Concerts… ajout bienvenu [@mail en bas], si musique > 80% après 1941, pays Francophone, même format de données, avec lien-concert, '*' si création et '0€' si gratuit, max. 180 caractères +++
2025-01-06 - Lu (20.00) | Paris_Philharmonie | Intercontemporain_ensemble | Boulez (Mémoriale, Messagesquisse, Sonatine), Bray (ST*) - …+++
2024-12-15 - Di (15.00) | Abesses_Théâtre | Multilatérale_ensemble | Posadas (Ianus), Sciarrino (Venere ), Combier (Cordelia des Nuées, Strands*) - …+++
Voici en toute modestie quelques regards liés à l'actualité, sans le recul de la Base de données, ni l'objectivité actualisée des Informations brutes… mais sans partialité.
Relevé d'Apprenti n°25 : 23 Avril 2022... mort à 87 ans de Harrison Birtwistle, compositeur Anglais moderniste majeur, mal connu et peu joué en France.
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En préambule, il faut souligner que Harrison Birtwistle -ou Harri, comme l'appellent ceux qui le connaissent bien- est un cas en France, car en dépit de sa notoriété établie (parfois contreversée) en Grande-Bretagne, c'est un compositeur peu ou épisodiquement joué en France, sauf pendant une courte période au cours de laquelle il est investi à l'Ircam (évidemment) et alors (évidemment encore) grâce au soutien de Pierre Boulez ! Objectivement d'autres compositeurs Britanniques de sa génération (les années 1930 et début des années 1940) comme Brian Ferneyhough (né en 1943) et Jonathan Harvey (1939-2012), voire Gavin Bryars (né en 1943), Peter-Maxwell Davies (1934-2016), Michael Nyman (né en 1944), ou John Tavener (né en 1944) sont bien davantage joués ; alors d'où vient ce désamour ? de la difficulté d'écoute de sa musique… non, car Ferneyhough et Harvey sont tout autant ambitieux et modernistes (à leurs façons)! ou alors de son caractère grincheux, bourru, d'ours mal léché ? non plus, car cet isolement caractériel d'après les musicologues Anglais qui le qualifient d'éternel naïf n'est perceptible que lorsque sa notoriété est établie et la contreverse qui s'en suit (par des réactionnaires) le poussent à se retirer dans sa campagne natale du Wiltshire, à partir de 1992 et surtout des années 2000 (je ne l'ai rencontré qu'une seule fois, et bien avant, et le personnage apparaît alors pertinent, clair, un brin ombrageux -la barbe envahissante, peut-être- mais avenant, un brin malicieux et ironique, et grand par sa profondeur d'analyse et didactique quand il s'agit de commenter sa musique !), donc rien en vérité ne prédispose à cet ostracisme, tout du moins cette distance. Clairement, malgré, hélas, l'écoute en concert d'un nombre restreint de ses œuvres, le compositeur Britannique Harrison Birtwistle, décédé le 18 Avril 2022 à l’âge de 87 ans, apparaît comme un des créateurs majeurs de la Musique Contemporaine, dans tous les genres: d'abord pour l'opéra et notamment 4 d'entre eux dont il est l'auteur du livret (sur une dizaine, au sens large, aucun d'entre eux encore joué et mis en scène en France à ce jour), * (1) son 1er opéra (de chambre), un coup d'essai, coup de maître, cruel, "Punch and Judy" (1968, d’après les marionnettes traditionnelles éponymes), créé au Festival d'Aldeburgh (domaine réservé de Benjamin Britten qui sort à l’entracte de la création, en raison d'une partition dite chaotique et de la violence de l'histoire (Punch jette son bébé dans le feu, puis tue sa femme Judy quand elle retrouve le bébé carbonisé… mais jeter un enfant à la mer dans "Peter Grimes" en 1945 n'a pas posé beaucoup de scrupules à Britten, ni les sujets interprétables comme potentiellement déviants de "The Turn of the Screw [Le Tour d'Écrou]" en 1954 ou "Death in Venice [Mort à Venise]" en 1973 !)… en réalité la musique de Birtwistle a alors plus d'affinités avec Stravinsky (on pense au ballet Petrouchka, mettant aussi en scène des marionnettes) ou Webern et Varèse, voire Messiaen, puis Boulez et Stockhausen, plutôt qu'à Britten (crime de lèse-majesté ?) [Extrait-Vidéo], * (2) "The Mask of Orpheus [Le Masque d'Orphée]" créé à l'English National Opera, en 1986, après une gestation de 15 ans depuis la commande officielle (j'y ai assisté, grâce au hasard de mes voyages, sur un sujet classique, mais revisité, à savoir le mariage contrarié d'Orphée avec Eurydice, de sa poursuite aux Enfers et de sa propre mort violente), son chef d'œuvre, par la puissance et l'inventivité de la partition, pour un très grand orchestre, qui comprend des saxophones sopranos rugissants et une grosse caisse spécialement construite, avec entre les scènes, des Allégories dansées accompagnées d'une musique électronique immensément puissante (et mémorable), montée en collaboration avec le RIM de l'époque, Barry Anderson, à l'Ircam ; et dernière originalité : les actions sont répétées, chaque fois d'un point de vue différent, et chaque personnage apparaît dans 3 incarnations différentes, un être humain, un héros ou un mythe (représenté par une énorme marionnette) [Extrait-Vidéo (II)], * (3) "Gawain" (1991), aux racines chevaleresques ancestrale (la mythologie Anglaise), basé sur Sir Gawain et le Chevalier Vert, et l'apogée de l'affection du compositeur pour les contes populaires Anglais, avec encore une obsession des cycles et des symétries (les actions clés de la décapitation et de la séduction se répètent 2 fois, et à mi-parcours, un vaste épisode cyclique dépeint le tournant des saisons), mais ici le besoin de la connaissance de soi chez le personnage principal s'accompagne du retour à la narration (avec une belle suite d'orchestre, truculente ou évovatrice, intitulée "Gawain's Journey") [Extrait-Vidéo], * (4) "The Minotaur [Le Minotaure]" (2008), également mythologique (Greco-Latine), qui incarne la puissance terrifiante de la bête dans ses énormes sons clangoureux, baignés de cuivres, avec des airs devenus célèbres. Et, en plus des œuvres scèniques, on peut citer surtout des pièces pour ensemble ou orchestre, seul ou avec voix (et alors toujours avec un geste théâtralisé), quelques-unes jouées en concert en France (pour un total emblématique, ici, de 25), * (5) "Tragoedia [Tragédie]" (1965), pour ensemble, stupéfiant d'invention (le matériel étant repris dans son 1er opéra), dans une série de blocs musicaux très contrastés, selon un ingénieux modèle cyclique inspiré des divisions formelles de l'ode chorique Grecque, une première musique personnelle (créée encore dans sa région natale du Wiltshire) procurant à nos oreilles une tension énorme, mais qui se termine par un geste lent et plongeant de la harpe [Extrait-Vidéo], * (6) "Verses for Ensembles" (1969), une merveille du théâtre instrumental, d'un bruit fracassant et tout d'un bloc rigide qui lui donne une réputation de radical * (7) "The Triumph of Time" [Le Triomphe du Temps] (1972), pour orchestre, avec une célèbre procession funéraire, partiellement inspiré par la gravure éponyme de Pieter Bruegel l'Ancien * (8) "Silbury Air" (1977), pour ensemble, énigmatique et pulsé [Extrait-Vidéo], * (9) "Carmen Arcadiae Mechanicae Perpetuum [Chanson Perpétuelle de l'Arcadie Mécanique]" (1978), pour petit ensemble, avec des ostinatos détraqués [Extrait-Vidéo], * (10) "Agm" (1979), pour chœur et petit orchestre, un chaos fascinant, * (11) "Secret Theatre [Théâtre secret]" (1984), pour ensemble, erratique et linéaire [Extrait-Vidéo], * (12) "Earth Dances [Danses de la Terre]" (1986), pour orchestre, marquées par l'exubérance pulsée, la puissance tribale [Extrait-Vidéo], * (13) "Endless Parade" (1987), concerto pour trompette, cordes et vibraphone, erratique et labyrinthique [Extrait-Vidéo], * (14) "Ritual Fragments", à la mémoire de Michael Vyner, un rituel au rythme lent, où chaque instrument rend tour à tour son propre hommage, dans un cri qui à la fois affirme la nature rituelle de la musique mais aussi l'interrompt et la transforme, et où la fatalité et l'accident se rejoignent, * (15) "Antiphonies" (1992), pour piano et orchestre, marqué par un martèlement et une violence implacables, beaucoup d'événements musicaux et beaucoup de notes sous les doigts du pianiste, pour une puissance déchaînée, conflictuelle, * (16) "Panic" (1995), pour saxophone alto, percussions de jazz et orchestre, superbe jeu-dialogue, un concerto pour saxophone d'une violence foudroyante qui a suscité un scandale à la dernière nuit des Proms, * (17) "Pulse Shadows [Ombres pulsées]" (1996), pour soprano et 9 musiciens, méditative, les arrangements de 9 poèmes de Celan entrelacés avec 9 mouvements pour quatuor à cordes, * (18) "Harrison's Clocks" (1998), pour piano, 5 courtes études de rythme sur le temps, avec une exaltante virtuosité, un ensemble de mécanismes musicaux de type tic-tac et vrombissement inspirés par John Harrison (un autre Harrison !), l'inventeur d'un mécanisme permettant de garder une heure précise en mer, * (19) "Exody" (1998), pour orchestre, labyrinthe pugnace et chaotique, * (20) "Theseus Game" [Le Jeu de Thésée] (2003), pour 2 ensembles et 2 chefs, brillant jeu de piste, avec déplacement sur scène des instrumentistes, * (21) Quatuor "Tree of Strings" (2008), également mis en espace, * (22) le cycle "Bogenstrich" (2009), pour voix, violoncelle et piano, d'une belle poésie * (23) Trio à cordes (2011), en précaire équilibre, * (24) "Deep Time" (2016), pour orchestre, créé par Daniel Barenboim, * (25) "Keyboard Engine", pour 2 pianos, vertigineux. Comment cet homme si farouchement indépendant s'est-t'il forgé pour accoucher d'une telle musique, viscérale, tactile, ritualisée, à la fois mélancolique et abrupte par blocs, hors des modes, des écoles et des influences, un compositeur jamais systématique ou théoricien, tout en restant éminemment et continuement moderniste ? Eh bien vu de France, rien de bien marquant (et en ce sens on peut plutôt écrire qu'il s'est forgé lui-même par sa seule volonté opiniâtre !), juste quelques moments clé, souvent des fractures - il n'est pas issu d'un milieu musical, il est le fils unique de Madge (née Harrison !) et Fred Birtwistle, ses parents qui travaillent dans la boulangerie familiale et qui ont ensuite acquis une petite ferme, et enfant il peut errer pendant des heures dans la campagne environnante (mais sa relation privilégiée à la nature est déstabilisée par la construction d'une immense centrale électrique à proximité), puis il se met à la clarinette et en joue dans la fanfare militaire du North East Lancashire, avec une telle ferveur (ou un tel conformisme à l'attendu) que sa mutation vers la destinée de compositeur passe inaperçue (en 1965, avant "Tragoedia", il vend ses clarinettes, déclaration symbolique de son intention de devenir compositeur, et abandonne son poste de professeur de musique depuis 1962 au collège de filles de Cranborne Chased dans le Wiltshire, pour accepter une bourse Harkness aux USA), et y rester jusqu'en 1968, - en 1952, à l'âge de 18 ans, il obtient une bourse du lycée d'Accrington pour le Royal Manchester College of Music et en 1953, avec ses amis étudiants, les compositeurs Peter Maxwell Davies et Alexander Goehr, ainsi que le pianiste John Ogdon et le trompettiste (puis chef d'orchestre) Elgar Howarth, il forme le groupe «New Music Manchester» (plus tard appelé École de Manchester), sans qu'il y ait unité ou cohérence de style entre ces musiciens, mais plutôt une forte émulation, un son typiquement expressionniste et une fertilisation croisée (un peu comme le «Groupe des Six» en France, dans d'autres temps et esthétiques), - à partir de 1973, avec l'obtention de 2 postes temporaires d'enseignant en universités Américaines, les choses devient plus normées et sa notoriété grandit lentement avec sa nomination à Londres comme directeur musical, puis comme directeur associé au National Theatre (1975-1988) et en 1986, pour le Grand-Public, il fait l'objet d'un documentaire télévisé de la BBC sur Channel 4, Behind the Mask (clin d'œil à la création de son opéra tant attendu, il se donne tout entier à la composition ce qui crée des polémiques lors des créations, la musique proposée ne convenant pas toujours aux mélismes ronds Anglais (comme Vaughan Williams), ce qui entraîne en 1992, autre fracture, son retrait dans la campagne natale du Wiltshire, près de Stonehenge, et en même temps, à partir de 1994, il enseigne la composition (il pantoufle) au King's College de Londres (jusqu'à sa retraite, en 2001). Sur la base de ces écoutes limitées (25 œuvres dans un catalogue de presque 200 pièces, en séparant 2 périodes, la 1ère jusqu'au mileu des années 1980, plutôt portée sur le chaos ou la sauvagerie, la seconde, plutôt plus viscérale et ritualisée), on peut tenter de spécifier quelques grandes caractéristqies de la musique de Birtwistle : - une musique imprégnée d'une puissance obstinée, têtue, au fort pouvoir de conviction, et d'un sentiment de mystère inaccessible (elle est difficile à analyser), - une musique enracinée dans les éléments formels primordiaux de la musique et les gestes théâtraux ritualisés, ce qui lui donne un air à la fois moderne et ancien, - une musique au dynamisme lent mais à la poussée inéxorable, massive et patiente qui se joue de chaque obstacle comme la lente traversée d'un paysage avec des ruptures et des accidents ou le flux d'une rivière même si avec des crues, des accrocs, - une musique où le geste (théâtral mais pas que, aussi rugueux et ductile à la fois) est primordial jusqu'au rituel, tout comme le mythe (souvent Grec mais parfois Anglais), - une musique qui se ressent (qui parle aux tripes, qui se jette sur l'auditeur, comme une évidence, qui l'interpelle mais sans l'agresser), - une musique obstinée avec des ostinatos des plus simples ou une pulsation, une hauteur unique, une petite figure circulaire, - une musique à la forte connotation mélancolique, délibérément expressive (sans obligation mélodique ou tonale), parfois violente, accidentée jusqu'au chaos, suivi de moments de calme et de tendresse (au décours du chemin tranquille il y a toujours une rupture, et inversement, au décours d'une série chaotique il y a toujours une place pour l'apaisement, souvent rêveur), - une musique où la voix et les cuivres comme instruments et personnages sont prépondérants, - une musique complexe faite de labyrinthes de tempos interconnectés et de textures multicouches orchestrales (et vocales). Que nous reste-t'il à découvrir, en concert (sachant que les liens YT, ici, certes utiles, ne sont que des ersatz de sa musique en concert), nous pauvres Français (ou Francophones, c'est pareil, ici), tous les opéras ou les leaders et pièces chorales, et surtout les opéras les plus récents, par exemple "The Last Supper" (Staatsoper Unter den Linden, 2000), "The Io Passion" (2004, Aldeburgh Festival), "The Corridor" (Aldeburgh Festival, 2009), "The Cure" (Britten Studio, Snape, 2015), voire, moins récents, le facétieux et grotesque "The Second Mrs Kong" (Glyndebourne, 1994) ou "Oresteia" (1981), pour chœur mixte déclamatoire à la manière Grecque, et d'innombrables pièces de musique de chambre (pas très compliquées à monter), ou "The Shadow of Night" (2002; pour grand orchestre), ou le Concerto pour violon (2011) [Extrait-Vidéo]. Terminons par une anecdote qui fait plaisir et dont on aimerait (pouvoir) reprendre les termes à l'occasion : avec sa réputation d'être bourru (une réputation adoucie au fil des ans), un jour il a interjeté à un critique musical à l'entrée d'un de ses concerts… «Vous n'aimez pas ma musique. Alors, partez» ! Jean Huber, 30 Avril 2022 Le compositeur, en pose, jeune. Photo: Google |
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