgies" en 1945 est un scandale) ; après une panne créatrice à la fin des années 50, il approfondit et stabilise son style musical (chants d'oiseaux, religiosité) et s'engage résolument dans l'enseignement (notamment analyse et harmonie), jusqu'à sa retraite (1978) ; une dimension incontournable de l'homme est sa foi et son mysticisme, tout en sachant que par volonté (et aussi par méfiance et par incapacité d'assumer ses lourdes contradictions et un sens du caché), il a voulu accumuler les mystères (sur son personnage, sa jeunesse, ses valeurs autres que conformistes), les postures (paradigmatiques, y compris institutionnelles ou vestimentaires) ; et même si c'est anecdotique, l'esthétique qui le décrit, liée à son patronyme, messiaenique, et l'adjectif Français, messianique (qui a rapport au messie), donc à la foi, se rapprochent tellement qu'ils ont dû influencer sa psychologie ; une personnalité plus inquiète et plus prudente (trop) que la moyennne (y compris dans la vie quotidienne, mais sauf pour les questions musicales qui le voyaient alors s'enflammer) ; une autre donnée importante est l'influence déterminante de sa 2ème épouse, la pianiste Yvonne Loriod, sur sa création. Site Internet (par ses amis de La Meige) : http://www.festivalmessiaen.com... Premières œuvres significatives : son vrai opus n°1, "Huit Préludes" (1930, pour piano, encore très influencés par Debussy), "Les Offrandes oubliées" (1931, pour orchestre), "L'Ascension" (1935, pour orchestre, aussi pour orgue, plutôt majestueux et contemplatif), "Poème pour Mi" (1937, pour soprano et orchestre, aussi pour soprano et piano, comprendre : pour ma Mie). Instruments pratiqués : orgue, piano, ondes Martenot. | Moderniste-Modal (tendance rythmique). Olivier Messiaen est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine : il se passionne pour le plain-chant, les rythmes de l'Inde (dits non rétrogradables) et surtout pour les chants des oiseaux dont il entreprend la notation et le classement méthodique (mais sans être ornithologue, comme certains le voudraient : ses identifications se sont révélées souvent erronées, ce qui n'a aucune importance artistique) ; son langage musical est unique (quasiment dès les débuts), cohérent et fondé sur la couleur (harmoniste), sur la modalité (au-delà de Debussy et Moussorgski), et sur la répétition de petites cellules rythmiques ; il n'a pas été concerné fortement par la Musique Sérielle (une seule œuvre, plutôt théorique, mais très intéressante : "Mode de valeurs et d'intensités", extraite des "Quatre Études de Rythme" de 1950 pour piano solo, comme écho pédagogique aux préoccupations de son élève Pierre Boulez, et selon les spécialistes, à raison au moins à l'écoute, plus modale que sérielle) ; beaucoup des œuvres de Messiaen sont longues (autour d'une heure), ce qui avec leurs répétitions ont engagé ses détracteurs à le taxer de répétitif sans créativité (copies des chants d'oiseaux, automatismes) : ses interprètes récents ont pu montré que la couleur peut éclairer de manière changeante ces pseudo-répétitions, même s'il est vrai que son inspiration débridée du temps de la "Turangalîlâ Symphonie" et du "Quatuor pour la Fin du temps" s'est assagie en s'approfondissant (ces 2 œuvres peuvent aussi être vues comme des parenthèses, dans un processus cohérent, moins révolutionnaire) ; la musique de Messiaen est celle de l'instant, de la certitude motrice, presque décousue, en tout cas dont la construction ne saute pas aux oreilles, par bouts juxtaposés, et aussi, de la célébration (aussi bien grandiloquente qu'intime)... Pièces emblématiques : "Quatuor pour La Fin du Temps" (1941, 1945, synonyme de modernité contemporaine), "Trois petites Liturgies de la Présence divine" (1945, piano et orchestre, utilisant pour la première fois les rythmes non rétrogradables), "Vingt Regards sur l'Enfant Jésus" (1944, pour piano, un monument projectif durant de 2 heures), "Turangalîlâ" Symphonie (1946-1949, pour très grand orchestre, délire carnavalesque), "Livre d'Orgue" (1951, pour orgue), "Oiseaux exotiques" (1956, pour ensemble, percutant), "Catalogue d'Oiseaux" (1958, pour piano, magnétique par répétition), "Chronochromie" (1960, pour orchestre, coloriste), "Sept Haïkaï" (1963, pour piano et petit orchestre, d'influence Japonaise), "Et Expecto Resurrectionem Mortuorum" (1964, pour bois, cuivres et percussions métalliques), "Des Canyons aux Étoiles" (1974, pour orchestre, cosmique), "Saint-François d'Assise" (1983, Oratorio, dernier chef d'œuvre), "Éclairs sur l'Au-Delà" (1991, pour orchestre, très accessible, moins essentielle). | France |
Monnet | 1947 | 77 ans | Marc Monnet [1947, France (Paris) - ] étudie au Conservatoire national de Paris, mais il est surtout un des rares élèves de Mauricio Kagel, à la Musikhochschule de Cologne (Allemagne), sans en être son épigone ; il est pensionnaire de la Villa Médicis à Rome (1976-1978) ; en 1986, il fonde sa propre compagnie de théâtre «Caput mortuum», et compose loin des modes et des Institutions, jusqu'à sa nomination de directeur artistique du festival, le Printemps des Arts, de Monte Carlo (2002, et jusqu'à sa retraite mi-2021) ; à l'instar de Boulez (mais la comparaison s'arrête là), c'est un homme actif dans la Société (responsabilités, citoyenneté, acuité de l'analyse et du jugement, pluralisme envers les autres compositeurs) ; en tant qu'homme, Marc Monnet aime se placer ailleurs, pour surprendre (pas toujours) et aussi pour éviter d'être classé (timidité, coquetterie), de s'enfermer (intelligence, pondération, sérieux à la limite du sévère, anti-normes) ; c'est aussi un homme à femmes, et le seul compositeur contemporain qui clame son attachement à l'érotisme en musique (avec un zeste de provocation) ; à titre anecdotique (et humoristique), Marc Monnet et Tristan Murail sont nés exactement le même jour, mais sur le plan astral, probablement pas à la même heure, car leurs styles sont très différents. Site Internet : www.marcmonnet.com... Premières œuvres significatives : "Musique(s) en boîte(s) à retour..." (1978, pour voix de haute-contre, 2 pianos, 2 percussions, avec faux automatismes), "Boites en boite à musique à système" (1978, à la fois pseudo-mécanique, déglinguée et ludique). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Indépendant. Marc Monnet est un compositeur à part dans la Musique Contemporaine, un créateur farouchement indépendant et sans aucun doute un artiste exigeant et important (il ne se répète pas ou peu) ; sa musique, inclassable, imprévisible et inventive (jamais fade ou banale), hallucinée, grinçante ou exubérante (avec des cris, stridences, clusters, ou, à l'inverse des murmures intimes de la nuit), tragique ou ironique, souvent dynamique (urgente, véhémente) et rythmique (électrochocs, violence), est marquée par la théâtralité (pourtant, ses musiques de scènes sont rares, mais originales et pertinentes) et aussi par le chaos (mais apparent seulement, car dans une organisation très élaborée) ; elle reste exigeante pour l'auditeur (à la fois déroutante, décalée et séduisante), avec une prédilection pour les registres extrêmes et des titres frappés par l'auto-dérision (ou l'enfantin ou le paradoxe) ; son catalogue affiche une grande affinité pour la musique de chambre (notamment, 10 quatuors, 3 trios), mais récemment il a produit des pièces surprenantes (et attractives) pour grand effectif et d'accès plus facile… Pièces emblématiques (dans un catalogue total d'environ 70, hétérogène tel un kaléidoscope, mais d'une grande qualité et originalité) : "Quatuor n°1, Les Ténèbres" (1985, pour quatuor à cordes, plein de silence et de nuit), "A Corps et à Cris" (1988, pour 3 interprètes vocalisateurs-acteurs et système MIDI), "Quatuor n°2, Close" (1994, pour quatuor à cordes, énigmatique et éperdu), "Bosse, Crâne rasé, Nez crochu" (2000, pour 2 pianos et ensemble avec électronique live), "Bibilolo" (2000, pour percussions électroniques, brillant jeu obsédant), "Fragments" (2006, opéra, non écouté), "Sans Mouvement, sans Monde" (2010, pour violoncelle et orchestre, mystérieux, divagant et boisé), "En Pièces" (2007 et 2010, 20 moments pour piano solo, en 2 livres, raffinés, illusionnistes ou éclatés), "Pour Orchestre, Violon et autres Machins" (2013, pour violon et orchestre, lyrique, chatoyant avec pistolets). | France |
Murail | 1947 | 77 ans | Tristan Murail [1947, France (Le Havre) - ] étudie tardivement (1967-1971) au Conservatoire de Paris, la composition avec Olivier Messiaen (après des études en sciences économiques, de langue Arabe classique et moderne et enfin, à l'Institut d'études politiques) ; entre 1971 et 1973, il est pensionnaire à la Villa Médicis à Rome, où il fait la connaissance déterminante de Giacinto Scelsi, avant d'être co-fondateur de l'Ensemble L'Itinéraire (en 1973) avec Roger Tessier, puis bien d'autres comme Hugues Dufourt, et surtout de construire les bases de la théorie de la Musique Spectrale, avec notamment Gérard Grisey et Michaël Levinas (mais pas Hugues Dufourt qui appartient à une autre esthétique) ; après s'y être converti après un stage dès 1980, il enseigne l'informatique musicale à l'Ircam, à partir de 1991, et depuis 1997, à l'Université Columbia de New York, où il s'est établi partiellement (jusqu'en 2010) ; depuis 2011, il est en retraite (notamment dans sa maison en Provence) et continue à composer ; depuis 2012, il a été nommé Professeur de composition à l'Université Mozarteum de Salzbourg ; son père, Gérard Murail (1925 - 2010), peintre, éditeur éclectique et journaliste, a eu une influence décisive sur ses goûts pour les peintures musicales et pour les innovations transverses, comme le multi-média ; un versant peu connu de sa destinée est son activité de (jeune) traducteur (il a traduit de l'Anglais le premier roman culte d'Anne Rice paru en France en 1978, «Entretien avec un Vampire») ; le personnage est typiquement calme, fin (secondaire), précis, un peu distant (au début) et organisé ; à titre anecdotique (et humoristique), Marc Monnet et Tristan Murail sont nés exactement le même jour, mais sur le plan astral, probablement pas à la même heure, car leurs styles sont très différents. Site Internet : www.tristanmurail.com... Premières œuvres significatives : "Couleur de Mer" (1969, encore dans le moule d'Olivier Messiaen), "Altitude 8000" (1970), "La Dérive des Continents" (1974, pour alto et cordes), et dans le cadre spectral, "Sables" (1975, pour orchestre). Instruments pratiqués : piano, ondes Martenot, orgues électroniques, synthétiseurs. | Moderniste-Spectral (tendance électroacoustique). Tristan Murail est un compositeur établi, un représentant emblématique et cohérent du courant spectral, auquel il a ajouté une facette électronique (par le traitement informatique) ; sa musique est raffinée, caractérisée par des couleurs successives (faussement impressionniste, plutôt symboliste), où le silence a peu de place (prédilection pour l'évolution continue, parallèlement mais très distinctement des Minimalistes, comme Steve Reich, jusqu'en 1992) et où l'informatique apporte de nouvelles colorations par réinjections en échos répétitifs ou déformées, par modulation en anneau (les spectres) et par modulation de fréquence (toujours comme un instrument supplémentaire de sons nouveaux, pas par la transformation en direct des instruments de musique) ; son style est caractérisé par la clarté, la fluidité, la labilité, la précision horlogère (faux flou) ; sa musique est allusive (elle décrit, par exemple la vague, le vent, les feuilles, le lac, les dunes, le sablier du temps, le soleil couchant, tout en restant formelle) ; elle est plutôt de nature intimiste (peu de grand orchestre), marquée par la poésie et l'imagination, l'émotion ne laissant pas de place au sentiment (notamment aucun opéra, peu de pièces avec voix) et peu à la mélodie même instrumentale ; plus récemment, après une période de synthèse de son langage et une évolution vers la discontinuité, son inspiration semble s'éroder et ses pièces se font plus rares et plus courtes (son intérêt dérive aussi vers l'image vidéo), jusqu'au nouveau souffle mêlant spectre, modernité et sons de synthèse, parallèlement à son installation aux USA, en 1997… Pièces emblématiques (sur un total d'environ 90 en 2022, généralement de haute volée, certaines un brin datées) : "Mémoire/Érosion" (1976, pour cor et 9 musiciens), "Territoires de l'Oubli" (1977, pour piano, avec un jeu subtil de résonances), "Treize Couleurs du Soleil couchant (1979, pour quintette et électronique, messiaenique), "Les Courants de l'Espace" (1979, pour ondes Martenot et petit orchestre), "Gondwana" (1980, pour orchestre), "Désintégrations" (1982, pour orchestre et électronique live, plaidoyer spectral d'un statisme erratique), "Time and again" (1985, pour orchestre), "Serendib" (1992, pour grand ensemble), "La Barque mystique" (1993, pour ensemble), "L'Esprit des Dunes" (1994, pour ensemble et bande, venté et granuleux), "Terre d'Ombre" (2004, pour orchestre et électronique, chatoyante), "Pour Adoucir le Cours du Temps" (2005, ensemble et électronique, horlogère), "Liber Figuralis" (2008, pour ensemble et électronique, à partir de la foudre d'un éclair orageux répété), "Un Sogno [Un Rêve]" (2014, pour ensemble et électronique, onirique bien sûr), "Portulan" (1999-2022, cycle de 9 pièces pour jusqu'à 8 musiciens, comme des voyages oniriques, encore partiel, pour un total visé de 10, puis 12 pièces). | France |
Nancarrow | 1912 | 1997 | Conlon Nancarrow [1912, USA (Texarkana, Arkansas) - 1997, Mexique (Mexico), décédé à 84 ans] est le fils d'un businessman Américain, maire de sa ville natale (Texarkana : 1927-1930) ; il étudie la trompette de jazz et la composition, d'abord au Conservatoire de Cincinnati (1929-1932), puis à Boston en privé, avec Nicolas Slominsky, Walter Piston, et Roger Sessions (1933 - 1936) ; épris de liberté, il prend part à la Guerre d'Espagne en 1937 (contre Franco, dans la brigade «Abraham Lincoln»), puis, 2 ans plus tard, de retour aux USA, il émigre à Mexico pour raisons politiques (socialistes... il est alors déchu de sa nationalité Américaine, et attend 1956 pour obtenir la nationalité Mexicaine) ; presque totalement inconnue jusqu'en 1982 (1ère tournée en Europe avec concerts de ses pièces enregistrées sur bande, faute d'intrument disponible), sa musique est considérée comme un jalon incontournable de la Musique Contemporaine (notamment encensée par György Ligeti) et aujourd'hui elle a même été aussi récupérée par le mouvement Punk ; selon lui, s'il était né plus tard, il se serait adonné à la musique électronique (mais il a approché cette forme avec le magnétophone, avec une seule bande disponible, et sa dernière pièce connue est pour piano mécanique préparé par ordinateur, de 1993). Site Internet (en Anglais, d'un compositeur musicologue, Kyle Gann, malheureusement non actualisé depuis 1997) : www.kylegann.com/index2.html, et en Allemand, d'un amateur musicologue, Jürgen Hocker, spécialisé sur le thème du piano mécanique, bien actualisé) : www.nancarrow.de... Première œuvre significative : "Blues" (1935, pour piano), "Prelude" (1935, pour piano). Instrument pratiqué : piano, trompette. | Inclassable-Isolé. Conlon Nancarrow est un cas à part : il a dédié sa vie et quasiment tout son travail compositionnel au pianola (piano pneumatique ou piano mécanique, un instrument conçu dès 1897, donc déjà désuet à son époque) et s'est exclusivement intéressé à l'étude du rythme, sous tous ses aspects et dans toutes ses conséquences (avec une forte touche jazzy, avec l'influence initiale d'Igor Stravinsky, de Henry Cowell (il a lu son livre intitulé «New Musical Resources», sur une nouvelle théorie du rythme en 1939), et de John Cage (il a écouté des pièces pour piano préparé en 1939), et avec les possibilités de vitesse d'exécution seules permises par un instrument mécanique et une partition sur papier poinçonné) ; son œuvre pianistique (injouable sur un instrument normal par un seul interprète) se caractérise par l'usage de nombreux mètres, leur superposition dans toutes les voix et leurs changements rapides (contrepoint), par des changements graduels et continus du tempo (ou des tempos superposés) dans ces mêmes voix, et par des agrégats horizontaux et verticaux (parfois nombreux) ; son écriture est comprimée (non étirée), à un point tel que l'écoute paraît difficilement tenable dans la durée (plus de 30 minutes) et qu'en pratique elle ne s'étend qu'en jets brefs (de quelques dizaines de secondes à quelques minutes)… Pièces emblématiques (sur un catalogue encore non stabilisé, Carlos Sandoval, son assistant, ayant découvert de nombreuses pièces non finalisées ou non assemblées, depuis 1990, qu'il a léguées à la Fondation Paul Sacher de Bâle) : "Toccata" (1938, pour violon et piano), "Sonatina" (1941, pour piano, vertigineuse) toutes deux sur instruments standards, mais déjà extrêmement difficiles d'exécution, Quatuor à cordes n°1 (1945) et n°3 (1988), et bien sûr les «51» "Studies for Player Piano" (tout au long de sa vie, depuis 1949, dont le nombre exact n'est pas finalisé, sachant que 68 rouleaux sans étiquette ont été découverts après sa mort). | Mexique |
Nono | 1924 | 1990 | Luigi Nono [1924, Italie (Venise) - 1990, Italie (Venise), décédé à 66 ans] étudie la composition avec Gian-Francesco Malipiero à Venise, puis (1946-1949) avec Bruno Maderna, de quelques années son aîné, qu'il fréquente fraternellement et qui lui fait rencontrer Hermann Scherchen (Vénitien germanophile) ; militant (partout, avec les musiciens, comme les ouviers), il s'engage politiquement dès 1952 (communisme radical, comme beaucoup d'artistes intellectuels... mais à la différence des autres, il le restera, en y ajoutant le tiers-mondisme) ; il épouse en 1954 la fille d'Arnold Schoenberg, Nuria ; marxiste constant, trahi par le temps et par l'Histoire, il reste un artiste engagé (il est l'une des chevilles ouvrières essentielles du mouvement de Darmstadt), et un artiste expérimental (entre 1980 et sa mort, il participe même à l'aventure électroacoustique de l'Experimental Studio à Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne). Site Internet (en Anglais) : http://www.luiginono.it... Premières œuvres significatives : "Variations canoniques" (sur la série de l'opus 41 de Schoenberg, pour orchestre, 1950, qui soulève un scandale lors de sa création à Darmstadt) et "Polifonica-Monodica-Ritmica" (sérialisme intégral, 1951). Instrument pratiqué : (?). | Moderniste-Sériel. Luigi Nono est d'abord un compositeur du chant (engagé), de la voix dans toute sa plénitude, notamment dans sa 2ème période créatrice, à partir de 1962 (après une 1ère période sérielle, plutôt théoricienne) ; la personnalité que l'Histoire retiendra est à la fois remplie de doutes, fragile, secrète, et capable d'une intransigeance dogmatique (pas seulement lors du sérialisme strict, dit pointilliste), d'une violence sauvage (y compris dans sa musique, à côté de passages doux, tellement pianissimi qu'ils sont à peine audibles) ; cette 2ème période est marquée par des recherches sur le son (et quasiment l'absence de son, par le silence) et sur l'électroacoustique ; au total, sa musique est exigeante, d'une grande pureté (parfois incandescente, mais plus souvent céleste), et d'une profonde expressivité poétique (stigmates, errances, élégies, ...), mais son langage musical se révèle moins révolutionnaire que ses écrits (c'est un vrai et fidèle héritier de Schoenberg-Webern) ; aujourd'hui ses partitions, même majeures, sont rarement jouées en France (la cantate scénique du "Grand Soleil", les cheminements ultimes titrés "Caminos", "Caminantes" et "Caminar", en triptyque) et il est bien difficile de savoir si c'est un oubli momentané avec l'inévitable détachement-banalisation du post-sérialisme ou si la dimension globale de son œuvre n'est pas encore complètement appréhendée (notamment vocale, dans une grande continuité et un accomplissement progressif sur 40 ans) pour en faire un des compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine… Pièces emblématiques (sur un total de près de 70, d'une grande cohérence) : "Liebeslied" (1954, pour chœur mixte et ensemble), "Il Canto Sospeso" (1956, pour soprano, alto, ténor, chœur mixte et orchestre, et des textes de résistants condamnés à morts), "Intolleranza" (1960, opéra de chambre), "Canciones a Guiomar" (1963, pour soprano, 6 voix de femmes et ensemble, non écouté en concert), "Ricorda cosa ti hanno fato in Auschwitz" (1965, pour voix et bande, non écouté), "A Floresta è Jovem de Vida" (1966, pour voix et bande, non écouté), "Contrappunto dialectico alla Mente" (1968, pour voix et bande, non écouté), "Como una Ola de Fuerza y Luz [Comme une Vague de Force et de Lumière]" (1972, pour soprano, piano, orchestre et bande), "Al gran Sole carico d'Amore [Au grand Soleil chargé d'Amour]" (1975 - 1978, opéra de chambre, sans action scénique, non écouté en concert, une fresque et une revisitation sévère du genre-opéra), "... Sofferte onde Serene... [Ondes de Souffrance, de Sérénité]" (1977, pour piano et bande, énigmatique), "Fragmente-Stille an Diotima [Fragments-Silences à Diotima]" (1980, quatuor à cordes), "Prometeo [Prométhée]" (1984, anti-opéra, tout piano lento), "No Hay Caminos, Hay que Caminar [Il n'y a Pas de Chemin, Il Faut Avancer]" (1987, pour 7 groupes instrumentaux, mystique, cataclysmique et effiloché), "Caminantes... Ayacucho [Voyageurs... Ayacucho]" (1987, pour contralto, flûte basse, orgue, 2 chœurs, orchestre en 3 groupes et électronique, colossal, un engagement politique, Ayacucho étant une région du Pérou en constante révolte), et "Hay que caminar, soñando [Il Faut Avancer, en Rêvant]" (1989, pour 2 violons, épuré chant du cygne), "La Lontananza Utopica Nostalgica Futura" (1988, pour violon solo et 8 bandes magnétiques, fascinant). | Italie |
Nunes | 1941 | 2012 | Emmanuel Nunes [1941, Portugal (Lisbonne) - 2012, Paris (France)] (prononcer «nounèss» à la Française ou «nounesssch» à la Portugaise) étudie à Lisbonne, de 1959 à 1963, l'harmonie, le contrepoint et la fugue à l'Académie de Musique, avec Francine Benoît (et parallèlement, de 1961 à 1963, la philosophie) ; puis il s'établit à Paris dès 1964 dans une démarche anti-dictature Salazariste (Paris qu'il ne quitte plus que par intermittence sauf à la fin de sa vie pour un retour à ses origines Portugaises) ; il voyage pour élargir son apprentissage compositionnel, d'abord à Darmstadt (1963-1965), avec Henri Pousseur et Pierre Boulez, puis à Cologne (1965 à 1967), avec Karlheinz Stockhausen et Jaap Spek (musique électronique), et séjourne à Paris (Conservatoire, en 1976-1977), puis à Berlin (DAAD, en 1978-1979), avant de se tourner vers l'enseignement (Harvard, Lisbonne), et d'habiter à Fribourg-en-Brisgau de 1986 à 1992, et Paris, depuis 1992, en tant que professeur de composition au Conservatoire de Paris, jusqu'à sa retraite en 2006 ; personnage éminemment sympathique et dynamique, sa vie a été irrémédiablement marquée-handicapée par une paralysie partielle (pour le profane, une polio, pour le médecin, une infirmité motrice cérébrale périnatale avec des troubles de motricité majeurs et des mouvements des membres involontaires), lui rendant les déplacements malaisés et l'élocution altérée ce qui a contribué à une forte muraille intérieure et à un combat permanent ; mais il a accompli ses activités publiques grâce à un courage et à une volonté exceptionnels, unanimement salués ; l'homme a maintenu toutes ses capacités cérébrales intactes, mais il est nerveux, tendu et d'une exigence exceptionnelle (envers lui-même, destruction de manuscrits, envers les exécutants pour le respect du texte), tout en ne versant pas dans la négation ou le repli (son sourire, certes en rictus, reste dans les mémoires)... Première œuvre significative (tardive, à 30 ans, la 1ère composée en 1965, "Degrés", pour trio à cordes, étant très influencée par les sériels) : "Litanies du Feu et de la Mer" (1971, pour piano), "Omens I et II" [Présages] (1972, pour ensemble de chambre). Instrument pratiqué : piano (péniblement). | Moderniste-Postsériel. Emmanuel Nunes est un compositeur établi qui a développé, à partir de l'héritage sériel (notamment de Henri Pousseur et de Karlheinz Stockhausen avec l'électroacoustique et la «forme momentanée» ou Momente Form), une recherche propre en matière de spatialisation et de temps réel (électronique live), 2 paramètres importants de son écriture (à partir de 1989 et jusqu'à sa mort, il travaille avec assiduité à l'Ircam) ; son style, singulier, rigoureux, affirmatif (certains disent impérieux) et exigeant pour l'auditeur (mais ni hermétique, ni hyper-dissonant), est signé par une esthétique propre de l'harmonie (plutôt sèche, voire rugueuse) et du timbre (plutôt resserré), souvent fondés sur des nombres déterminés de notes ou des chiffres (une magie intellectuelle, beaucoup de structure), par une poésie de l'intelligence, mais aussi du rêve et de la sensualité intériorisée ; sa musique paraît souvent segmentée (des pleins et des déliés au sein d'une figure en mouvement), avec des pulsations à la régularité cachée sur des trajectoires courtes et rapides, donnant une impression auditive de mouvance errante (accentuée par la spatialisation) ; il est l'un des rares compositeurs contemporains à avoir conservé une trajectoire homogène dans son esthétique (toujours moderniste, sans retour partiel à la sonorité, sans élargissement de l'accessibilité) et même ses pièces de la fin possèdent une sècheresse et un ascétisme accrus, peut-être après la déception du demi-échec de son opéra, si peu représenté ; sa musique, plutôt difficile d'accès, demande plusieurs écoutes (et des interprètes talentueux) pour révéler sa plénitude et ses ambitions… Pièces emblématiques (sur un total limité d'environ 60, en sachant que les nombres suivant les pièces ne correspondent pas à des séries comparables, mais à des étapes d'un cycle au nom parfois différent, et que souvent il a révisé ses pièces queqlques années après leur création, reflet de son exigence et de son insatisfaction personnelles): "Ruf" (1977, pour orchestre et bande), "Nachtmusik I" (1978, pour quintette avec ou sans électronique, à l'ambiance unique mélancolique-nostalgique), "Chessed I-IV" (pour quatuor ou 4 ensembles, avec ou sans orchestre, I, 1979, II, 1979, III, 1991, IV, 1994), le cycle des "Einspielung" pour instrument solo (I, 1979, pour violon, II, 1980, pour violoncelle, III, 1981, pour alto, I-bis, 2011, pour violon avec électronique), "Tif'Ereth" (1985, pour 6 instruments solistes et 6 groupes orchestraux, 80 minutes, non écoutée en concert), "Aura" (1991, pour flûte seule, vertigineuse par ses jeux harmoniques), "Quodlibet" (1991, opéra de chambre spatialisé, paysagiste), "Machina Mundi" (1991, pour 4 instruments solistes, chœur, orchestre et bande magnétique), le cycle des "Lichtung" (pour ensemble variable avec dispositif électroacoustique, I, 1992, II, 2000, III, 2007), "Das Märchen" (2008, opéra inspiré du «Serpent Vert» de Goethe, non écouté en concert, avec 2 extraits en 2004 et 2006, pour ensembles, "Epures du Serpent I et II" et surtout, en 2007, un développement spécifique pour 3 altos indépendants ou avec re-recording, "La Main noire", ludique et stupéfiant). | Portugal |
Ohana | 1913 | 1992 | Maurice Ohana [1913, France (Casablanca, alors en Protectorat Français) - 1992, France (Paris), décédé à 79 ans] est d'abord initié par sa mère (Anglaise de Gibraltar) au «cante jondo» Espagnol et aux improvisations des musiciens berbères au Maroc, avant d'entamer une formation musicale à Barcelone (1927-1931), puis à Paris avec Jean-Yves Daniel-Lesur pour le contrepoint et l'harmonie (tout en étudiant l'architecture) ; sa mère, d'origine Juive Sépharade Andalouse, son père, natif de Gibraltar et donc citoyen Britannique, et sa nourrice Gitane, lui apportent esprit et culture farouchement indépendants, voire provocateurs ou déconcertants (avec humour, il écrit son nom à l'Irlandaise : O'Hana, il joue avec son année de naissance, 1914 au lieu de 13 qui porte malheur) ; avant la guerre, il est pianiste concertiste (au Pays Basque, où il réside avec sa famille) ; entre 1939 et 1945, il est au front sous l'uniforme Britannique (Afrique, Égypte, Italie, résistance Française) ; il se retrouve, en 1944, à Rome, où il devient l'élève et l'ami du compositeur Alfredo Casella et découvre la jeune école Italienne ; en 1947, fixé à Paris, il a formé un éphémère groupe, baptisé Zodiaque, contre toute tyrannie esthétique (notamment, le supposé dogmatisme de l'école sérielle) ; ce n'est qu'à la quarantaine qu'il décide de se consacrer entièrement à la composition ; à la fin de sa vie, il quitte Paris pour s'installer à Carnac en Bretagne ; le personnage est farouchement libre (quasi libertaire) et indépendant, métissé de cultures très diverses (en premier, de tout autour de la Méditerranée, ensuite orientale et asiatique, et enfin Atlantique, et constamment anti-Germanique), fidèle en amitié (et dans les idées et opinions), attaché à la nature (à l'enracinement, sans surprise pour un déraciné et aux paysages) ; un hommage lui a été consacré lors du centième anniversaire de sa naissance, ICI. Site Internet : www.mauriceohana.com... Premières œuvres significatives : "Trois Caprices" (1943-1957, pour piano, élégiaque et d'un jeu librement atonal, solennel, processionnel). Instruments pratiqués : piano, clavecin, guitare (à 10 cordes). | Moderniste-National (tendance primitiviste). Maurice Ohana est un compositeur en dehors des écoles (plutôt indépendant) et du métissage, avec un ancrage Méditerranéen fort ; initialement il est adepte des modes d'émission vocale du cante jondo Andalou et de ses procédés d'ornementation (sons glissés dans des micro-accidents, tiers de tons arabisants), puis il fait des recherches sur d'autres micro-intervalles (quarts de ton, dans "Tombeau") ; son style personnel n'est acquis que tardivement (dans les années 1960) mais ensuite il ne bouge que peu ; sa musique, plus sensuelle que conceptuelle, reste atypique, utilisant plusieurs sources d'inspiration (médiéval, opéra Chinois, théâtre Nô Japonais, jazz, tradition Arabe, Berbère, Noire-Africaine, etc.) pour créer chaque fois une forme particulière (il est malheureusement trop peu joué depuis sa disparition), à la fois fortement émotionnelle et construite, à tendance rituelle ou martiale, très colorée (par alliage de timbres) et claire ; ses instruments de prédilection sont la voix, les cordes pincées (guitare, cithare, clavecin), le piano, les percussions et le violoncelle… Pièces emblématiques (sur un catalogue d'une centaine, avec peu de pièces d'envergure avant les années 1970) : "Llanto por Ignacio Sanchez Mejias [Déploration sur la Mort du Toréro Sanchez]" (1950, pour récitant, baryton, clavecin, chœur et petit orchestre, une pièce célèbre, monodique et modale, scandée et hispanisante qui rappelle Manuel de Falla), "Cantigas" (1954, pour chœur et percussions, en droite ligne du Cante Jondo), "Synaxis" (1955-1966, pour orchestre, avec cithare en tiers de ton, 2 harpes et 2 pianos solistes), "Tombeau de Claude Debussy" (1962, pour soprano, cithare, piano et petit orchestre, méditatif, lumineux et violent), "Chiffres de Clavecin" (1968, pour clavecin et ensemble, un concerto entre éclat et silence), "Cris" (1969, pour 12 voix mixtes, une palette des différents types de cris humains ou animaux), 24 Préludes (1973, pour piano, un des sommets néo-romantiques de l'instrument), "L'Office des Oracles" (1974, pour quatuor vocal, 2 chœurs mixtes et ensemble, un rituel sacré syncrétique), "Lys des Madrigaux" (1976, pour chœur de femmes, solistes et ensemble instrumental), "Anneau du Tamarit" (pour violoncelle et orchestre, 1976, avec des encerclements uniques), Messe (1977, pour chœurs, 2 solistes et ensemble instrumental, sans credo, primitiviste, non écoutée en concert), "Trois Contes de l'Honorable Fleur" (1978, pour soprano et orchestre, d'une belle poésie), "Livre des Prodiges" (1979, pour grand orchestre, paysagiste dialogue en 13 courtes parties), "Wamba" (1982, pour clacecin solo, en carillon), "Douze Études d'interprétation" (1985, premier livre, pour piano), "La Célestine" (1988, opéra, tragi-comédie avec amour, magie et sorcellerie d'après un mythe fondateur de la culture Espagnole, franc succès à la création, jamais redonné en France), "Avoaha" (1992, pour chœur mixte, 3 percussions et 2 pianos, à l'occasion de l'inauguration des Jeux Olympiques d'Albertville, littéralement Avé Oahana, comme un adieu, envoûtant). | France |
Pablo | 1930 | 2021 | Luis de Pablo [1930, Espagne (Bilbao, Pays Basque) - 2021, Espagne (Madrid), décédé à 91 ans] étudie la composition en autodidacte en 1958 et fonde le groupe «Nueva Musica», après un apprentissage musical dans l'enfance, puis une orientation en droit à Madrid (1952) et une première pratique professionnelle comme juriste (pour la compagnie aérienne Iberia) ; il est un ardent promoteur de la musique moderne dans son pays : conférencier, analyste (notamment des œuvres de Webern), traducteur de la biographie de Schoenberg, fondateur des concerts «Tiempo y Musica» en 1959 (où sont créés en Espagne "Le Marteau sans Maître" et "Zeitmass") et du groupe «Alea» en 1965, premier studio électroacoustique Espagnol ; après un exil aux USA et au Canada, suite à des attentats des Basques séparatistes lors de son festival «Rencontres de Pampelune» en 1972, il ne retourne en Espagne qu'après la mort de Franco, et il réside à Madrid ; par commodité, plutôt que par esthétique, il est classé dans la «Generacion 51», aux côté de Cristobal Halffter et, ayant une personnalité généreuse, protéiforme et empathique, il ne s'en offusque pas... Premières œuvres significatives : "Polar" (1961, pour ensemble), "Tombeau" (1963, pour orchestre). Instrument pratiqué : piano, orchestre (chef). | Opportuniste-Postsériel. Luis de Pablo est un compositeur universaliste, une personnalité dynamique, inventive, fantaisiste, poétique, individualiste (et profondément Basque) ; sa musique, d'abord influencée par l'expressivité et le dodécaphonisme de Schoenberg, est fondée sur le respect envers toutes les formes d'art (aux sources Hispaniques d'abord, notamment littéraires, et aussi de la musique Iranienne, du nô Japonais, de la flûte mélanésienne) et leur fusion dans un langage unique qui lui est propre (polyphonie complexe, instable, savamment construite, mais reposant sur le flou d'harmonies peu rythmiques, parfois confuses, sans emploi de clusters) ; prolifique, il touche à tous les styles avec polyvalence, curiosité et engagement (y compris le hasard, l'œuvre ouverte ou complétée par les interprètes) ; après le milieu des années 70 (exil aux USA), son style devient plus accessible, plus vocal, et utilisant un temps l'électroacoustique ; souvent, il compose pour une petite formation avant de l'étendre à l'orchestre, comme dans "Modulos" (au sens de modulaire)… Pièces emblématiques (sur un catalogue de plus de 200, éclectique): "Modulos I-II" (1965-1967, pour 1 puis 2 orchestres), "Ejericio" (1965, pour quatuor à cordes), "Éléphants ivres (1974, pour orchestre à effectifs variables), "Tarde de Poetas" (1986, pour soprano, baryton, chœur et ensemble), "Las Orillas" (1990, pour orchestre, non écouté en concert), "Libro de Imagenes [Livre des Images]" (1991, pour 9 instruments, une rêverie animée), "Ejericio [Exercice]" (1991, pour 9 musiciens, rêveur), "Cantos breves" (1996, pour ténor et orchestre), "La Señorita Cristina" (1999, opéra, non écouté). | Espagne |
Pärt | 1935 | 89 ans | Arvo Pärt [1935, Estonie (Paide) - ] (prononcer : «pertt») étudie la composition à Tallinn (1954-1963), et, jusqu'à la fin des années 1960, travaille à la radio Estonienne (comme ingénieur du son) et écrit des musiques de films ou de séries télévisées ; bien que la culture officielle d'Estonie ait accepté de reconnaître bon nombre de ses œuvres majeures, il s'est cependant retrouvé périodiquement en butte à la censure du temps du Soviétisme, du fait de leur caractère souvent sacré (son intense foi chrétienne Orthodoxe) ou du temps de son sérialisme ; en 1980, il émigre à Vienne avec sa famille, puis à Berlin (Ouest) ; de fréquents séjours le conduisent près de Colchester (Essex, au nord-est de l'Angleterre) ; après la chute du mur de Berlin et l'indépendance de l'Estonie, il retourne dans son pays (avec les honneurs officiels) et vit désormais à Tallinn ; le personnage est farouche-solitaire, mystique, fusionnel dans la contemplation et la paix intérieure. Site Internet personnel (en Anglais) : www.arvopart.ee... Première œuvre significative : "Perpetuum mobile" (1963, sérielle, dédiée à Luigi Nono). Instrument pratiqué : hautbois, percussions. | Progressiste-National (tendance spiritualiste). Arvo Pärt compose d'abord dans un style néoclassique mais aussi, sériel avec "Nécrologue" (1959), puis, néo-médiéval (plain chant Grégorien, puis Machaut et Ockeghem), incluant des collages ("Collage sur B.A.C.H.", 1964) et de plus en plus répétitive (parallèlement aux minimalistes Américains, mais sans leur motorisme dynamique), jusqu'à se retrouver dans le mouvement néo-romantique (religieux, en quête spirituelle) ; c'est un compositeur de musique très accessible (également, de musique de films) dans laquelle les cordes tiennent une place maîtresse (son classement comme minimaliste correspond à la simplicité de sa polyphonie -rarement plus de 2 ou 3 lignes verticales- et de ses thèmes) ; il utilise le mot «tintinnabulation» (du latin tintinnabulum : clochette) pour décrire son style musical (souvent avec un seul accord, une seule tonalité spécifique... par exemple, les 3 notes de l'accord parfait résonnent comme des cloches par les harmoniques graves et aigus, avec des sauts d'octave), minutieux et restreint, pauvre en modulations, après 1976 ("Für Alina") ; sa démarche est digne, imprégnée de sensibilité spirituelle intense, son langage s'apparente souvent à la musique répétitive (donc plutôt tonale et simple), marqué par le contemplatif, la clarté, la lenteur, les voix désincarnées, avec fort dramatisme (au début) et violents contrastes, puis davantage de silences (plus récemment), un peu comme un ange révélé du néo-tonalisme, toujours accessible (et un brin sentimentale, mais attachante et souvent religieusement lente) ; son style tardif est authentique, quasi-viscéral, hypnotique et épuré, marqué par la ferveur paisible, aisément reconnaissable, aux structures d'une apparente extrême simplicité, et vise l'émotion immédiate ; sa musique est classée souvent dans la catégorie Minimalistes mystiques, avec Henryk Górecki, Peteris Vasks et John Tavener, parallèlement à sa plus grande notoriété aux USA… Pièces emblématiques : Symphonie n°1 "Polyphonique" (1964, contrastée, répétitive), Symphonie n°2 (1966, tragique, avec collages et cluster), "Credo" (1968, pour piano, chœur et orchestre, d'une grande ferveur sereine), Symphonie n°3 "Médiévale" (1971, retro avec plain-chant en écho), "Cantus firmus in Memoriam Benjamin Britten" (1976, un court et lent lamento instrumental, ascétique et éteint), "Si Bach avait été Apiculteur" (1976, révisé 2001, piano et ensemble, tout en fourmillements), "Fratres" (1977, pour ensemble, une réussite largement déclinée en terme d'effectifs, dont une version se termine avec force répétitions), "Arbos" (1977, pour ensemble), "Tabula Rasa" (1977, pour 2 violons, piano préparé et ensemble, mystique), "Passio" ou "Passion selon Saint-Jean" (1982-1988, pour soli, chœur et orchestre, une œuvre de solitude, d'échos perdus, sombre avec de rares lueurs, non écoutée en concert), "Stabat Mater" (1985, pour 3 voix et trio à cordes, simplissime, subtil), "Festina lente" (1988, pour orchestre à cordes et harpe), "Miserere" (1989, pour soli, chœur, orgue et orchestre, un psaume de louange et de pénitence, moins austère et plus court que "Passio"), "Lamentate" (2002, pour piano et orchestre, neo-romantique). | Estonie |
Parmégiani | 1927 | 2013 | Bernard Parmégiani [1927, France (Paris) - 2013, France (Paris), décédé à 86 ans] n'étudie pas au Conservatoire, même s'il est issu d'une famille musicienne ; il se forme comme ingénieur du son et s'initie aux différentes techniques (Cinéma, Radio, Télévision, Centre d'Études Radiophoniques) ; il hésite un temps en faveur d'une carrière de mime (4 ans à l'école de Jacques Lecoq et Maximilien Decroux, qui le sensibilisent à la pratique du geste) ; en 1959, il suit le stage de musique concrète au GRM (Groupe de Recherches Musicales), avec Pierre Schaeffer, pendant 2 ans, où il travaille ensuite comme responsable du secteur Musique-Image, jusqu'à sa retraite en 1992 ; ensuite, il a créé son propre studio «Fabriquasons» ; le personnage est d'abord simple, pondéré et direct, en fait à multiples facettes et distancié, avec un côté facétieux ou goguenard (sans y toucher, jusqu'à la dérision ou le pastiche) et particulièrement curieux (pour les techniques d'écriture, pour la cosmogonie, pour les différents types de musique, savante ou non, mais sans Orientalisme). Site Internet personnel : parmegiani.fr... Première œuvre significative : "Phonosophobe" (1962, pour bande). Instrument pratiqué : piano, percussion. | Electroacoustique-Mixte. Bernard Parmégiani est un compositeur purement acousmatique, de la seconde génération (après Pierre Schaeffer, qui l'a beaucoup influencé), donc utilisant les sons enregistrés, les sons électroniques, et les synthétiseurs ; ses réalisations sont éclectiques, y compris de nombreuses musiques de films, des vidéos musicales, des jingles (aéroport de Roissy, de 1971 à 2005), ou des indicatifs pour la radio ou la télévision, et pour des publicitaires ; sur le plan compositionnel, il s'inscrit dans la recherche de sons nouveaux, mêlant rapidement les sources concrètes, électroniques, et instrumentales enregistrées (pratiquant rarement la musique mixte, c'est-à-dire comportant de l'instrumental interprété, ou alors seulement en appoint) ; 2 dimensions pondérisent davantage son esthétique : le souffle (consistant, pas évanescent) et le grain-matière (assez physique) ; sur le plan du style, son choix est clairement multiple, avec un tropisme marqué pour le geste théâtral (même virtuel), pour le cosmos et pour les sons purs et clairs, cérébraux, voire le bruitisme (y compris Free Jazz et Pop), associant mélodie, distanciation formelle et émotion organisée (d'abord luxuriante, puis à partir de 1975, de façon plus épurée) ; sa musique est sophistiquée, marquée par les mouvements, les métamorphoses, les continuums (fondus-enchaînés), les lignes droites, les courbes, les spirales, les répétitions, les distorsions, en jouant sur les contraires et les dynamiques (complémentaire de l'autre compositeur acousmatique Français de la seconde génération, François Bayle) : non datée par la technologie ou la mode (sans effet de manche), elle résiste bien au temps (sauf les pièces à enjeu humoristique)… Pièces emblématiques (sur un total de près de 80, dans la musique savante, avec souvent des titres en jeux de mots, comme par exemple "Du Pop à l'Ane", ou en opposition, comme par exemple, "Dedans-Dehors"): "Violostries" (1964, avec sons enregistrés d'un violon et accompagnés par le violoniste, pièce chorégraphiée ensuite), "Jazzex" (1966, avec des extraits joués par des free-jazzmen), "Capture Éphémère" (1968, brillant exercice glissant-morphant), "Pop' Eclectic" (1969, pastiche de la pop de l'époque), "La Roue Ferris" (1971, 100% électro, tournoyante et répétitive), "Pour en Finir avec le Pouvoir d'Orphée II" (1972, granulaire et bien sûr onirique), "De Natura Sonorum" (1975, ambitieux maître-jeu formel), "Des Mots et des Sons" (1979, satirique, et hélas désuet), "Exercismes I, II, III" (1986-1991, un jeu fascinant sur les sons), "La Création du Monde" (1987, fresque de dimension symphonique, à la fois fantasmagorique, cosmique et mythique), "Sonare" (1996, non écoutée), "Rêverie" (2007, non écoutée). | France |
Partch | 1901 | 1974 | Harry Partch [1901, USA (Oakland, Californie) - 1974, USA (San Diego, Californie), décédé à 73 ans] est un théoricien autodidacte et artisanal, vivant en marge de la société et ignoré par la majorité des institutions musicales ; initié précocement à la musique Mexicaine locale, puis à celle des Indiens Yaqui en Arizona, par ses parents, anciens missionnaires presbytériens en Chine, qui l'élèvent au son des berceuses et des chants folkloriques ; malgré quelques voyages de jeunesse, son ancrage est lié à la côte Ouset des USA (loin des cercles New Yorkais) ; sa rupture décisive avec l'héritage musical est consommée en 1930 lorsqu'il brûle ses compositions des 14 années précédentes ; dans les années 1950-1960, il s'oriente vers des compositions de grande échelle, théâtrales et dramatiques (y compris pour des musiques de film), avec un instrumentarium spécifique, marquées par l'ambiance sociétale de son temps (par exemple, flower power) ; par exemple, son 1er instrument original inventé, nommé «monophone», est construit sur un corps d'alto, avec un manche de violoncelle et avec, sur la longueur de corde obtenue, des positions acoustiquement plus précises que les degrés de la gamme chromatique tempérée ; il est une sorte de luthier puisque beaucoup d'autres instruments sont créés pour une gamme microtonale élargie (en 43èmes de tons inégaux, entre autres), notamment percussifs (sur verre, sur bois), à soufflets, à cordes pincées, amplifiés ou non (ad libitum) ; il a publié son crédo théorique microtonal en 1949 sous le titre «Genesis of a Music» [genèse d'une musique] ; sa vie n'a pas été un long fleuve tranquille : hobo vagabond (on dirait aujourd'hui SDF) pendant la crise économique avant guerre, toujours en situation instable, après (en quête de subsistance et d'être joué), avec de rares périodes de sécurité matérielle (bourses, notamment universitaires, souscriptions publiques). Site Internet : www.harrypartch.com... Première œuvre significative : "Poems of Li Po" (1931-1962, versions A à F, pour voix et alto). Instrument pratiqué : clarinette, harmonium, guitare, violon, alto et piano.. | Inclassable-Isolé (tendance microtonale). Harry Partch a puisé son inspiration musicale hors de la tradition Européenne et se décrit lui-même comme un artisan-musicien-philosophe, avec des dons de menuiserie (pour transformer les instruments) ; il est reconnu comme un théoricien de la musique (l'intonation juste étendue) et comme un compositeur novateur (original et marginal), iconoclaste (anti-conformiste) et authentiquement Américain de Musique Contemporaine (dans un melting pot total, tonal le plus souvent, avec des sons et des bruits, du folk song, de la country music, des collages hétéroclites, etc.), par son choix hors norme d'un langage en micro-intervalles divisant l'octave en 43ème de ton (et non en 12 demi tons égaux), ce qui le conduit à inventer de nouveaux instruments (étranges, par le son produit, par la forme), ou à en modifier d'autres profondément, entre 1930 et 1940, dans les percussions et cordes (classés en «chordophones, idiophones et aérophones»), parallèlement au Morave, Alois Haba, qui, lui, fait créer un double piano, une guitare et des instruments à vents pour des 6èmes et 12èmes de ton (1924-1943) ; sa musique monophonique, qui vise un hypothétique état primitif, rituel et magique, généré par des corps mis en résonance, est injouable sur d'autres instruments que les siens et ne ressemble à aucune autre (à ne pas mettre dans les oreilles bien pensantes) ; ses partitions paraissent linéaires (voire simplistes), leurs complexités, notamment rythmiques et chromatiques (novatrices), ne se révélant qu'à l'écoute attentive ; il est tôt accueilli avec enthousiasme par le public et soutenu par les étudiants des universités, mais les professionnels des institutions de musique lui sont en général demeurés relativement hostiles (d'où la vente de ses compositions, écrits, instruments originaux, réalisée par souscription, et ses musiques de films, et ses pièces souvent théâtrales, de type mélodramatiques)… Pièces emblématiques (catalogue limité, à géométrie variable) : "Barstow" (1941, révisé en 1968, pour 2 récitants et guitare modifiée-amplifiée, ou instruments originaux, déjanté et country, dans la suite autobiographique "The Wayward" [L'Indocile]), "Yankee Doodle Fantasy" (1944, pour voix et ensemble, avec des airs traditionnels Américains détournés, satirique), "Oedipus" (1952, comédie-spectacle, pour récitant, voix et ensemble, mystérieux et grinçant), "The Bewitched" (1956, pour soprano et ensemble d'instruments traditionnels et originaux, ensorcelant), "Revelation in the Courthouse Park" (1960, d'après Bacchus d'Euripide, pseudo-opéra, conte dyonisiaque), "And on the 7th Day Petals Fell in Petaluma" (1966, pour ensembles variables d'instruments originaux, magique), "Daphne of the Dunes" (1967, pour ensemble d'instruments originaux en micro-tons et bande magnétique, plus facile, extrait d'une B.O.F.), "Delusion of the Fury" (1969, drame théâtral pour chant, danse et ensemble, en 2 actes contrastés, un conte biblique). | USA |
Pécou | 1965 | 59 ans | Thierry Pécou [1965, France (Boulogne, près de Paris, avec une ascendance Caraïbe, précisément Martiniquaise) - ] suit le cursus classique du compositeur en France (piano dès 9 ans, puis Conservatoire national de Paris, orchestration et composition, en 1987 et 1988) ; il s'en distingue par son goût pour les voyages (Canada, Japon, Russie, Espagne, Cuba, Mexique, Brésil) ; il est aussi pensionnaire de la Casa Velasquez à Madrid de 1997 à 1999 ; il est en résidence à Rouen (2008 - 2009), Lyon (2010), Metz (2011 - 2013) ; il a fondé, en 1998, l'ensemble Zellig (solistes instrumentaux et vocaux), qu'il dirige pour ses propres compositions (voire d'autres compositeurs) jusqu'en 2010, où il co-fonde l'ensemble Variance, formé en Martinique et à vocation plus internationale ; il s'intéresse aussi à la musique de film muet ("Nanouk l'Esquimau", 2005) et aux enfants ("Hop et Rats", opéra de poche, 2003) ; plus récemment, il est en partenariat avec l'Ecole Normale de Musique (Cortot), à Paris ; c'est un personnage entreprenant, posé et méthodique, et aussi un observateur-témoin volontaire et engagé sur le plan sociétal (tiers monde, cultures et traditions locales à préserver, esclavage, populations victimes des politiques de guerre, etc.), avec, curieusement, un caractère particulièrement timide («tempérament intérieur inversement proportionnel à son tempérament extérieur», selon ses dires) ; il est marié à une violoncelliste et gambiste. Site Internet : www.thierrypecou.fr (abandonné). Première œuvre significative : "Tombeau de Marc-Antoine Charpentier" (1995, pour 3 chœurs, voix mixtes, orgue baroque et basse de viole), sans oublier "Un Temps jusqu'au Bout de la Fibre" (1988, pour petit ensemble, son opus 1, d'influence Varésienne). Instrument pratiqué : piano, orgue positif. | Moderniste-Synthétique-Coloriste. Thierry Pécou est un compositeur plus que prometteur, et son catalogue est déjà étoffé ; pour se faire connaître, il a choisi le «terrain», c'est-à-dire la proximité avec les régions Françaises, à l'occasion de festivals, et la collaboration active avec les jeunes artistes (musiciens, comédiens, danseurs) ; les cultures musicales extra-Européennes (Mexique, Brésil, Chine) sont ses sources d'inspiration (sans exotisme d'Epinal) dans son propre langage qui recherche les combinaisons de sons inouïs, avec prépondérance d'instruments métalliques et de traditions éloignées les unes des autres (entre autres, le Gagaku japonais avec l'organum Grégorien) ; pour qualifier sa démarche, des musicologues à juste titres, ont parlé de so(u)rcier des sons ou de chaman coloriste ; sa musique est surprenante et exigeante, mais curieusement d'accès plutôt facile, à la fois tonale et atonale, rituelle (mais non répétitive), voire jubilatoire, certainement sensuelle (à la recherche de couleurs magiques et de sons inédits) ; son style (opposé à toute provocation post-sérielle) intègre tous les langages comme un melting pot, avec une recherche de la séduction colorée qui attire «à la Schubert» (au contraire de Pascal Dusapin, l'autre compositeur Français prometteur avec un langage hors écoles, plutôt monochrome, de la même génération, qui, lui, impose «à la Beethoven»)… Pièces emblématiques (sur un catalogue total de plus de 30) : "Poème du Temps et de l'Éther" (trio, 1996), "Les Filles du Feu" (pour hautbois ou clarinette et ensemble, 1998), "Symphonie du Jaguar" (2003, pour 5 voix de femmes, ensemble et petit orchestre, une grande réussite initiatique), "Outre-Mémoire" (2004, piano soliste, flûte, clarinette et violoncelle, avec un solo de piano extravagant), "Tremendum" (2005, concerto pour piano et orchestre n°1, avec une batucada, arrangé pour ensemble), "L'Oiseau Innumérable" (2006, concerto pour piano et orchestre n°2, plein de bruissements), "Vague de Pierre" (2007, pour grand orchestre, de couleur Chinoise), "Les Sacrifiées" (2008, opéra de chambre, engagé, sur l'Histoire récente de l'Algérie, doux et violent), "Les Machines désirantes" (2009, pour piano, flûte, clarinette, saxophone, violon et violoncelle, spiralé et délirant), "Nahasdzaan" (2019-2021, opéra de chambre, sur des mythologies navajos, rituel chorégraphié, créé d'abord en virtuel, puis en public). | France |
Penderecki | 1933 | 2020 | Krzysztof Penderecki [1933, Pologne (Debica) - 2020, Pologne (Cracovie), décédé à 86 ans] (prononcer «kchichoff penndéretski») étudie la composition avec Franciszek Skolyszewski, puis avec Artur Malawski et Stanislaw Wiechowicz, à l'École supérieure de musique de Cracovie ; dès la fin de ses études en 1959, il y enseigne, et en 1972, il en devient le recteur ; une dimension importante de l'homme est sa foi Catholique intense qui se retrouve dans certaines de ses pièces les plus dramatiques (et authentiques) ; le personnage paraît volontaire, farouche, indépendant, à la fois tenté par le conformisme et l'isolationisme (mais trop habitué à la représentation) ; il est notoirement passionné de botanique, jusqu'à créer son propre arboretum à Luslawice, en Pologne, qui est le plus grand du pays... Première œuvre significative : Strophes (1959, sériel). Instrument pratiqué : piano, puis violon, orchestre (chef). | Opportuniste-National. Krzysztof Penderecki est un compositeur renommé, médiatisé, qui a suivi tous les courants de la Musique Contemporaine (Sériel, Aléatoire, puis Post-moderne, rarement avec électronique), souvent avec bonheur et idées novatrices aux débuts, mais avec le recul du temps cette notoriété paraît sur-estimée (en France, au moins, certaines oreilles étant sensibles à l'accumulation, à la surcharge), conséquence davantage d'une ambition personnelle que d'une vision inspirée, certaines de ses œuvres anciennes résistant mal à l'épreuve du temps, les plus récentes pièces étant conventionnelles, dépassées et/ou ostentatoires (densité jusqu'à la lourdeur, sur-drama) ; sa musique initiale est riche d'effets sonores inédits et captivants, hardie voire expérimentale, à l'écriture efficace mais déjà simplifiée, utilisant l'ultrachromatisme, les clusters, les glissandi, le hasard, faisant sonner les cordes de manière inhabituelle (frottements criards ou en suraigus), à tel point que, jusqu'au début des années 1970, elle est attachée au radicalisme de l'avant-garde ; ensuite, son style évolue progressivement vers le conservatisme officiel (superficiel), le religieux conformiste, et même le néo-tonal, avec un métier certain et davantage de succès public (la date-pivot dans l'évolution de son esthétique est 1968, avec sa "Passion", pour une série de cantates-oratorios, à caractère religieux et monumental, renouant avec le romantisme tardif, encore appelé néo-romantisme), mais avec une inspiration irrégulière (depuis 1975-1980) ; son esthétique continue et labyrinthique est marquée par le goût de l'emphase, le compromis des extrêmes (sans les occulter), la profondeur de la foi, l'émotion exprimée qui bouleverse ; il a souvent expliqué l'évolution de son style par la nécessité de faire autre chose et sortir du moule imposé… Pièces emblématiques (sur un total de plus de 100, inégal, avec de récents concertos et quelques B.O.F., notamment avec Wojciech Has et Andrzej Wajda ; dernière pièce importante au catalogue : Symphonie n°8, 2005) : "Emanations" (1959, pour 2 orchestres à cordes), Quatuor n°1 (1959, pour quatuor à cordes), "Anaklasis" (1959, pour petit orchestre à cordes et percussions, avec ses clusters légendaires), "Thrènes pour les Victimes d'Hiroshima" (1961, une pièce majeure, en clusters suraigus), "Polymorphia" (1962, pour orchestre à cordes), "De Natura Sonoris I-II-III" (1966-1971 et 2012, pour orchestre, musique tachiste, pour le 1er), "Dies Irae à la Mémoire des Victimes d'Auschwitz" (1968, pour voix et orchestre), "Passion selon Saint Luc" (1966-1968, oratorio, avec un traitement hanté, presque mystérieux, des voix, y compris "Stabat Mater", 1963), "Die Teufel von Loudun [Les Diables de Loudun]" (1969, opéra expressionniste d'après Aldous Huxley, provocateur façon Ken Russell au cinéma), "Cosmogonie" (1970, pour voix orchestre, non écoutée en concert), Symphonie n°1 (1973, pour orchestre, désuet), "The Awakening of Jacob" (1974, pour orchestre), Concerto pour violon (1977), Concerto pour alto (1983, non écouté en concert), "Requiem Polonais" (1984-2005, pour orchestre, 4 voix solistes, chœurs, somptueusement orchestré, néo-romantique), "Passaglia" (1988, pour petit orchestre, avec nombreux ostinatos, encore à mi-chemin entre ses 2 styles), Symphonie n° 5 "Coréenne" (1992, pour orchestre, efficace et ténébreuse, typique de la dernière manière rétro), Concerto n°2 "Metamorphosen [Métamorphoses]" (1995, pour violon et orchestre, académique). | Pologne |
Pesson | 1958 | 66 ans | Gérard Pesson [1958, France (Torteron, Cher) - ] étudie d'abord les Lettres et la musicologie à la Sorbonne, avant d'être élève au Conservatoire de Paris, avec Betsy Jolas et Ivo Malec (analyse et composition), mais son héritage se trouve plutôt dispersé chez Lachenmann (sans bruitisme), voire Xenakis, Sciarrino, Nono (la dernière manière), Feldman, et loin, les Baroques Français (Couperin) ; en 1986, il fonde la revue de musique contemporaine Entretemps et travaille comme producteur à France Musique, la radio nationale (1985-1990, et à nouveau dans les années 2000, jusqu'à mi-2014) ; il est pensionnaire à la Villa Médicis à Rome (1990-1992), à partir duquel il écrit un roman-journal (Cran d'arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, publié en 2004) ; il enseigne la composition au Conservatoire de Paris, depuis 2006 ; il est passionné de littérature (Proust, Dickinson) ; le personnage est, à l'image de sa musique, plus analytique que synthétique, plus intime que grandiose, plus subtil et allusif qu'envahissant, avec une quasi-manie du détail (même insignifiant) et un goût pour l'insolite, pour la poésie et pour l'exploration de l'inouï (hors des sentiers battus)... Première œuvre significative : "Les Chants Faëz" (1986, pour piano et petit ensemble). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Indépendant (tendance miniaturiste). Gérard Pesson est un compositeur original, peut-être important ; son style est inimitable, utilisant des notes très courtes qui se succèdent rapidement sans se chevaucher et entourées de brefs silences (on pourrait le qualifier de «pointilliste» à l'instar des peintres, si le terme n'était pas déjà utilisé pour le premier sérialisme intégral, ou alors d'orfèvre), résultant dans un pittoresque Français, très expressif, en miniatures, fascinant, savant et ludique à la fois (pour l'anecdote, le sobriquet «Gérard Peu-de-sons» lui a été collé, un peu comme -mais en sens inverse- dans le film de Milos Forman, Mozart était taxé à tort d'écrire «trop de notes») ; sa musique apparaît d'emblée comme poétique, allusive, au temps suspendu (légèreté, a-pesanteur) et avec un geste instrumental intentionnel fort (aux limites des interprètes, par discontinuités, par glissandi, par pianissimi) ; son langage relève de la fragmentation, du filtrage et de la soustraction (jusqu'à l'ossature, l'épure), avec le risque de la quasi-citation (en parallèle à une activité de transcription-filtrage, plutôt anecdotique, comme "Wunderblock - Nebenstück II" en 2005, pour accordéon et orchestre, à partir de thèmes symphoniques de Bruckner) ou du maniérisme ; c'est un musicien de l'instant, de l'intime, de l'effacement, de l'introversion (en ce sens, il n'a pas fréquenté beaucoup les grandes formations), de la subtilité ludique (à la fois élégante et cruelle... écoute attentive requise), du festonnement (sans guirlande) et bien sûr des «trous» (tissu musical parsemé de silences, créant des effets de blanc), sans oublier une forte imprégnation littéraire (écrivain un rien passéiste), une ironie farouche, une auto-dérision sous-jacente, et une obsession pour l'ostinato… Pièces emblématiques (sur environ 90 au total, en 2020, sans aucune pièce pour grand effectif) : "Nocturnes en Quatuor" (1987, pour clarinette, violon, violoncelle et piano, à la Soulages), "Respirez, Ne Respirez plus" (1993, pour quatuor à cordes, un ballet fantomatique), "Mes Béatitudes" (1995, pour trio à cordes et piano, narcissique et distancé, avec collage-hommage Brucknérien), "Ombres nous-mêmes" (1996, non écoutée), "Récréations Françaises" (1996, pour trio à cordes, flûte, hautbois, clarinette, un méli-mélo, 9 pièces à effectif variable, séducteur et organisé), "Branle du Poitou" (1997, pour piano solo et 8 musiciens), "Aggravations et Final" (2002, pour orchestre), "Cassation" (2003, pour clarinette, violon, alto, violoncelle, piano, difficile d'accès), "Pastorale" (2006-2009, vidéo-opéra-ballet pseudo-Baroque, parodie sur l'amour absolu, avec une suite pour petit orchestre en 2016), "Bitume" (2008, pour quatuor à cordes, n°2, noir, collant, tout en ostinato), "Ne pas oublier Coq rouge dans Jour craquelé" (2010, pour violon, violoncelle et piano, immodéré Proustien), "Future is a Faded Song" [le Futur est une Chanson Fanée] (2012, pour piano et orchestre, d'une poésie étrange). | France |
Poppe | 1969 | 54 ans | Enno Poppe [1969, Allemagne (Hemer, Rhénanie-du-Nord-Westphalie) - ] étudie à l'École supérieure des Arts de Berlin (Kunst Hoch Schule), auprès de Friedrich Goldmann et Gösta Neuwirth, puis toujours à Berlin; il dirige notamment l'ensemble Musikfabrik et depuis 1998, il est le directeur musical de l’Ensemble Mosaïk, à Berlin ; il est pensionnaire de la Villa Massimo (équivalent de la Villa Médicis, pour les Allemands, en 1995-1996 ; il est compositeur en résidence à Paris (Conservatoire de la rue de Madrid) en 2009-2010, puis au festival de Lucerne, en 2023 ; les titres de ses pièces ont souvent la particularité d'être courts et en référence à une matière... Première œuvre significative : "Thema mit 840 Variationen" (1997, pour piano). Instrument pratiqué : Orchestre (chef). il étudie la composition et la direction d'orchestre à la Universität der Künste (École des Beaux-Arts) de Berlin ; c'est un habitué du festival de Donaueschingen (signe de son aura en Allemagne) ; il joue de l' (sa pièce "Arbeit" en est le symbole) ; il s'intéresse à l'Art-Pop (James Taylor, le Hard Rock de Deep Purple) et vise à la synthèse sonore ; à son tour, il enseigne à Berlin et à Darmstadt ; les titres de ses pièces sont souvent courts, secs et portés par la matière (par exemple, "Salz [sel]", Öl" [huile]", "Koffer [coffre], "Rad [roue]", "Buch [livre]", "Speicher" [réservoir]); il est influencé par la dernière manière de György a href="acompo-Ligeti.php" target="_blank">Ligeti (sonates pour piano) et par Conlon Nancarrow ; sa musique est singulière, très rythmique (vive) avec des transformations inhabituelles, inattendues, souvent en cassures, en accidents-incidents, et priorise les harmonies nouvelles (instruments rares, informatique musicale), avec force dissonances ; son esthétique est originale, tendance jeune (parfois juvénile, avec un geste évident), mais elle n'est pas difficile d'accès (assez tonale), même s'il est (et veut être) perçu comme un compositeur qui ose ; son cycle "Speicher" (non encore joué en France, encore un work in progress semble-t-il) a fait sensation, à juste titre, en Allemagne en 2013 | Moderniste-Synthétique (tendance harmonique). Enno Poppe est une valeur sûre, montante de la Musique Contemporaine, sa musique est assez reconnaissable par sa sensualité, ses processus et sa rythmique, tous modernistes… Pièces emblématiques (sur un catalogue d'environ 80 pièces en 2024): "Holz [Bois]" (2000, pour clarinette et petit ensemble), "Öl [Huile]" (2004, pour ensemble), "Salz [Sel]" (2005, pour ensemble), "Altbau [Vieille Construction]" (2008, pour orchestre, animé tournant), "Speicher I-VI" (2010-2023, pour ensemble, toujours in progress, un must), "Prozession" (2020, pour ensemble, une divagation mystérieuse). | Allemagne |
Posadas | 1967 | 57 ans | Alberto Posadas [1967, Espagne (Valladolid) - ] (prononcer «possadass») étudie la musique à Valladolid, puis à Madrid ; en 1988, sa rencontre marquante avec son compatriote et aîné, le compositeur Francisco Guerrero (1951-1997, à l'esthétique influencée par Xenakis et Varèse), en fait son mentor (maître à penser et de composition) et lui fait découvrir les mathématiques combinatoires et les fractales (les fractales sont des structures constructives communes dans la nature ou en architecture qui ont la propriété d'être similaires dans leur globalité -structure entière- et dans leurs composants élémentaires -structure constitutive- d'où leur apparence sous la forme d'un processus de prolifération germinalement simple, globalement complexe, ou bien, pour imager sans caricaturer, les fractales ne correspondent pas du tout aux poupées Russes qui s'emboîtent les unes dans les autres de la plus petite à la plus grande, mais plutôt au film en accéléré de la croissance complexe d'un bourgeon ramifié d'une plante à partir de cellules isocèles simples) ; depuis 1991, il enseigne lui-même l'analyse, l'harmonie et la composition d'abord à Palencia, puis au Conservatoire de Madrid, à Majadahonda, située à la périphérie nord-ouest de la capitale (2001- ) et aussi plus récemment au Centro Superior Katarina Gurska de Madrid ; le personnage est raffiné, construit, discret (ne se mettant pas en avant) et intimiste, avec une certaine sensualité... Première œuvre significative : "Apeiron" (1993, pour orchestre, 1er essai dans la combinatoire mathématique). Instrument pratiqué : (?). | Moderniste-Synthétique (tendance post-spectrale). Alberto Posadas est un compositeur établi (le plus important en Espagne aujourd'hui, avec le Basque Ramon Lazkano) qui se singularise par un goût développé et assumé envers l'architecture dynamique, qu'elle soit virtuelle (et apparemment désorganisée) comme dans les mathématiques fractales et combinatoires, ou bien qu'elle soit bien réelle (et faussement descriptive) comme lors de l'application de techniques issues de la topologie (pyramides d'Égypte) ou de la peinture, comme par exemple avec l'anamorphose, dans une relation à la perspective qui avance (et souvent se déforme) ; bien dans sa génération, il aime puiser son inspiration dans les micro-intervalles et dans l'électronique en temps réel (en collaboration avec l'Ircam), d'abord comme sources de nouvelles granulations sonores (et moins de couleurs spectrales), sans systématisme, et surtout sans statisme ; parallèlement, il s'intéresse, pour les intégrer, aux autres formes d'art qui combinent corps physiques, temps-mouvement et espace (ballet, art-vidéo) ; sa musique est marquée par, à la fois, la consistance (presque charnelle, en tout cas expressionniste, mais plutôt avec rondeur) et la symbolique avec une part ludique, jusqu'au labyrinthe voire le développement en apparence chaotique, en réalité maîtrisé (les 2 dimensions étant de substance et tradition Espagnoles)… Pièces emblématiques : "Snefru" (2002, pour accordéon et électronique en temps réel, avec stridences furieuses), "Magma" (2003, pour grand orchestre, pictural et foisonnant), "Cripsis" (2003, pour petit ensemble, mystérieux et tendu, Spectral), "Nebmaat" (2004, pour saxophone soprano et ténor, clarinette et trio à cordes, en référence à la pyramide rhomboïdale du pharaon éponyme), "Liturgia Fractal" (2003-2008, un cycle phénoménal de 5 courts quatuors à cordes, labyrinthique), "Sombras [Ombres]" (2010-2013, un cycle de quatuors à cordes simple ou avec soprano ou avec clarinette basse, en demi-teintes obscures), "Tenebrae" (2013, pour 6 voix, ensemble et électronique, terriblement noire et sacrificielle), "Kerguelen" (2013, pour flûte, hautbois, clarinette et orchestre, triple non-concerto brillant), "Tombeau et Double" (2015, pour alto solo, vertigineux soliloque). | Espagne |
Poulenc | 1899 | 1963 | Francis Poulenc [1899, France (Paris) - 1963, France (Paris), décédé à 64 ans] (prononcer «poulaink») étudie le piano avec Ricardo Viñes qui le présente à Érik Satie, Alfredo Casella et Georges Auric, puis l'harmonie et la composition avec Charles Koechlin (1921-1924) ; en 1926, il rencontre le baryton Pierre Bernac, pour lequel il a un attachement affectif, et compose pour lui un grand nombre de mélodies, en l'accompagnant au piano (1935-1963), dans des récitals de musique Française, tout autour du monde ; en 1935, suite à la mort accidentelle de son ami-compagnon, le compositeur Pierre-Octave Ferroud, il vit un profond retour à la foi catholique de son enfance ; cependant le personnage est complexe et ambigu : sa foi humaniste, non mystique, pragmatiquement sur-développée après un voyage à Rocamadour (1936), teintée de pessimisme, d'amertume et de tragique, est mêlée à un penchant pour les garçons, pour la gouaille insouciante, type mauvais garçon, voire libertin (pour l'époque) ; conservateur dans sa musique, il reste surprenamment ouvert à la musique d'avant-garde de son époque (abonnement aux concerts du Petit-Marigny, puis du Domaine Musical, faveurs envers Boulez dès le "Soleil des Eaux") ; son père, Émile Poulenc, a été l'un des fondateurs des établissements Poulenc Frères, le futur 1er groupe chimique Français Rhône-Poulenc, ce qui l'a mis à l'abri de tout besoin financier (et lui donne accès aux cercles aristocratiques ou grands-bourgeois Parisiens, avec un côté dandy). Site Internet (association d'amis): www.poulenc.fr... Premières œuvres significatives : "Rapsodie nègre (1917, pour baryton, piano et ensemble), "Le Bestiaire" (1919, mélodies sur des poèmes d'Apollinaire). Instrument pratiqué : piano (concertiste, accompagnateur). | Progressiste-National. Francis Poulenc est un compositeur hors du temps de la Musique Contemporaine, profondément traditionaliste (mais pas complètement conservateur) ; comme les autres membres du «Groupe des Six», qu'il co-fonde en 1920 (avec Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Germaine Tailleferre), à l'esthétique influencée par Satie et Cocteau, il rejette la mode d'avant guerre pour le romantisme, le post-wagnerisme et l'impressionnisme, et se tourne vers le néo-classicisme, le style populaire et plein d'esprit du Music-Hall et le surréalisme, voire le Jazz ; même s'il est né tard, il n'a, dans son style d'après 1945, ni de goût pour le néo-classicisme, ni pour le dodécaphonisme : sa musique a pourtant un style inimitable (introuvable alors, sauf chez des épigones vite oubliés), avec un sens de l'élégance (truffée de sautes d'humeur), de la clarté, très Françaises, de l'humour (parfois puéril), une certaine sensualité, un don inné pour la mélodie spontanée et tonale, un goût pour l'innovation mesurée (dans les timbres, dans les thèmes de sa musique vocale, avec un zeste de provocation), un souci pour le drame humain, un sens religieux qui confère à certaines partitions une profondeur métaphysique, le tout avec indépendance et finesse d'esprit ; il reste surtout un grand mélodiste (pièces chorales, chants accompagnés au piano sur des poèmes de Guillaume Apollinaire ou de Paul Éluard) et un dramaturge humaniste (opéras, pièces vocales avec dimension théâtrale, tragique ou bien comique) ; sa musique d'après 1945 est bien plus cohérente et plus personnelle (détachée du style néo-classique et du surréalisme), avec un geste instrumental unique (lyrique, curieusement) et, comme plus tard Olivier Greif, un sur-usage de l'auto-citation… Pièces emblématiques (sur un total de 185 environ, certaines perdues) : avant période contemporaine, "Les Biches" (1924, musique d'orchestre pour ballet), Trio pour piano, hautbois et basson (1926), "Concert champêtre" (1928, pour clavecin et orchestre, badin), "Aubade" (1928, pour piano et 18 instruments, stylé), "Le Bal Masqué" (1932, pour voix et ensemble), Sextuor (1932, révisé 1940, pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et piano, néo-classique), "Liturgies à la Vierge Noire de Rocamadour" (1936, un monument de piété céleste), "Tel Jour, telle Nuit" (1937, mélodies sur des poèmes d'Éluard) et, après guerre, "Histoire de Babar" (1945, pour voix et piano, destiné aux enfants), "Les Mamelles de Tiresias" (1947, opéra bouffe, d'après Guillaume Apollinaire, satire du féminisme), Concerto pour piano et orchestre (1950, un tube en patchwork inquiet-guindé), "Stabat Mater" (1950, pour voix et orchestre), Sonate pour 2 pianos (1953), "Dialogues des Carmélites" (1957, opéra, ambitieux, hanté par la mort), Sonate pour flûte et piano (1957, un tube élégiaque et primesautier), "La Voix Humaine" (1958, monodrame pour soprano et orchestre, une réussite dans le genre et une innovation dans la veine existentialiste), "Élégie" (1959, pour deux pianos), "Gloria" (1961, pour soprano, chœur et orchestre), Sonate pour hautbois et piano (1963, posthume, élégiaque), Sonate pour clarinette et piano (1963, posthume, jazzy), "Sept Répons des Ténèbres" (1961-1963, pour voix et orchestre, avec des séries dodécaphoniques, pour la 1ère et dernière fois). | France |
Pousseur | 1929 | 2009 | Henri Pousseur [1929, Belgique (Malmédy) - 2009, Belgique (Bruxelles), décédé à 79 ans] étudie la musique et notamment le dodécaphonisme aux Conservatoires de Liège et Bruxelles, de 1946 à 1953 (rencontre avec Pierre Boulez dès 1951) ; il travaille aux studios électroniques de Cologne (1954) et Milan (1957), et fonde en 1957 le studio de Musique Électronique de Bruxelles (SME), puis l'Association «Musiques Nouvelles» ; dès 1957, il enseigne à Darmstadt, puis à Cologne, Bâle (1963-1964), Buffalo (Université de l'État de New York, 1966-1968) ; en 1960, il fait la connaissance du poète, philosophe et essayiste Français Michel Butor avec lequel il entame une longue collaboration (livrets, textes), fondée sur la connivence dans l'expérimentation (notamment pour l'œuvre ouverte) ; rentré en Belgique en 1970, il est d'abord professeur de composition puis directeur du Conservatoire de Liège (1975), jusqu'à sa retraite en 1994 (il est encore compositeur en résidence à Louvain jusqu'à 1999) ; entre 1984 et 1987, il co-dirige la mise sur pied de l'Institut de Pédagogie Musicale du Parc de La Villette, embryon de la Cité de la Musique à Paris ; le personnage est à la fois un grand sensible, un utopiste-idéaliste aussi ingénu qu'inaltérable (toujours aller de l'avant), un fidèle (avec, fait rare, une vie familiale stable), un activiste-passionné fiévreux et exalté, surnommé «Icare» (avec un grand respect du Public), ouvert aux nouvelles technologies. Site Internet : www.henripousseur.net... Premières œuvres significatives : "Sept Versets des psaumes de la Pénitence" (1950, pour chœur, non écouté en concert), "Quintette à la Mémoire de Webern" (1956, pour clarinette, clarinette basse, violon, violoncelle et piano), "Symphonie à 15 Solistes" (1957, pour ensemble), sérielles strictes, ou "Scambi" (1957, pionnière pour bande). Instrument pratiqué : orgue. | Opportuniste-Moderniste (tendance aléatoire). Henri Pousseur est un compositeur pionnier-utopiste, tenté par la première découverte et la modernité, en perpétuel renouvellement : ainsi il est un acteur engagé des principaux styles de Musique Contemporaine entre les années 50 et 80 (sérialisme, électronique, aléatoire, happening, multimédia, informatique), n'hésitant pas à condamner publiquement leurs limites (sa diatribe contre le sérialisme pointilliste est restée fameuse, surtout contre Luigi Nono, car Pierre Boulez et Luciano Berio s'en étaient détournés depuis longtemps) ; à l'instar de Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen, il accompagne l'évolution de ses créations d'écrits théoriques (souvent critiques, visant à démystifier, par exemple la musique concrète, les micro-intervalles) : il innove lui-même par la technique des réseaux (pour un sérialisme plus pur) et surtout par sa fructueuse collaboration avec l'écrivain et essayiste «réaliste» Michel Butor ; il est reconnu comme l'initiateur, et un ardent promoteur, de l'œuvre ouverte extrême qui laisse à l'interprète le choix de la fin de la partition, voire même au public la décision des options du livret (par exemple dans "Votre Faust") ; sa musique est typiquement colorée, (re)tenue, labyrinthique (mais structurée contre toute attente, même dans le cadre indéterminé), immédiate (au sens de l'urgence)… Pièces emblématiques (sur un total d'environ 180): "Mobile" (1958, pour 2 pianos, œuvre ouverte que les interprètes doivent eux-mêmes terminer), "Répons" (1960, révisé 1965, pour 7 musiciens et récitant optionnel), "Couleurs croisées" (1968, pour grand orchestre, symbole de la technique des réseaux), et spécifiquement, avec Michel Butor, "Votre Faust" (1969, commencé en 1961, révisé en 1981, exceptionnel et gigantesque opéra-apogée ouvert, avec multicollages et 25 possibilités de trajets et de dénouements, quasi-impossible à produire) -duquel sont extraits antérieurement et ultérieurement des satellites comme "Miroir" (1964, pour piano et soprano), "Jeu de Miroirs" (1966, pour soprano, piano et électronique), "Échos" (1969, pour mezzo, flûte, violoncelle et piano), "Parade" (1974, pour orchestre), "Les Ruines de Jeruzona" (1978, pour chœur et section rythmique), "La Passion selon Guignol" (1981, pour quatuor vocal amplifié et orchestre), "Aiguillage au Carrefour des Immortels" (2003, pour ensemble)-, et aussi indépendamment, "Les Ephémérides d'Icare 2" (1970, pour piano solo et 19 musiciens, socio-expérimentale), "Liège à Paris" (1977, pour bande et récitant), "Le Procès du Jeune Chien" (1974, et pour la version Francophone, 1978, théâtre musical de chambre, pour 2 acteurs, 3 voix solistes, 7 musiciens et bandes magnétiques), "Agonie" (1981, pour voix, percussions et synthétiseurs, ouverte, avec des textes sur la mort), "La Rose des Voix" (1982, pour voix, chœurs et 8 musiciens improvisateurs), "Sur Le Qui-Vive" (1985, pour voix de femme, 5 musiciens et sons enregistrés), "Traverser la Forêt" (1987, cantate pour récitant, voix et 12 musiciens), "Déclarations d'Orages" (1989, pour récitant, soprano, baryton, 3 instrumentistes improvisateurs), "Les Leçons d'Enfer" (1991, pour 2 acteurs, 3 voix, 7 musiciens, bandes magnétiques et électronique live), "Le Sablier du Phœnix" (1994, pour récitant, quintette vocal et orchestre de chambre), "Sursauts" (2001, pour violon, trombone et piano). | Belgique |
Radulescu | 1942 | 2008 | Horatiu Radulescu [1942, Roumanie (Bucarest) - 2008, Paris (France), décédé à 66 ans] (prononcer «radouleskou») étudie au Conservatoire de Bucarest avec Tiberiu Olah pour la composition, Stefan Niculescu pour l'analyse, Aurel Stroë pour l'orchestration ; juste après son diplôme, en 1969, il quitte une première fois son pays pour la France (mais y revient), et en 1974, il acquiert même la nationalité Française (en changeant l'orthographe de son prénom, en Horatio, une initiative peu suivie, semble-t-il, puisque les occurrences Google sont 10 fois moindres), mais sa culture d'origine (Balkanique, Byzantine) lui est viscéralement attachée, malgré les métissages des voyages ; entre 1970 et 1972, à la fin de la Guerre Froide, il participe aux cours de musique nouvelle de Cologne (avec Mauricio Kagel, Luc Ferrari) et aux cours d'été de Darmstadt où il rencontre John Cage, Iannis Xenakis (qu'il admire), Karlheinz Stockhausen, György Ligeti ; enfin, entre 1979 à 1981, il suit des stages de composition assistée par ordinateur et de psycho-acoustique à l'Ircam ; à partir de 1983, il fonde à Paris avec le Quatuor Arditti et Pierre-Yves Artaud, l'ensemble de solistes «European Lucero», avec lequel il donne des concerts, il enseigne lors de Masterclass (notamment à Paris en 1991-1993), et il vit davantage à l'étranger (Allemagne en 1988, USA en 1989, Italie en 1990, France, et plus récemment en Suisse) que dans son pays natal, où il ne retourne qu'en 1992, après sa «réhabilitation» consécutive à la chute du Mur de Berlin ; le personnage est notoirement complexe (y compris dans les postures qu'il affecte, comme ses photos marquant une ressemblance avec un Beethoven vénéré à outrance -jusque dans la coiffure-, ses goûts de richesse ostentatoire (partiellement assouvis), ses projets tapageurs, ses contrastes précaires (au niveau de la spiritualité, il clame appartenance au Catholicisme et au Taoïsme, celui de Lao Tzeu) ; un hommage lui a été consacré lors de sa disparition, ICI. Site Internet (en Anglais): www.horatiuradulescu.com... Première œuvre significative : "Credo" (1969, pour 9 violoncelles, créé seulement en 1979, aux murmures suraigus, révisé en comme "Ultimo Credo", en 1995). Instrument pratiqué : violon. | Moderniste-Spectral (tendance microtonalité). Horatiu Radulescu est un compositeur important, encore sous-estimé (isolé et peu joué) ; sans le revendiquer au départ, il est l'initiateur, dès 1969, de la généralisation des micro-intervalles, selon un processus distinct de la Musique Spectrale tel que conceptualisé par Murail-Grisey-Levinas (son «microtonalisme» est sans rapport avec les Français, et même éloigné de celui de Scelsi, qui est même antérieur et qu'il ne semble pas avoir rencontré, plutôt davantage dans la lignée des premiers compositeurs de la micro-tonalité du début du 20ème siècle, tel Alois Haba) : la résultante est moins une pulsation spectrale sculptant le son, qu'un jeu sur les timbres, sur l'acoustique, donnant un plasma sonore (un continuum suspendu, fondant de mutiples micro-évènements sonores, sans développement, sans début-fin, comme un phénomène en apesanteur), parallèlement à la première manière micro-polyphonique de Ligeti ; sa musique utilise fréquemment les instruments modifiés («scordatura») et son style apparaît d'emblée comme neuf et original, de nature à la fois cosmique, hallucinatoire et mystiquement démesuré (influencé par les constructions mathématiques, souvent organisé en canons, en cercles, mêlant périodicité et asynchronisme... tout en accaparant fortement l'intuitif et l'instinctif) ; ses œuvres, souvent avec des titres emphatiques ou prométhéens, souvent longues, sont concentrées sur la musique de chambre avec notamment 6 Sonates pour piano et 6 Quatuors à cordes, écrits tout au long de sa carrière (aucun opéra, aucune partition symphonique majeure, mis à part 2 concertos et "Wild Incantesimo" de 1978, utilisant 9 orchestres, 19 écrans projetant plus de 4000 diapositives, pendant 2 heures!) ; il a utilisé également à plusieurs reprises dans ses compositions un «sound icon» (une icone sonore), un grand piano posé verticalement comme une harpe, sans couvercle et aux cordes colophanées pour obtenir des effets résonants inouïs… Pièces emblématiques (sur un catalogue de plus de 110, mal connu, avec un risque de non-renouvellement) : "Capricorn's Nostalgic Crickets" (1973-1980, pour 7 instruments à vents), "Doruind" (1976, pour 48 voix, languissantes), "Thirteen Dreams Ago" (1978, pour 33 musiciens à cordes), "Do emerge ultimate Silence" (1974-1984, pour 68 voix d'enfants, par 2, a capella, en 34 hauteurs spectrales), "Iubiri" (1981, pour ensemble, non écouté), "Das Andere" (1984, pour trio à cordes et percussion), "Inner Time I, II, III" (1982, 1993, 1994, pour clarinettes), "Infinite to be cannot be infinite, infinite anti-be could be infinite" (1987, pour 9 quatuors, 8 d'entre eux pouvant être pré-enregistrés), "Being and Non-being Create each other" (1991, sonate pour piano n°2), "Byzantine Prayer" (1993, pour 40 flûtistes, non écoutée), Quatuor à cordes n°5 "Before the Universe Was Born" (1995, émergent-foisonnant), Concerto pour piano "The Quest" (1996), "Like a Well... older than God" (1993, sonate pour piano n°4, non écoutée en concert), Concerto pour violoncelle "Ulysses" (1999), "Khufu's Serpent I, II, III, IV, V" [1995-2003, pour ensemble et live électronique, non écouté en concert]. | Roumanie |
Reich | 1936 | 88 ans | Steve Reich [1936, USA (New York) - ] (prononcer «raïche») étudie la composition avec Hall Overton (après un diplôme de philosophie à Cornell University en 1957), puis, de 1958 à 1961, à la Juilliard School, avec William Bergsma et Vincent Persichetti ; parallèlement, il s'initie au Jazz (à la batterie) et à la musique électronique ; au Mills College, il suit les cours de Darius Milhaud et de Luciano Berio (1962-1963) ; le succès de ses premières partitions lui permet d'obtenir des bourses et de voyager, pour élargir son bagage musical : en 1970, les percussions Africaines, à Accra au Ghana, en 1973 et 1974, les gamelans Balinais «Semar Pegulingan» et «Gambang», à Seattle et à Berkeley en Californie, et, en 1976 et 1977, la cantilation des écritures hébraïques ; sa compagne, l'artiste vidéaste Beryl Korot (née en 1945), a notamment collaboré avec lui pour l'opéra en multimédia "The Cave", en 1993 ; en 1994, il devient membre de l'American Academy of Arts. Site Internet : www.stevereich.com ... Première œuvre significative : "It's Gonna Rain" (1965, pour bandes magnétiques). Instrument pratiqué : piano, percussions. | Progressiste-Minimaliste. Steve Reich est un compositeur important, et parmi les répétitifs, il a le plus recherché la Musique savante (et les constructions subtiles) ; il a découvert l'intérêt du déphasage de 2, voire 3, bandes initialement alignées à l'unisson qu'il a utilisé en électronique, puis qu'il a étendu aux instruments à partir de "Drumming" (et avec le temps son style devient davantage polyrythmique que répétitif et le tropisme avec la pop se fait plus marqué, comme pour John Adams) ; à partir de "Tehillim" (1981), il magnifie son ascendance Juive et le Judaïsme (religion) dans ses compositions, puis il s'engage de plus en plus dans la citoyenneté politique (thème des opéras, voix de récitant activiste), notamment après l'attentat du 9 Septembre 2001 (avec des résultats plus inégaux, musicalement parlant)… Pièces emblématiques : "Piano Phase" (1967, répétitif et innovant), "Violin Phase" (1967, pour violon et bande magnétique, incluant un re-recording, lancinant), "Drumming" (1971, pour tambours accordés, marimbas, glockenspiels, voix, sifflement et piccolo), "Clapping Music" (1972, pour 2 percussionnistes, avec battements de mains, polyrythmique), "Music for 18 Musicians" (1976, pour ensemble, suave), "Tehillim" (1981, cantilation hébraïque), "Desert Music" (1984, pour chœur et orchestre, motorique-statique), "Different Trains" (1988, quatuor à cordes et bande, poignant, avec en 2000, une orchestration), "The Cave" (1993, opéra vidéo, non écouté en concert), "City Life" (1995, pour ensemble, fascinant avec bruits urbains), "Proverb" (1996, pour 5 voix, 2 claviers et 2 percussions), "Three Tales" (2002, opéra vidéo, non écouté en concert), "Radio Rewrite" (2013, pour ensemble, inspiré par le groupe Pop-Rock Radio Head, nostalgique). | USA |
Rihm | 1952 | 2024 | Wolfgang Rihm [1952, Allemagne (Karlsruhe) - 2024, Allemagne (Ettlingen)] étudie, de 1968 à 1972, le piano et la composition avec Eugen Werner Velte et Wolfgang Fortner, au Conservatoire de Karlsruhe, puis avec Karlheinz Stockhausen à Cologne de 1972 à 1973, puis avec Klaus Huber à Fribourg-en-Brisgau de 1973 à 1976, et enfin avec Humphrey Searle ; dès 1973, il s'engage dans l'enseignement à Karlsruhe (il est nommé professeur de composition en 1985) et à Munich, à Darmstadt ; en 1981, il co-signe avec Manfred Trojan «Zur neuen Einfachheit» [vers la nouvelle simplicité], un manifeste pour une musique plus accessible, non sérielle et tonale (mais il s'en est écarté ensuite, notamment lors de l'assimilation de cette dite simplicité à la musique répétitive) ; actuellement il vit à la fois à Karlsruhe et Berlin, mais depuis 2017, suite à des soucis de santé, il ne compose presque plus ; physiquement, l'homme ressemble étrangement à (un portrait de) Beethoven avec la même volonté farouche, la même ambition de prise de risques calculée (mais avec une taille de 1.95 mètre!)... Première œuvre significative : "Kontour" (1974, une œuvre pour orchestre originale par le contraste entre la clarté et le brouillard), "Morphonie" (1974, pour orchestre et quatuor à cordes). Instrument pratiqué : piano. Hobby : peinture. | Moderniste-Expressionniste. Wolfgang Rihm est un compositeur important, inventif, qui aime la prise de risques (souvent accessible : son modernisme est de plus en plus tempéré, mais sans recherche de la séduction facile), mais inégalement (sur)prolifique (presque 400 numéros d'opus, peu joués en France) dont le langage ressort davantage de l'expressionnisme modernisé, plutôt contrasté et tonal (tendant alors vers le post-modernisme), que d'une véritable recherche de voies nouvelles (mais avec toujours un sens, un geste artitique associé à chaque pièce) ; sa musique est d'essence Germanique, aphorisante, avec une émotion fondée sur la puissance enflammée mais sèche, sur une percutante suavité et sur les contraires clarté-confusion, et à l'écoute, privilégiant souvent les oppositions fortissimo-pianissimo et extrême-aigus-extrême-graves ; ses partitions sont toujours de facture solide (ce qui attire les experts mélomanes, notamment pour ses quators) ; à partir des années 1990, ses œuvres connaissent plusieurs versions (pas le «work in progress» Boulézien, mais des ajouts de sur-écriture, de complexification limitée, vers encore plus d'expression, voire de folie poétique)… Pièces emblématiques (sur un total incroyable de quasi 400) : Quatuor n°3 "Im Innersten" (1976), "Jakob Lenz" (1979, opéra de chambre, sur la dérive vers la psychose schizo d'un poète renommé), "Tutuguri I-VI" (1981, pour orchestre, un monument pour les voix et percussions), "Départ" (1988, pour chœur mixte et ensemble, une pièce exemplaire de la «nouvelle simplicité»), "Chiffre-Zyklus" (8 pièces de formation variable, 1982-1988, non écouté en concert), "Die Hamletmaschine" (1983-1986, opéra d'après Heiner Müller, non écouté en concert), "Die Eroberung von Mexico" (opéra, d'après Antonin Artaud, 1987-1991, tout en percussions), ainsi que 2 musiques relevant du théâtre musical, "Die Hamletmaschine" (1986) et "Œdipus" (1987), puis, "Gesungene Zeit" (1993, pour violon et petit orchestre, monolithe flûté atmosphérique), "Deus Passus" (1996, oratorio, une Passion selon Saint Luc, corrigée, méditative), "Jagden und Formen [Chasses et Formes]" (2001, pour ensemble), "Et Lux [Et Lumière]" (2009, pour 4 voix et quatuor à cordes), Concerto "Séraphin" (2008, pour ensemble, halluciné, d'après Antonin Artaud, décliné ensuite pour groupes solistes et petit orchestre, en 2011, avec "Séraphin"-Symphonie). | Allemagne |
Riley | 1935 | 89 ans | Terry Riley [1935, USA (Colfax, Californie) - ] (prononcer «raïli») étudie le piano avec Duane Hampton et la composition avec Robert Erickson, à San Francisco (1955 - 1957), et aussi à l'Université de Berkeley en Californie (1961) ; en 1959, la rencontre déterminante avec La Monte Young (son condisciple à l'université), gourou du Minimalisme, le pousse à adhérer au «Theatre of Eternal Music» et à développer son goût pour l'improvisation ; en 1961, il part en Espagne, puis, s'installe en France (entre autres, à Paris, où il est pianiste de Jazz dans des clubs de Pigalle et collabore avec Chet Baker) ; parallèlement, il travaille à la Radio-Télévision Française (ORTF) et expérimente l'utilisation des bandes magnétiques dans "Music for the Gift" (1963) ; en 1964, il compose la première partition répétitive, "in C" (en Do majeur) dans laquelle tous les interprètes jouent les mêmes 53 motifs à répéter, puis il exploite ce filon jusqu'à la fin des années 70 (panne créatrice) ; en 1970, il rencontre, puis devient un disciple de Pandit Prân Nath, maître du Kirana, comme La Monte Young et Marianne Zazeela, et il séjourne plusieurs fois en Inde ; il s'imprègne du style classique Hindoustani, puis peu à peu y incorpore des formes de Pop-Jazz-Electro ; il enseigne la musique Indienne au Mills College d'Oakland de 1972 à 1980 ; entre 1989 et 1993, il dirige l'ensemble Khayal, puis en 1993, il forme une compagnie de théâtre «Travelling Avant-Garde», pour des tournées de son opéra de chambre "The Saint Adolf Ring" ; à partir de 1993, il est aussi professeur à la Chisti Sabri School of Music, basée à Marin, en Californie, et à Jaipur, en Inde (jusqu'à sa retraite) ; parallèlement, il a fondé son propre label de disques audio et vidéo, Sri Moonshine, du nom de son ranch situé dans les montagnes de la Sierra Nevada en Californie (2002, premier CD). Site Internet : http://www.terryriley.net (nouveau en 2010)... Premières œuvres significatives : Concerto "pour 2 pianos et 5 magnétophones" (1960, pour piano, électronique et ensemble, très inspiré des pièces aléatoires de John Cage, avec de nombreux collages anarchiques de sons de claviers et de bruits), "Music for the Gift" (1963, expérimentant un changement progressif sur des répétitions à rythme constant, préfiguration multi-pistes du minimalisme). Instruments pratiqués : piano, synthétiseur. | Progressiste-Minimaliste (tendance Pop). Terry Riley est un compositeur dont le nom est associé à la première Musique répétitive (il en est le fondateur emblématique avec "In C" [en Do], même si La Monte Young en est le vrai initiateur que l'on qualifie de minimaliste) ; son style est à mi-chemin de l'improvisation, de l'Électro-Pop et du Jazz-Rock, et des techniques d'insertion avec bandes magnétiques ; depuis les années 1970, il est plus proche de la Pop et de l'improvisation, du Raga, des Sufis et des Derviches, donc clairement en marge de la Musique Contemporaine, mis à part une collaboration particulière, à partir de 1979, avec le Kronos Quartet (rencontre avec son fondateur David Harrington, au Mills College d'Oakland, USA), qui a permis des compositions plus «savantes» (non écoutées en concert), pour un total de 13 Quatuors à cordes, dont "Cadenza on the Night Plain" (1985), "Salome Dances for Peace" (1989), "Requiem for Adam" (2001), sans compter l'opéra de chambre multimédia "The Saint Adolf Ring" (1992, d'après les textes et la personnalité schizophrénique d'Adolf Wölffi), ou en musique de chambre, "The Book of Abbeyozzud" (1993) ; beaucoup de ses pièces récentes ne sont pas écrites (pas éditées) mais improvisées (et enregistrées), la plupart utilisent le synthétiseur, et aussi les instruments Indiens traditionnels : il est très peu joué en France sauf "In C" (dernier concert avec son fils, guitariste, en 2004)… Pièces emblématiques : "In C" (1964, pour ensemble non spécifié, hypnotique et semi-ouvert, décliné en de nombreuses formations dont une avec quatuor à cordes et percussions), "Keyboard Studies" (1966, pour clavier), "A Rainbow in curved Air" (1969, pour ensemble), "Salome Dances for Peace" (1989, quatuor à cordes, un voyage initiatique de 100+ minutes), "The Book of Abbeyozzud" (1993, pour 2 guitares, violon et percussions). | USA |
Risset | 1938 | 2016 | Jean-Claude Risset [1938, France (Le Puy-en-Velay, Haute-Loire) - 2016, France (Marseille), décédé à 78 ans] étudie le piano avec Robert Trimaille et Huguette Goullon, l'écriture musicale avec Suzanne Demarquez et la composition avec André Jolivet, puis s'expatrie 2 fois aux USA (1963-1965 et 1967-1969), où il rencontre d'abord Edgard Varèse et travaille avec Max Mathews aux Bell Telephone Laboratories (New Jersey) pour développer les ressources musicales de la synthèse des sons par ordinateur (entre temps et parallèlement, il suit Normale Sup et passe l'agrégation de Physique, puis un Doctorat en Sciences Physiques, en 1967) ; à partir de 1971, il enseigne en France et aux USA (Université de Marseille, Ircam comme 1er directeur du département «Ordinateur» de 1975 à 1979, Stanford, Darmouth), tout en continuant ses recherches (CNRS, Orsay), jusqu'à sa semi-retraite en 1999 ; il est malheureusement beaucoup trop rarement joué en concert ; chez lui, le chercheur scientifique et le musicien n'ont toujours fait qu'un ; le personnage est calme, posé, mesuré, rigoureux (le voulant), intériorisé, souple (aimant le participatif), bienveillant-passionné, sans effusion tout en gardant un esprit engagé (par exemple dans la résolution d'une complexité surgie au cours de la discussion, ou, plus surprenant, dans la sauvegarde des cultures Amérindiennes (comme Jolivet)... Première œuvre significative : "Suite de Little Boy pour Ordinateur" (1969, suite de musique de scène, avec synthèse imitative notamment de trompette). Instrument pratiqué : piano (concertiste, initialement). | Moderniste-Expérimental. Jean-Claude Risset est le compositeur le plus innovant de sa génération et un des compositeurs pionniers (avec John Chowning) de la synthèse des sons par ordinateur ; ainsi, "Mutations I" est une des premières œuvres importantes entièrement synthétisées par un ordinateur ; c'est aussi une oeuvre fondatrice car elle a initiée une révolution, la psycho-acoustique (où la musique-son perçue est différente, voire opposée, au son composé) ; cependant (à l'opposé de Pierre Schaeffer, par exemple), son style compositionnel est aux antipodes de la démonstration technique : une vraie inspiration poétique et une intelligence émotionnelle des constructions combinatoires et de nos illusions auditives (sur les fréquences, sur les rythmes, sur les instruments acoustiques eux-mêmes) ; au niveau langage, il a innové de manière radicale sur les illusions auditives par les rythmes et par la spatialisation (montants, descendants, complexes, qui ont été repris-imités par György Ligeti et Michaël Levinas ou Fabien Lévy ou même Pierre Henry), des illusions qui ne sont pas que conceptuelles, mais s'entendent -et séduisent- en concert et crée chez le mélomane une sorte de trouble déconcertant des sens (un peu comme le train de la relativité restreinte d'Einstein ou l'ascenseur montant-descendant de DisneyLand) ; une personnalité à part, d'une puissante originalité et curiosité, à la fois musicien (rien de gratuit ou de stérile dans sa musique, et un tropisme pour le beau son, y compris spectral, et l'onirisme) et chercheur en physique acoustique (il est l'initiateur de la synthèse par distorsion, par ondelettes, ou par «grains de Gabor», il applique en les généralisant des concepts d'autres acousticiens comme les fractales ou les synthèses imitatives) ; il compose à la fois de la musique synthétique seule (électroacoustique) et de la musique mixte (électro avec instruments traditionnels)… Pièces emblématiques (sur un total limité d'environ 70): "Computer Suite From Little Boy" (1969, bande) , "Mutations I" (1969-1973, pour ordinateur, avec ensemble pour la version II), "Dialogues" (1975, pour 4 instrumentistes et bande avec Music V, avec imitation synthétique des sons instrumentaux), "Inharmoniques" (1977, soprano et bande, fusionnel), "Trois Moments Newtoniens" (1978, bande seule avec instruments synthétisés), "Mirages" (1978, ensemble et bande, non écouté en concert), "Songes" (1979, bande, évidemment onirique), "Passages" (1982, pour flûte et bande), "Sud" (1985, bande, nature sans nature), "Voilements" (1987, saxophone ténor et bande en duo), "Attracteurs étranges" (1988, pour clarinette et sons de synthèse, au son gelé), "Phases" (1988, pour grand orchestre), "Huit Esquisses en duo" (1989, pour un pianiste et ordi), "Rounds" (1990, pour piano), "Trois Etudes en duo" (1991, pour un pianiste et ordi), Triptyque (1991, concerto pour clarinette et orchestre) , "Trois Etudes pour la Main gauche" (1993, pour piano acoustique interactif type Yamaha Disklavier), "Invisible Irène" (1995, pour ordinateur, avec imitation de la voix soprano), "Nature contre Nature" (1996, percussions et ordinateur), "Plectre" (1996, pour piano acoustique interactif type Yamaha Disklavier), "Mokee [Mort]" (1996, pour voix de basse ou soprano, piano et sons fixés sur support ad libitum, déroutant, sur la disparition de 500 tribus Amérindiennes depuis Colomb), "Elementa" (1998, pour bande, sur support 4 pistes), "Rebonds" (2000, pour piano interactif disklavier Yamaha, connecté à un ordinateur et percussion) , "Tri-IX" (2002, pour piano), "Escalas" (2002, pour grand orchestre), "Echappées" (2004, pour harpe celtique et traitement numérique en temps réel), "Oscura" (2005, pour soprano et bande), "Schèmes" (2007, concerto pour violon et orchestre), "Multiples" (2009, pour piano et électronique). | France |
Robin | 1974 | 50 ans | Yann Robin [1974, France (Courbevoie, près de Paris) - ] étudie d'abord l'orgue à Aix-en-Provence (1984), puis en 1994, il entre dans la classe de jazz du Conservatoire de Marseille et s'initie à la composition avec Georges Bœuf (et commence une 1ère carrière professionnelle comme musicien dans les caves à jazz et comme enseignant de piano-jazz) ; en 2002, changement majeur et passage tardif (à 28 ans) du jazz à la Musique Contemporaine, il part à Paris pour des études de musicologie à la Sorbonne et, au Conservatoire de région (de la rue de Madrid), pour suivre les classes d'harmonie et de contrepoint, puis en 2003 au Conservatoire national (à la Villette), pour des classes de composition avec Frédéric Durieux et d'analyse avec Michaël Levinas ; enfin, il complète sa formation par des cours séparés avec Jonathan Harvey, Brian Ferneyhough, et Jean-Luc Hervé et suit le cursus d'informatique musicale à l'Ircam ; en parallèle, en 2005, il co-fonde l'Ensemble Multilatérale, signe d'un engagement entrepreneurial envers la création et l'interprétation moderne sans esprit de chapelle (en tant que directeur artistique) ; il est en résidence à la villa Médicis à Rome (2009-2010) ; le personnage est à la fois sérieux et facétieux (fêtard), artiste et presque enfant de la balle, jouant souvent avec le feu, il ose dans tous les registres (on dirait aujourd'hui qu'il est couillu). Site Internet personnel : www.yannrobin.com... Première œuvre significative : "Styx" (2003, pour clarinette, violon, violoncelle et piano). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Surexpressionniste (tendance métal). Yann Robin est un des 10 plus importants compositeurs de sa génération dont les multiples doubles héritages (jazz et musique savante, les 2 Conservatoires Parisiens aux cultures distinctes, les instruments acoustiques atypiques et l'Ircam), lui apportent un enrichissement unique par métissage (fertilisation croisée) ; son ancrage stylistique actuel reconnaît le premier Igor Stravinsky, Edgard Varèse, Iannis Xenakis et Gérard Grisey, et ses racines émotionnelles sont éclectiques (Heavy Metal à l'adolescence, jazz en grand ensemble, Bebop, Hard-bop, Electro, Free, avec des références comme John Coltrane, Miles Davis, Thelonious Monk, Keith Jarrett, Herbie Hancock), pour une musique d'une profonde originalité, d'une grande liberté, sans appartenance ni marquage, dans laquelle le rythme (complexe) et l'hyper-division des pupitres tiennent une place majeure (et aussi la saturation, avec Frank Bedrossian et Raphaël Cendo, les 3 mousquetaires de cette nouvelle esthétique) ; sa musique est marquée par l'énergie, l'effervescence, l'apparence de l'improvisation (en fait, très construite et réfléchie), un scénario-histoire (elle raconte, elle se meut), avec des lignes, des volumes asymétriques (ou faussement symétriques) et un son-rythme uniques… Pièces emblématiques (sur un catalogue d'une bonne soixantaine en 2024) : "Chaostika" (2005, pour percussion et électronique), "Schizophrenia" (2007, pour clarinette et saxophone, brillant dialogue de l'illusion), "Art of Metal I, II, III" (2007-2008, pour clarinette contrebasse métal, avec ou sans ensemble, et avec ou sans dispositif électronique en temps réel, fascinant et électrisant concerto), "Vulcano" (2010, pour grand ensemble, poème symphonique polyrythmique et suffocant), "Inferno" (2012, pour très grand orchestre et électronique live et fixée, poème symphonique sur l'Enfer de Dante, descente tripale jusqu'à l'anéantissement), "Monumenta" (2013, pour orchestre, grand bourdon-grondement, sa pièce la plus ambitieuse dans l'extrême saturation, jamais rejouée après création), Quatuor à cordes n°3 "Shadows" (2016, radical), "Quarks" (2016, concerto pour violoncelle et orchestre, incomparable et éclaté), "Papillon Noir" (2018, monodrame sur l'état pre-mortem, pour voix parlée, choeur mixte amplifié et ensemble), "Triades" (2020, pour contrebasse, ensemble, électronique et vidéo, engagé), "Requiem Æternam" (2023, pour orchestre, 2 pianos, orgue, double choeur, monumental). | France |
Romitelli | 1963 | 2004 | Fausto Romitelli [1963, Italie (Gorizia, près de la frontière Slovène) - 2004, Italie (Milan), décédé à seulement 41 ans] étudie la composition avec Franco Donatoni à l'Accademia Chigiana de Sienne et à la Scuola Civica de Milan, sa ville d'adoption ; il émigre à Paris en 1991 pour se rapprocher des compositeurs spectraux et des musiciens de l'ensemble L'Itinéraire et travaille ensuite à l'Ircam à Paris en tant que compositeur-chercheur, de 1993 à 1995 ; ses pièces construites sur un déroulement et sur le psychédélique séduisent les jeunes chorégraphes, notamment Maud Le Pladec (2010, "Professor", 2013, "Poetry") ; son cancer du sang à mauvais pronostic (un lymphome leucémique) a été diagnostiqué assez tôt, ce qui lui a permis de vivre plus longtemps que l'espérance moyenne, mais avec des rechutes fréquentes (et terribles) jusqu'à l'inévitable greffe de moëlle ; l'artiste se veut un reflet «objectivé» de son (notre) monde, c'est-à-dire ultra-violent, a-normal, sanguinaire, déviant ; un personnage qui, jeune, est impatient, engagé, militant, passionné, joueur, ironique (tendrement), fidèle en amitié, mais que l'ombre de la maladie proliférante, avec ses hauts et ses bas, a pu rendre décalé, détaché, voire taciturne (on le serait à moins), toujours en sursis, tout en étant porté par le projet suivant ; aujourd'hui son aura d'hybride du spectral et des rocks (tendance récente), sa voix-langage, unique et saturée, a trouvé l'écho des compositeurs de la nouvelle génération, nés après 1990... Premières œuvres significatives : Ganimede (1986, pour alto solo), et surtout Kû (1989, pour ensemble). Instrument pratiqué : guitare (électrique), piano. | Moderniste-Surexpressionniste (tendance psychédélique). Fausto Romitelli est un compositeur dont l'importance et la notoriété augmentent rapidement depuis sa mort prématurée, notamment dans la génération de musiciens et d'élèves des conservatoires née après 1980 ; outre Franco Donatoni, ses premiers grands modèles esthétiques sont György Ligeti, Giacinto Scelsi, puis Karlheinz Stockhausen, Pierre Boulez, mais ses choix compositionnels (et ses amitiés) relèvent surtout des co-fondateurs de l'école dite spectrale, Gérard Grisey, Tristan Murail (période fusionnelle, puis granulaire, et plus tard pour son cycle «Random Access Memory») et Michael Levinas (le rythme) et aussi d'une vénération, comme «indépassable modèle», pour "Saturne", une pièce fusionnelle d'Hugues Dufourt) ; son esthétique magnifie donc l'importance du son comme «matière à forger», et en plus elle intègre la dimension suivante qui en fait un compositeur original, à la fois à part et obsédant ; en effet, toutes ses pièces sont habitées par des traits d'errances, de violences, d'hallucinations et de convulsions (de toutes sortes, sonores, rythmiques, déviantes, quasiment sous drogues), souvent soutenu par un continuo peu utilisé avant lui (piano standard ou électrifié ou modifié, ou encore synthétiseur, guitare électrique, contrebasse ou basse électrique), par un sens sur-développé de la répétition, de la démesure (psychédélisme), anticipant (et accompagnant) le mouvement des compositeurs saturateurs et autres adeptes du son dit sale ; les sons amplifiés et traités électroniquement (déformés, étirés) sont alors visuels, voulus comme un mode de transmission dramatique et sur-expressif, où il ne s'agit pas de valoriser la matière sonore (comme une carte postale), mais d'en révéler les propriétés une fois exacerbée (ou surlignée, mais sans trait grossier, ni caricature), comme une musique aux sonorités du post-rock et de la techno (déviante, distordue, paroxystique, souvent ultra-pessimiste... sans leur côté improvisation et leur pâte fusionnelle typiques, mais avec une construction solide, faussement impulsive et un vrai déroulé-scénario) ; il agit bien comme un compositeur de musique savante et écrite, avec une harmonie-timbres riche, des rythmes complexes et superposés, métamorphose des phrases, avancement par vagues, et un acte créateur différent pour chaque pièce, tout en étant davantage en phase avec la jeunesse de son époque que les compositeurs standards… Pièces emblématiques (sur un total d'une vingtaine, dû à un décès précoce) : au début, le langage est d'ascendance spectrale, "Sabbia del Tempo [Sables du temps]" (1991, pour 6 musiciens), "Natura Morta con Fiamme [Nature morte avec Flamme]" (1991, pour quatuor et électronique), "Golfi d'Ombra [Golfes d'Ombre]" (1993 pour percussion), ensuite, la maturation de son style a été accélérée sans doute par son engagement fort dans la subculture (typique des groupes rock alternatifs comme Sonic Youth ou techno comme Aphex Twin - The Tuss, selon des proches, et de tant d'autres), puis par la course à la survie ; notamment, depuis "Acid Dreams and Spanish Queens" (1994, pour petit ensemble amplifié avec guitare électrique), s'accumule avec quasi frénésie une série de pièces majeures, "EnTrance" (1996, pour soprano et petit ensemble avec synthé et contrebasse à 5 cordes, obsessionnelle et exubérante), "Cupio Dissolvi" (1997, pour petit ensemble, avec orgue rock et cymbales ride, dont le titre, symbolique, est une locution Latine évoquant le suicide, littéralement «J'ai le Désir de m'en Aller», noire), "Lost" (1997, pour soprano et petit ensemble, incorporant basse électrique rock, erratique), "Professor Bad Trip I, II, III" (1998-2000, pour divers instruments de chambre, associant des couleurs instrumentales acoustiques distordues, électriques ainsi que des accessoires comme le mirliton et l'harmonica, en s'inspirant des œuvres d'Henri Michaux écrites sous l'effet de drogues dans une atmosphère hallucinatoire), "Domeniche alla Periferia dell'Impero [Dimanche, à la Périphérie de l'Empire]" (1996 et 2000, en 2 mouvements indépendants, pour flûte, clarinette, violon, violoncelle, une musique assourdie par le vide absurde), "Amok Koma" (2001, pour divers instruments de chambre et électronique live, stupéfiant dans tous les sens du terme), "Trash TV Trance" (2002, pour guitare électrique solo, possédée), "Dead City Radio" (2003, un dyptique orchestral incluant "Audiodrome", sa seule pièce de la maturité pour grand orchestre, non écoutée), "An Index of Metals [Un Index des Métaux]" (2003, video-opéra de chambre, pour soprano, bande et ensemble, son œuvre-sommet ultime, et comme pour Gérard Grisey, son propre requiem inavoué). | Italie |
Saariaho | 1952 | 2023 | Kaija Anneli Saariaho [1952, Finlande (Helsinki) - 2023, France (Paris), décédée à 70 ans] (prononcer «kaïa sahariao») étudie tardivement la composition à l'Académie Sibelius d'Helsinki, à partir de 1976, avec Paavo Heininen, après une digression dès 16 ans, en parallèle aux études musicales, vers la peinture à l'École des Beaux-Arts ; ensuite, elle suit les cours à Darmstadt les Étés de 1980 et 1982, notamment avec Brian Ferneyhough, et à Fribourg-en-Brisgau avec Klaus Huber entre 1981 et 1983 ; elle vit et travaille à Paris depuis 1982, ce qui lui permet la révélation enthousiaste de la musique spectrale de Grisey-Murail et l'initiation à la musique avec ordinateur à l'Ircam (et aussi dans les studios d'Helsinki, de Stockholm et du GRM à Paris, ainsi qu'au studio de la fondation Strobel à Fribourg) ; en 2011-2012, elle est compositrice en résidence au Carnegie Hall (USA) ; sa personnalité est passionnée et indécise, à la fois extravertie et introvertie (conflits intérieurs), maîtrisée par la rigueur et une volonté tenace, à l'extérieur réservé (à la Scandinave), voire cryptée, avec une forte dimension de fidélité (notamment avec Amin Maalouf, pour les livrets de ses pièces vocales) ; en 1984, elle épouse le compositeur Français Jean-Baptiste Barrière, ancien de l'Ircam, tourné vers le multimédia (aujourd'hui peu connu). Site Internet (en Anglais) : www.saariaho.org... Première œuvre significative : "Verblendungen" (pour orchestre et bande, 1984). Instrument pratiqué : violoncelle, flûte (pour lesquels elle a innové avec de nouvelles techniques d'écriture : variations de pression et d'inclinaison de l'archet du violoncelle). | Moderniste-Spectrale (tendance post-spectrale). Kaija Saariaho est une compositrice nationale de sensibilité Scandinave (lyrisme, descriptif, sons haut-médiums), même si son attachement à la France est patent ; son écriture est marquée par la sculpture du son (post-spectralisme, longues trames, texture lisse et limpide), par le timbre (évanescent, avec des glissandi fréquents) et la couleur (pas nécessairement à large spectre, resserrée, lumineuse, souvent grise, à l'instar des gens du Nord ou électronique dans son acception fusionnelle) ; jusqu'aux années 1990, son style est hétérogène et exploratoire (bande, puis électroacoustique live, multimédia), ensuite plus sensuel et expressif, plus coloré, plus stable et abouti, tout en continuant à miser sur les transformations progressives et les contrastes,avec des effets de miroir, des symétries, et souvent une ambiance contemplative ; l'influence des premiers spectraux Français est constante pour son catalogue (les appels) dans un tout de plus en plus consensuel (récemment, moins inspiré), avec, en parallèle, une dimension diaphane et assez intimiste ou retenue (même dans les déflagrations) ; ses 4 opéras ont marqué les aficionados, le dernier en 2021, un polar en huis-clos… Pièces emblématiques (sur un total d'au moins 170 en 2021, avec prédominance pour la musique de chambre, souvent avec voix) : "Lichtbogen" (1986, pour ensemble de chambre et électronique, subliminal), "Io" (1987, pour ensemble instrumental, bande et électronique), "Nymphéa" (1987, pour quatuor à cordes et électronique live), "Petals" (1988, pour violoncelle et électronique live, post-spectrale), "Du Cristal...à la Fumée" (1990, diptyque pour grand orchestre, monumental), "Près" (1992, pour violoncelle solo et électronique, préenregistré, synthétique et live, boulimique), "Graal Théâtre" (1995, concerto pour violon, dansant), "Lohn" (1996, pour soprano et électronique, élégie extatique sur fond cristallin), "Oltra Mar" (1999, pour chœur mixte et orchestre), "L'amour de loin" (2000, opéra), "L'Aile du Songe" (2001, pour flûte et orchestre), et son extraction pour quintette "Terrestre" (2002, scandé vif-lent, en rythmes complexes), "Adriana Mater" (2006, opéra sombre, entremêlant présent et rêve). | Finlande |
Saunders | 1967 | 56 ans | Rebecca Saunders [1967, Grande Bretagne (Londres) - ] (prononcer «saounndeurss»). Née à Londres dans une famille de musiciens amateurs, mais élevée à Edimbourgh en Écosse ; elle étudie la musique avec Nigel Osborne à l'Université d'Édimbourg jusqu'en 1997, année de son doctorat (Ph.D.) , avec une parenthèse pour sa formation de composition auprès de Wolfgang Rihm à la Musikhochschule de Karlsruhe entre 1991 à 1994 ; à son tour, elle enseigne en parallèle la composition dans plusieurs villes (par exemple, à Cologne, Hannovre, en Allemagne) et vit en Allemagne (Berlin) depuis longtemps ; en dehors de la musique, elle ressent une forte affinité envers le romancier dramaturge Samuel Beckett ; le personnage est réfléchi, résolu, tranché mais retenu (British) et engagé (un tempérament trempé), un brin féministe (tout en refusant la théorie du genre), froide au premier abord, avant que la passion intérieure ne bouillonne et ne reprenne le dessus. Site Internet (en Anglais) : www.rebeccasaunders.net... Première œuvre significative : Trio (1992, pour clarinette basse, violoncelle et piano). Instrument pratiqué : violon. | Moderniste-Postspectrale (tendance timbre). Rebecca Saunders est une compositrice Anglaise, à la notoriété internationale solidement établie ; elle affectionne la spatialisation et le mystère et ne ressent pas de tropisme pour la musique électronique (rares pièces avec électronique ou pour bande), même si à Berlin elle se doit d'être branchée dans les tendances de la mode (installations multimédias, coopération avec les chorégraphes, utilisation de collages et des boîtes à musique, sons soufflés mais peu de sons-bruits) ; sa musique, sensuelle, subtile, audacieuse, ponctuée de silences, a une personnalité propre, par ses timbres, qui est reconnaissable immédiatement (le son est clairement sculpté, projeté, avec des traînées) ; elle a effectivement innové par ses recherches majeures dans le domaine du timbre (là où l'on pensait ne plus pouvoir rien apporter) et de la résonance (y compris avec des instruments non-résonants, et sans électricité, ni reverbération accentuée) ; dans sa démarche, le geste instrumental et sa fragmentation compte beaucoup (par exemple, arrêts sur image sous la forme de longs silences, claquements-fouettements fortissimo) ; plus récemment, elle s'est essayée avec succès à l'insertion de la voix humaine dans ses pièces ; sa musique est exigeante et requiert une écoute attentive… Pièces emblématiques (sur un total de près de 80, varié avec prépondérance d'effectifs réduits, sans encore d'opéra) : "Quartet [Quatuor]" (1998, pour accordéon, clarinette, contrebasse, piano), "Dichroic seventeen" (1999, pour groupe de chambre avec accordéon), "Chroma" (2003, étendu peu à peu jusqu'à 2013, pour ensemble et objets sonores, sur les rapports entre le son et l'espace), "Vermilion" (2004, pour clarinette, guitare électrique et violoncelle), "Blaauw" (2004, pour trompette solo à double pavillon), "Fury I" (2006, pour pour contrebasse solo), "Fury II" (2010, pour contrebasse et quintette divers), Concerto pour violon "Still" (2011, violon et orchestre), "Shadow" (2013, pour piano avec pédale sostenuto), "Skin" (2016, pour soprano et 13 instruments), "Yes" (2017, pour soprano et ensemble spatialisé), "Nether" (2019, pour soprano et ensemble, théâtral). | Angleterre |
Scelsi | 1905 | 1988 | Giacinto Scelsi [1905, Italie (La Spezia) - 1988, Italie (Rome), décédé à 83 ans, selon ses vœux, dans la nuit du 8.8.88, le 8 étant son chiffre fétiche, mais, ironie du sort et dernière rebuffade de la camarde, l'administration Italienne, lente du bonnet, n'enregistre officiellement sa mort que le 9] (prononcer «chelssi») est un cas tout à fait isolé dans la Musique Contemporaine : une origine patricienne (aristocratique, symbolisée par le château familial de Valva) qui l'a mis à l'abri des nécessités financières (Rolls, avec chauffeur), un éloignement viscéral de la Société, jusqu'à la maladie psychiatrique en 1944 et l'internement épisodique pendant de nombreuses années (ce qui ne l'empêche pas de voyager jusqu'aux années 50, notamment en Afrique, et en Orient où il a forgé sa posture de médium transcendantal) ; après sa «guérison» (à l'hôpital, il passe des heures à ne jouer qu'une seule note -un «la bémol», répété sans fin avec d'infimes variations), il mène une vie solitaire dévolue à une recherche ascétique sur le son et à l'écriture de poèmes (amitié épistolaire avec Henri Michaux), refuse tout contact ou presque avec les médias (quasiment aucune photo) et le milieu artistique (sauf les dernières années, au cours desquelles il a visité divers pays d'Europe dont la France, à l'occasion des concerts dédiés, souvent pour des créations mondiales de pièces majeures anciennes, jamais jouées) ; à sa mort, peu de ces œuvres ont été créées en public (à ce titre, la date de début de composition est ici seule recevable, mais elle est souvent floue pour la date de fin), voire peu d'entr'elles sont jouées plus d'une fois et beaucoup ont été détruites par lui-même (écrites avant 1950) ou sont inédites ; un scandale bouffon éclate après sa mort, qui laisse entendre qu'il n'est pas l'auteur de ses œuvres, sachant qu'aucun manuscrit de sa main ne subsiste, mais seulement des transcriptions de copiste, et que, pour ses œuvres de piano, les départs de composition sont des improvisations enregistrées sur magnétophone Revox… la réalité musicologique est plus prosaïque: avec ses moyens financiers, Scelsi peut se payer un des premiers pré-synthés analogiques sur le marché à partir des années 1950, l'ondioline, qui permet la microtonalité, pour improviser de façon récurrente ad libitum et il peut conserver sur bandes (720 bandes archivées) ses impros qu'il transmet pour un travail de transcription-sélection-orchestrateurs à des copistes-arrangeurs, notamment à Vieri Tosatti (y compris à de jeunes instrumentistes choisis et aidés). Site Internet personnel (en Italien, conçu par sa sœur cadette Isabella) : www.scelsi.it... Première œuvre significative contemporaine (auparavant, des pièces significatives d'inspiration dodécaphonique, dès 1934, avec "Sonata pour violon et piano" ou "Concertino pour piano et orchestre", ou motoriste, avec "Rotativa") : "Cinque incantesimi" (1953, pour piano). Instrument pratiqué : piano, ondioline (et autres synthé). | Moderniste-Microtonal (pré-spectral). Giacinto Scelsi est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine, mais c'est une Voix à part : son style est incomparable, qui se rapporte souvent aux mythes de l'Inde et du Népal, et accapare les quarts de tons (il est en ce sens le prophète de l'École Spectrale, depuis ses "Quatro Pezzi" de 1959, et il a fortement influencé Gérard Grisey et Tristan Murail, dans leur jeunesse, entre 1971 et 1974, lors de leur pension à la Villa Médicis, à Rome) ; il sculpte le son, disent les analystes, ou pour faire pratique, sa musique est constituée de blocs de timbres souvent monodiques qui s'étalent en dérivant faiblement (glissements, avec d'éventuelles irisations, granulations) pour une véritable osmose sonore ; s'y ajoutent un sens assumé des clusters, des articulations-liaisons (contrastées), de l'intervalle inexploré entre consonance et dissonance ; son style, unique (à la fois sans parrainage-héritage encombrant et sans ingérence contemporaine), est également marqué par l'apurement (simplicité, ses détracteurs disant simplisme), par la répétition (ostinato) souvent sur une note polaire, et, par l'instabilité (reliée par certains à sa confusion mentale) autour d'un son ou via un écart extrême entre des notes distantes (l'intervalle étant vide ou bien rempli par un cluster) ; avant les années 50, il est passé par le dodécaphonisme (en étudiant à Vienne avec Walter Klein en 1935-1936, pas dans sa dimension structurale, mais plutôt pour la liberté atonale) et même le médiéval (avec beaucoup de déchet), mais seules ses œuvres d'après son aliénation mentale (soit après 1952) sont marquées par une profonde originalité et un langage unique, souvent d'allure méditative, planante et lente (mais pas toujours, plutôt bouillonnante avant 1959), sans construction ni progression apparente (soit au moins 50 œuvres, plutôt courtes, presque aucune ne dépassant 20 minutes, sur un total de plus de 150 au catalogue en 2009)… Pièces emblématiques : "Quattro Illustrazioni" (1953, pour piano), "Quatro Pezzi su una Nota sola [4 Pièces sur une seule Note]" (1959-1961, pour ensemble orchestral, la pièce paradigmatique de son style microtonal, qui joue une seule note), "Kya" (1959, pour clarinette solo et septuor), "Aiôn" (1961, pour grand orchestre), "I Tre Stadi dell'Uomo [Les Trois Âge de l'Homme]" (1956-1965, révisé-regroupé en 1974, pour violoncelle, une aventure statique et errante moirée sur une seule note), "Yamaon" (1958, pour voix de basse et 5 instrumentistes, en soliloques incantatoires), "Xnoybis" (1963, pour violon), "Duo" (1965, pour violon et violoncelle), "Anahit" (1965 et créé en 1966, pour violon solo et ensemble, tout en glissements), "Uaxuctum" (1966, mais créée en 1985, pour petit orchestre avec 6 contrebasses, chœur mixte, onde martenot et soprano amplifiée), cosmogonique), "Okanagon" (1968, pour harpe, percussion, contrebasse, envoûtant et en ostinatos ritualisés), Quatuor à Cordes n°4 (1964, avec 16 portées, une par corde, un continuum vertigineux), "Konx-Om-Pax" (1969, pour grand orchestre, chœur et orgue), "Pfhat (1974, pour grand orchestre et chœur). | Italie |
Schaeffer | 1910 | 1995 | Pierre Schaeffer [1910, France (Nancy) - 1995, France (Paris), décédé à 85 ans] (prononcer «chéfère») est davantage un ingénieur-concepteur théoricien de la Musique Concrète (comme fondateur) et un entrepreneur qu'un compositeur (sa formation est scientifique, diplômé de Polytechnique), même si sa famille est musicienne ; chargé dès 1934 d'équiper les studios de la Radio nationale (alors naissante), il crée en 1942 le Studio d'Essai, qui explore les potentialités du microphone ; puis il fonde et, de 1960 à 1975, dirige le service de la recherche de l'ORTF (radio et télévision), et, il crée en 1951, le Groupe de Musique Concrète, qui devient en 1958, avec comme assistant Pierre Henry, le Groupe de Recherches Musicales (GRM), d'abord au sein de la radio, puis de l'INA (le GRM est l'organisme phare de la création musicale sans instrumentiste, toujours en prospère activité aujourd'hui, mais bien plus diversifié vers les musiques populaires et autres impros) ; il écrit aussi des livres conceptuels et pédagogiques sur la Musique Concrète (notamment le «Traité des objets musicaux», 1966), sur sa différenciation avec la Musique Électronique (développée en Allemagne), plus importants que ses compositions, avant d'être le premier professeur (associé!) de Musique Fixée au Conservatoire de Paris (alors rue de Madrid) en 1968 ; pour l'anecdote, ce visionnaire a mal vieilli car il est complètement passé à côté de l'informatique musicale qui a dépassé la Musique Concrète Française (et son pendant dit Electronique, vis oscilloscope, Allemand) en jugeant l'ordinateur (computer) comme limité aux calculs et sans intérêt pour la composition (lourde erreur pourtant soulignée dès 1967 par Jean-Claude Risset, aux Bell Labs de Max Matthews aux USA avec le programme Music V, alors codable en Fortran, puis à l'Ircam)... Premières œuvres significatives : 5 Études de bruits ("Étude aux Chemins de Fer", "Étude aux Tourniquets", "Étude violette", "Étude noire", "Étude pathétique"), manifeste-création de la Musique sans instrument (à partir de sons-bruits enregistrés, dits concrets), diffusées le 5 Octobre 1948 sur Radio-Paris (qui ne mentait plus). Instrument pratiqué : piano, microphone. | Electroacoustique-Concret. Pierre Schaeffer est un concepteur-compositeur marginal, pionnier sur une période très courte (de 1948 à 1960), et surtout le «Père Fondateur» de la Musique Concrète ; grâce au studio consacré à l'expérimentation radiophonique créé en 1944, après bien des tâtonnements et de recherches balbutiantes, il compose les premières pièces de la Musique Concrète, seul puis en collaboration avec Pierre Henry (plusieurs compositions co-signées de 1950 à 1967), avec une préoccupation unique et essentielle, le son, sa matière et sa structure génératrices de musique, y compris et surtout le son-bruit (enregistré au microphone, puis modifié, manipulé, transformé, retravaillé-mixé) ; son style est certes marqué par son époque (percutant, goguenard, technologique, expérimental), et aussi par les limitations de la technique alors balbutiante, mais surtout par le sens unique du grain de la source musicale, de son impureté et de son foisonnement (et comme pour tous les prophètes, c'est avec sa descendance non conforme que l'on en apprécie le mieux la portée, dans le domaine acousmatique, bien sûr, chez Luc Ferrari, mais aussi dans la musique instrumentale, chez Helmut Lachenmann) ; sa musique part toujours d'un a priori conceptuel et théorique, car le personnage est un défricheur organisé de domaines inexplorés, pour se déployer paradoxalement dans la séduction réaliste des bruits-sons (les titres de ses compositions, anecdotiques, traduisent, de façon inappropriée, un côté bricolage ou une idée anecdotique de départ, car sa musique est très pensée) ; cependant (et objectivement) sa musique parait très datée aujourd'hui (jusqu'au maniérisme et au procédé systématique) et il est probable que l'histoire musicologique retienne davantage de lui son rôle de pionnier et de théoricien que celui de compositeur (en ce sens, son portrait n'est présenté ici que pour son importance historique, mais objectivement ses pièces sont seulement exemplaires, un peu comme Max Matthews, non portraituré ici, qui est le pionnier de la synthèse sonore par ordinateur mais n'a pas composé de pièces musicale vraiment impérissables)… Pièces emblématiques (sur un total très limité d'une douzaine, toutes pour bande seule, les plus signifiantes musicalement ayant été composées avec Pierre Henry, selon un couple improbable trouvaille technique - musique): "Diapason Concertino" (1949), "Variations sur une Flûte Mexicaine" (1949), "Suite pour 14 instruments" (1949), "Oiseau RAI" (1949), "Étude aux Sons Animés" (1950), "Étude aux Objets" (1950), "Bidule en Ut" (1950, une petit bijou d'humour pianistique construit sur une œuvre de Bach), "Symphonie pour un Homme Seul" (1950, l'alpha et omega de son savoir faire). | France |
Schnittke | 1934 | 1998 | Alfred Garrievitch Schnittke [1934, URSS (Engels, près de Saratov) - 1998, Allemagne (Hambourg), décédé à 64 ans], d'ascendance Juive, issu de père et mère Allemands (séjour déterminant à Vienne, adolescent, 1946-1948, culture et langue Allemandes à la maison, nationalité Allemande demandée et obtenue dès la chute du mur de Berlin, en 1989, sans abandonner la nationalité Russe), étudie d'abord la direction chorale à l'École Musicale de Moscou (1949-1953), puis la composition au Conservatoire de Moscou (1953-1958), dans lequel il enseigne à son tour la composition instrumentale et la lecture de partitions (1961-1972) ; ensuite, il vit principalement de ses compositions de musique de films (B.O.F.) et s'attache à écrire de nombreux articles (analyses et critiques) sur la musique de son temps et les concerts écoutés ; sa renommée de compositeur ne dépasse les frontières de l'ex-URSS qu'au moment du dégel de la Guerre Froide (1965-1968) ; en 1985, en résidence d'été sur la Mer Noire, il est victime d'une grave crise cardiaque le laissant dans le coma (à 3 reprises, le décès clinique est annoncé), ce qui, après rétablissement, l'oblige à réduire ses activités ; en 1990, il quitte la Russie pour s'exiler en Europe (il s'établit définitivement à Hambourg comme professeur de composition à la Hochschule für Musik) ; les crises cardiaques sont récurrentes, comme les séjours de plusieurs mois à l'hôpital (en 1992, il subit une nouvelle crise cardiaque grave, mais il se remet et reprend son travail ralenti de composition -écrivant de la main gauche-, le 4 Juillet 1998, la 5ème, grave et dernière, lui est fatale un mois plus tard). Site Internet personnel (en Anglais) : www.schnittke.org... Première œuvre significative : Sonate n°1 (1963, pour violon et piano). Instrument pratiqué : piano, chœur (chef). | Opportuniste (tendance polystylistique). Alfred Schnittke est un compositeur important (encore peu connu en Occident, et de moins en moins joué), un musicien pourvu d'une inspiration prolifique et d'une riche musicalité qui comme une éponge absorbe les influences : l'école Russe d'abord (Prokofiev et Chostakovitch), le mouvement dodécaphoniste (Berg), les clusters et le post-sériel ensuite (après la visite de Nono à Moscou en 1963), le collage (Zimmermann), la couleur par les timbres (Lutoslawski), la musique électroacoustique, le postmodernisme et le néo-romantisme enfin, selon une «recette» intuitive (viscéralement Slave, n'évitant pas toujours l'emphase ou le sur-dramatisme), polystylistique, en couches superposées ou en blocs juxtaposés ; son style manie l'art de la transition, de l'association et de la superposition d'idées (ses emprunts incessants, son melting-pot de citations, ses volte-faces, son éclectisme passéiste ont été critiqués, mais comme ils sont pleinement assumés, cohérents, et sans faille dans l'inspiration, il faut davantage le considérer comme un re-créateur, un musicien mélodiste, typiquement Russe) : son esthétique est totalement accomplie à partir de 1968 («seconde» période créatrice, dite polystylistique, à partir de la 2ème Sonate pour violon et piano) ; sa musique possède une grande cohérence en ligne avec le personnage : expressive, de couleur grise à noire (angoisse profonde, malaise existentiel), de tonalité aigre-douce (beaucoup de dissonances), imprévisible-énigmatique (chaos, climats croisés, courants multiples, emprunts vrais-faux), contant une histoire souvent comique (par dérision ou détournement) ou ludique, voire fantasque ; il a une prédilection pour le violon et autres instruments à cordes, auxquels il a consacré beaucoup d'œuvres, et il a toujours considéré Gustav Mahler comme le maître absolu ; hétéroclite, parfois jusqu'au grotesque, il remanie aussi toute la mémoire collective en la mixant-fondant pour assembler un patchwork qui a du sens, même grossier, même incongru, qui s'appuie sur des formes traditionnelles trahies (fausse symphonie, faux opéra, faux concerto grosso), dans une démarche parallèle à Mauricio Kagel ; après son dramatique accident de santé (1985), son inspiration s'amenuise et s'oriente vers l'ascèse... Pièces emblématiques (sur un catalogue total de 253 numéros d'opus, y compris près de 80 musiques de films et de nombreuses transcriptions, mais seulement 60 pièces après 1985): Sonate n°2 "Quasi una Sonata" pour violon et piano (1968, dissonante, détournement de la sonate), Symphonie n°1 (1974, emblématique du polystylisme, sur un total de 9, la zéro étant non numérotée, la 9ème étant restée inachevée, mais reconstituée par Alexander Raskatov, en 2006), Quintette pour piano (1976, orchestré comme "In Memoriam" en 1978), Concerto grosso n°1 (1977, néo-baroque, sur un total de 6, de haute facture), "Requiem" (1977, au climat étrange, théâtral, avec des motifs récurrents), Concerto pour piano et orchestre à cordes (1979, contrastant ombre et lumière), "Ritual" (1985, pour grand orchestre), Concerto pour alto (1985, innovant par la dérive chromatique), et de manière générale ses autres concertos et sa musique de chambre (notamment, le Trio à Cordes de 1985, la seconde Sonate pour violoncelle et piano de 1994, les Quatuors à cordes n°2 de 1980 et n°3 de 1978). | Russie |
Schoeller | 1957 | 67 ans | Philippe Schoeller [1957, France (Paris) - ] (prononcer «cheuleur») est un pur produit de la formation Française (Conservatoire de Paris : piano avec Jean-Claude Henriot, chant choral dans le Chœur Bach de Justus von Websky, harmonie et contrepoint avec Béatrice Berstel, direction d'orchestre avec Gérard Dervaux, analyse avec Robert Piencikowski), avec en outre un goût global pour l'art (DEA de philosophie de l'Art, à la Sorbonne) ; il complète ses études par des cours avec Pierre Boulez, Iannis Xenakis et Franco Donatoni, et des stages, notamment à l'Ircam, puis il s'émancipe de Paris en résidant en région, notamment à Strasbourg, puis à Montpellier (2008 - 2010) ; son frère, Pierre, est cinéaste (L'Exercice de l'État, 2011, dont il a composé la B.O.F.)... Première œuvre significative : "Cosmos" (1988, pour 2 pianos et 2 percussions). Instrument pratiqué : piano. Hobby : peinture. | Moderniste-Synthétique. Philippe Schoeller est un compositeur prometteur par son originalité et sa puissante imagination ; il a un goût marqué pour les phénomènes de résonance (longs échos), et sa musique est remplie d'une impatience énergique, mais avec une force douce, fondue… Pièces emblématiques (sur un catalogue total d'environ 75 pièces) : "S, hommage à Dionysos" (1989, pour ensemble, en tutti permanent), "Feuillages" (1992, pour ensemble et électronique), "Vertigo Apocalypsis" (1997, oratorio pour chœur mixte, ensemble orchestral et électronique), "Flügel", concerto pour piano et orchestre (1999, non écouté en concert), "Cinq Totems" (2000, pour orchestre), "Zeus, symphonie première" (2004, pour grand orchestre, non écouté en concert), Concerto pour violoncelle "The Eyes of the Wind" (2005, envoûtant et onirique), "Archaos Infinita I" (2006, pour 12 percussions variées, en ostinatos de souffles caverneux), Quatuor à cordes n°3 "Tree to soul" (2009), "Fractal Voices" (2016, pour flûte, hautbois, clarinette, basson et cor, sinueuse et énigmatique), Hermès V (2017, pour ensemble, à message). | France |
Sciarrino | 1947 | 77 ans | Salvatore Sciarrino [1947, Italie (Palerme, Sicile) - ] (prononcer «chiarino») étudie les arts visuels, puis la musique, initialement en autodidacte, ensuite (peu de temps) avec Antonio Titone et Turi Belfiore (1964) ; il commence à composer à 12 ans et découvre les compositeurs de la Musique Contemporaine grâce au festival «Settimane Internazionali di Nuova Musica» de Palerme (1960-1968), notamment Stockhausen ; il a enfin complété ses études à Rome et Milan, avant d'aborder l'électronique avec Franco Evangelisti (1969) ; il est directeur artistique du Teatro comunale de Bologne (1977-1980) ; jusqu'en 1982, il enseigne la composition aux Conservatoires de Milan, Florence et Pérouse : alors, il s'isole pour se consacrer à la composition et à l'enseignement personnalisé, en s'installant à Citta di Castello, une bourgade de l'Ombrie, au Nord de l'Italie ; le personnage est farouche, mais avenant et chaleureux, méticuleux (et insatisfait). Site Internet (en Anglais) : www.salvatoresciarrino.eu... Première œuvre significative : "Sei quartetti brevi" (1967-1971, pour quatuor à cordes, miniatures déjà caractéristiques, révisées en 1992). Instrument pratiqué : violon, piano. | Moderniste-Indépendant (tendance miniaturiste). Salvatore Sciarrino est peut-être l'un des 10 plus importants de la Musique Contemporaine, en tout cas un compositeur inattendu, hors norme, plutôt de l'indicible, de l'éphémère ou de l'extatique, les silences et les pianissimi devenant parfois indistincts, et de l'exigence (refus de la facilité mélodique, atonalisme fréquent, non-musique) ; son inspiration intimiste (concentrée), raffinée, attachée au timbre (incomparable, chromatique, à la couleur unique, à la fois crépusculaire et scintillante) et au souffle (littéralement, par la voix, dans les instruments), est marquée par des micro-variations des structures sonores (souvent par grappe) ou par des incongruités (coups de langue, respirations, percussions des clés, sons multiples), pour un résultat séduisant et poétique avec un effectif de musiciens plutôt réduit (que l'on a voulu à tort assimilé à un prolongement du Baroque, alors qu'il s'approprie la tradition vivante, y compris en collant fréquemment des fragments d'autres compositeurs, tantôt immédiatement reconnaissables par provocation-défi, tantôt cachés par réminiscence-hommage) ; il a innové avec le principe dit d'«inertie auditive» fondée sur la mémoire limitée de l'oreille, avec des pseudo-réitérations, dans le sens de la ritournelle, et il a atteint des sommets dans l'intégration de la voix avec les instruments accompagnant (y compris dans ses opéras)... Pièces emblématiques (sur un énorme catalogue de plus de 230 pièces, peu connu en France, mais inégal) : "Ai limiti della notte" (1979), "Introduzione all'Oscuro" (1981, pour ensemble), "Omaggio a Burri" (1995, pour violon, flûte et clarinette), "Muro d'Orisonte" (1996, pour clarinette, flûte, cor), "I Fuochi oltre la Regione" (1997, typique de ses pseudo-itérations), "Infinito nero, estasi di un atto" (1998, pour mezzo-soprano et ensemble, monodrame étrange), "Macbeth" (opéra, 2002, non écouté), "Da Gelo a Gelo" (opéra, 2006), "12 Madrigaux, Le Miroir des Murmures" (2008, pour 7 voix mixtes a cappella, tout en inflexions), "Quando ci risvegliamo" [Quand on se réveille] (2015, pour petit orchestre, mimétique). | Italie |
Stockhausen | 1928 | 2007 | Karlheinz Stockhausen [1928, Allemagne (Mödrath, près de Cologne) - 2007, Allemagne (Kürten-Kettenberg), décédé à 79 ans] (prononcer «chtokaousène») étudie le piano, la musicologie, la philologie au Conservatoire et à l'université de Cologne, la composition avec Frank Martin et, à Paris brièvement, avec Olivier Messiaen et Darius Milhaud, avant de suivre, en 1951, les Cours d'été de Darmstadt, où il enseigne à son tour 2 ans plus tard ; les aléas de sa jeunesse sont marqués par son origine modeste, la mort de son frère Hermann en 1933, et son destin d'orphelin précoce pendant la guerre (à 13 ans : mère euthanasiée comme handicapée mentale par les Nazis en 1941, père mort au front de l'Est en 1945), par des petits boulots très tôt, le poussant dans sa volonté de réussir ; entrepreneur infatigable, il participe à la création de la radio WDR (Westdeutscher Rundfunk) en 1950 (qu'il dirige à partir de 1962), il co-fonde le studio de Musique Électronique de Cologne en 1953, il suit les cours de phonétique de Werner Meyer-Eppler à l'université de Bonn (1954-1956), tout en dirigeant la revue Die Reihe (1954-1959) ; enfin, il commence à enseigner à Cologne, aux Kölner Kurse für Neue Musik (1963-1968), à l'Université de Pennsylvanie (1965) et à l'Université de Californie (1966-1967), aux USA, sans oublier d'important séjours au Japon (notamment, pour l'Exposition Universelle de 1970, avec composition électronique quasiment en direct!) ; en 1951, et en 1967, ses 2 mariages lui apportent successivement 6 enfants qui, avec des musiciens de passage, forment dans sa maison-cénacle une tribu dévouée, une expertise instrumentale ouverte à l'expérimentation, et aussi un champ de typification de personnages (notamment pour son septuple opéra "Licht" ou son théâtre musical) ; à partir de la fin des années 70, notamment dans le cadre de son œuvre gigantesque "Licht", et en raison d'une certaine désaffection des milieux musicaux officiels, y compris en Allemagne, il s'isole en s'établissant dans le village de Kürten, se consacre intensément à la composition et publie lui-même ses partitions et leurs enregistrements, et devient de plus en plus mystique, global, protéiforme et cosmique, avec un fort désir d'universalité (le dernier des compositeurs utopistes) ; le personnage est écorché (drames de l'enfance) : la rumeur l'a dit sectaire, rigide, arrogant, théoricien dans les années 50-70 (comme beaucoup d'autres créateurs-artistes... dans cette période de reconstruction), puis déphasé, mégalo-stratosphérique, déboussolé-désinspiré après les années 80 (surtout suite à sa remarque mal comprise puis déformée, après l'attentat du 11 Septembre 2001 à New York), mais c'est totalement faux ; ce qui frappe est sa curiosité insatiable, son désir de dépassement, sa minutie, son optimisme, son exigence personnelle, son opportunisme expérimental (le rebond sur la phrase précédente, Germanique, sans la logique Française, ou sur l'idée d'un autre selon ses détracteurs), sa tension dynamique envers la réussite sociale, et aussi sa gentillesse (sa non-agressivité) et son monde intérieur (qui va peu à peu dériver vers le cosmos, le mysticisme, le monumental et le démesuré), avec hélas une certaine accommodation avec les faits, la chronicité ou même la réalité ; un hommage lui a été consacré lors de sa disparition, ICI. Site Internet (en Anglais et Allemand) : www.karlheinzstockhausen.org/... Première œuvre significative : "Kontra-Punkte" (1953, 10 musiciens, sérielle). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Sériel-Innovateur. Karlheinz Stockhausen est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine (sériel, électroacoustique, et fusionnel intuitif) : depuis 1953 et pendant au moins 25 ans, il ne cessera d'innover et de surprendre, comme fer de lance, avec Pierre Boulez et Luciano Berio (complémentaires), de l'avant-garde contemporaine (sans compter les embrigadeurs comme Luigi Nono, voire Henri Pousseur) ; historiquement, son itinéraire (de pionnier) se construit selon au moins 10 mots clés séquentiels et souvent additifs : (1) sérialisme pointilliste, (2) groupes, (3) spatialisation du son, (4) temps électronique, (5) interprétation ouverte, (6) musique instantanée («Moment Form»), (7) collages, (8) méditatif, (9) théâtre musical, (10) par formule (par dilatation proportionnelle, en réintégrant la dimension mélodique, avec transformation sans répétition, sans variation, sans développement, depuis "Formel" en 1970) ; durant ses 30 dernières années, il se concentre sur 4 longs cycles cosmiques qui aboutissent à des œuvres monumentales, voire démesurées, dans un style de plus en plus fusionnel et intuitif (d'influence Yoga, mystique, cosmogonique et planant, mais moins radical, moins rigoureux et souvent moins inventif... et objectivement moins inspiré) : successivement, "Sternklang" (les constellations du ciel), "Sirius" (les 12 mois), "Licht" (les 7 jours de la semaine) et "Klang" (les 24 heures de la journée, resté inachevé, ou, limité à 21, soit 3 fois 7, son chiffre fétiche) ; même si une certaine cohérence s'impose dans la globalité de sa création, il reste le compositeur capable d'écrire des pièces extrêmement différentes (une pièce crée son propre style, son identité, sa représentation)… Pièces emblématiques (sur un catalogue de plus de 250, avec -semble-t-il au gré d'un peu de recul- beaucoup de déchet après 1978) : Klavierstücke I-IV (1954, pointillistes), V (1954), VI, VII et VIII (1955), IX et X (1961), XI (1957, co-création de l'œuvre ouverte avec la 3ème Sonate de Boulez), XIV (1985, pour piano amplifié), "Gesang der Jünglinge [Chant des Adolescents]" (1956, surtout électronique), "Zeitmasse" (1956, pour 5 bois), "Gruppen [Groupes]" (1958, pour 3 petits orchestres), "Zyklus [Cycle]" (1959, percussion solo), "Kontakte [Contacts]" (1960, électroacoustique), "Carré" (1960, pour 4 orchestres), "Stimmung" (1968, pour 6 vocalistes, méditative), "Momente" (1962-1971, pour voix et ensemble), "Hymnen" (1969, pour bande et orchestre), "Mantra" (1970, pour percussions), "Sternklang" (1971, musique dans un parc), "Tierkreis" (1975, pour clarinette basse, piano et petite boîte à musique, une pièce ludique avec pied-de-nez puéril, non écoutée en concert), "Sirius" (1977, pour synthétiseur et soprano, basse, clarinette basse, trompette), "Inori" (1978, pour ensemble amplifié, et un ou deux danseurs), "Licht" (1981-2003, 7 opéras, en 7 journées, totalisant 29 heures de musique et de bandes électroniques, d'inspiration très hétérogène, mais toujours captivants et immédiats en représentations des années 2010-2020, alors que les créations n'ont pas été convaincantes, avec dans "Mittwoch", le saisissant Quatuor "Helikopter", immortalisé par une chorégraphie de Preljocaj, pour lequel les 4 instrumentistes se trouvent chacun dans un hélicoptère, transformé en studio volant, avec mixage de la musique et du bruits des rotors, et le monumental "Weltparlament"), "Klang, Himmelfahrt" (Première Heure, 2005, pour ténor, soprano et orgue/synthé). | Allemagne |
Stravinsky | 1882 | 1971 | Igor Stravinsky [1882, Russie (Oranienbaum, près de Saint-Pétersbourg) - 1971, USA (New York), décédé à 88 ans] étudie le piano et la composition avec Nikolaï Rimsky-Kosakov (1903-1908), puis séjourne en France en 1910 ; la représentation à Paris en 1910 de son ballet "L'Oiseau de Feu" constitue le point de départ d'une carrière internationale de compositeur extrêmement brillante ; après avoir passé les années de la Première Guerre mondiale, y compris la Révolution Russe, en Suisse, il s'installe en France de 1920 à 1939, avant d'émigrer aux USA au début de la Seconde Guerre mondiale, pays où il demeure (avec des voyages à l'étranger, notamment Venise, Moscou en 1962), jusqu'à sa mort... Première œuvre significative : Sonate (1904, pour piano). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Opportuniste (tendance universel). Igor Stravinsky est, bien sûr, un des compositeurs essentiels de l'Histoire de la Musique, mais à l'opposé des opportunistes purement contemporains, il ne s'agit pas pour lui de suivre les modes, y compris rétrogrades, mais d'être poussé par la curiosité moderniste (et l'admiration de Webern et le respect pour la discipline d'écriture de l'avant-garde de l'époque)... autrement dit, son langage a beaucoup évolué mais son style est profondément convergent ; en dehors de cet opportunisme de style, sa musique est d'une grande cohérence, par sa splendeur de timbre, par son atavisme Russe (mais de racines Polonaises), par sa dimension sacrée ou rituelle, par sa liberté de facture, et bien sûr par ses rythmes ("Le Sacre du Printemps", étant un phare du siècle !) ; il est moins connu dans le cadre de la Musique Contemporaine qu'il n'a approchée qu'à la fin de sa vie, et pourtant, en se convertissant à un sérialisme plutôt libre, il a composé au moins 4 partitions essentielles… Pièces emblématiques : les 3 ballets légendaires ("L'Oiseau de Feu", 1910, "Petrouchka", 1911, le "Sacre du Printemps", 1913), "Les Noces" (1924, sa création la plus aboutie et la plus Russe, pour voix, chœur et orchestre, brillant mariage de lignes), des œuvres néoclassiques d'une grande élégance ("Pulchinella" de 1920, archétype du néoclassicisme avec emprunts à Giovanni Battista Pergolesi, "Mavra", opéra-bouffe de 1922, "Symphonie des Psaumes" de 1930, Symphonie "En Ut" de 1940, dramatique, éperdue, Symphonie "En 3 Mouvements" de 1946, et "The Rake's Progress", opéra rétro de 1951, avec, en plus, du Jazz) ; dans le style moderniste de la Musique Contemporaine, "Three Songs from William Shakespeare" (1953, sérialisme intégral), "In Memoriam Dylan Thomas" (1954, pour ténor et octuor à cordes et vents, tendu), "Agon" (ballet, 1954, moins inspiré), "Threni" (1958, pour soli, chœur mixte et orchestre, épurés), "Movements" (1960, pour piano et orchestre, libres, dansants et rythmés, déjà post-sériels, à comparer à ses pièces néoclassiques pour mesurer toute la cohérence) et "Requiem Canticles" (1966, pour contralto, basse, chœur et orchestre, dépouillés). | Russie |
Stroppa | 1959 | 64 ans | Marco Stroppa [1959, Italie (Vérone) - ] étudie la musique aux Conservatoires de Vérone, Milan et Venise, puis de 1984 à 1986, au MIT Media Lab (informatique musicale, psychologie cognitive et intelligence artificielle) ; alors, encore très jeune, il intègre l'Ircam en 1982 (parmi les pionniers) et y dirige le département de recherches musicales, de 1987 à 1990 ; rapidement il s'orinte vers une activité pédagogique importante (par exemple, il est nommé, en 1999, professeur de composition à la Musikhochschule de Stuttgart) ; le personnage apparaît dynamique, insatisfait, un brin stressé et engagé (au moins au niveau du verbe), toujours pressé (et en retard pour honorer les commandes) ; sa vie, hors enseignement et master-class, et son catalogue sur les médias et Internet semble s'être brutalement arrêtée en 2012 (après son opéra), voire 2016... Première œuvre significative : Metabolai (1983, pour petit orchestre). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Synthétique (tendance synthèse sonore). Marco Stroppa est un compositeur musi-informaticien, c'est à dire qu'il appartient à la génération qui a baigné dans l'informatique musicale et se sent à l'aise avec elle (sans nécessairement un RIM) ; sa musique n'est pas facilement identifiable par rapports à ses collègues de la même génération, sauf par la combinaison de son lyrisme, de son tropisme pour les aigus et pour les titres évocateurs (en Anglais ou Italien), tout en préservant mélodie, lyrisme et tonalité à peine suspendue ; sa musique est typiquement une peinture des atmosphères avec une recherche permanente de l'inouï sonore (souvent inspirées par ses lectures poétiques ou mythiques) ; son catalogue, varié, toujours éclectique avec bonheur, inclut des musiques électro-acoustiques (sons fixées ou en direct), mixtes (souvent) et même avec des effectifs traditionnels ; le piano est son confident et instrument privilégié (à côté des sons synthétiques)… Pièces emblématiques (limité à une cinquantaine, au total, avec une haute exigence de qualité inluant de fréquentes révisions post-créations): "Traiettoria [Trajectoire]" (1985, pour piano et électronique), "Spirali" (1989, pour quatuor à cordes projeté dans l'espace), "Miniature estrose I et II" (1991, 2005, in progress, 10 études pour piano solo, des miniatures virtuoses avec de nouvelles approches de la résonance), "Upon a Blade of Grass" (1996, pour piano et grand orchestre, délicat et poétique), "From Needle's Eye" (1997, révisé 2008, pour trombone, percussion et petit ensemble, d'après le poète Yeats), "Ritratti senza volto [Portraits sans visage]" (2007, révisé 2011, pour petit orchestre), "hist whist" (2009, pour violon et live electronics), "élet, fogytiglan [Jusqu'à la fin de la vie]" (1989, révisé 1998, pour ensemble), "In cielo, in terra, in mare" [Au Ciel, sur la Terre et en Mer] (1993, opéra radiophonique pour 6 acteurs, 8 chanteurs, sons concrets et ordinateur), "Come play with me [Viens jouer avec moi]" (2018, pour électronique solo et orchestre, ludique, sifflant-soufflant et mystérieux). | Italie |
Takemitsu | 1930 | 1996 | Toru Takemitsu [1930, Japon (Tokyo) - 1996, Japon (Tokyo), décédé à 65 ans] (prononcer «takémitsou») est quasiment un autodidacte (quelques études à la Keika Middle School, avec Yasuji Kiyose, en 1948) ; sa jeunesse s'inscrit dans le cadre de l'Histoire perturbée du militarisme Japonais (en Mandchourie jusqu'en 1938, mobilisation obligatoire dans l'armée Japonaise en 1944) et par suite se solde par un dégoût (temporaire) de la culture Japonaise qui se concrétise en 1951 par la création, comme co-fondateur, du groupe multidisciplinaire et anti-traditionnaliste, Jikken Kobo, et par une attraction envers l'Occident (découverte de la chanson Française «Parlez-moi d'amour», créée par Lucienne Boyer en 1930, puis du cinéma avec les films de Frank Capra et d'autres réalisateurs Américains, et du Jazz avec Duke Ellington, et enfin des compositeurs modernes passés à la Radio Japonaise comme Anton Webern et Claude Debussy (aussi César Franck), puis de Copland à Messiaen, et les sériels de Darmstadt) ; dès 1956, avec "Vocalism" (4 minutes), il est le pionnier de l'électronique au Japon ; en 1964, sa rencontre avec John Cage à Hawaï est déterminante car elle lui ouvre le champ aux expérimentations (l'aléatoire contrôlé), puis paradoxalement la voie au retour aux valeurs traditionnelles Japonaises (Cage étant un adepte du I Ching Chinois et du Zen Japonais) ; méticuleux et lent, fragile de santé dès son enfance (maladie des poumons, longue hospitalisation après guerre), le personnage (tout petit et longiligne) est à la fois atypique de ses concitoyens par son ouverture à l'extérieur (nombreux voyages et séjours aux USA et en France ; goût pour les conférences à un public mélangé) et traditionnel par son attirance pour la nature (et ses saisons), pour les instruments de musique locaux (notamment le Koto) et les sens instinctifs (hypersensibilité, mais sans sentimentalisme) ; curieux de tout et facilement tenté, il marque par un éclectisme hors pair (dans sa jeunesse il écrit des romans policiers, plus tard il arrange des chansons pop par exemple des Beatles, enfin il est un cinéphile averti avec jusqu'à plus de 300 films visionnés par an) ; financièrement, il a vécu de ses compositions alimentaires (surtout pour le cinéma et la télévision) et il n'a quasiment pas enseigné la composition ; il meurt (d'une pneumonie contingente à un cancer de la vessie) au moment où il ébauche son 1er opéra... Première œuvre significative : "Requiem" (1958, pour cordes, chromatique et polyphonique, qui est louée par Igor Stravinsky, lors d'un voyage au Japon, et lui ouvre notoriété et opportunités de voyages), "Water Music" (1960, musique concrète, enregistrements de sons de gouttes d'eau). Instrument pratiqués : piano, traditionnels Japonais. | Progressiste-National. Toru Takemitsu n'est pas une des figures des plus novatrices et des plus engagées sur le plan théorique de la Musique Contemporaine, il représente plutôt une synthèse originale entre l'Asie et l'Occident et ses rares œuvres longues sont toutes très abouties par leurs beautés sonores et le dépaysement qu'elles procurent et atypiques par leur fort contenu descriptif-paysagiste (ses «eaux», que ce soit la pluie ou le ruisseau ou la mer ou autres, ou ses «jardins» organisés, sont uniques) ; du Japon, il tient sa conception étirée (voire alanguie) du temps musical et un goût prononcé pour les instruments traditionnels Nippons (biwa, shakuhachi, koto, et leur inclusion dans le gagaku) ; influencé par Debussy et Messiaen, il a aussi tendance à un certain hédonisme sonore et à des alliages de timbres raffinés, souvent métalliques ou de couleur sombre (avec un sens accompli de l'harmonie) ; par ailleurs, il a composé plus de 90 musiques de film pour des réalisateurs Japonais tels qu'Akira Kurosawa (Ran, Dodeskaden), Nagisa Oshima (L'Empire de la Passion), Masahiro Shinoda (Assassinat), Hiroshi Teshigahara (La Femme de Sable) et Shohei Imamura (Pluie noire), et cela pour lui à des fins alimentaires, même si ces B.O.F., hors catalogue, sont bien au-dessus de la qualité habituelle ; son langage est très accessible, essentiellement en raison des rares dissonances, d'une recherche constante de la beauté formelle, et par une mise en place explicite de climats, de couleurs subtilement changeantes et la superposition de touches (impressionnistes) de nuances dynamiques, de timbres ou de hauteurs inhabituels, de formes circulaires souples (comme les jardins Japonais), sans ostinato ou répétition... Pièces emblématiques (sur un large catalogue de pièces souvent courtes, avec leurs titres en Anglais, parfois avec instruments traditionnels locaux) : "Eclipse" (1966, pour biwa et shakuhachi, elliptique), "November Steps" (1967, pour orchestre, rêveurs et mélancoliques), "In an Autumn Garden" (1973, pour orchestre avec gagaku, une étonnante symbiose entre le monde Occidental et Nippon), "Garden Rain" (1974, pour 10 cuivres en 2 groupes, suave), "Quatrain" (1976, pour orchestre), "A Flock Descends into the Pentagonal Garden" (1977, pour orchestre, un rêve pictural au jardin paysager), "Dreamtime (1982, pour grand orchestre, louvoyant et circulaire), et le remarquable cycle de pièces "Waterscape" [panorama d'eau] avec la récurrence du motif de notes S-E-A, ou si-bémol, mi, la, notamment "Waterways" (1978, pour clarinette, violon, violoncelle, 2 harpes et 2 vibraphones), "Rain Tree" (1981, pour 2 marimbas et vibraphone), "Toward the sea" (1981-1989, en 2 versions, pour flûte alto et guitare, ou, pour flûte alto, harpe avec ou non orchestre à cordes), "Rain Coming" (1982, pour orchestre), "Rain Spell" (1983, pour flûte, clarinette, harpe, piano et vibraphone), "Rain Tree Sketch" (1983, pour piano), "Riverrun" (1985, Concerto pour piano en 1 mouvement), "Rain Dreaming" (1986, pour clavecin, d'une grande poésie aquarellique), "I Hear the Water Dreaming" (1987, pour flûte et orchestre, onirique), puis avec des ambiances distinctes, "A Way a lone" (1981, pour quatuor à cordes), "All in Twilight" (1988), "Archipelago S" (1993, pour ensemble). | Japon |
Tanguy | 1968 | 56 ans | Eric Tanguy [1968, France (Caen, Calvados) - ], issu d'une famille de mélomane, étudie la composition avec Horatiu Radulescu (de 1985 à 1988) puis au Conservatoire de Paris, avec Ivo Malec et Gérard Grisey (de 1989 à 1992) ; il séjourne à la Villa Médicis à Rome (1993-1994) à la recherche de son propre style (curieusement, en y rencontrant les partitions de Jean Sibelius), et en revient avec un retour (définitif) aux demi-tons et une volonté de beau son, puis, comme nombre de jeunes compositeurs, il entame un tour de France de villes en résidence (Reims en 1995, Lille en 1996, Rennes en 2001-2003, etc., Besançon, en 2017) ; malgré de nombreuses distinctions, il reste à l'écart des Institutions (et comme les autres «spectraux» des débuts, notamment à l'écart de l'Ircam) ; il est en couple avec la soprano Patricia Petibon, puis avec la journaliste romancière Emmanuelle Gaume, et depuis 2017 avec la pianiste Suzana Bartal (née en 1986), la vie de famille lui est essentielle ; il est un amateur éclairé de cinéma (mais il n'a pas encore composé de B.O.F. de longs métrages) ; personnage avenant, généreux et chaleureux, calme et sensible, très marqué par l'amitié fidèle (cercle restreint se développant progressivement), enthousiate (toujours aujourd'hui), il est aussi un conteur hors-pair de la génèse relationnelle de ses propres pièces, notamment concertantes ; il n'a que peu d'autres activités (récemment enseignement de la composition, à temps partiel, par exemple à l'École Normale de Musique, à Paris, dite Alfred-Cortot), hormis compositeur (avec une production lente). Site Internet : erictanguy.com... Première œuvre significative : "Culte" (1986, pour flûte seule). Instrument pratiqué : violon. | Moderniste-Synthétique (initialement post-spectral, aujourd'hui plutôt progressiste). Eric Tanguy est un musicien établi et un orchestrateur talentueux, à la personnalité affirmée et au style assez original (émancipé du spectralisme pur, mais tendant récemment vers le post-moderne modal) ; sa musique, sans être difficile d'accès, est plutôt exigeante (mais pas aride, ni agressive) et subtile (plutôt séduisante), marquée par la vigueur dynamique et par la densité de l'expression, en privilégiant les œuvres concises ainsi que les pièces concertantes pour instrument soliste (notamment, le violoncelle) ; à l'instar d'un compositeur comme Henri Dutilleux, son esthétique est certes assez moderniste, mais davantage marquée par le métier que par l'innovation et l'originalité (ce qui ne nuit pas à son succès public actuel, bien au contraire)… Pièces emblématiques (sur un catalogue total d'environ 90, microtonales avant "Éclipse") : "Erleben" (1988, pour 8 musiciens), "Inwards" (1989, pour cuivres et percussion), "Convulsive Beauty" (1990, pour violoncelle et 8 musiciens), "Elsewhere" (1991, pour grand orchestre), "Éclipse" (1999, pour orchestre, très rythmique, avec une belle tension dramatique et un jeu sur ombre-lumière), Concerto pour violoncelle n°2 (2001, lyrique), "Invocation" (2009, pour violoncelle solo, sur-expressive), "Affettuoso, In Memoriam Henri Dutilleux" (2014, pour orchestre, apaisé et contrasté), "Matka" (2015, pour orchestre, instable et nordique), Concerto pour clarinette (2017, fondu et Brahmsien). | France |
Tippett | 1905 | 1998 | Michael Tippett [1905, Angleterre (Londres) - 1998, Angleterre (Londres), décédé à 93 ans] étudie à Marlborough College et au Royal College of Music de Londres (composition avec Ralph Vaughan Williams et direction d'orchestre avec Adrian Boult), profitant de la vie concertante et théâtrale, jusqu'en 1926 (influence de la Musique Ancienne, des madrigaux de la Renaissance, notamment de Pierluigi Palestrina) ; pendant la grande dépression et le chômage de masse, il s'engage socialement, en tant que militant du radicalisme politique, et crée un orchestre de musiciens chômeurs (South London Orchestra of Unemployed Musicians) ; il enseigne ensuite le Français à Morley College (Londres) et vivote comme chef d'orchestre dans une société d'opéras et de concerts, tout en écrivant des compositions qu'il juge décevantes et qu'il détruit (1935), avant de reprendre des leçons de contrepoint avec Reginald Owen Morris ; pendant la guerre, son engagement militant évolue vers le pacifisme, ce qui lui vaut 3 mois de prison en 1943, pour refus de service actif ; sa carrière de chef d'orchestre et de compositeur se développe après 1941, avec la direction musicale de Morley College (jusqu'en 1951), mais malgré un catalogue diversifié et fourni (notamment d'opéras) ne se propage à l'international qu'au milieu des années 60 ; sa personnalité est notoirement généreuse, engagée politiquement (Marxiste anti-Staline, anti-militariste) et socialement (chômage, pauvres et déshérités, cause homosexuelle), volontaire, analytique, mais complexe, voire compliquée (ses relations avec ses compagnons successifs ont défié la chronique). Site Internet (en Anglais, de son éditeur) : www.schott-music.com/shop/persons/az/19099/... Première œuvre significative : Concerto pour Double Orchestre (1939, pour 2 orchestres à cordes, polyphonique et syncopé). Instrument pratiqué : piano. | Progressiste-National. Michael Tippett est un compositeur national important, un musicien du lyrisme ; son style, en prolongement de la tradition, mais pas conservateur, est immédiatement reconnaissable, tonal (souvent avec une texture sonore très riche) et mélodique (loin du sériel et de l'électroacoustique), syncopé (rythmes ondoyants), un temps imprégné librement de néo-classicisme (Symphonie n°2 ou "Corelli Fantasia") ou bien de Jazz et de Spirituals ; son style est assez homogène et marqué par la mélodie entraînante alternant avec le statisme (avant 1947 plutôt contrapeutique, puis plus débordant et éclectique jusqu'à 1961, la maturité avec une esthétique un peu plus abrupte, et à partir de 1980, synthétique des périodes précédentes mais peut-être moins inventif) ; ses opéras sont d'une grande portée humaine (contemporains de ceux de Britten, et si différents) : les livrets sont écrits par le compositeur (un phénomène rarissime pour être souligné, reflet de son intérêt passionné pour les dilemmes de la Société et de son engagement envers les tabous sexuels de son époque)… Pièces emblématiques (sur un total limité de moins de 60): "A Child of Our Time [Un Enfant de notre Temps]" (1941-1945, pour solistes, chœur et orchestre, oratorio, contre l'antisémitisme), "The Midsummer Marriage [Le Mariage de la Saint-Jean]" (1952, opéra, profondément lyrique, avec les "Four Ritual Dances" extraites en 1953), "King Priam [Le Roi Priam]" (1961, opéra, dramatique et tendu, sur l'amitié Grecque antique et le double), Concerto pour Orchestre (1963, tout en mosaïques), "The Vision of Saint Augustine" [La Vision de saint Augustin] (1965, oratorio pour baryton, chœurs et orchestre, sur le cycle du temps), "The Knot Garden" [Le Jardin Labyrinthe] (1970, opéra en huis clos, avec un couple gay mixte), "The Ice Break" (1976, opéra pacifiste et psychédélique), Triple Concerto (1979, pour alto, violon, violoncelle, aux échos de gamelans), "The Blue Guitar" (1983), "The Mask of Time" (1984, oratorio pour soprano, mezzo-soprano, ténor et baryton, chœur et orchestre, sa pièce la plus ambitieuse), "The New Year" (1988, opéra, sur l'humanité et le rêve, mêlant réalité et anticipation futuriste), "The Rose Lake" (1995, poème symphonique, paysages en miroirs), sans compter ses 4 symphonies (la 2ème, 1957, poétique, la 3ème avec ses clusters, 1972, pour soprano et orchestre, la 4ème, 1977, sauvage, et la plus ambitieuse), ses 4 sonates pour piano (notamment la 2ème de 1962, assez abrupte) et ses 5 quatuors (surtout le 3ème de 1946 et les 2 derniers n°4 et 5, lumineux, 1979 et 1991). | Angleterre |
Ullmann | 1898 | 1944 | Viktor Ullmann [1898, Tchéquie (Teschen, alors en Autriche, aujourd'hui Cesky Tesin) - 1944, Allemagne (Auschwitz), décédé-gazé à 46 ans] étudie la composition avec Arnold Schoenberg à Vienne (entre 1918 et 1919), et aussi le droit ; il s'établit à Prague en 1919, où il est nommé répétiteur, puis chef d'orchestre du Nouveau Théâtre Allemand après une rencontre avec Alexander von Zemlinsky qui devient son professeur épisodique (entre 1919 et 1927) ; il est promu directeur de l'Opéra d'Aussig (sur l'Elbe), pour la saison 1927-1928, mais son programme jugé trop moderniste le fait écarter, et il devient chef d'orchestre à Zürich (1930 - 1931) ; il découvre le mouvement anthroposophique de Rudolf Steiner, s'écarte de la musique pour créer une librairie à Stuttgart (1932 - 1933), mais doit fuir l'Allemagne au milieu de 1933 suite à la montée du Nazisme et retourne à Prague comme professeur de musique, journaliste-critique musical, collaborateur à la Radio Tchèque ; puis il rencontre Alois Habá, par l'intermédiaire du mouvement anthroposophique, et suit ses cours de composition, dévolus aux quarts de ton, au Conservatoire de Prague (1935-1937) et entreprend de nombreuses partitions (15 pièces), jusqu'à son arrestation en 1942 ; il est déporté, avec son épouse, à Terezin (écrivant dans l'urgence et l'angoisse des œuvres majeures, dans ce camp de concentration pour lequel les Nazis organisent une riche vie culturelle, comme vitrine-propagande envers l'opinion internationale), puis à Auschwitz le 16 Octobre 1944, où il est gazé 2 jours après son arrivée. Site Internet (en Anglais, par une fondation créée par la pianiste Jacqueline Cole) : viktorullmannfoundation.com... Premières œuvres significatives (mais à la maturité assumée) : "Variations et Fugue sur un Thème Hébraïque" (1934, pour orchestre, d'après Schoenberg), "Der Sturz des Antichrist" [La Chute de l'Antéchrist] (1936, opéra), Quatuor à cordes n°2 (1938), Concerto pour piano (1939, fascinant). Instrument pratiqué : piano, violon. | Progressiste-National. Viktor Ullmann est un compositeur trop tôt disparu qui a intégré l'héritage de Schoenberg (harmonies dissonantes à la frontière de l'atonalité, sur-expressivité chromatique) tout en restant dans l'univers du sur-réalisme de son époque, influencé par Kurt Weill et de la micro-tonalité, influencée par Alois Habá ; sa musique, malgré les contraintes historiques majeures au niveau politique et financier (Art Dégénéré), reste très innovante pour l'époque dans le domaine de la couleur, du rythme, de la polytonalité... Pièce emblématiques de la période de la Musique Contemporaine (sur un catalogue conservé de déportation d'environ 20) : Quatuor à cordes n°3 (1943, poignant), Sonates pour piano n°5, 6 et 7 (1943-1944, la dernière se terminant par des variations sur un collage de Bach), de nombreux Lieder, "Der Kaiser von Atlantis oder Die Tod-Verweigerung [L'Empereur d'Atlantide ou le Refus de la Mort]" (1944, opéra de chambre, répété à Terezin, mais seulement créé en 1975), "Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke" (1944, pour piano et récitant, théâtre musical, superbe mélodrame pianistique, à visée orchestrale). | Autriche |
Ustvolskaya | 1919 | 2006 | Galina Ivanovna Ustvolskaya [1919, URSS (Saint-Pétersbourg, alors Petrograd) - 2006 Russie (Saint-Pétersbourg), décédée à 87 ans] (nom aussi écrit Ustvolskaïa, Ustwolskaja, Oustvolskaia, Oustvolskaya, en Français, prononcer «oustvolskailla») étudie au collège attenant au Conservatoire de Leningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg) de 1937 à 1939, et au Conservatoire Rimsky-Korsakov jusqu'en 1949, notamment l'écriture musicale et la composition avec Dimitri Chostakovitch, son aîné de seulement 13 ans (1939-1947) ; dès 1948, à son tour elle enseigne la composition dans cette même université, et cela jusqu'à sa retraite (pendant environ 30 ans) ; de 1949 à 1968, en dehors des pièces écrites pour des commandes officielles, aucune de ses œuvres n'est créée en public ; une biographie détaillée et sérieuse est encore manquante (voir Feynerou : «Galina Ustvolskaya, un portrait», in Avidi Lumi, 1999, n° 7, p. 17-22), sauf un film réalisé en 2004 qui montre une personne seule, repliée sur elle-même pendant des décades, d'une détermination exceptionnelle, rarissime pour une femme (à la limite de l'hyper-rigidité psychologique), vivant dans un 2 pièces d'HLM (et méritant ainsi son surnom d'«Ermite de Saint-Pétersbourg») ; ses relations avec Dimitri Chostakovitch sont complexes et intimes (avec même des rumeurs d'une courte passion amoureuse réciproque et même une proposition de mariage, refusée par elle) : l'élève influe fortement sur les créations du maître (qui cite des thèmes à elle dans ses œuvres et les lui envoie encore inachevées, pour commentaires), et, le maître soutient son ancienne élève face à l'opposition de ses collègues de l'Union des compositeurs Soviétiques. Site Internet (en Anglais): ustvolskaya.org... Première œuvre significative : Concerto pour piano, orchestre à cordes et timbales (1946, encore influencé par Chostakovitch, mais déjà très caractéristique de son style). Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Indépendante. Galina Ustvolskaya est une compositrice probablement importante, profondément originale et incomparable par l'extrémisme de son style, largement ignorée de son vivant (hormis dans son pays natal, et encore très tardivement en dehors de sa ville natale) ; sa musique, même des années 1950, sonnant aujourd'hui incroyablement moderniste, est fortement expressive, violente, aux dynamiques extrêmes, souvent empreinte de religiosité ou de spiritualité (par les textes inclus dans 4 des 5 symphonies) ; son style est unique par l'utilisation de blocs de sons homophoniques (souvent en clusters), brutaux (d'où son surnom de «femme au marteau»), incantatoires et répétés jusqu'à la nausée, par des combinaisons inhabituelles d'instruments (par exemple, 8 contrebasses, piano et caisse percussive dans sa "Composition n°2"), par les dynamiques extrêmes comme dans la Sonate pour piano n°6, par la pré-éminence du piano staccato ou des percussions pour battre des rythmes immuables (toutes ses œuvres connues impliquent l'un ou l'autre, voire les 2 instruments), par sa densité et sa concision (malgré l'usage immodéré de la répétition), son austérité, son hiératisme ; son langage fulgurant peut inspirer admiration-fascination ou inversement, frustration, voire répulsion-rejet, même si ce langage est globalement tonal ; sa dernière pièce, Symphonie n°5 "Amen", créée en 1991 à New York, a été suivie d'un silence total de 15 ans… Pièces emblématiques (seulement 25 pièces d'une grande cohérence, hormis les pièces alimentaires, commandes officielles, de style Soviétique) : Trio pour clarinette, violon et piano (1949, non écouté en concert), Octuor (1950, une merveille elliptique), "Grand Duo" (1959, pour violoncelle et piano, créé seulement en 1977), 6 Sonates pour piano solo (1947-1988, un sommet, âpre et très abrupt, où le piano est traité comme un instrument percussif, avec notamment la 4ème de 1957, au mystère tranquille, la 5ème de 1986, vertigineuse et sauvage, et la 6ème de 1988, encore plus extrême, avec ses clusters désespérés), Sonate pour violon et piano (1952, créée seulement en 1961, paradoxale), 5 Symphonies (1955-1991, pas toutes écoutées en concert, toutes à effectifs limités et hors du moule traditionnel, et notamment la n°2 "Vraie et éternelle Félicité", pour voix et ensemble, de 1979, un peu plus enjouée et lumineuse, et la n°3 "Jésus Messie, Sauve-nous" avec récitant, de 1983, apocalyptique, la n°4 n'étant qu'un trio pour piano, trompette, tam-tam, avec contralto, la n°5 qu'un sextuor avec voix-récitant), Composition n°1 "Dona nobis pacem" (1971-1977, pour piccolo, tuba et piano), Composition n°2 "Dies irae" (1973-1977, pour 8 contrebasses, piano et wooden cube), Composition n°3 "Benedictus, qui venit" (1975-1977, pour 4 flûtes, 4 bassons et piano). | Russie |
Varèse | 1883 | 1965 | Edgard Varèse [1883, France (Paris) - 1965, USA (New York), décédé à 81 ans, naturalisé Américain] est (l'orthographe de son prénom est, de naissance, Edgard, mais elle est usuellement double, aussi en Edgar, y compris par lui-même) né de père Italien et de mère Française ; entre 10 et 20 ans, il quitte Paris et vit à Turin où il commence des études musicales, mais en 1903, il rompt toute relation avec son père et revient à Paris, où il achève ses études avec Vincent d'Indy, Albert Roussel et Charles-Marie Widor ; en 1914, il émigre aux USA (comme chef d'orchestre) en détruisant matériellement ses compositions antérieures, pour une nouvelle voie radicale qui a permis la création de certains des plus grands chefs d'œuvre de la Musique ; tout en séjournant à l'Est comme à l'Ouest des USA, il retourne pendant de longs intermèdes en Europe (mais il n'est pas venu en France entre 1934 et la création de "Déserts" en 1954)... Première œuvre significative : "Un grand Sommeil Noir" (1906, pour soprano et piano, avec une version orchestrale réalisée par Antony Beaumont) et entre 1905 et 1914, une quinzaine de pièces répertoriées, souvent avec orchestre, mais perdues ou détruites par le compositeur lui-même. Instrument pratiqué : piano. | Moderniste-Iconoclaste. Edgard Varèse est un trublion visionnaire de la Musique et un compositeur-innovateur majeur : l'essentiel de ses rares œuvres est concentré entre 1921 et 1936 (chacune est une pierre blanche dans l'Histoire), puis après une longue traversée du désert, il compose des œuvres novatrices, poussé par l'arrivée de l'électronique qu'il avait projetée dès 1934 … Pièces emblématiques (catalogue très limité, entièrement contenu en 2 disques !) : avant période contemporaine, "Amériques" (1918-1921, créée en 1926, un chef d'œuvre visionnaire terminé en 1929, pour orchestre large spectre avec un exceptionnel -pour l'époque- effectif de percussions), "Offrandes" (1922, pour soprano et orchestre de chambre), "Hyperprism (1923, brève œuvre de percussions), "Octandre" (1923, pour 6 instruments à vent et contrebasse, bijou onirique), "Intégrales" (1925, recherches spatiales, pour ensemble et percussions), "Arcana" (1927, pour très grand orchestre, revisité en 1960, étonnamment moderne), "Ionisation" (1931, pour percussions variées, un chef d'œuvre révolutionnaire -pour l'époque-), "Ecuatorial" (1934, pour chœur, trompettes, trombones, piano, orgue, 2 Theremin, remplacés par des ondes Martenot, et percussions), "Densité 21.5" (1936, pour flûte seule), dans le cadre de la période contemporaine, "Tuning up" (1947, pour orchestre, pochade typique mais anecdotique sur un La majeur avec collages entre autres de Beethoven, reconstituée en 1998 par le compositeur Sino-Américain Chou, prénommé Wen-Chung), "Trinum" (1950, pour orchestre, non écouté, aussi pour instruments électroniques), "Déserts" (1954, pour ensemble et bande), "Poème Électronique" (1958, une œuvre concrète avec 20 amplis et 425 haut-parleurs et visualisée par des images, pour le pavillon Philips de l'Exposition internationale de Bruxelles), "Nocturnal" (1961, pour voix et orchestre, quasi-achevé en 1965 et terminé par Chou Wen-Chung). | France |
Vivier | 1948 | 1983 | Claude Vivier [1948, Canada (Montréal, Québec) - 1983, France (Paris), sauvagement assassiné à 35 ans, sur le parvis d'une église dans des circonstances Pasoliniennes] vit une enfance chaotique (parents inconnus, adopté à 3 ans par une famille modeste, nombreuses années au séminaire avant d'être expulsé) ; il étudie la composition avec Gilles Tremblay et le piano avec Irving Heller au Conservatoire de Montréal (1967-1970), puis en Allemagne avec Karlheinz Stockhausen (et aussi l'électroacoustique avec Gottfried-Michael Koenig et Hans Ulrich Humpert) et en France avec Paul Méfano (1974) ; en 1976-1977, il effectue un séjour en Orient-Asie (Japon, Iran, Java et surtout Bali), ce qui enrichit son imaginaire (compositions titrées de nom de villes à l'orthographe incertaine) ; le personnage est marqué par l'absence d'hérédité (il est adopté à 3 ans par une famille pauvre), par la religion (attraction-aversion), par une homosexualté débridée... Premières œuvres significatives (plutôt post-sérielles): "Chants" (1973, pour 7 voix de femmes, marqués par Stockhausen), "Lettura di Dante" (1974, pour soprano et ensemble). Instrument pratiqué : piano, orgue. | Moderniste-Spectral (tendance coloriste). Claude Vivier est un compositeur de l'urgence créatrice (plus de 40 œuvres en 15 ans) ; son intérêt pour la musique vocale et pour les thèmes de l'enfance, de la mélancolie, de l'immortalité mystique sont des clés de sa personnalité musicale, en même temps qu'une obsession maladive pour la mort et pour le rêve (comme échappement) ; sa musique, à la fois complexe (dans l'écriture) et accessible (dans l'écoute), est claire et tourmentée (interrogations), et d'une troublante émotion (romantique, hédoniste, théâtrale), portée par une synthèse sériel-spectral et l'amalgame de sons extra-occidentaux, avec une belle alchimie de timbres et de belles (bribes de) mélodies ; son esthétique est le résultat fondu de multiples influences (façon éponge), de Stockhausen (années autour de 1975, notamment pour l'écriture vocale) d'abord, des spectraux ensuite, avec une touche de post-sérialisme et de néo-simplicité (voire consonance)… Pièces emblématiques (sur un total de 48, parfois mineures, parfois de haute tenue) : "Siddhartha" (1976, pour orchestre spatialisé, encore très influencé, créé bien plus tard, à titre posthume), "Love Songs" (1977, pour un chœur de 12 enfants théâtralisé, avec sifflements, multilinguisme, rires, larmes de crocodile), "Pulau Dewata" (1977, pour ensemble indéterminé, souvent joué pour groupe de saxophones, voire pour 4 guitares, polyrythmique), "Shiraz" (1977, pour piano, exotique), "Paramirabo" (1978, pour 4 instruments), "Zipangu" (1980, pour orchestre à cordes), et 4 œuvres majeures «finales» pour voix et orchestre ou ensemble : "Lonely Child" (1980, pour soprano et orchestre de chambre, en partie spectrale), "Kopernikus" (1980, opéra, non écouté), "Prologue pour un Marco Polo" (1981, pour soprano, alto, ténor, baryton, basse et ensemble, épique), "Wo bist du Licht!" (1981, pour mezzo-soprano, percussions, 20 cordes et bande magnétique, anxieux), "Et Je Reverrai cette Ville étrange" (1982, un sextuor, obsessionnellement répétitif et nostalgique), et enfin, plus modeste et inachevé mais emblématique (création posthume en 1990, la partition de 16 pages, étant sur lui de façon prémonitoire, quand il est poignardé par un inconnu dans la rue), "Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seele?" [Crois-tu en l'immortalité de l'âme?] (1983, monodrame pour chœur mixte et petit ensemble, poignant). | Canada |
Wessel | 1942 | 2014 | David Wessel [1942, USA (Belleville, Illinois) - 2014, USA (Berkeley, California), décédé à 72 ans] (prononcer «ouésseul») étudie d'abord les mathématiques et la psychologie expérimentale à l'Université de l'Illinois et obtient un doctorat en psychologie mathématique (Standford, 1972) ; parallèlement, il s'intéresse à la musique en se focalisant sur la perception et le contrôle compositionnel du timbre au début des années 70 à l'université du Michigan ; dès 1976, il intègre l'Ircam : en 1979, à la tête du département pédagogie, interface entre les secteurs scientifiques et musicaux, en 1985, à la tête d'un nouveau département pour le développement de logiciels musicaux des micro-ordinateurs pour lesquels il est pionnier ; en 1988, il quitte la France pour Berkeley comme professeur de musique et directeur du CNMAT (Center for New Music and Audio Technologies) ; le personnage est convivial, empathique, enjoué, discret, et inhabituellement coopératif... Première œuvre significative : (?). Instrument pratiqué : (?). | Moderniste-Technologique. David Wessel est un compositeur rare et intéressant, et une personnalité discrète (sa biographie est fragmentaire) ; ses œuvres découlent davantage de la découverte d'un processus de composition nouveau, en liaison avec l'électronique live, que d'un acte créateur isolé (au sens romantique du terme) ; ses pièces ouvrent une large place à l'exploration des timbres et à l'improvisation, pourtant il ne revendique pas de lien avec le Jazz ;il aura marqué les recherches musicales par de nouvelles approches innovantes sur les rythmes et sur la synthèse informatique tout en laissant quelques pièces d'une fascinante beauté (chacune répondant à une problématique unique) ; en ce sens, il reste, comme Pierre Schaeffer en France dans un tout autre domaine et contexte, davantage une personnalité de premier plan (un chercheur) dans l'évolution de la musique qu'un compositeur de partitions au sens traditionnel du terme… Pièces emblématiques (sur un catalogue très restreint, très mal connu et répertorié) : "Antony" (1977, pour électronique sur la machine 4A, ancêtre de la 4X, fourmillant), "Contacts Turbulents" (1986, pour saxophone et électronique). | USA |
Xenakis | 1922 | 2001 | Iannis Xenakis [1922, Roumanie (Braila) - 2001, France (Paris), décédé à 78 ans], d'ascendance Grecque (Crétoise), étudie à l'Institut Polytechnique d'Athènes (architecte, ingénieur civil), avant de s'engager dans la composition musicale à Gravesano avec Hermann Scherchen, puis en 1948 au Conservatoire de Paris avec Olivier Messiaen, Darius Milhaud, Arthur Honegger (sachant que comme résistant antifasciste de la Seconde Guerre Mondiale, il est plusieurs fois emprisonné, grièvement blessé -visage gauche fracassé avec une énorme cicatrice et perte d'un œil-, et condamné à mort en Grèce, puis exilé, réfugié politique en France depuis 1947, et enfin naturalisé Français en 1965) ; jusqu'en 1960, il est collaborateur de l'architecte Le Corbusier et mène son activité de compositeur en parallèle (son tropisme pour la sculpture trouve sa concrétisation plastique dans sa musique où le son est façonné) : au-delà et par antidote cérébral (et en reflet de sa personnalité multiple), il se consacre aux recherches musicales théoriques (CNRS) et à l'enseignement à l'Université de l'Indiana (USA), à la City University de Londres et à la Sorbonne à Paris ; il n'a plus composé à partir de 1997 (et sa maladie-calvaire avait déjà débuté 10 ans plus tôt). Site Internet (association d'amis): www.iannis-xenakis.org... Première œuvre significative : "Zyia" (1952, pour soprano solo, chœur d'hommes à 10 voix, flûte et piano, avec ses ostinatos graves de piano contrasté par la psalmodie). Instrument pratiqué : (?). | Moderniste-Stochastique. Iannis Xenakis est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine qui est porté par son vif penchant pour l'originalité du langage et des alliages d'instruments, par l'architecture structurée (influence Française), par la notion d'espaces (en général grands, souvent redistribués par rapport aux mises en place traditionnelles), plutôt que par l'utilisation du vocabulaire sériel des compositeurs de sa génération (il n'a pas pratiqué la forme du sérialisme, il est souvent polytonal) ; il est l'inventeur des clusters modernes pour orchestre (en opposition au pointillisme sériel) : des blocs tranchants et clairs de cellules musicales en masse (telluriques), auxquels il ajoute une dimension aléatoire (stochastique) ; les mathématiques constituent pour lui un modèle et un levier compositionnel a priori, avec une traduction musicale a posteriori, et un résultat paradoxalement riche en émotions envoûtantes (et teinté de romantisme) ; sa musique, riche de plus de 200 numéros d'opus (hétérogènes), est sans pareille, polymorphe, énergique (qui vient de l'estomac, donc plus instinctive et projective qu'intellectuelle et distanciée), marquée par les paysages rudes, la mer, la tragédie Grecque (archaïsme), et aussi d'une belle inventivité, tout du moins jusqu'au milieu des années 1980, après quoi, elle semble peu à peu se stéréotyper (quoique trop peu jouée) et verser dans plus de facilité (hédonisme, immédiateté-superficialité, sur-utilisation du glissando) ; par ailleurs, l'informatique le passionne dès son émergence : création du CEMAMu (Centre de Mathématique et Automatique Musicales) en 1965, intérêt pour les correspondances entre dessin et musique, et mise au point, dans les années 1970, d'une première version de l'UPIC, logiciel (balbutiant) d'informatique musicale qui traduit automatiquement des graphiques en musique (version «live», en 1987) ; il est aussi fasciné par le son et la lumière (installation à l'exposition universelle de Montréal au Canada, en 1977) ; il reste le compositeur moderne essentiel, avec John Cage (et avant Gérard Grisey), de pièces pour percussions seules… Pièces emblématiques (sur un total de 200, de haute tenue, sauf la dizaine de pièces pour bande seule qui sont datées souvent) : "Metastaseis" (1955, pour 60 musiciens), "Pithoprakta" (1956, pour orchestre à cordes, 2 trombones et percussions), "Dimorphoses II" (1957, pour bande), "Syrmos" (1959, pour 18 cordes), "Eonta" (1963, pour piano et 5 cuivres), "Oresteia" (1966, pour 2 chœurs et 12 instruments), "Terretektohr" (1966, pour orchestre spatialisé), "Nomos Alpha" (1966, pour violoncelle seul, avec une scordatura sur la note do), "Nuits" (1968, pour 12 voix mixtes solistes ou chœur mixte, microtonales avec phonèmes), "Persephassa" (1969, pour 6 percussionnistes spatialisés, envoûtant), "Kraanerg" (1969, pour orchestre et bande), "Psappha" (1976, pour percussion, avec un chant très rythmique), "Jonchaies" (1977, pour 109 musiciens, étourdissant), "Akhantos" (1977, pour soprano et octuor divers, tendre), "Pléïades" (1979, pour 6 percussionnistes, un monument), "Nekuia" (1980, quasi rituel funéraire), "Aïs" (1981, pour baryton, percussion et orchestre), "Tetras" (1983, pour quatuor), "Thalleïn" (1984, pour 14 musiciens), "Naama" (1984, pour clavecin amplifié, frénétique), "Jalons" (1986, pour 15 musiciens), "Rebonds" (1988, pour percussionniste solo, magique), "Okho" (1989, pour 3 percussionnistes, proche de "Rebonds"). | Grèce |
Young | 1935 | 89 ans | La Monte Young [1935, USA (Bern, Idaho) - ] (prononcer «yeungue»), issu d'une famille Mormone, reçoit ses premières leçons de saxophone à 5 ans, fréquente une école de Jazz à Los Angeles à 15 ans, et joue du Jazz avec Billy Higgins, Don Cherry, Ornette Coleman et Terry Jennings, puis Eric Dolphy (composition) ; au L.A. City College, Leonard Stein lui fait découvrir Debussy, Bartók et surtout Webern, et ses premières pièces, en 1956, sont dodécaphoniques, avant un séjour à Darmstadt (1959) où il découvre John Cage et devient son élève et émule (dimension expérimentale) ; il complète sa formation musicale à Berkeley (musique électronique) où il étudie en même temps que Terry Riley ; il s'intéresse aussi à la théorie de l'intonation juste étendue, initiée par Harry Partch (pour la recherche, notamment, de nouveaux intervalles) ; en 1960, avec Marianne Zazeela (son épouse), Tony Conrad, John Cale et Angus MacLise, il fonde le collectif The Theater of Eternal Music, aussi appelé Dream Syndicate ; ensuite, il est fortement intégré à la culture Hippie, est influencé par le spiritisme Indien (Pandit Pran Nath, comme Terry Riley), et participe à la création du mouvement artistique Fluxus, puis de la contre-culture. Site Internet (en Anglais) : www.lamonteyoung.com... Premières œuvres significatives : Trio à cordes (1958, dans lequel les nombreuses notes tenues préfigurent le Minimalisme) et (non-œuvres) Composition #2 (crépitement de feu), #5 (envol de papillon) comme stimulants para-musicaux, #7 "Sans titre" (une seule note tenue pendant une durée indéterminée), #10 "Draw a straight Line and Follow it" (1960). Instruments pratiqués : piano, saxophone. | Progressiste-Minimaliste (tendance improvisation). La Monte Young est le premier initiateur et compositeur radical de Musique Minimaliste (au début davantage continue que répétitive : "Trio pour cordes", 1958, constitué uniquement de sons continus et de silences), mais il l'a désertée pour évoluer vers certaines formes de la Pop Music et de l'Art total et vers des spectacles audio-visuels à dimension ésotérique (y compris avec happening, parfums, lumières, etc.) ; le temps (étiré à l'extrême) et l'évolution d'un son sur la durée, son impact sur la perception humaine, constituent des caractéristiques majeures de son œuvre ; comme pour Cage, il y a une part d'indéterminisme et de provocation dans sa démarche artistique ; l'improvisation (contrôlée) est également centrale dans sa démarche… Pièces emblématiques : "The Well-tuned Piano" (1964-1974, pour piano ré-accordé), "The Tortoise, His Dreams And Journeys" (1962-1964, comprenant de longues improvisations, souvent sur une seule note, cadrées par des lignes directrices relativement strictes, partition sans fin qu'il prolonge régulièrement et qui devrait englober toute son œuvre, y compris "The Well-tuned Piano"). | USA |
Zimmermann | 1918 | 1970 | Bernd Alois Zimmermann [1918, Allemagne (Bliesheim, près de Cologne) - 1970, Allemagne (Königsdorf), décédé par suicide à 62 ans] (prononcer «tssimeurmanne») est élève jusqu'à 17 ans au couvent austère des Salvatoriens de Steinfeld, dont le mode de vie de retraite l'a profondément marqué, puis il étudie la musicologie à Cologne en 1939, et y retourne après la parenthèse indirecte de la guerre (envoyé en France occupée... un des ses très rares voyages hors Allemagne, au cours de sa vie) ; après guerre, il est responsable du département des musiques de radio, de film et de scène, à la radio de Cologne (WDR), il expérimente concrètement, à travers nombre de réalisations de pièces radiophoniques et d'émissions scolaires, les principes du collage et du montage ; jusqu'en 1950, il se consacre aussi, de manière discontinue, à l'étude de la littérature Allemande, de la philosophie et de la psychologie ; il suit les cours d'été de Wolfgang Fortner et René Leibowitz à Darmstadt (1948-1950), à son tour enseigne la théorie musicale (1950-1952) et la composition à Cologne, de 1957 jusqu'à sa disparition ; comme Barraqué, vers la même époque, Zimmermann s'est suicidé (et cela malgré sa foi et sa religiosité), en parallèle avec une santé physique et mentale de plus en plus fragilisée (dermatoses chroniques, insomnies chroniques graves, glaucome, qui affecte sévèrement sa vue, et terrain névrotique) ; le personnage est rapporté comme fraternel, hypersensible (objectivé), dionysiaque, hésitant, (trop) contrasté, humaniste, fidèle (à sa famille, son épouse), et en même temps, comme un chrétien profondément engagé (mais pas dévot), et infiniment blessé (angoissé et écartelé) par les maux de la vie, par le matérialisme, par un pessimisme obsessionnel et par la noirceur du monde, un pluraliste idéaliste-consensuel (maladroit), un innocent irrémédiablement meurtri et souillé par la Guerre Hitlérienne... Première œuvre significative : "Sonate für Viola solo …an den Gesang eines Engels" (1955, pour alto solo, avec un hommage à Berg, y compris dans le titre, sérielle), sachant que ses quelques œuvres antérieures à 1954, y compris le Concerto pour Violon (1950), sont connotées du style Néo-classique et du Jazz. Instrument pratiqué : orgue, violoncelle. | Moderniste-National (tendance patchwork). Bernd Alois Zimmermann est un musicien important que notre époque actuelle, de synthèse, re-découvre au sens positif du terme, car son style est caractérisé par le mélange fusionnel, par le pluriel simultané ou séquentiel ; employant tous les bouts de langage en sa possession (tonalité, dodécaphonisme, expressionnisme, baroque, jazz, blues, pop, déluge de citations et de collages), il ne se reconnaît que dans sa période dite pluraliste (à partir de 1955), où le temps se bouscule simultanément et qui tend de plus en plus vers le silence (prémonitoire) ; mais sa dernière période créatrice, dite statique et épurée, à partir de 1967, est également intéressante ; sa musique reste, même aujourd'hui, surprenante-déroutante, plutôt difficile d'accès, car elle ne recherche pas la séduction, encore moins la facilité, et car elle vise à englober toutes les formes (par exemple, parlé, chanté, soufflé, bruité, collé), parfois avec excès ; son langage est non seulement novateur par son côté fusionnel-consensuel (sans la dimension bastringue de Bernstein ou de Boeseman), mais aussi par une utilisation originale des rythmes (dans la continuité, par étirement du temps), selon une sphéricité en strates superposées ou aboutées (si séquentielles)… Pièces emblématiques (sur un total d'environ 60, certaines trop datées ) : "Alagoana - Caprichos Brasileiros" (1957, ballet, pour grand orchestre), "Canto di Speranza" (1958, 1er concerto pour violoncelle, strictement sériel), "Omnia Tempus habent" (1958, cantate pour soprano, 17 musiciens, Webernienne), "Symphonie vocale" (1963, pour 6 solistes et orchestre), "Die Soldaten" (1965, opéra total avec de nombreuses innovations visuelles), "Tratto I et II" (1967-1968, étude électronique, pour bande seule), Concerto pour violoncelle "En Forme de Pas de Trois" (1966, sa pièce essentielle la plus accessible), "Les Soupers du Roi Ubu" (1966, un ballet noir pour orchestre et récitant, à la fois unique et anecdotique, morbide et truculent, avec un gigantesque collage de citations), "Intercommunicazione" (1967, pour violoncelle et piano), "Photoptosis" (1968, pour orchestre, monochrome irradiant, avec quelques citations de la 9ème de Beethoven), "Requiem pour un Jeune Poète" (1969, pour 2 récitants, soprano, baryton, 3 chœurs, orchestre, jazz band, orgue, sons électroniques, citant notamment des manifs de Mai 68, poignant), "L'Action ecclésiastique" (pour 2 récitants, basse et orchestre, 1970, finissant avec 7 mesures du choral de Bach, "Es ist genug" -il en est assez, voici la fin Seigneur, prémonitoire), "Stille und Umkehr [Silence et Retour]" (1971, posthume, pour orchestre, avec tambour-sablier, instable, polytonal). | Allemagne |
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