HUSH, HUSH ! à Paris_Philharmonie, nouvel épisode de la série Licht de Stockhausen, le 26 Octobre 2024 ; festival Présence 2025 (Février), focus Olga Neuwirth ; beaucoup de compositeurs abandonnent leur site Internet personnel, en 2023 et 2024, dommage ; centenaire en Janvier de Nono totalement occultè, heureusement, celui de Boulez en 2025 promet beaucoup, mais apparemment pas de création posthume.

Concerts… ajout bienvenu [@mail en bas], si musique > 80% après 1941, pays Francophone, même format de données, avec lien-concert, '*' si création et '0€' si gratuit, max. 180 caractères +++
2024-12-15 - Di (15.00) | Abesses_Théâtre | Multilatérale_ensemble | Posadas (Ianus), Sciarrino (Venere ), Combier (Cordelia des Nuées, Strands*) - …+++
2024-12-10 - Ma (20.00) | Paris_Philharmonie | Intercontemporain_ensemble_Next_ensemble | Varèse (Ionisation, Densité 21, Offrandes, Octandre, Intégrales, Arcana, Amériques) - …+++
2024-12-04 - Me (20.00) | Paris_ChampsElysées | Ensemble_LesSiècles_Chœur_Unikanti | Poulenc (Dialogues des Carmélites, opéra, reprise Pi) - …+++
2024-11-25 - Lu (20.00) | Paris_Philharmonie | Modern_ensemble | Goebbels (A House of Call) - …+++
2024-11-21 - Je (20.00) | Paris_Philharmonie | Intercontemporain_ensemble | Grisey (Nout), Saariaho (Oi Kuu, 7 Papillons), Salonen (Meeting), Murail (Lettre Vincent) - …+++

ÉDITORIAUX - HUMEURS

 

Voici en toute modestie quelques regards liés à l'actualité, sans le recul de la Base de données, ni l'objectivité actualisée des Informations brutes… mais sans partialité.

10 Mars 2024 Éditorial n°5 10 Mars 2024… la question de la postérité pour les compositeurs(trices) de la Contemporaine
30 Avril 2022 Relevé d'Apprenti n°25 22 Avril 2022… mort à 87 ans de Harrison Birtwistle, compositeur Anglais moderniste majeur
16 Février 2022 Relevé d'Apprenti n°24 Tristan Murail, revisité par le Festival Présences
30 Décembre 2019 Relevé d'Apprenti n°23 Jean-Claude Risset, le compositeur le plus innovant de sa génération
28 Août 2017 Relevé d'Apprenti n°22 Un nouveau livre majeur en 3 volumes, par Guillaume Kosmicki, sur la Musique moderne
3 Mars 2017 Éditorial n°4 Le XXL-Scope, un nouveau développement majeur du site MCI
9 Janvier 2016 Relevé d'Apprenti n°21 5 Janvier 2016… mort à presque 91 ans du compositeur et entrepreneur phare de la Musique Contemporaine, Pierre Boulez
27 Décembre 2014 Relevé d'Apprenti n°20 Novembre 2013-2014, une année faste pour Gérard Grisey, sans prétexte d'anniversaire
4 Juin 2013 Relevé d'Apprenti n°19 La mort de Henri Dutilleux, à 97 ans, un classique du moment, entre temporel et intemporel
19 Mai 2013 Relevé d'Apprenti n°18 Dans moins d'un mois, c'est le centenaire de la naissance de Maurice Ohana, et à ce jour seuls…
28 Décembre 2012 Relevé d'Apprenti n°17 Décès attendu d'un des très rares compositeurs de sa génération à avoir pleinement intégré l'informatique musicale, Jonathan Harvey
7 Mars 2011 Relevé d'Apprenti n°16 Création ambitieuse de "La Métamorphose", opéra de chambre de Michaël Levinas, d'après Kafka
22 Février 2011 Éditorial n°3 Vive la diversité et la coopération Web 2.0, à bas la notoriété concentrée
26 Septembre 2010 Relevé d'Apprenti n°15 Décès absurde et consternant d'un compositeur météore presque trentenaire, Christophe Bertrand
27 Octobre 2009 Relevé d'Apprenti n°14 Dix CD de référence pour la décennie 2000-2009, selon J.-P. Derrien et D. Jameux… et des contrepoints !
23 Juin 2009 Relevé d'Apprenti n°13 Création scénique de "Pastorale" de Gérard Pesson : un spectacle complet
28 Avril 2009 Relevé d'Apprenti n°12 Concert monographique de Frédéric Pattar (musique de chambre) : une expressivité surprenante
10 Octobre 2008 Relevé d'Apprenti n°11 Révélation surprise d'un jeune compositeur Scandinave à Présences Paris, Jan Erik Mikalsen
25 Septembre 2008 Relevé d'Apprenti n°10 Décès d'un compositeur micro-tonal extrême, Horatiu Radulescu
18 Septembre 2008 Relevé d'Apprenti n°9 Décès d'un compositeur indépendant, sérieux et provocateur, Mauricio Kagel
15 Juillet 2008 Relevé d'Apprenti n°8 La découverte approfondie du très original et saturateur Frank Bedrossian, avec 3 concerts 2E2M
26 Janvier 2008 Relevé d'Apprenti n°7 "Les Sacrifiées", opéra de chambre de Thierry Pécou, ou l'engagement citoyen
16 Décembre 2007 Relevé d'Apprenti n°6 La Musique Contemporaine en 100 disques, un nouveau livre
5 Décembre 2007 Relevé d'Apprenti n°5 Décès brusque d'un compositeur phare, Karlheinz Stockhausen
22 Septembre 2007 Relevé d'Apprenti n°4 Création Française de "Neither", pseudo-opéra de Morton Feldman de 1977
23 Juin 2007 Relevé d'Apprenti n°3 "Wagner dream", opéra de Jonathan Harvey… pour le répertoire ?
12 Mai 2007 Éditorial n°2 La vraie faiblesse congénitale de la Musique Contemporaine, le «share of voice».
8 Mars 2007 Relevé d'Apprenti n°2 Thomas Adès et Présence 2007
15 Novembre 2006 Relevé d'Apprenti n°1 L'opéra de chambre et "Faustus" de Pascal Dusapin
24 Octobre 2006 Éditorial n°1 Ouverture officielle du site Web Musiquecontemporaine.info

Relevé d'Apprenti n°16: 7 Mars 2011... Création ambitieuse de "La Métamorphose", opéra de chambre de Michaël Levinas, d'après Kafka

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Photo: © Frédéric Iovino

Prologue écrit par le dramaturge Valère Novarina : «Je, tu, il»

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Photo: Google

Opéra « La Métamorphose », d'après Kafka, première mondiale

Michaël Levinas est définitivement un compositeur d'opéra (déjà les "Nègres" en 2004 avait été une belle réussite) et cela tient à des singularités dans un genre abondamment exploré (et considéré comme mort, certes avec provocation, dans les années 1950-60)
  1. des livrets intelligents, modernes (actuels), engagés, d'après de grands auteurs (et sur des textes écrits par lui), mais sans ressort dramatique, ce qui entraîne une véritable gageure pour le metteur en scène
  2. une musique différente qui fait la part belle à l'électronique et aux voix, mais sans tentative des incontournables du genre avec contre-fa et consorts ou duos-trios rivalisant de virtuosité
  3. une action ramassée sur un sujet unique, évitant la dispersion

La nouvelle de Franz Kafka (sur quelques 80 pages) est vide de péripéties majeures, une fois que d'emblée la monstruosité de la situation (un jeune homme chargé de famille est transformé en cancrelat, un insecte a priori hideux et puant, voire informe et effrayant) est déjà réalisée, puis se déroule et se transforme avec le regard subjectif des personnages (différenciés). En ce sens, il n'est pas indispensable de lire la nouvelle avant l'opéra (en plus les textes du livret toujours chantés, fidèles à l'esprit du texte original, sont assez banaux, issus des dialogues quotidiens d'une famille ordinaire). C'est la psychologie des personnages et leur relation à cette monstruosité qui est essentielle (et très bien rendue par Levinas dans le chant et la musique) et qui montre bien la méfiance, la xénophobie, le rejet, induits par la monstruosité de la situation de départ d'un homme-insecte hallucinant et piégé.

Le choix d'un court prélude emblématique écrit par le dramaturge Valère Novarina : «Je, tu, il» permet à Levinas de donner un sens de dérision à l'opéra proprement dit, comme un divertissement de l'époque Baroque, en plus de l'absurde froid voulu en priorité par Kafka (prélude de 15 minutes sachant que l'opéra, seul, ne dure que 70 minutes). Et là aussi, c'est une idée intéressante (visuellement aussi, avec 3 poupées en robe rose et perruque posant les questions de l'identité, du sacrifice et de la métamorphose), car ce prologue détachable, peut faire varier la perspective de l'analyse du livret (de la caricature-mascarade avec le prologue, à l'ironie mordante sociétale, sans).

La musique est un mélange singulier et réussi de tourbillon et de statisme, tout à fait dans le style actuel du compositeur qui est unique avec priorité à l'acoustique, aux rythmes se chevauchant et au timbre (mais que ses détracteurs qualifient à tort de bouillie barbouillée, tant les sons granulaires sont mêlés). Et avec peu de moyens (dans la fosse, 15 musiciens de l'Ensemble Ictus, formation Bruxelloise d'élite, avec force percussions douces) multipliés-transformés par l'informatique (en direct, par les équipes de l'Ircam). Et des collages-réminiscences de liturgie Juive et des influences d'Europe Centrale. L'intention électronique n'est pas du tout un gadget moderne. Au contraire, elle permet des sons inouïs, elle raconte la confusion des sentiments des protagonistes et surtout elle s'inscrit parfaitement dans le projet (car elle métamorphose les voix, par transformation et surtout déformation, en même temps que la psychologie et la relation des personnages se transforment, jusqu'à parfois la cacophonie, le désordre (assumés et maîtrisés). Les voix des 9 chanteurs sont traitées comme chez Messiaen (déclamation prépondérante), mais avec des choix personnels (le rôle principal confié à un contre-ténor, presque en fausset immature a-réactif, les femmes du prologue sont sur-aiguës pour la caricature) et tellement habillées par l'informatique que le jugement habituel sur leurs qualités devient sans objet, tout en restant captivé.

Le livret, pourtant une vrai gageure tant le texte de Kafka est tout sauf théâtral, est porté par des personnages humains (une mère incantatoire dévidant son chapelet de Gre-gor litanique, un père meurtrier, hystérique, la sœur solitaire et folle), et se déroule -longue plainte- comme une «Passion» selon Levinas. Il n'y manque qu'un peu de respiration, ici ou là, jusqu'au sacrifice final.

Seulement, l'opéra est un spectacle complet, et le bas blesse, côté mise en scène : elle est tellement immobile et invariable, avec un personnage central piégé debout sur un piédestal fixé sur un poteau statique à 3 mètres de hauteur et des commentateurs agités autour, en bas, qu'elle en devient insignifiante (et lassante). Et son auteur, Stanislas Nordey, en porte seul la responsabilité, car les décors-costumes sont imaginatifs (l'insecte-araignée-tentaculaire qui joue sur sa mollesse, les rideaux du fond mobiles qui appellent des interprétations ambiguës, les costumes contrastés des femmes du prologue en rose bonbon) et les lumières reflètent les variations des personnages en clair-obscur.

Au total, un opéra audacieux (y compris dans la musique), un huis-clos tendu et déconcertant (apostrophant le public), sur un thème intéressant (sur l'ostracisme), mais un opéra confiné et à l'émotion froide. Ce qui est de bonne augure pour le futur avec une vraie mise en scène et des respirations dans le déroulé.

Jean Huber

Addendum (20 Septembre 2011 : sur le blog de l'opéra de Lille à http://www.opera-lille.fr/blog/ (entre Janvier et Mars), beaucoup de documentation de valeur sur la préparation de cet opéra marquant et notamment un dialogue entre Michaël Levinas et le cinéaste Roman Polanski qui a joué la pièce de Kafka dans sa jeunesse au théâtre, dont voici quelques extraits savoureux :
- M.L. : Vous avez accepté de jouer le rôle de Gregor dans La Métamorphose de Kafka. Il y avait, sans doute, des raisons liées à vos propres préoccupations quand vous l'avez fait.
- R.P. : Kafka est un des auteurs que j'ai découvert très jeune dans notre Pologne communiste où ce genre de littérature était pratiquement défendu (interdit). On ne pouvait rien trouver, ni dans des bibliothèques, ni à l'école, ni dans la presse quotidienne. Kafka était comme Bruno Schulz ou Gombrowicz, que j'ai découverts à la même période. Il appartenait à ces auteurs que j'admirais et qu'on lisait dans la clandestinité. J'ai gardé une faiblesse pour Kafka à cause de tout ça.

M.L. : Vous avez une faiblesse pour ce qui est interdit ou une faiblesse pour Kafka ?
R.P. : J'ai des faiblesses pour les premières œuvres interdites que j'ai lues entre 14 et 16 ans.

M.L. : Vous savez que Kafka interdisait que soit représenté Gregor, qui par rapport au travail et à la question de la représentation, est en effet quelque chose de troublant ; un corps humain qui si transforme. S'agit-il d'une transformation animale ou de quelque chose de monstrueux ?
R.P. : Je veux vous dire comment Kafka est vu en Pologne, contrairement à ce que j'ai découvert avec étonnement en France. En Pologne, on voit dans les textes de Kafka beaucoup d'humour ; dans le pays d'origine de Kafka aussi on (y) voit beaucoup d'humour. En France, Kafka est considéré comme un auteur lugubre, dramatique, sombre, tragique. La dimension surréaliste de Kafka, qui chez nous est interprétée du coté de l'humour, ici est prise extrêmement au sérieux.

M.L. : Avez-vous vécu ce rôle comme un rôle paradoxal ?
R.P. : Je ne l'ai pas vécu comme un rôle comique, mais je vois de l'humour dedans, une espèce d'ironie qui est présente dans tout Kafka d'ailleurs. Ce côté ironique est perçu ici comme dramatique.

M.L. : Dans ce cas-là, si c'est si ironique, pourquoi les systèmes totalitaires interdisaient-ils ce texte ?
R.P. : Parce que ce n'était pas du «réalisme socialiste» ! Un type qui se transforme en scarabée c'est incompréhensible dans la réalité de l'ouvrier et du paysan socialiste. Ce genre de littérature n'avait pas sa place dans un régime communiste, tout simplement. Tout ce qui n'était pas du réalisme socialiste – c'est-à-dire, représentant la réalité de la classe ouvrière – était interdite.

M.L. : Permettez que je vous entraîne vers la perspective Occidentale. Vous savez mieux que personne qu'un texte échappe à ses propres créateurs. Si l'on y voit quelque chose de tragique, c'est que, malgré ou contre Kafka, ou malgré la première lecture du texte, cela signifie que le tragique existe dans le texte tout de même. Considérez-vous que, par exemple, Le Nez de Gogol, qui quitte brusquement le corps d'un homme, comme un texte qui représente une situation susceptible d'une lecture comique, autant pour nous que pour la tradition d'origine ? Quand je dis ça, je pense notamment à la lecture que Nabokov a faite de Kafka. On est dans une interprétation bien éloignée du réalisme socialiste.
R.P. : Je ne connais pas Le Nez de Gogol, donc je ne peux pas voir le côté symbolique dedans. On lisait Gogol, bien sûr, mais à cette période, en Pologne, plutôt Le Réviseur. En ce qui concerne Nabokov, je trouve qu'il y a beaucoup d'humour dans sa lecture.

M.L. : Effectivement vous avez raison. Saviez-vous que Kafka riait en lisant lui-même La Métamorphose ? Il lisait ce texte en éclatant de rire.
R.P. : Vous voyez, je ne le savais pas ! C'est comme ça que nous on voyait Kafka. C'est comme ça qu'il me semble naturel de lire Kafka. A cette époque, je voyais l'humour dans Kafka. J'étais étonné quand je suis venu en France pour la première fois, et qu'on parlait de Kafka comme d'un auteur extrêmement sombre, dramatique et déprimant. C'est pas du tout ça, pas du tout !

M.L. : Comment avez-vous vécu la représentation de cette monstruosité au théâtre quand vous l'avez jouée ? Comme avez-vous résolu la question de la gravitation par exemple, ce n'est pas du cinéma, c'est du théâtre, vous êtes sur une scène.
R.P. : C'est le genre de théâtre que j'aime. C'est pourquoi j'ai voulu faire le rôle. Le théâtre que j'aime ce n'est pas un salon ou une salle à manger coupée en deux, c'est plutôt une scène où il n'y a rien ou très peu. Les interprètes arrivent à créer le reste par le verbe et les gestes à l'aide de la lumière. C'est ça le théâtre, sinon cela ne vaut pas la peine et alors je préfère le cinéma. Pourtant j'ai déjà expérimenté le théâtre comme un salon divisé en deux, avec d'un côté le public de l'autre, les acteurs, mais seulement pour voir comme cela fonctionne. Sinon, ce que j'ai fait comme metteur en scène, c'était un espace créé par la disposition de quelques meubles placés à vue. La conception de métamorphose où il y a sur scène juste un échafaudage sur lequel le personnage central évolue en se métamorphosant, en allant vers autre chose qu'un homme. J'ai bien aimé faire cette expérience.



Actualisation : 11 Janvier 2024

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