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Stockhausen est le père fondateur de la Musique Contemporaine (celle qui largue les amarres d'avec la tonalité et l'harmonie) avec Boulez, Ligeti et Bério, comme pionniers expérimentateurs et génies-égéries de cette période de la musique.
En tant qu'homme, on l'a dit sectaire, rigide, arrogant, théoricien dans les années 50-70 (comme beaucoup d'autres créateurs-artistes… dans cette période de reconstruction), puis déphasé, mégalo-stratosphérique, déboussolé-désinspiré après les années 80 (surtout suite à sa remarque mal comprise puis déformée, après l'attentat insupportable des Twin Towers, le 11 Septembre 2001 à New York). C'est totalement faux (et stupide pour 9.11). Je ne l'ai rencontré qu'une fois à la toute fin des années 70 et j'ai pu échanger quelques mots (à l'époque je parlais couramment l'Allemand, ce qui l'avait interloqué favorablement, lui qui parlait bien le Français) pendant qu'il s'affairait à la console après une de ses pièces avec bande en concert : ce qui a frappé d'emblée est sa curiosité, son désir de dépassement, sa minutie, son optimisme, son exigence personnelle, son opportunisme expérimental (le rebond sur la phrase précédente, Germanique, sans la logique Française), sa tension dynamique envers la réussite sociale, et aussi sa gentillesse (sa non-agressivité) et son monde intérieur (qui dérivera vers le cosmos, le mysticisme, le monumental et le démesuré). Le reste est laissé aux historiens.
Pour la musique et les mélomanes, Stockhausen, avec officiellement 362 compositions à ce jour, laisse de nombreux chefs d'œuvres reconnus sur une longue période (depuis les premiers "Klavierstücke" en 1953 jusqu'à "Sirius" en 1977) et le goût amer de l'ostracisme-dénigrement envers sa musique depuis le début de son opéra-saga (sur 26 ans !), "Licht" en 1980, qui a fait que ses œuvres récentes sont quasi-inconnues en concert en France. Il est le pionnier incontestable (et constant) de la musique électronique (parallèlement à la musique concrète de Schaeffer en France, de technologie différente), le co-inventeur avec Boulez de la musique de l'indétermination (mais Boulez privilégie la voie parallèle de l'œuvre ouverte avec les formants) pendant que Cage initiait l'aléatoire jusqu'au nihilisme, le pionnier de la spatialisation avec Xenakis, et le moteur d'un nombre incalculable d'innovations de langages et de styles, notamment la forme «Momentanée» ou Momentform, et sur la vitesse du son (aujourd'hui parfaitement intégrées par la jeune génération)… certains vont même jusqu'à lui attribuer l'esquisse du spectralisme (dans la musique sur bande, par variation sur un son).
Bref chapeau bas pour un génie incomparable !
Jean Huber, 8 Décembre 2007
P.S. [3 Décembre 2008] : à l'occasion du premier anniversaire de sa disparition, au moins 4 concerts ont été programmés en région Parisienne avec des pièces d'après 1980 (sa dernière manière focalisée sur un nouveau style compositionnel, dit par formule, c'est-à-dire par dilatation proportionnelle, en réintégrant la dimension mélodique, avec transformation sans répétition, sans variation, sans développement et sur un geste encore plus cosmogonique)… objectivement la semi-déception domine, ou bien pour être plus précis, l'inspiration ne semble pas avoir la même ambition que dans ses périodes précédentes (en tout cas, l'accompagnement théâtral semble masquer l'appauvrissement des nouvelles idées musicales)… sauf erreur, il apparaît que le déchet pourrait être plus significatif pour les pièces de cette dernière période, ce qui n'enlève rien aux chefs d'œuvres passés.
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