Photo: © Amsterdam Opera |
En création Française dans le cadre du Festival Agora (avec mise en espace seulement), au Théâtre des Amandiers de Nanterre
(banlieue de Paris), "Wagner dream" peut-il être qualifié d'opéra de répertoire?
Essayons de caractériser un opéra du répertoire :
- une histoire avec des rebondissements, jusqu'à un dénouement émotionnel,
- un sujet attractif avec des tiroirs hors du temps qui permettent plusieurs interprétations et mises en scène
- des chanteurs solistes avec des airs de grande difficulté, et entre eux des duos, trios ou quatuors vocaux, et un
chœur
- une musique riche et colorée, avec quelques séquences phares qui porteront la mémorisation de l'ensemble.
Dans ce contexte, oui, "Wagner Dream" est un opéra de répertoire, car:
- son livret (il faudrait mieux parler de scénario ici, tant l'auteur, Jean-Claude Carrière, a baigné dans le cinéma) est malin, juxtaposant un rêve-obsession de Wagner (d'où le titre) et un vécu-drame, celui des dernières heures de la vie réelle de Wagner
(mi-comateux après un infarctus)... le premier relatant une histoire exotique en Inde (et zen, dans le cadre de la religion Hindoue) avec les chanteurs, le second avec des acteurs qui jouent, en parlant, le drame, les uns inter-agissant parfois avec les autres, comme dans un monde d'en haut et un monde d'en bas
- un sujet mêlant habilement la mode-curiosité d'aujourd'hui (l'Inde, ses Dieux, ses prêtres, ses castes), les attirances de Wagner pour les femmes (son épouse vieille qui l'aime, la jeune musicienne-fan qu'il aime à la limite de l'adultère), le bien et le mal, le pouvoir et l'argent, et en parallèle en Inde, des dimensions semblables comme l'amour impossible (sauf sacrifice final), les rigidités de la religion (sans femme disciple, avec les intouchables), la
métempsycose et la vie qui se répète
- une ligne chantée d'une grande diversité, avec de grandes (et difficiles) voix solistes et choristes (tout juste les
aficionados de l'opéra regretteront-ils l'absence d'airs de virtuosité pure pour diva patentée!)
- un orchestre limité à une douzaine d'instrumentistes sur-multiplié grâce à l'électronique live (comme avec un effectif 10 fois plus imposant) ce qui donne une musique somptueuse qui irise les solistes vocaux (et le -petit-
chœur d'une grande pureté et plénitude), et avec des interludes (pas de préludes) purement orchestraux et une séquence apocalyptique de malédiction splendides.
Oui, "Wagner dream" est un opéra conçu pour le répertoire et c'est une réussite originale.
Entrera-t-il au répertoire? Impossible de le prédire comme pour toute création contemporaine!
Tout juste peut-on le souhaiter pour les nouvelles générations de mélomanes.
Jean Huber, 30 Juin 2007
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