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Le compositeur Roumain Horatiu Radulescu
est mort à Paris dans sa patrie d'adoption qu'il aimait tant, mais qui ne
lui a rendu qu'ingratitude!... Il faut reconnaître que l'homme s'est mis
à dos les cercles spécialisés par ses prises de positions extrêmes, extravagantes
et dérangeantes, avec une drôlerie caustique (il ne supporte pas
ce qu'il considère comme de la médiocrité, et il le clame haut et
fort).
Considéré bien à tort par les Médias comme le «père fondateur» ou
«l'inventeur» de la Musique Spectrale (le vrai fondateur est l'Italien
Scelsi en 1959), il est en fait l'initiateur, en
1969, avec "Credo", de la
généralisation des quarts de tons (et aussi des tiers de tons, car il
appréciait la Musique Arabe, comme le Rai Algérien) dans le cadre de la «scordatura spectrale» comportant des intervalles inégaux, peu nombreux dans le grave et de plus en plus nombreux en montant vers l'aigu,
qui aboutit à un style
musical unique, très «planant», dérivé de Scelsi (alors que les compositeurs Français
qui ont créé le concept, le terme et le langage si différents, dits de l'école
spectrale, Grisey-Murail-Levinas, et Dufourt, pour seulement le nom, associent micro-intervalles et dérive
temporelle). Toutefois cette rectification historique n'enlève rien à l'absolue originalité de sa
musique et à la fascination auditive que procurent son style cosmique, démesuré et ses combinaisons jouissives de timbres et de
sons.
Voici une suggestion de sélection de ses pièces majeures (sur une centaine), à découvrir et à inscrire
très vite aux programmes des concerts : "Credo" (1969, pour 9 violoncelles),
"Capricorn's Nostalgic Crickets" (1973-1980, pour 7 instruments à vents), "Doruind" (1976, pour 48 voix), "Thirteen Dreams Ago" (1978, pour 33 musiciens à cordes), "Do emerge ultimate Silence" (1974-1984, pour 68 voix d'enfants, par 2, a capella, en 34 hauteurs spectrales), "Iubiri" (1981, pour
ensemble), "Das Andere" (1984, pour trio à cordes et percussion), "Inner Time I, II, III" (1982, 1993, 1994, pour clarinettes), "Infinite to be cannot be infinite, infinite anti-be could be infinite" (1987, pour 9 quatuors, 8 d'entre eux pouvant être pré-enregistrés), "Being and Non-being Create each other" (1991, sonate pour piano n°2), "Byzantine Prayer" (1993, pour 40 flûtistes), Concerto pour piano "The Quest" (1996), "Like a Well... older than God" (1993, sonate pour piano n°4), Concerto pour violoncelle "Ulysses" (1999).
Je ne l'ai rencontré qu'une seule fois au début des années 1980, et
(d'après mes quelques notes, lapidaires) le personnage est apparu
extrême, entier, presque mégalo et halluciné, viscéralement
instinctif, incroyablement contrasté, en tout cas protégé par une
épaisse carapace, à la fois brillant intellectuellement et déraciné
(«ailleurs», dans sa planète fantasmatique). D'après les observateurs, le personnage est notoirement complexe (y compris dans les postures qu'il affecte, comme ses photos marquant une ressemblance avec un Beethoven vénéré à outrance -jusque dans la coiffure-, ses goûts de richesse ostentatoire (partiellement assouvis), ses projets tapageurs, ses contrastes précaires (au niveau de la spiritualité, il clame appartenance au Catholicisme et au
Taoïsme, celui de Lao Tzeu).
Il faut souhaiter qu'avec le recul ses oeuvres, enfin dûment cataloguées
et jouées en France, prennent leur véritable dimension, celle d'un
créateur puissant, indépendant, dont la musique planante fait rêver, et qui a marqué de sa patte inimitable
la Musique Contemporaine, une patte tôt mise en place et restée
cohérente, alors que les Spectraux étaient depuis longtemps passés à
autre chose.
Jean Huber, 29 Septembre 2008
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